COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 02 Avril 2013
ARRÊT N AL/ FB
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02310.
Jugement Au fond, origine Conseil de prud'hommes-Formation de départage d'ANGERS, décision attaquée en date du 26 Août 2011, enregistrée sous le no 09/ 00478
APPELANTS :
SARL ASTIM 37, boulevard du Maréchal Foch 49000 ANGERS
Maître Odile X... en qualité de mandataire judiciaire de la SARL ASTIM en redressement judiciaire... 49002 ANGERS CEDEX 01
représentés par Maître Hélène RABUT, substituant Maître Gérard SULTAN, avocat au barreau d'ANGERS
CGEA RENNES Immeuble Magister 4 cours Raphaël Binet 35069 RENNES
représenté par Maître André FOLLEN (LEXCAP), avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
Madame Stéphanie Y...... 49400 SAUMUR
représentée par la SCP GUYON ALAIN-CAO PAUL, avocats au barreau d'ANGERS COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Février 2013 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 02 Avril 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
Mme Y... a été engagée en qualité d'assistante commerciale par la société Agence Saumuroise Transaction Immobilière (Astim), selon contrat de travail à durée indéterminée du 16 avril 2002, moyennant un salaire mensuel brut de base de 1 126 €. La société Astim a pour activité le négoce de biens immobiliers, exploite deux agences immobilières situées à Saumur et Doué la Fontaine sous le nom commercial Avis Immobilier et employait 10 personnes. La convention collective applicable est la convention collective nationale de l'immobilier.
A l'issue de son congé de maternité, Mme Y... a pris 15 jours de congés payés, puis a repris son travail le 22 septembre 2008.
Le 20 novembre 2008, elle a, par lettre recommandée avec accusé de réception, demandé à son employeur d'être réintégrée à son poste de travail en les termes suivants : " (...) A mon retour de congé maternité, je reprends le travail sans retrouver mon poste qui est déjà occupé. Selon le code civil du travail, j'utilise mon droit à réclamer la réintégration à 100 % de mon poste avec conditions et avantages conformes à mon contrat. "
Elle a été convoquée, par lettre du 28 novembre 2008, à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique.
Elle a été licenciée le 18 décembre 2008 pour motif économique, selon lettre mentionnant : " Nous vous informons que nous sommes contraints de procéder désormais à votre licenciement économique pour motif suivant : Baisse de l'ordre de 37 % de notre activité commerciale et de notre chiffre d'affaire. Cette situation économique met en péril la pérennité de notre Entreprise et nous met dans l'impossibilité de vous proposer ni une réduction de vos horaires ni un autre poste au sein de notre établissement du fait de sa structure et de la particularité du poste que vous occupez dans notre entreprise. Ce motif nous conduit à supprimer votre poste. (...) "
La salariée a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 7 avril 2009 de demandes tendant au paiement d'une somme à titre de contrepartie financière à la clause de non-concurrence, de 30 000 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, outre de 2 000 € au titre des frais irrépétibles.
Par un premier jugement rendu le 17 décembre 2010 sous la présidence du juge départiteur et devenu définitif, la société a été condamnée au paiement de la somme de 8 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du respect d'une clause de non-concurrence illicite. Le conseil a sursis à statuer sur le reste des prétentions de la salariée et ordonné la réouverture des débats sur l'appartenance de la société à un groupe et l'impossibilité de reclassement au sein de ce groupe.
Par un second jugement rendu le 26 août 2011, le conseil de prud'hommes a jugé que le licenciement était, non pas nul, mais dénué de cause réelle et sérieuse, faute pour la société de justifier de recherches de reclassement au sein du groupe Avis immobilier, et a condamné celle-ci en conséquence au paiement de la somme de 14 000 € à ce titre, outre la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter du jugement. La salariée a été déboutée de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement. Il a été dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
La société a-régulièrement-interjeté appel intégral de ce second jugement.
La société a été placée en redressement judiciaire sans administrateur par jugement du tribunal de commerce d'Angers en date du 28 mars 2012, la période d'observation étant fixée à 6 mois et Mme X... désignée en qualité de mandataire judiciaire.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société et le mandataire judiciaire concluent à l'infirmation du jugement entrepris et au débouté de la salariée de l'intégralité de ses demandes, outre à sa condamnation au paiement à la société de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir que la salariée ne démontre pas l'existence d'un cas de nullité de son licenciement, étant observé qu'elle a bien retrouvé son emploi à l'issue de son congé de maternité et que seules ses conditions de travail ont été modifiées, ladite modification consistant en l'occurrence en un changement de bureau. La lettre de licenciement est motivée conformément aux exigences légales et jurisprudentielles. Par ailleurs, le motif économique est réel, en ce qu'il est dénué de rapport avec la lettre de doléances adressée par la salariée. Motivé par la nécessité de réorganiser l'entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité, Il est également sérieux, la société ayant mis à profit une situation financière encore saine pour adapter ses structures et éviter les difficultés à venir, compte tenu de ses résultats fortement dégradés pour l'année 2008 et des perspectives négatives pour l'année 2009. Sur l'ordre des licenciements, la société, si elle a pris en compte tous les critères prévus par la loi, a privilégié le critère des qualités professionnelles. S'agissant de l'obligation de reclassement, aucun poste n'était disponible au sein de la société. Par ailleurs, la société n'appartient pas à un groupe, ni au sens capitalistique, ni au sens de la jurisprudence relative à l'obligation de reclassement, puisqu'aucune possibilité de permutation de personnel n'existait entre les différentes sociétés de la franchise Avis, lesquelles sont juridiquement distinctes, peu important les mentions commerciales figurant sur le papier à en tête de la société ou bien celles contenues dans le contrat de travail, lesquelles ne valent pas reconnaissance de l'appartenance à un groupe. Enfin, la salariée, qui ne justifie pas d'un préjudice subi au titre de l'irrégularité de la procédure consistant en l'absence de mention dans la lettre de licenciement de la priorité de réembauchage, n'a pas formulé de demande précise de ce chef.
L'AGS, intervenant par l'UNEDIC-C. G. E. A de Rennes, conclut à la réformation du jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse. Subsidiairement, pour le cas où une créance serait fixée au passif du redressement judiciaire de la société, cette garantie ne serait due que dans les limites et plafonds prévus aux articles L. 3253-8, L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.
Pour l'essentiel, elle rejoint les observations de la société. Elle ajoute que le conseil de prud'hommes a retenu l'existence d'un groupe, alors même que les sociétés ne sont unies par aucun lien, sinon la franchise, et que la demanderesse n'établit pas l'existence d'une permutabilité du personnel.
La salariée conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse et sollicite que sa créance soit fixée à ce titre à 25 000 € nets et que les dépens soient employés en frais privilégiés du redressement judiciaire. A l'audience, elle a demandé en outre la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles.
Elle soutient que son licenciement est nul comme fondé en réalité, non sur le motif énoncé, mais sur sa réclamation tendant à la réintégration dans son poste, comme le démontre la concordance des dates entre sa lettre de doléances et l'engagement de la procédure de licenciement. A tout le moins, son licenciement est fondé sur une discrimination liée à son retour de congé de maternité. En tout état de cause, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, la lettre de licenciement ne mentionnant pas, outre l'existence de difficultés économiques, l'incidence de ces raisons économiques sur l'emploi et ce, de façon individualisée. Et le licenciement est d'autant plus dépourvu de cause réelle et sérieuse que la salariée nouvellement embauchée pour remplacer Mme Y... durant son congé de maternité a été conservée au détriment de celle-ci. Enfin, l'employeur ne justifie pas avoir satisfait à son obligation de reclassement.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS DE LA DECISION
-Sur la nullité du licenciement :
En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte n'est pas démontrée, seul étant établi le fait qu'à son retour de congé de maternité, la salariée s'est vue attribuer un nouveau bureau.
Il résulte par contre des attestations fournies que la salariée a retrouvé son emploi d'assistante commerciale à l'issue de son congé de maternité, conformément aux dispositions de l'article L1225-25 du code du travail, les mêmes fonctions lui étant confiées et sa rémunération étant inchangée, peu important le changement affectant ses conditions matérielles de travail, soit l'attribution d'un nouveau bureau.
Enfin, la cause économique de licenciement est réelle en ce sens qu'il est justifié par l'employeur, par la production d'un document intitulé " Décisions dans le cadre de la procédure des licenciements économiques ", de ce qu'il était envisagé, dès le 1er octobre 2008, des licenciements pour motif économique selon un calendrier prévisionnel, les premiers licenciements devant intervenir au mois de décembre. D'autres licenciements sont intervenus en janvier 2009. Dans ces circonstances, comme exactement relevé par les premiers juges, la seule proximité temporelle entre la lettre de réclamation de la salariée et la lettre de convocation à entretien préalable ne suffit pas pour retenir que le motif réel de licenciement n'était pas économique.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef de demande.
- Sur la motivation de la lettre de licenciement :
La lettre de licenciement pour motif économique doit comporter non seulement l'énonciation des difficultés économiques, mutations technologiques ou de la réorganisation de l'entreprise, mais également l'énonciation des incidences de ces éléments sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié.
La salariée conteste la motivation de la lettre de licenciement, exclusivement en ce sens qu'elle ne décrirait pas l'incidence des motifs économiques sur la nécessité de supprimer son emploi et ce, de façon individualisée. En cet état, la lettre de licenciement, qui invoque la suppression de l'emploi de la salariée, est suffisamment motivée.
- Sur la méconnaissance de l'obligation de reclassement :
Selon l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Il appartient à l'employeur, qui prétend s'être trouvé dans l'impossibilité d'effectuer un tel reclassement, d'en apporter la preuve.
En l'espèce, comme exactement retenu par les premiers juges, le contrat conclu entre les parties mentionnait en son article 1, intitulé " Engagement " : " Le salarié s'engage à accepter toute mutation dans les Agences appartenant au groupe ou dans lesquelles le groupe posséderait des participations directes ou indirectes, quelle que soit leur implantation géographique. " En son article 3, relatif au lieu d'exercice des fonctions, il indiquait : " Le salarié exercera ses fonctions à l'agence de Saumur, étant entendu qu'il sera amené de manière habituelle par ses fonctions, à effectuer des déplacements à l'extérieur de l'agence, ou toute agence de la Société ou d'Avis Immobilier, ou à être muté. "
Le papier à en-tête de la société, sur lequel a été rédigée la lettre de licenciement, mentionne l'existence en Maine-et-Loire de 7 agences Avis immobilier, nom commercial sous lequel la société Astim exerçait ses activités. Il résulte de ces éléments que l'employeur lui-même, de par les termes du contrat de travail ainsi que des mentions figurant sur son papier à en-tête, a considéré qu'il existait des possibilités de permutation de personnel, à tout le moins entre les sept agences du Maine-et-Loire exerçant sous l'enseigne Avis immobilier et ce, du fait de leurs activités et de leurs lieux d'exploitation.
La société ne produisant aucun élément permettant d'écarter l'existence de telles possibilités, il convient de considérer que le périmètre de reclassement s'étendait aux agences susvisées.
La société ne justifiant pas s'être trouvée dans l'impossibilité de reclasser la salariée dans l'ensemble des agences concernées, le jugement, en ce qu'il a retenu que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, sera confirmé.
Lorsque le licenciement d'un salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse, celui-ci ne peut cumuler des indemnités pour perte injustifiée de son emploi et pour inobservation de l'ordre des licenciements. Il n'y a donc pas lieu, après avoir retenu l'absence de cause réelle et sérieuse, d'examiner le moyen tiré des critères d'ordre de licenciement.
- Sur l'indemnité pour irrégularité de la procédure :
La cour n'étant saisie d'aucune demande ni d'aucun moyen du chef de l'irrégularité de la procédure consistant en l'absence de mention dans la lettre de licenciement de la priorité de réembauche, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande.
- Sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Le montant de l'indemnité allouée à ce titre a été exactement apprécié par les premiers juges. Les pièces produites en cause d'appel ne justifient pas une augmentation de ce montant.
- Sur l'application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail :
Par application des dispositions précitées, il convient de fixer dans le redressement judiciaire de la société Astim la créance de Pôle emploi au titre des indemnités de chômage versées à la salariée et ce dans la limite de quatre mois à compter de son licenciement.
- Sur la garantie de l'AGS :
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS intervenant par l'UNEDIC-C. G. E. A de Rennes, laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à Mme Y... que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à fixer la créance de Mme Y... dans la procédure collective de la société Astim aux sommes suivantes :-14 000 € nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-1 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Condamne Mme X..., en sa qualité de mandataire au redressement judiciaire de la société Astim, à verser à Mme Y... la somme de 1000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Déboute la société Astim et Mme X..., en sa qualité de mandataire au redressement judiciaire de la société, de leur demande formée sur ce même fondement ;
Fixe dans la procédure collective de la société Astim la créance de Pôle emploi au titre des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de quatre mois à compter de son licenciement ;
Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS intervenant par l'UNEDIC-C. G. E. A de Rennes et dit qu'elle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à Mme Y... que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail ;
Condamne Mme X..., en sa qualité de mandataire au redressement judiciaire de la société Astim, aux entiers dépens de première instance et d'appel.