La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2013 | FRANCE | N°11/01663

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 19 mars 2013, 11/01663


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT DU 19 Mars 2013

ARRÊT N EP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01663.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 10 Juin 2011, enregistrée sous le no 09/ 00729

APPELANTS :
SA CARRARD SERVICE 51 bis rue Coquebert BP 381 51063 REIMS CEDEX
Maître Jean-Luc X..., ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société CARRARD SERVICES, suite à mise sous sauvegarde de justice de ladite société... 59700 MARCQ EN BAROEUL r>Maître Y..., ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société CARRARD SERVICES, suite à mi...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT DU 19 Mars 2013

ARRÊT N EP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01663.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 10 Juin 2011, enregistrée sous le no 09/ 00729

APPELANTS :
SA CARRARD SERVICE 51 bis rue Coquebert BP 381 51063 REIMS CEDEX
Maître Jean-Luc X..., ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société CARRARD SERVICES, suite à mise sous sauvegarde de justice de ladite société... 59700 MARCQ EN BAROEUL
Maître Y..., ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société CARRARD SERVICES, suite à mise sous sauvegarde de justice de ladite société SELARL Y... ET Z...... 67300 SCHILTIGHEIM
représentés par Maître Pascal LABELLE, avocat au barreau de REIMS

SCP A... B... C..., ès-qualités de mandataire judiciaire, suite à mise sous sauvegarde de justice de la Société CARRARD SERVICES... 51100 REIMS
absente, non représentée

INTIMÉ :
Monsieur Mohammed D...... 49130 LES PONTS DE CE
présent, assisté de Monsieur Jacques E..., délégué syndical

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Décembre 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant madame Elisabeth PIERRU, vice-président placé chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Anne DUFAU, conseiller Madame Elisabeth PIERRU, vice-présidente placée
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT : prononcé le 19 Mars 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******* FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur Monsieur Mohammed D... a été embauché le 18 avril 2005 en qualité d'agent de service par la société STN. Il exerçait son activité professionnelle au sein du magasin Monoprix d'Angers.
Le 1er juin 2007, le marché de l'entretien de Monoprix a été repris par la société CARRARD SERVICES, société de nettoyage employant plus de 10 salariés. Trois salariés dont Monsieur Mohammed D... ont été repris par la société CARRARD SERVICES.
Monsieur Mohammed D... a bénéficié d'un congé parental du 30 mars 2007 au 29 mars 2009. Il a repris le travail le 30 mars 2009.
Par courrier recommandé en date du 1er avril 2009, l'employeur lui a notifié les nouvelles modalités d'organisation de son service, par modification de ses horaires de travail.
Le 3 avril 2009, Monsieur Mohammed D... adressait à la société CARRARD SERVICES un arrêt de travail jusqu'au 11 avril 2009.
Le 21 avril 2009, une mise à pied était notifiée verbalement à Monsieur Mohammed D..., confirmée par lettre recommandée avec convocation à un entretien préalable au licenciement prévu le 30 avril 2009.
Monsieur Mohammed D... ne s'est pas rendu à cet entretien.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 28 mai 2009, la société CARRARD SERVICES notifiait à Monsieur Mohammed D... son licenciement pour faute grave.
Monsieur Mohammed D... a saisi le conseil des Prud'hommes d'Angers le 24 juin 2009.
Selon procès verbal de partage des voix établi le 13 septembre 2010, le conseil des Prud'hommes d ‘ Angers a renvoyé la cause et les parties à l'audience de départage du 15 avril 2011.
A cette audience, Monsieur Mohammed D... a demandé à la juridiction :- de dire que son licenciement ne repose pas sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,- de condamner la société CARRARD SERVICES à lui payer : *15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, *1 927. 48 € au titre du paiement de la mise à pied conservatoire du 21 avril au 28 mai 2009, *2 949. 66 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, *588 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, *6 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier, *1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,- d'ordonner le remboursement par la société CARRARD SERVICES aux organismes sociaux concernés de la totalité des prestations chômage versées à Monsieur Mohammed D... du jour de son licenciement au présent jugement, dans la limite de 6 mois,- de condamner la société CARRARD SERVICES au paiement des intérêts légaux à compter du jour de la demande,- d'ordonner l'exécution provisoire.
Par jugement en date du 10 juin 2011, auquel il est référé pour un plus ample exposé des faits et de la procédure ainsi que pour les motifs, le conseil des prud'hommes d ‘ Angers statuant en formation de départage a :
- dit que le licenciement de Monsieur Mohammed D... est sans cause réelle et sérieuse,- condamné la Société CARRARD SERVICES à payer à Monsieur Mohammed D... les sommes de :
*8 044. 56 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, *1 927. 48 € au titre du paiement de la mise à pied conservatoire du 21 avril au 28 mai 2009, incidence de congés payés incluse, *2 946. 66 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, incidence congés payés incluse, *588 € au titre de l'indemnité de licenciement, *800 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,- dit que les sommes précitées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement et que celles de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2009,- condamné la société CARRARD SERVICES à payer à Monsieur Mohammed D... la somme de 300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,- rappelé l'exécution provisoire prévue par l'article R 1454-28 du code du travail,- précisé que la moyenne des 3 derniers mois de salaire de Monsieur Mohammed D... est de 1 340. 76 €.
Ce jugement a été notifié aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 15 juin 2011 par Monsieur Mohammed D..., et le 16 juin 2011, par la société CARRARD SERVICES.
La société CARRARD SERVICES a interjeté appel par courrier recommandé avec accusé de réception posté le 24 juin 2011.
Les parties ont été convoquées par le greffe pour l'audience du 2 octobre 2012. A cette date la société CARRARD SERVICES a fait connaître et justifié qu'elle avait été placée sous sauvegarde de justice par jugement du Tribunal de Commerce de REIMS en date du 5 juin 2012 et qu'il convenait de mettre en cause les administrateurs judiciaires et le mandataire judiciaire désignés.
Par courriers recommandés avec accusé de réception en date du 2 octobre 2012, Maître Y..., administrateur judicaire, Maître X... administrateur judiciaire et la SCP A... B... C..., mandataire judicaire de la SAS CARRARD SERVICES ont été convoqués à comparaître devant la cour à l'audience du 11 décembre 2012, date à laquelle le dossier était renvoyé.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 12 mars 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SAS CARRARD SERVICES assistée de Maître X... et de Maître Y..., ses administrateurs judiciaires, demande à la cour :
- de dire recevable et fondé son appel,- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil des Prud'hommes d'Angers, statuant à nouveau,- de débouter Monsieur Mohammed D... de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,- de condamner Monsieur Mohammed D... à lui payer la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,- de le condamner aux entiers dépens.
La SAS CARRARD SERVICES rappelle qu'à son retour de congé parental, Monsieur Mohammed D... a été accueilli le 30 mars 2009 par Madame F... chargée de clientèle et responsable directe du salariée, sur le site du magasin Monoprix, pour lui expliquer la nouvelle organisation mise en place par la société CARRARD SERVICES. Cependant, le salarié répondait verbalement qu'il ferait ce qu'il voulait et il a refusé d'écouter sa hiérarchie. Le lendemain 31 mars la responsable d'exploitation a tenté de le joindre par téléphone, mais il a prétexté ne pas comprendre le français, si bien que par courrier recommandé du 1er avril 2009, l'entreprise lui a notifié par écrit ses nouvelles modalités d'intervention.
L'employeur soutient que le 2 avril 2009, Monsieur Mohammed D... a refusé les consignes données par Madame G..., chef d'équipe, sous prétexte qu'il ne voulait pas être commandé par une femme. Madame G... en a référé à Madame F... qui a essayé de faire comprendre au salarié qu'il devait respecter sa hiérarchie, mais il a persisté dans son opposition.
Le lendemain, 3 avril 2009, Monsieur Mohammed D... a adressé un arrêt de travail jusqu'au 11 avril.
La SAS CARRARD SERVICES soutient qu'à la reprise du travail, les rapports de Monsieur Mohammed D... et de l'encadrement de la société se sont dégradés, nécessitant l'intervention du directeur d'exploitation, notamment par contact téléphonique avec l'épouse du salarié, selon ce qu'établit le cahier de téléphone versé aux débats.
Cependant selon l'employeur, une altercation a opposé Monsieur Mohammed D... et Madame G..., provoquant un désordre sur le site de Monoprix, l'agent de service Madame H... ayant entendu les cris, a averti Madame F... qui s'est rendue sur le site en compagnie de Madame I..., laquelle constatait que le salarié Monsieur Mohammed D... a levé le bras en direction de Madame F.... A la suite de cette agression verbale et physique, Madame G... a fait une crise de tachycardie ayant nécessité un arrêt de travail le jour même.
Compte tenu de cet incident grave, une mise à pied a été notifiée à Monsieur Mohammed D..., confirmée par courrier recommandé avec accusé de réception, avec convocation à un entretien préalable au licenciement à laquelle il ne s'est pas rendu.
La société CARRARD SERVICES fait valoir que contrairement à ce qu'a retenu le conseil des prud'hommes, les attestations produites en première instance et complétées par celle de Madame Fabienne I... produite devant la cour, sont parfaitement circonstanciées et démontrent le comportement de Monsieur Mohammed D... constitutif de la faute grave invoquée contre lui, rendant impossible la poursuite du contrat de travail.
Elle fait valoir que c'est encore à tort que le conseil des prud'hommes relève qu'aucune attestation " de la part des personnes présentes sur le site " n'a pu être produite par l'employeur, puisqu'aucun client ou membre du personnel de Monoprix n'est présent, le nettoyage se faisant avant l'ouverture du magasin, que cependant, l'employeur a une obligation de sécurité et de résultat vis-à-vis de ses salariés, ce qui justifiait la mise à pied.
La société CARRARD SERVICES ajoute que les attestations produites par Monsieur Mohammed D... démontrant son attitude correcte ne peuvent contredire les faits rapportés par les attestations produites à l'appui de son appel.
* *
*
Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 25 juin 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile, Monsieur Mohammed D... demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société CARRARD SERVICES à lui payer les sommes suivantes :
*8 044. 56 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, *1 927. 48 € au titre de paiement de la mise à pied conservatoire du 21 avril au 28 mai 2009, *2 949. 66 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, incidence congés payés incluse, *588. 00 € au titre de l'indemnité de licenciement, *800 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct, *300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,- d'ordonner le remboursement par la société CARRARD SERVICES aux organismes sociaux concernés de la totalité des prestations chômage versées à Monsieur Mohammed D... du jour de son licenciement au présent jugement, dans la limite de 6 mois,- de condamner la société CARRARD SERVICES au paiement des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,- de la condamner au paiement de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur Mohammed D... conteste les faits dont il est accusé par l'employeur, souligne que c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé le caractère vague et imprécis des attestations produites, aucune personne n'étant capable de rapporter les propos qu'il aurait tenus, ni de les dater en ce qui concerne l'attestation de Madame H.... Il estime mensongères les accusations de celle-ci quant à des menaces qu'il aurait encore proférées. De même, il estime incohérent qu'il ait fallu faire appel à quatre personnes qui auraient reculé de peur devant lui.
Monsieur Mohammed D... ajoute que si aucun client du magasin n'était présent, les salariés de Monoprix sont nombreux avant l'ouverture, notamment pour la mise en place, et qu'ils n'auraient pas manqué d'attester du comportement déplacé invoqué par son employeur.
Aucune faute grave n'étant établie, Monsieur Mohammed D... estime que sa demande de paiement de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire est justifiée, tout comme l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement prévue par l'article L1234-9 du code du travail.
En ce qui concerne sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier, Monsieur Mohammed D... fait valoir qu'il a été recruté à compter du 18 avril 2005 en contrat à durée indéterminée, en qualité d'agent de service niveau AS1, qu'il a été victime d'une cabale et d'une rupture brutale révélant l'intention de nuire de l'employeur. Il perçoit une indemnité de chômage de 25. 41 € par jour au lieu d'un salaire journalier de 33. 88 € ce qui démontre une perte financière de 8. 47 €.

MOTIFS DE LA DECISION
L'appel régularisé dans les formes et délais prévus par la loi est recevable.
Aux termes de son contrat de travail conclu le 18 avril 2005 avec la société STN LE LYS, Monsieur Mohammed D... a été embauché à compter du 3 mai 2005 en qualité d'agent de service AS1, au salaire horaire de 7, 76 € (dimanche majoré de 20 %), pour exercer ses fonctions au magasin Monoprix d'Angers, avec les horaires suivants : du lundi au samedi de 6 heures 30 à 9 heures 30 (78 heures par mois).
L'article X prévoyait qu'en cas de modification de la répartition des heures convenues à ce contrat il devait être préalablement informé par écrit au moins 7 jours avant.
Par courrier du 30 mai 2007, la société CARRARD SERVICES l'a avisé qu'elle était le nouveau titulaire du marché de nettoyage du site de Monoprix d'Angers et lui a proposé un avenant au contrat qui a été régularisé le 20 juin 2007, avec la même qualification, un salaire horaire de 8. 27 € et les horaires suivants : du lundi au samedi de 6 heures 30 à 9 heures 15 et les mêmes jours de 11heures à 14 heures 05 (151 heures 67 par mois). La même clause d'avertissement préalable en cas de modification des horaires avec un délai de prévenance de 7 jours à l'avance est également incluse dans cet avenant.
Sur sa demande, Monsieur Mohammed D... a été placé en congé parental pour un an à compter du 30 mars 2007, congé dont le renouvellement lui a été accordé jusqu'au 29 mars 2009 inclus.
Il a repris le travail le 30 mars 2009.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 1er avril 2009, (dont l'accusé réception n'est pas versé aux débats, mais que le salarié ne conteste pas avoir reçu), la société CARRARD SERVICES indique à son salarié, après lui avoir rappelé les horaires de travail précédemment convenus :
" Comme nous avons déjà pu vous en informer au cours de notre entretien téléphonique du 31 mars 2009, nous vous confirmons qu'à compter du mardi 14 avril 2009, vous interviendrez selon les horaires de travail suivants :
- du lundi au samedi de 6 heures à 8 heures 45 et de 11 heures à 14 heures 05.
Nous vous demandons de vous soumettre à cette modification mineure de vos conditions de travail en précisant qu'un refus éventuel de votre part de cette modification serait susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire ".
Par courrier recommandé en date du 21 avril 2009 (dont l'accusé réception n'est pas versé aux débats, mais que le salarié ne conteste pas avoir reçu), la société CARRARD SERVICES convoquait Monsieur Mohammed D... à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, prévu le 30 avril 2009 à 6 heures 30 sur le site Monoprix, en lui précisant les possibilités de se faire assister, et ajoutait :
" nous vous confirmons ici la mise à pied que votre responsable vous a notifiée oralement et sur le champ le 21 avril 2009, compte tenu de la gravité de vos agissements ; cette mise à pied est prononcée à titre conservatoire jusqu'à la décision définitive qui découlera de l'entretien. "
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 28 mai 2009 (dont l'accusé réception n'est pas versé aux débats, mais que le salarié ne conteste pas avoir reçu), la société CARRARD SERVICES notifie à Monsieur Mohammed D... son licenciement dans les termes suivants :
" Par courrier recommandé du 21 avril 2009, nous vous avons confirmé la mise à pied à titre conservatoire notifiée oralement le 21 avril 2009 et convoqué à une entretien préalable pour le 30 avril en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.
Vous n'avez pas jugé bon de vous déplacer afin de nous donner une explication sur votre comportement.
Ainsi, nous sommes contraints de retenir contre vous les griefs suivants :
Le 21/ 04/ 2009 au cours de votre prestation de nettoyage sur le site Monoprix à ANGERS, votre chef d'équipe vous a donné des consignes précises et impératives et notamment elle vous a demandé d'effectuer l'aspiration des tapis. Vous avez alors violemment réagi, hurlant après votre responsable que vous ne vouliez pas entendre parler du travail à faire, que vous ne vouliez pas de chef, que vous saviez ce que vous aviez à faire et refusant catégoriquement d'effectuer le travail demandé, nous citons au passage : " je ne le ferai pas, vous êtes chef, vous n'avez que ça à foutre ". Votre agressivité et la violence de vos propos ont profondément choqué votre chef d'équipe provoquant chez elle une crise de tachycardie ayant entraîné un arrêt de travail du 21/ 04/ 2009 au 22/ 04/ 2009. Votre esclandre a également créé un climat d'insécurité auprès des personnes présentes sur le site de notre client.
Ceci-dit, vous avez également enfreint les obligations professionnelles qui sont en l'occurrence, rappelées au dos de votre contrat de travail notamment : " pendant la durée du contrat de travail, le salarié s'engage à respecter les instructions qui pourront être données par la société La société CARRARD SERVICES ", et dans le cas présent par votre chef d'équipe. "... dans la société et sur tous lieux d'intervention (...) interdiction d'y causer du désordre de quelle que nature ce soit " (sic)
Nous constatons que vous n'acceptez aucune remarque de votre hiérarchie et refusez catégoriquement d'appliquer les directives qui vous sont données. Votre refus de vous soumettre aux consignes données par votre responsable, perturbe considérablement l'organisation et la qualité du travail sur le site de Monoprix et remet en cause la qualité des prestations sur laquelle nous nous sommes engagés auprès de notre client. Ces agissements constituent un manquement grave à vos obligations professionnelles.
En conséquence, nous entendons procéder à votre licenciement pour faute grave. Les conséquences immédiates de votre comportement rendent impossible la poursuite de votre activité au sein de l'entreprise.
Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture. Vous cesserez définitivement de faire partie du personnel de notre entreprise à première présentation de cette lettre. Votre certificat de travail sera tenu à votre disposition, ainsi que les salaires vous restant dûs et l'indemnité compensatrice de congés payés acquise à ce jour. "
La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.
Les manquements reprochés à Monsieur Mohammed D... consistent en une insubordination qui perturbe l'organisation du travail et nuit à la qualité de la prestation fournie au client, en un refus d'exécuter les tâches demandées, en une violence verbale à l'égard de la supérieure hiérarchique à l'origine pour elle d'une crise de tachycardie et d'un climat d'insécurité pour les personnes présentes sur le site.
La cour observe qu'aucun organigramme de l'entreprise n'est versé aux débats, précisant la liste du personnel intervenant effectivement sur le site de Monoprix et la hiérarchie des différents membres.
Pour rapporter la preuve des faits reprochés, la société CARRARD SERVICES verse aux débats :
1o) un document établi par Madame G..., libellé sous forme de lettre dans les termes suivants :
" Madame G... Corinne son adresse Angers, le 27 mai 2009
Par la présente, je vous adresse ce courrier, pour vous relater les évènements du 21/ 04/ 2009 de Monsieur Monsieur Mohammed D..., qui a eu un comportement violent et verbal refusant toujours de suivre les directives du travail qu'impose la société Monoprix et le prestataire CARRARD. Monsieur D... refuse tout ordre de moi-même et de Madame F.... Il nous le montrait agressivement par parole et par geste. Ce qui m'a déclenché sur le lieu de travail une grande crise d'angoisse et de tachycardie. Nous avons fait intervenir moi et ma collègue Madame F... sur le site Monoprix. Il s'en est prit de la même façon sur Madame F..., et ceci n'était pas la première fois qu'il agissait contre moi et Madame F... Veuillez agréer mes salutations distinguées.
Mme G... "
2o) un document établi par Madame H..., libellé sous forme de lettre dans les termes suivants :
Madame H... Michèle son adresse
Angers le 20 mai 2009,
Monsieur, Madame,
Je reconnais avoir été témoin par deux fois d'une altercation entre Madame G... Corine chef d'équipe sur le site Monoprix et Monsieur Monsieur Mohammed D... ce dernier a été d'une agressivité verbale très violente donc la deuxième a déclenché une crise de takicardie à Madame G... qui elle lui parlait calmement. Monsieur D... ne veux pas être commandé, et ne fait pas son travail correctement. Madame G... allait travaillé avec une angoisse et ce tous les jours, elle est actuellement victime de menaces car Monsieur D... l'a dit à une tierce personne qui travaille pour le génie, il est venu sur le site de Monoprix pendant sa mise à pied, on travaille actuellement dans le stress car Madame G... est menacé et ne se sent pas en sécurité, son mari l'a conduit et revient l'a chercher à la porte de son lieu de travail.
Fait à ANGERS le 20 mai 2009 ".
Tout comme les premiers juges, la cour ne peut que constater le caractère particulièrement vague et imprécis de " ces compte-rendus/ attestations ", dont il convient de souligner qu'ils ont été rédigés postérieurement à la date fixée pour l'entretien préalable auquel Monsieur Mohammed D... avait été convoqué par l'employeur, et plus précisément encore, la veille de l'envoi de la lettre de licenciement pour ce qui concerne Madame G....
Aucune des paroles qu'aurait prononcées Monsieur D... n'est rapportée, pas même celles invoquées par l'employeur dans la lettre de licenciement, et aucun des deux témoins ne décrit les ordres précis donnés que le salarié aurait refusé d'accomplir.
La cour observe que tout en indiquant " Votre esclandre a également créé un climat d'insécurité auprès des personnes présentes sur le site de notre client. ", l'appelante est dans l'incapacité de verser la moindre attestation de clients ou de salariés de MONOPRIX, ou la moindre lettre de protestation de cette entreprise, quant aux faits prétendus.
L'horaire de cet " esclandre " n'est pas non plus précisé. Or s'il est probable que peu de personnes, autres que l'équipe de nettoyage, sont présentes sur le site de Monoprix à 6 heures du matin, d'une part, le personnel arrive assez tôt pour la mise en place des marchandises en raison de l'ouverture du magasin à 8 heures 30, d'autre part, Monsieur Mohammed D... devait également se trouver sur place entre 11 heures et 14 heures 05, selon les horaires qui lui avaient été notifiés. Des témoins extérieurs à l'entreprise auraient donc pu être trouvés, ce qui n'est pas le cas.
S'il est établi que Madame G... a bien bénéficié d'un arrêt de travail du 21 au 22 avril, celle-ci ne verse aucun certificat médical établissant l'existence d'une tachycardie, ni l'heure de la consultation de son médecin traitant.
Quant aux faits rapportés dans la seconde partie de l'attestation de Madame H..., au demeurant fermement contestés par Monsieur D..., ils ne concernent aucunement les fautes invoquées par l'employeur, puisqu'à suivre ce témoin, ils se seraient produits en dehors des heures de travail de l'intimé.
Devant la cour, la société CARRARD SERVICES produit également une nouvelle attestation, établie par Madame Fabienne I..., sa salariée, chef de site, qui atteste le 5 mars 2012 :
" Suite à un appel téléphonique affolé de Madame H... nous sommes intervenues Madame F... et moi sur le site de Monoprix, suite au comportement de Monsieur D.... Il était très agressif avec ses collègues. Madame F... lui a demandé de quitter le site, il n'a pas voulu et a levé la main sur elle tout en l'insultant et Madame F... a reculé de peur. On lui a demandé de quitter le site et le local ménage où a eu lieu l'altercation avec Madame F... en lui disant " aller va, va, on discutera quand vous serez calmé ". Monsieur D... est parti en tenant des propos incompréhensibles mais violents dans le ton ".
Madame I... étant selon les indications figurant sur son attestation, chef de site, domiciliée dans le département de Loire Atlantique, les documents de l'employeur établissant que la direction d'exploitation de la société CARRARD SERVICES dont dépend le site d'Angers se trouve à CARQUEFOU en Loire Atlantique, il est difficile de comprendre comment cette personne a pu effectivement intervenir aussi rapidement à ANGERS, les deux villes étant séparées par plus de 80 km. Sa présence lors des faits n'est d'ailleurs pas mentionnée par Madame G... et Madame H....
Pas plus que Madame G... et Madame H... enfin, ce témoin n'est en mesure de préciser les paroles de Monsieur D..., ni ne décrit en quoi aurait consisté précisément son " comportement agressif avec ses collègues " tandis que la main levée par lui en direction de Madame F... n'a jamais été invoquée par l'employeur dans la lettre de licenciement.
Surtout, il est particulièrement étonnant, ainsi que l'a relevé le conseil des prud'hommes, qu'aucune attestation détaillée n'ait été établie par Madame F... elle-même.
L'existence d'un esclandre, de paroles ou gestes violents à l'encontre de ses collègues, le refus d'obéir aux instructions données imputées à Monsieur D... et l'insécurité qu'il aurait engendrée sur son lieu de travail, invoqués par la Société CARRARD SERVICES ne sont, en conséquence, pas établis.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré qu'aucune preuve n'était rapportée par la société CARRARD SERVICES de la réalité des griefs invoqués par elle pour établir les fautes invoquées comme motifs du licenciement de Monsieur Mohammed D....
Le jugement du conseil des prud'hommes d'Angers doit être confirmé en ce qu'il a déclaré que le licenciement de Monsieur D... est intervenu sans cause réelle et sérieuse.
Sur les sommes allouées à Monsieur Mohammed D...
La faute grave étant écartée et le licenciement de Monsieur Mohammed D... déclaré sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit au paiement du rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents et de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
Les dispositions du jugement entrepris doivent être confirmées de ces chefs, les sommes allouées à Monsieur Mohammed D..., non discutées, procédant d'une exacte appréciation de ses droits en considération notamment, de son salaire brut mensuel d'un montant de 1 340, 76 € et d'une durée de préavis de deux mois.
Embauché le 18 avril 2005, au moment de son licenciement Monsieur Mohammed D... comptait plus de deux ans d'ancienneté, en l'espèce quatre années dans une entreprise employant habituellement plus de 10 salariés.
Trouvent donc à s'appliquer les dispositions de l'article L 1235-3 du code de travail selon lesquelles Monsieur D... peut prétendre, en réparation du préjudice résultant pour lui du caractère injustifié de la rupture à une indemnité qui ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois, lesquels se sont élevés à la somme de 8 044, 56 €.
Il convient, conformément à la demande de l'intimé, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il lui a alloué cette somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
C'est encore à juste titre que le conseil des prud'hommes a dit que les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jugement, et que celles de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2009, date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation.
Par contre, Monsieur D... n'établit pas que son licenciement se serait accompagné de circonstances vexatoires ni d'une quelconque brutalité, ni qu'il procéderait de la part de son employeur d'une intention de lui nuire. Faute de rapporter la preuve de telles attitudes fautives de la part de l'employeur et d'un préjudice distinct de celui déjà réparé par l'indemnité ci-dessus, par voie d'infirmation du jugement entrepris, il sera débouté de ce chef de prétention.
Sur l'application de l'article L 1235-4 du code du travail
Le conseil des prud'hommes d'Angers a omis de statué sur ce point.
En application des dispositions de l'article L 1235-4 code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur au pôle emploi concerné des indemnités de chômage versées à Monsieur Mohammed D... du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de quatre mois d'indemnité de chômage.
Sur l'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile
La cour confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société CARRARD SERVICES à payer à Monsieur Mohammed D... la somme de 300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour condamne la société CARRARD SERVICES à payer à Monsieur Mohammed D... la somme de 700 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel et la déboute de sa demande du même chef.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a alloué à Monsieur Mohammed D... la somme de 800 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct ;
Statuant à nouveau sur le chef infirmé,
déboute Monsieur Mohammed D... de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct ;
Ajoutant au jugement déféré,
Condamne la société CARRARD SERVICES à rembourser au pôle emploi concerné les indemnités de chômage versées à Monsieur Mohammed D... du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de QUATRE MOIS d'indemnités de chômage,
Déboute la société CARRARD SERVICES de sa demande d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société CARRARD SERVICES à payer à Monsieur Mohammed D... la somme de 700 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais d'appel.
Condamne la société CARRARD SERVICES aux entiers dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01663
Date de la décision : 19/03/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-03-19;11.01663 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award