COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 02 Avril 2013
ARRÊT N BAP/ FB
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02024.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 06 Juillet 2011, enregistrée sous le no F 10/ 00204
APPELANT :
Monsieur Christian X...... 11110 SALLES D AUDE
représenté par Maître Delphine BRETON, substituant Maître Henri LOISEAU, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
SARL SM2D Zone Artisanale de Beausoleil 53950 LOUVERNE
représentée par Maître Anne Florence LE GOURIFF (SELARL OUTIN GAUDIN et ASSOCIES), avocat au barreau de LAVAL COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2013 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 02 Avril 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
M. Christian X... a été engagé par la société SM2D, sise à Louverne (53950), comme commercial, suivant deux contrats de travail à durée déterminée successifs, souscrits, pour le premier, du 20 juillet au 18 octobre 2009, et, pour le second, du 19 octobre au 31 décembre 2009. Sa rémunération était composée d'un fixe de 8, 82 euros bruts de l'heure pour 35 heures hebdomadaires de travail, ainsi que d'une prime de 2 % sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé. Il était noté que la convention collective applicable était celle de la métallurgie.
Le 30 décembre 2009, M. X... a conclu avec la société SM2D un contrat de travail à durée indéterminée, à effet au 1er janvier 2010, en qualité de responsable de projets, niveau III, échelon 3, coefficient 240, de la convention collective des industries métallurgiques, mécaniques, électriques, connexes de la Mayenne, moyennant une rémunération brute horaire de 15 euros pour 35 heures hebdomadaires de travail, ses frais de déplacement lui étant par ailleurs remboursés " sur la base des allocations forfaitaires (ou dépenses réelles sur présentation des justificatifs) suivant :- indemnité repas sur le lieu de travail : 5. 40 €- indemnité repas sur chantier ou hors des locaux de l'entreprise : 7. 90 €- indemnité repas lors d'un grand déplacement : 16. 10 €- logement et petit déjeuner grand déplacement autre que Région Parisienne : 42. 80 € ". Il était prévu une période d'essai de deux mois.
La société SM2D est la holding des sociétés Laval mécanique, Evron mécanique et Aven métal qui ont pour activité l'usinage, la chaudronnerie, la maintenance industrielle, la découpe plasma oxycoupage et la soudure alu-acier-inox.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 février 2010, la société SM2D a mis fin à la période d'essai et au contrat de travail de M. X..., le terme en étant fixé au 26 février suivant au soir.
M. X... a émis le 14 avril 210 " une proposition transactionnelle " à la société SM2D, par le truchement de son avocat.
La société SM2D n'y ayant pas donné suite, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Laval le 23 août 2010 aux fins que :- la fin de la période d'essai intervenue le 10 février 2010, à effet au 26 février suivant, soit requalifiée en rupture sans cause réelle et sérieuse,- la société SM2D soit condamnée, en sus des dépens, à lui verser les sommes ci-après o 20 422, 20 euros de dommages et intérêts, o 9 440 euros à titre d'indemnités kilométriques, o 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
De son côté, la société SM2D a sollicité, outre que M. X... soit débouté de l'ensemble de ses demandes, qu'il soit condamné, reconventionnellement, à lui rembourser la somme de 7 875, 40 euros au titre des indemnités de grand déplacement et de repas lors de grand déplacement indûment perçues, ainsi que celle de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et qu'il supporte les dépens.
Par jugement du 6 juillet 2011 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, le conseil de prud'hommes a :- dit que la rupture du contrat de travail de M. Christian X... s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,- condamné la société SM2D à verser à M. Christian X... à ce titre la somme de 4 000 euros de dommages et intérêts,- condamné M. Christian X... à verser à la société SM2D la somme de 3 519, 80 euros pour remboursement des frais de repas,- débouté M. Christian X... d'une part, la société SM2D d'autre part, de leurs autre demandes,- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Cette décision a été notifiée à M. X... le 11 juillet 2011 et à la société SM2D le 8 juillet 2011.
M. X... en a formé régulièrement appel par courrier recommandé avec accusé de réception posté le 2 août 2011, hormis en ce que le jugement a requalifié la rupture de la période d'essai en rupture sans cause réelle et sérieuse.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions intitulées no2 enregistrées au greffe le 8 janvier 2013, reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. Christian X... soutient les termes de son appel limité, et sollicite, par ailleurs, que la société SM2D soit déboutée de son appel incident. Dès lors, il demande, infirmant le jugement déféré de ces chefs, que la société SM2D soit condamnée à lui verser les sommes suivantes o 20 000 euros de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse, o 10 144 euros au titre des indemnités kilométriques, avec intérêts capitalisés au taux légal à compter du 26 février 2010, étant jugé également qu'il n'a pas à lui rembourser la somme de 3 519, 80 euros de frais de repas. Au surplus, il sollicite la condamnation de la société SM2D à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, ce sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et qu'elle soit tenue aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il rappelle, que sauf à indiquer dans le contrat de travail à durée indéterminée que la liste de ses tâches n'était pas exhaustive, il a conservé les mêmes fonctions entre les contrats de travail à durée déterminée et le contrat de travail à durée indéterminée, et qu'en conséquence, la société SM2D ne pouvait inclure de période d'essai dans le contrat de travail à durée indéterminée. Il fait remarquer par ailleurs que, d'une part, le délai de prévenance fixé par le code du travail, lorsqu'il est mis fin au contrat de travail au cours de la période d'essai, n'a pas été respecté, et que d'autre part, la convention collective applicable prévoit, pour les emplois de sa catégorie, une période d'essai d'une durée moindre que celle qui a été stipulée. Il explicite son préjudice en rapport, aggravé par le fait que l'employeur a substitué des indemnités à un élément de sa rémunération, du fait que celles-ci ne sont pas soumises à cotisations sociales.
Il indique que, si un véhicule de fonction a été mis à sa disposition, ce n'est que sur un temps limité, et que, sinon, il a été dans l'obligation d'utiliser sa voiture personnelle pour l'exercice de sa profession ; bien que l'entreprise lui ait laissé l'usage d'une carte bancaire, qui lui a permis de régler l'essence et le péage, ses autres frais, soit l'usure, l'entretien et l'assurance du véhicule, n'ont pas été couverts, ce qui lui permet de prétendre à leur indemnisation, sur la base du barème fiscal, au regard du nombre de kilomètres accomplis et non contestés.
Il observe que les premiers juges ont estimé, à juste titre, que les conditions de règlement de l'indemnité de grand déplacement étaient remplies, cette indemnité ayant bien vocation à compenser l'impossibilité dans laquelle il était de rentrer à son domicile, et que, donc, il n'a pas à rembourser la somme correspondante à la société SM2D ; qu'en tout cas, à supposer qu'il y ait eu une erreur du cabinet comptable de l'entreprise, qui est loin en outre d'être acquise, cette erreur ne peut en aucun cas lui être opposée.
C'est de façon erronée au contraire, déclare-t'il, que les mêmes l'ont condamné à rembourser à son employeur l'indemnité de repas grand déplacement ; en effet, ayant à sa disposition une carte bancaire afin de payer les repas, c'est par conséquent sciemment, pour bénéficier de l'exonération attachée, que la société SM2D a fait passer une partie de la rémunération qu'elle lui devait sous l'intitulé d'indemnité de repas grand déplacement.
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Par conclusions enregistrées au greffe le 18 décembre 2012, reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la société SM2D sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté M. Christian X... de sa demande de paiement d'indemnités kilométriques, et en ce qu'il l'a condamné à lui rembourser les indemnités de repas qui lui ont été versées durant l'exécution de la relation de travail. Pour le surplus, formant appel incident, elle demande l'infirmation du même, et que dès lors :- M. Christian X... soit débouté de ses demandes de voir juger que la rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de dommages et intérêts corollaire,- M. Christian X... soit condamné à lui verser la somme de 7 875, 40 euros au titre des indemnités de grand déplacement et de repas de grand déplacement indûment perçues. Elle sollicite, également, que M. Christian X... soit condamné à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, ce en application de l'article 700 du code de procédure civile, et qu'il supporte les entiers dépens.
Elle réplique que, la période d'essai stipulée dans le contrat de travail à durée indéterminée est licite, puisque M. X... n'était plus appelé à occuper les mêmes fonctions que celles qui lui avaient été confiées au cours des deux contrats de travail à durée déterminée précédents. M. X... n'ayant pas donné satisfaction dans ces nouvelles fonctions, respectant le délai de prévenance exigé par le code du travail dit-elle, elle a mis fin à la période d'essai et au contrat de travail, et M. X... ne peut prétendre voir requalifier cette rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Subsidiairement, si la cour venait à juger du contraire, elle souhaite que l'indemnité réclamée soit ramenée à de plus justes proportions, d'autant qu'il appartient à M. X... de justifier de la réalité du préjudice dont il se prévaut, ce qu'il ne fait que de façon fort imparfaite.
Elle demande, qu'en application des règles sur la répétition de l'indu, M. X... soit condamné à lui rembourser aussi bien les indemnités pour grand déplacement que pour repas grand déplacement, qu'elle lui a octroyées par erreur. En effet, précise-t'elle, elle avait mis à sa disposition une carte bancaire, ce qu'il reconnaît, afin qu'il règle l'ensemble des frais inhérents à ses déplacements professionnels. Or, du fait d'une erreur du cabinet comptable qui n'a été découverte qu'à l'occasion de l'établissement du bilan, M. X..., alors qu'il n'a pas supporté de dépenses liées à ses déplacements professionnels, en a aussi été indemnisé. Elle déclare que les premiers juges ne pouvaient, pour partie, la débouter de sa demande de remboursement des dites indemnités, en conférant à l'indemnité de grand déplacement, qui n'est autre que celle dénommée par le contrat de travail " logement et petit déjeuner grand déplacement autre que région parisienne ", une qualification différente que celle contractuellement convenue, étant précisé, en sus, que les dispositions contractuelles ne sont que la stricte reprise de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale ; par conséquent, cette indemnité n'est versée qu'à raison des dépenses professionnelles réellement engagées par le salarié du fait du déplacement professionnel accompli pour le compte de son employeur, et n'est pas destinée à rétribuer une sujétion ou une contrainte particulière du dit salarié ; également, le conseil de prud'hommes a, à tort, indiqué que l'indemnité de grand déplacement était due au motif que M. X... remplissait les conditions prévues par l'arrêté précité pour son attribution, confondant, ce faisant, qualification de l'indemnité et versement de l'indemnité. Et, si M. X... vient dire qu'il n'est pas tenu à remboursement du fait que ces indemnités lui ont été allouées, non par erreur, mais sciemment, pour faire échapper, anormalement, une partie de sa rémunération aux cotisations sociales, il invoque là une fraude de son employeur qui relève de l'affabulation de sa part, et que, de fait, il ne démontre pas.
Pas plus, dit-elle, M. X... ne peut prétendre au paiement d'indemnités kilométriques, alors qu'outre la carte bancaire déjà évoquée, il a bénéficié, tout au long de la relation de travail, d'un véhicule de fonction. Elle renvoie, pour illustrer l'inanité des demandes de M. X... de ce chef, notamment aux allégations que celui-ci a tenues et tient encore et dont le contenu ne cesse de varier.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rupture du contrat de travail à durée indéterminée
Le contrat de travail à durée indéterminée entre M. Christian X... et la société SM2D remonte au 1er janvier 2010 et peut donc, dans le principe, comporter une période d'essai réglementée par les articles L. 1221-19 et suivants du code du travail. Dès lors, que la période d'essai a été valablement convenue entre les parties, la rupture du contrat de travail qui peut survenir durant cette période n'obéit pas aux dispositions des articles L. 1231-1 et suivants du même code.
La loi du no2008-596 du 25 juin 2008, dite de modernisation du marché du travail, qui a, notamment, introduit la période d'essai dans le code du travail, a expressément prévu, en son article 2- II, que les stipulations des accords de branche conclus antérieurement à sa publication, fixant des durées d'essai plus courtes que celles prévues à l'article L. 1221-19 précité, ne resteront en vigueur que jusqu'au 30 juin 2009. Également, à supposer que l'employeur ne respecte pas le délai de prévenance indiqué à l'article L. 1221-25 du code du travail lorsqu'il met fin à la période d'essai avant son terme, la rupture intervenue dans ces conditions ne constitue pas un licenciement. Par conséquent, les observations formulées sur ces deux points par M. X... sont inopérantes.
La période d'essai peut être qualifiée de phase initiale du contrat de travail, aux finalités bien précises, en ce qu'elle permet :- au salarié d'apprécier si les fonctions lui conviennent,- à l'employeur d'évaluer les capacités du salarié à occuper son emploi. C'est au regard de ces finalités particulières, que durant cette phase, l'un ou l'autre, du salarié ou de l'employeur, peut décider de rompre le contrat sans avoir à fournir de motifs, ni à verser d'indemnités.
Par voie de conséquence, dès lors qu'un employeur engage de nouveau un salarié dans le même emploi que celui qu'il occupait précédemment dans l'entreprise, il ne peut lui imposer une période d'essai. L'essai aurait alors un caractère frauduleux, puisque ne présentant aucune utilité pour l'employeur, ce dernier ayant déjà eu l'occasion d'apprécier totalement les aptitudes professionnelles du salarié. La sanction du recours frauduleux à une période d'essai, destinée à contourner finalement les règles du droit du travail, ne peut consister que dans l'effacement de cette période d'essai, par une requalification de cette période en un contrat ferme, ce dès la conclusion du contrat, avec, par conséquent, un retour aux règles du licenciement en cas de rupture du contrat..
M. X... vient dire que tel est le cas de la période d'essai de deux mois stipulée par son contrat de travail à durée indéterminée signé le 30 décembre 2009 avec la société SM2D, en ce qu'une telle période était inutile, étant resté dans les fonctions qu'il occupait jusque là dans le cadre des deux contrats de travail à durée déterminée qui se sont succédé, les 20 juillet et 19 octobre 2009, sans aucune interruption entre ces trois contrats.
Lorsque l'on reprend les termes des deux contrats de travail à durée déterminée, M. X..., dans chaque cas, a été embauché en tant que commercial " en vue de faire face à un accroissement temporaire d'activité lié à la recherche de nouveaux marchés pour la SARL AVEN METAL et la SARL EVRON MECANIQUE étant donné la baisse d'activité dans le secteur ", étant précisé par ailleurs que " le lieu de travail principal du salarié est situé Zone d'Activité de Beausoleilà Louverné. Étant donné la fonction de commercial, Monsieur X... sera amené à se déplacer sur la région de Bretagne et Pays de la Loire ".
À la conclusion du contrat de travail à durée indéterminée, M. X... a été nommé " responsable de projets, notamment chargé des tâches suivantes, à savoir :- de s'assurer du maintien du chiffre d'affaires d'Aven Metal (soit 30 000 € mensuel et développement d'Aven Metal,- de s'assurer de la bonne gestion des affaires sur Aven Metal (heures, achats, rentabilité, etc...),- de développer le chiffre d'affaires sur les Pays de la Loire à hauteur de 30 000 € sous 2 mois pour la société Evron mécanique,- de faire progresser les objectifs de chiffre d'affaires de 10 % par an pour Aven Metal et Evron mécanique (exemple : soit pour 2011 : 30 000 € *1. 10 = 33 000 € pour Aven Metal et 33 000 € pour Evron mécanique) ".
M. X... déclare que, ce n'est pas au prétexte de ce qu'il nomme une " reprécision " de ses tâches, outre le fait qu'il ait été dit que la liste énoncée n'était pas exhaustive, que ses fonctions se sont modifiées entre le moment où il a été en contrats de travail à durée déterminée et celui où il est passé en contrat de travail à durée indéterminée ; il affirme que ses fonctions sont restées identiques, et il en veut principalement pour preuves la définition de sa mission lors de chacun des contrats de travail à durée déterminée, de même que la reproduction de la clause contractuelle ci-après des contrats de travail à durée déterminée au contrat de travail à durée indéterminée, soit : " le lieu de travail principal du salarié est situé Zone d'Activité de Beausoleilà Louverné. Étant donné la fonction de commercial, Monsieur X... sera amené à se déplacer sur la région de Bretagne et pais de la Loire ".
Il n'empêche que ces éléments, tout comme d'ailleurs les bulletins de salaire qui lui ont été délivrés avec mentionné uniquement un emploi de commercial, ne sont que de simples indices ; ce qui est déterminant de l'existence, ou non, d'une identité des fonctions entre les contrats de travail à durée déterminée et le contrat de travail à durée indéterminée est la réalité des fonctions à chaque fois exercées.
Or, il apparaît que M. X... a été recruté par la société SM2D, le 20 juillet et jusqu'au 31 décembre 2009, en vue de " reprendre en main " la société Aven metal, sise à Rosporden, la société SM2D s'étant séparée de son responsable d'exploitation, M. Carro, qui était en poste depuis le 5 mai 2008, via une rupture conventionnelle dont la formalisation débute dès la mi-août 2009, avec embauche ensuite d'un nouveau responsable d'exploitation par contrat du 1er décembre 2009. M. X... a, si l'on peut dire, assuré l'intérim, et le confirme les attestations que la société SM2D verse en ce sens, de MM. Y... et Z..., salariés sur le site, de M. A..., ancien client de l'entreprise et nouveau responsable d'exploitation du site, de M. B..., client de la société Laval mécanique. Il est aussi à noter que M. X..., bien qu'il soutienne le contraire devant la cour, avait reconnu dans ses conclusions récapitulatives de première instance qu'il avait bien été en charge de la société Aven metal sur la période considérée du 20 juillet au 31 décembre 2009, même s'il s'est également déplacé dans ce cadre afin de rencontrer des clients, faisant écrire- " Monsieur C... s'est ni plus ni moins servi de Monsieur X... pour remonter la structure AVEN METAL qui connaissait des difficultés économiques pour se séparer de son salarié quand il a jugé que celui-ci avait fait son travail "-, de même que dans son mail du 3 mars 2010 à M. C..., co-gérant de la société SM2D, il n'a pas dit autre chose, déclarant " tu m'as proposé un cdd de trois mois pour m'occuper d'AVEN METAL ", puis " je tiens à mentionner du mois d'août à janvier j'ai roulé environ 20000 km pour me rendre sur le site de ROSPORDEN " (les salariés d'Aven metal ont indiqué qu'il était présent à Rosporden du lundi au jeudi inclus).
En conséquence, sa mission, à l'occasion des deux contrats de travail à durée déterminée de départ, était bien axée sur le seul redressement de la société Aven metal basée à Rosporden, auprès de laquelle il a concentré ses efforts et son temps. Dès lors, qu'a été conclu ensuite un contrat de travail à durée indéterminée où ses fonctions étaient différentes, et cette fois effectivement mieux précisées quant au maintien des avancées sur la société Aven métal, outre de s'occuper également désormais de la société Evron métal, plus axées donc, non sur la gestion d'une société en particulier, mais sur l'évolution du chiffre d'affaires de deux sociétés avec un travail de prospection et de développement de la clientèle à la clé,- lui-même en parlait en ces termes à MM. A... et B... et ne l'a pas démenti-, M. X... ne peut prétendre à une identité de fonctions entre celle occupée au cours des contrats de travail à durée déterminée et celles qui lui ont été confiées par le contrat de travail à durée indéterminée, et ce quelles que soient les stipulations contractuelles initiales de même que les mentions sur les bulletins de salaire.
Dans ces conditions, la société SM2D était parfaitement en droit de prévoir une période d'essai dans le cadre du dernier contrat de travail, comme d'y mettre fin sans avoir de justifications particulières à donner.
Le conseil de prud'hommes, qui a jugé que cette rupture pouvait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, doit être infirmé, aussi sur le fait qu'il a alloué une indemnité à ce titre à M. X..., celui-ci étant, au contraire, débouté de l'ensemble de ses demandes.
Sur les indemnités kilométriques
Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge, moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire.
C'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de prouver son existence, conformément à l'article 1315 du code civil.
Or, force est de constater, relativement aux réclamations qu'il émet au titre d'indemnités kilométriques que lui devrait la société SM2D et ainsi que le fait remarquer justement cette dernière, que M. X... ne cesse de varier sur le fait qu'il ait disposé ou non d'un véhicule de fonction, sur les périodes au cours desquelles il en a éventuellement disposé, de même que sur le kilométrage accompli au service de la société SM2D. En effet, entre " la proposition transactionnelle " qu'il a faite à l'entreprise, ses écritures de première instance et d'appel, même entre ses premières écritures et ses secondes écritures en appel, les éléments qu'il avance sont éminemment fluctuants.
Il est indiscutable, et d'ailleurs il le reconnaît, que la société SM2D, tout au long de la relation contractuelle, a muni M. X... d'une carte bancaire, grâce à laquelle il a pu faire les pleins d'essence et régler les péages qui s'avéraient nécessaires.
La société SM2D va plus loin puisqu'elle déclare que, tout au long de cette relation contractuelle, M. X..., outre cette carte bancaire, a bénéficié d'un véhicule de fonction, d'abord, du 20 juillet au 15 août 2009 de marque BMW, puis du 15 août 2009 au 26 février 2010 de marque Renault, de type Clio.
Elle verse au soutien, tant les factures de réparation/ entretien de cette dernière voiture en date des 15 juillet 2009 et 21 mai 2010, mais surtout une attestation de Mme D..., secrétaire-comptable à la société Laval mécanique, qui précise, au moins pour la période de juillet à décembre 2009, que M. X... passait régulièrement, en fin de semaine,- l'on a vu qu'il restait du lundi au jeudi à Rosporden, alors que son domicile est à Angers-, lui déposer des documents émanant de la société Aven métal, qu'elle-même devait retransmettre au cabinet comptable, et qu'il circulait alors avec la Ranault Clio d'Aven Métal, hormis les quelques fois où il était au volant de son propre véhicule ; il lui a expliqué que s'il avait sa propre voiture, c'est qu'il devait se rendre à des rendez-vous médicaux sur ses heures et/ ou jours de travail et qu'il estimait que ce n'était pas à l'entreprise de financer ces déplacements d'ordre privé. M. X... a, en effet, versé de nombreuses pièces témoignant de soucis de santé nécessitant des soins fréquents. Cette attestation de Mme D... n'est pas contradictoire avec les deux attestations que produit, de son côté, M. X... de MM. E... et F..., clients qu'il a rencontrés, qui déclarent, qu'en juillet 2009 ils ont eu l'occasion de voir M. X... avec un véhicule BMW, alors qu'aux rendez-vous suivants, en septembre 2009 pour le premier, en septembre et novembre 2009 pour le second, il était avec un " véhicule Renault noir immatriculé en Maine et Loire ", " une Renault Megane noire immatriculée dans le 49 ". Si M. X... est bien propriétaire d'une voiture de marque Renault, de type Mégane, de couleur noire, effectivement immatriculée dans le 49, département où il réside, il peut fort bien s'être trouvé avec ce dernier véhicule les jours où il a vu MM. E... et F... pour les raisons dont il a fait état auprès de Mme D....
En tout cas, autant d'approximations, voire de contradictions de la part de M. X..., qui peut aussi passer de 20 000 à 32 000 kilomètres parcourus pour le compte de la société SM2D, tout cela au surplus avec simplement la photocopie de sa carte grise et celle d'un barème fiscal au soutien, ne suffisent pas à asseoir ses réclamations financières de remboursement d'indemnités kilométriques par la société SM2D pour un montant de 10 144 euros dans ses ultimes écritures.
La décision des premiers juges doit être confirmée en ce qu'elle l'a débouté de sa demande de ce chef.
Sur les indemnités de déplacement
Le contrat de travail à durée indéterminée souscrit le 30 décembre 2009, à effet au 1er janvier 2010, entre M. Christian X... et la société SM2D comportait une clause spécifique, rappelée dans l'exposé des faits de la cause, emportant indemnisation de frais dits de déplacement sur une base forfaitaire. La consultation des bulletins de salaire délivrés par la société SM2D à M. X... depuis le début de l'exécution de la relation de travail permet de voir qu'ont toujours été versées à M. X... des indemnités pour " grands déplacements " et " repas grand déplacement ".
La société SM2D a obtenu, reconventionnellement, du conseil de prud'hommes la condamnation de M. X... à lui rembourser les indemnités " repas grand déplacement ", ayant en revanche été déboutée de sa demande du même chef pour les indemnités " grands déplacements ".
La société SM2D vient dire que, dans les deux cas, s'agissant de frais professionnels engagés par M. X... dans l'exercice de son emploi, alors qu'il disposait de la carte bancaire de l'entreprise qui lui a permis leur règlement intégral, il ne peut aussi bénéficier des indemnités forfaitaires destinées à le rembourser de ces frais, celles-ci lui ayant été versées par erreur. Elle demande, en conséquence, l'application des règles propres à la répétition de l'indu.
Il n'est pas contestable, ni contesté d'ailleurs par M. X..., que celui-ci disposait de la carte bancaire de la société SM2D qu'il a utilisée afin de régler les différentes dépenses liées à ses déplacements professionnels (hébergements, petits déjeuners, repas divers...).
M. X... s'oppose cependant aux remboursements sollicités par la société SM2D aux motifs que :- il s'agit, pour les indemnités " grand déplacement ", ainsi qu'en ont décidé les premiers juges, d'indemnités destinées à compenser l'éloignement, soit le fait de ne pouvoir regagner son domicile chaque soir,- il s'agit, de toute façon, aussi bien pour les indemnités " grand déplacement ", que pour les indemnités " repas grand déplacement ", d'éléments de sa rémunération déguisés sous le vocable de frais professionnels.
Les sommes versées par l'employeur à titre de remboursement de frais exposés par le salarié en raison de son travail n'ont pas la nature d'un salaire. Toutefois, des sommes qualifiées de remboursement de frais professionnels peuvent, malgré cette dénomination, être requalifiées en compléments de salaire, même si elles n'ont pas supporté les cotisations de sécurité sociale ainsi qu'en l'espèce, lorsque l'employeur n'établit pas qu'elles correspondent à des dépenses effectivement exposées par le salarié. D'une façon générale, constituent un salaire, les indemnités et primes diverses destinées à compenser une servitude de l'emploi ou un désagrément lié à ses conditions d'exercice.
En la cause, la société SM2D justifie, tant par la variabilité des chiffres figurant d'un mois sur l'autre sur les bulletins de salaire de M. X..., que par des pièces comptables, tous éléments qui n'ont fait l'objet d'aucune critique de M. X..., que les frais figurant sur ses fiches de paie, qui se retrouvent formalisés et détaillés dans son contrat de travail à durée indéterminée, correspondent bien à des remboursements de frais professionnels, au sens de dépenses réellement engagées par son salarié pour les besoins de son travail, et ne sont pas non plus destinés à compenser une contrainte particulière à son emploi.
Dans ces conditions, M. X... ne peut prétendre être dédommagé deux fois des mêmes chefs, et la société SM2D est en droit, par application des articles 1315 et 1377 du code civil, d'exercer à son endroit une action en répétition des sommes qu'elle lui a indûment payées, peu important l'erreur commise.
Dès lors, la décision des premiers juges est confirmée dans le principe en ce qu'elle a accueilli la demande de remboursement formulée par la société SM2D au titre des indemnités repas grand déplacement, mais infirmée en ce qu'elle a limité le remboursement dû par M. X... à la société SM2D à cette hauteur.
Par voie de conséquence, M. X... est condamné à rembourser à la société SM2D la somme de 7 875, 40 euros au titre des indemnités de grand déplacement et de repas grand déplacement indûment perçues.
Sur les frais et dépens
Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais et dépens sont infirmées.
M. Christian X... est débouté de sa demande quant à ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, et condamné à verser à la société SM2D du même chef, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 euros.
M. Christian X... est condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Christian X... de sa demande de remboursement d'indemnités kilométriques par la société SM2D et en ce qu'il accueilli le principe de la demande de remboursement formulée par la société SM2D au titre des indemnités repas grand déplacement,
Infirme le même pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute M. Christian X... de sa demande de voir requalifier la rupture de son contrat de travail à durée indéterminée avec la société SM2D en une rupture sans cause réelle et sérieuse ainsi que de sa demande de dommages et intérêts corollaire,
Condamne M. Christian X... à rembourser à la société SM2D la somme de 7 875, 40 euros au titre des indemnités de grand déplacement et de repas grand déplacement indûment perçues,
Déboute M. Christian X... de sa demande au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Condamne M. Christian X... à verser à la société SM2D la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Condamne M. Christian X... aux entiers dépens de première instance et d'appel.