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16/04/2013 | FRANCE | N°11/01131

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 16 avril 2013, 11/01131


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT DU 16 Avril 2013
ARRÊT N
AD/ FB
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01131

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 14 Avril 2011, enregistrée sous le no 10/ 00427

APPELANTE :
Madame Nadine X...... 72250 BRETTE LES PINS
représentée par Monsieur Michel Y..., muni d'un pouvoir
INTIMEE :
SARL ELECTRO Z... Zone Industri

elle du Polygone 3 rue Roberval 72100 LE MANS
représentée par la SELARL JURI OUEST (Maître Gildas BON...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT DU 16 Avril 2013
ARRÊT N
AD/ FB
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01131

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 14 Avril 2011, enregistrée sous le no 10/ 00427

APPELANTE :
Madame Nadine X...... 72250 BRETTE LES PINS
représentée par Monsieur Michel Y..., muni d'un pouvoir
INTIMEE :
SARL ELECTRO Z... Zone Industrielle du Polygone 3 rue Roberval 72100 LE MANS
représentée par la SELARL JURI OUEST (Maître Gildas BONRAISIN), avocats au barreau du MANS en présence de Monsieur Antoine Z..., gérant
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 29 Janvier 2013 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Anne DUFAU, assesseur Madame Anne LEPRIEUR, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT : du 16 Avril 2013, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******

FAITS ET PROCEDURE
Mme Josiane A..., Mme Maryse B..., Mme Nadine X..., Mme Ghislaine D... ont été engagées par la société LCX Leblanc Chromex, dont le siège est au Mans et qui fabrique et commercialise des produits chauffants destinés aux professionnels comme au grand public, les deux premières comme soudeuses, les deux dernières comme mécaniciennes, selon contrats à durée indéterminée des 11 avril 1983 pour Mme A..., 5 avril 1983 pour Mme B..., 5 avril 1989 pour Mme X..., et 5 avril 1983 pour Mme D....
Leurs contrats de travail ont été transférés le 1er juillet 2005, avec reprise d'ancienneté, à la société Electro Z....
Elles ont toutes les quatre été licenciées pour motif économique le 8 juin 2010.
Comme l'ont fait les trois autres salariées, Mme X... a le 23 juillet 2010 saisi le conseil de prud'hommes du Mans en formant à l'encontre de la sarl Electro Z... des demandes de rappel de salaire sur 13ème mois, de rappels de congés payés, de rappels de congés payés d'ancienneté, de rappels d'indemnité de licenciement, et en demandant la remise sous astreinte de 100 € par jour de retard de bulletins de paie rectifiés, et d'une attestation Pôle Emploi rectifiée, ainsi que la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour non application des critères d'ordre des licenciements, outre la somme de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 14 avril 2011, le conseil de prud'hommes du Mans a dit le licenciement économique de Mme X... justifié, a dit que l'obligation de reclassement avait été respectée, les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements régulièrement appliqués, et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, la condamnant aux dépens.
Elle a régulièrement fait appel de cette décision, par lettre postée le 27 avril 2011.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 5 juin 2012, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, Mme X... demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner la sarl Electro Z... à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour non application des critères d'ordre des licenciements, et celle de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle demande la condamnation de la sarl Electro Z... aux dépens, et les intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.
Elle précise à l'audience, sur question de la cour, ne soutenir que la demande de dommages-intérêts pour non respect des critères d'ordre des licenciements ;
Elle fait valoir :- d'une part que la sarl Electro Z... ne justifie pas avoir consulté le comité d'entreprise ou les délégués du personnel, alors que le code du travail le prévoit, s'agissant d'un licenciement économique collectif,- d'autre part qu'on l'a notée 10/ 20 pour le savoir faire en soudure alors que d'autres ouvrières sont notées 20, et qu'elle a une grande ancienneté ; que la lettre de licenciement ne lui fait aucun grief sur ce point et que l'employeur ne justifie pas cette note de 10.
Elle observe qu'elles ont été, elle et ses trois autres collègues licenciées ensuite, les seules à avoir été mises à la disposition de la société Groupe LCX, ce qui selon elle montre que leur licenciement était d'ores et déjà décidé.
**** Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 14 janvier 2013, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la sarl Electro Z... demande la confirmation du jugement entrepris, et la condamnation de Mme X... à lui payer la somme de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La sarl Electro Z... rappelle que le contrat de travail lui a été transféré le 1er juillet 2005 par la société LCX Leblanc Chromex et qu'elle a repris à son compte l'ancienneté acquise par la salariée depuis le début d'exécution du contrat de travail avec cette dernière ; que par lettre du 14 avril 2010 elle a proposé une modification du contrat de travail en ce que la durée hebdomadaire de travail était réduite de 35 heures à 17 heures 50, ce que Mme X... a refusé par courrier en réponse du 17 avril 2010.
Elle ajoute avoir engagé le 17 mai 2010 une procédure de licenciement collectif pour motif économique, et que chacune des salariées licenciée s'est vu proposer lors de l'entretien préalable au licenciement une offre de reclassement, refusée, et la convention de reclassement personnalisé, à laquelle elles ont toutes adhéré ; que les contrats de travail sont, du fait de la convention de reclassement personnalisé, venus à terme le 16 juin 2010.
L'intimée soutient, reprenant ses explications d'ensemble telles qu'énoncées devant les premiers juges, que la lettre de licenciement est motivée selon les exigences de la jurisprudence, que ses difficultés économiques sont établies, et qu'elle a fait une recherche de reclassement.
Quant à l'ordre des licenciements, la société Electro Z... expose avoir procédé à la suppression de 4 postes de travail, dans la catégorie ouvrier de production, qui en regroupait 7, et avoir fixé pour critères, conformément aux dispositions du code du travail : l'ancienneté, l'âge, les charges de famille, les qualités professionnelles.
Elle expose à l'audience, par la voix de son gérant M. Z..., qu'il n'y avait pas de délégué du personnel dans l'entreprise, et que les critères ont été fixés par l'employeur, de manière objective et en discussion avec les salariés.
Elle indique avoir valorisé les critères définis ainsi : *1 point par année d'ancienneté, *1point par année d'âge au-delà de 20 ans, *8 points par enfant à charge, *jusqu'à 20 points en termes de savoir faire soudure, *jusqu'à 20 points en termes d'autonomie dans l'activité professionnelle.
La sarl Electro Z... produit le tableau qu'elle a dressé, en application de ces critères, pour les 7 salariées de la catégorie concernée, qui montre que Mme X... fait partie des 4 salariées ayant obtenu le moins de points.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les demandes de rappels de salaires, de rappels de congés payés, de rappels de congés payés d'ancienneté, de rappels d'indemnité de licenciement, de remise sous astreinte de bulletins de paie rectifiés et d'une attestation pôle emploi rectifiée :
Mme X... ne forme devant la cour aucun moyen quant à ces chefs de demandes ; Le jugement est confirmé en ce qu'il l'en a déboutée ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour non respect des critères d'ordre des licenciements :
Le salarié qui a adhéré à une convention de reclassement personnalisé est recevable à contester l'ordre des licenciements ;
L'article L1233-5 du code du travail énonce : " Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise, ou, à défaut, des délégués du personnel. Ces critères prennent notamment en compte : 1o Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; 2o L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; 3o La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur insertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; 4o Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. "
L'établissement de l'ordre des licenciement s'impose avant tout licenciement, qu'il soit individuel ou collectif, et les critères peuvent résulter de la convention collective, ou être arrêtés par l'employeur ; la convention collective de la métallurgie de la Sarthe, appliquée par l'entreprise, ne les définissant pas, ils ont été arrêtés par l'employeur ;
Aux termes de l'article L1233-31 du code du travail, l'employeur qui envisage une mesure de licenciement collectif doit adresser aux représentants du personnel tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif, et notamment " les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements " ;
Il résulte de l'application combinée des articles susvisés que les représentants du personnel doivent en tout état de cause, en l'absence de définition des critères d'ordre des licenciements par la convention collective applicable, être consultés par l'employeur sur leur établissement ;
La sarl Electro Z... avait habituellement 18 salariés, et devait en conséquence, aux termes de l'article R 2314-1 du code du travail, élire un délégué du personnel titulaire, et un délégué du personnel suppléant ; Elle se contente de dire qu'il n'en a pas existé dans l'entreprise, mais ne produit aucun procès-verbal de carence justifiant de l'organisation d'élections dans les conditions visées par l'article L2314-2 du code du travail ;
Elle ne peut dès lors utilement invoquer les critères d'ordre des licenciements qu'elle n'a pas soumis à l'avis du délégué du personnel, et Mme X... est d'ores et déjà fondée, sur son premier moyen, à obtenir des dommages-intérêts pour non respect par la sarl Electro Z... des règles relatives à l'établissement des critères d'ordre des licenciements ;
La salariée conteste d'autre part la notation qui lui a été attribuée par la sarl Electro Z..., quant au critère tenant aux qualités professionnelles, en savoir faire soudure ;
La sarl Electro Z... verse aux débats le tableau d'application des critères d'ordre des licenciements tels qu'elle les a définis, et ses conséquences pour les sept salariées de la catégorie professionnelle concernée par la suppression de quatre postes :
Nom-prénom ancienneté-points âge-points (année de naissance) enfants-points qualités professionnelles savoir faire soudure-autonomie total E... 11/ 79 30 61 28 0 0 20 15 93 F... 10/ 79 30 56 33 0 0 20 15 98 D... 04/ 83 27 52 37 0 0 10 15 89 X... 04/ 89 21 59 30 1 8 10 15 84 G... 03/ 83 27 60 30 0 0 20 15 92 B... 04/ 83 27 57 33 0 0 10 15 85 A... 04/ 83 27 55 34 0 0 20 10 91
Il ressort du dit tableau que Mme X... n'aurait pas été licenciée, puisqu'elle aurait eu le deuxième total le plus élevé (94), si elle avait été notée 20 au savoir faire soudure ;
Il entre dans le cadre du pouvoir de direction de l'employeur d'évaluer ses salariés, et le juge ne peut se substituer à lui dans cette évaluation ;
L'appréciation des qualités professionnelles doit cependant reposer non seulement sur un ou des critères objectifs, mais l'application à chaque salarié de ces critères doit, elle aussi, résulter d'éléments vérifiables et objectifs ;
Si les critères retenus, soit le savoir faire soudure, et l'autonomie dans le travail sont des critères de nature objective, la sarl Electro Z... ne communique en revanche aucun élément justifiant l'application à Mme X... d'une note de 10/ 20 en savoir faire soudure ;
L'employeur ne produisant pas les éléments objectifs sur lesquels il s'est appuyé pour arrêter son choix, Mme X... est encore fondée à solliciter des dommages-intérêts pour non respect des critères d'ordre des licenciements ;
L'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements pour motif économique n'est pas soumise aux sanctions énoncées par les articles L1235-2 à L1235-5 du code du travail, mais constitue pour le salarié une illégalité qui entraîne pour celui-ci un préjudice pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de son emploi ;
Ce préjudice doit être intégralement réparé, et il appartient au juge d'en apprécier l'étendue ;
Du fait du non-respect par son employeur des critères d'ordre des licenciements, Mme X... s'est en effet trouvée privée de son emploi, de façon injustifiée ; elle n'a pas retrouvé d'emploi, et avait 51 ans au moment du licenciement ; son salaire mensuel brut était de 1428, 95 € ; elle a perçu une indemnité de licenciement de 13 164, 64 € ;
La cour trouve en la cause les éléments nécessaires pour évaluer, par voie d'infirmation du jugement, les dommages-intérêts qui lui sont dus à la somme de 3000 € ;
Les intérêts sont dus au taux légal à compter du présent arrêt ;
Sur les dépens et frais irrépétibles :
Le jugement est infirmé en ses dispositions afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens ; Il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme X... les frais non compris dans les dépens et engagés dans la première instance et dans l'instance d'appel ; la sarl Electro Z... est condamnée à lui payer, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1000 € et doit être déboutée de sa propre demande à ce titre ; La sarl Electro Z... qui perd le procès en cause d'appel est condamnée à payer les dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en ses seules dispositions relatives à l'application des critères d'ordre des licenciements,
statuant à nouveau,
Condamne la sarl Electro Z... à payer à Mme X... la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts pour non respect des critères d'ordre des licenciements,
Dit que les intérêts sont dus au taux légal à compter du présent arrêt,
Y ajoutant,
Condamne la sarl Electro Z... à payer à Mme X... la somme de 1000 € pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, et la déboute de sa propre demande,
Condamne la sarl Electro Z... à payer les dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01131
Date de la décision : 16/04/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-04-16;11.01131 ?
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