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12/03/2013 | FRANCE | N°11/01652

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 12 mars 2013, 11/01652


COUR D'APPEL d'ANGERSChambre Sociale
ARRÊT N
AD/FB
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/01652
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instanceJugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 03 Juin 2011, enregistrée sous le no 09/00664

ARRÊT DU 12 Mars 2013

APPELANTES :
Madame Géraldine X......37110 MONTHODON
représentée par Maître Jean-Carles GRELIER, substituant Maître Alain PIGEAU, avocat au barreau du MANS
SARL GROUPE S

EPHIRA5, rue Gabriel Marie13010 MARSEILLE
représentée par Maître Flore PATRIAT substituant Maître O...

COUR D'APPEL d'ANGERSChambre Sociale
ARRÊT N
AD/FB
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/01652
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instanceJugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 03 Juin 2011, enregistrée sous le no 09/00664

ARRÊT DU 12 Mars 2013

APPELANTES :
Madame Géraldine X......37110 MONTHODON
représentée par Maître Jean-Carles GRELIER, substituant Maître Alain PIGEAU, avocat au barreau du MANS
SARL GROUPE SEPHIRA5, rue Gabriel Marie13010 MARSEILLE
représentée par Maître Flore PATRIAT substituant Maître Olivier GELLER, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 20 Décembre 2012 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, présidentMadame Anne DUFAU, assesseurMadame Anne LEPRIEUR, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT :du 12 Mars 2013, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******

FAITS ET PROCÉDURE :
Madame Géraldine X... a été engagée d'abord en contrat à durée déterminée le 18 décembre 2001 en qualité de secrétaire commerciale, puis en contrat à durée indéterminée le 2 janvier 2003 comme assistante commerciale, par la sa Sephira dont l'activité est le développement de logiciel médico-administratifs et la commercialisation d'équipements informatiques et de services pour les professionnels de la santé.
Des avenants successifs au contrat de travail ont été conclus, qui ont eu pour objet, le 16 mai 2006, de faire bénéficier Mme X... d'un temps partiel de 31 heures par semaine, puis le 1er janvier 2007, de transférer son contrat de travail à la sarl Groupe Sephira, société holding exerçant une activité identique à celle de la sa Sephira , et ayant M. C... pour gérant , et le 31 juillet 2008 ,de la promouvoir assistante de direction, avec le statut de cadre, et une rémunération brute mensuelle de 1950 €.
La sarl Groupe Sephira applique la convention collective des bureaux d'études techniques et cabinets conseils, et elle emploie plus de dix salariés.
Le 15 avril 2009 le poste de Mme X... a été redéfini et sa rémunération mensuelle brute portée à 2028 € pour 169 heures de travail par mois.
Elle a été convoquée le 20 octobre 2009 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 29 octobre 2009, l'employeur lui indiquant dans l'écrit de convocation qu'elle était dispensée de toute activité, mais restait rémunérée, et elle a été licenciée le 4 novembre 2009 pour faute grave.
Le 19 novembre 2009 Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes du Mans auquel elle a demandé de dire le licenciement nul et pour le moins irrégulier, ainsi que sans cause réelle et sérieuse, et de dire que le harcèlement moral accompli par l'employeur, ainsi que les modalités du licenciement, lui ont causé un préjudice moral.
Elle a demandé la condamnation de la sarl Sephira à lui payer :
-12 168 € à titre d'indemnité pour nullité ou irrégularité du licenciement, -6084 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, -608,40 € au titre des congés payés sur préavis, -5353 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, -20 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, -40 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Mme X... a demandé au conseil de dire que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter du jour de sa saisine, l'exécution provisoire, et la condamnation de la sarl Groupe Sephira à lui payer la somme de 6000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par jugement du 3 juin 2011 le conseil de prud'hommes du Mans a dit le licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse et a condamné la sarl Groupe Sephira à payer à Mme X... des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (12 168 €), une indemnité de préavis (6084 € )et les congés payés afférents, l'indemnité conventionnelle de licenciement (3300 €), mais a rejeté sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral du fait d'un harcèlement moral (sur le fondement de l'article L1152-1 du code du travail )et pour conditions vexatoires du licenciement (sur le fondement de l'article 1382 du code civil).
Le conseil de prud'hommes a rappelé que les sommes accordées porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 23 novembre 2009, pour les créances salariales, et à compter du prononcé du jugement pour les créances indemnitaires ; il a ordonné l'exécution provisoire, débouté la sarl Groupe Sephira de sa demande au titre des frais irrépétibles, et condamné celle-ci aux dépens.
Mme X... et la sarl Groupe Sephira ont chacune régulièrement interjeté appel de cette décision. Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 10 octobre 2011 du magistrat chargé d'instruire l'affaire.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 23 novembre 2012, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, Mme X... demande à la cour :
-de confirmer le jugement en ce qu'il a :
-dit que le licenciement est dénué de toute cause réelle et sérieuse, -fixé à la somme de 6084 € l'indemnité de préavis,-fixé à la somme de 608,40 € la somme due au titre des congés payés sur la période de préavis,-fixé à 3300 € l'indemnité conventionnelle de licenciement,

-de l'infirmer pour le surplus et de condamner la sarl Groupe Sephira à lui payer les sommes de :
-20 000 € à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice moral subi, -40 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-6000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Elle soutient:
- que le licenciement est nul ou à tout le moins affecté par une grave irrégularité car la convocation à l'entretien préalable lui a été remise par M. D... qui était un consultant extérieur à l'entreprise et que c'est ce dernier qui a conduit l'entretien préalable du 29 octobre 2009, puis a signé la lettre de licenciement pour le gérant M. C... ;
-que la faute grave n'est pas établie et qu'on lui reproche en fait sa relation avec M. E..., directeur général de la société, licencié en juin 2009, qui est son compagnon, et d'être de ce fait déloyale à l'égard de l'entreprise ; que ce grief est tiré de la prise en considération d'une situation de famille et donc constitue une discrimination ; que les griefs sur la formation sont trop éloignés du licenciement pour que la faute grave puisse être retenue.
-que le licenciement est sans cause, les griefs de l'employeur (incurie dans la gestion des budgets de formation, erreur dans la prise d'un billet de train, mauvaise gestion du parc véhicules, utilisation de chèques en blanc) n'étant pas établis ou, en ce qui concerne l'erreur dans la prise du billet de train, et l'utilisation de chèques en blanc, insusceptibles de s'analyser en une cause réelle et sérieuse.
Elle prétend que ses fonctions ont été progressivement réduites, par mels successifs reçus du 14 septembre au 25 septembre 2009, et qu'elle a eu la mauvaise surprise de découvrir, dans le rapport d'activité de la Direction financière et des Ressources humaines pour le mois de Septembre 2009, que son poste n'existait plus puisque l'ensemble de ses missions avait été réparties entre d'autres collaborateurs ; qu'elle a été finalement évincée avec une dispense d'activité le jour de la remise de la lettre de convocation à l'entretien préalable, et que ce harcèlement, puis cette brutalité justifient l'allocation de dommages-intérêts en réparation d'un évident préjudice moral, par application des dispositions de l'article 1382 du code civil .

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 20 décembre 2012, reprises et soutenues oralement à l'audience devant la cour, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer la sarl Groupe Sephira demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter Mme X... de toutes ses demandes, et de la condamner à lui payer la somme de 6000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
La sarl Groupe Sephira soutient :
-que le licenciement est régulier car si M. D... avait conclu avec l'entreprise un contrat d'auto-entrepreneur du 7 septembre au 6 novembre 2009, pour "une mission interne et permanente de direction générale de l'entreprise", il a été concomitamment présenté comme étant le nouveau directeur général de la société Groupe Sephira ; qu'un contrat de travail a été régularisé avec lui à compter du 9 novembre 2009, qui a prévu une reprise d'ancienneté au 7 septembre 2009 ; que M. D... n'était donc pas un tiers à l'entreprise, situation qui en tout état de cause n'aurait eu pour sanction que de rendre la procédure irrégulière, et non pas dépourvue de cause ou nulle ; qu'il était titulaire d'un mandat apparent qui engage la sarl Groupe Sephira et qu'il pouvait signer la lettre de licenciement p/o de M. C... comme cela a été fait ;
-que chacun des griefs caractérisant la faute grave de Mme X... est établi ;
-que Mme X... en se disant victime de faits "assimilables " à du harcèlement moral, entre le 10 septembre 2009 et le 15 octobre 2009, n'apporte aucune pièce probante à l'appui de ses allégations ; que les maigres échanges ayant eu lieu avec elle durant cette période sont intervenus dans le cadre tout à fait général de la réorganisation de la société, laquelle a concerné de nombreux salariés, et qu'il lui appartenait bien de gérer les déplacements et les emplois du temps du directeur général et du PDG, ainsi que de gérer les salles de réunion ; qu'il est faux de prétendre en revanche qu'elle aurait été responsable des achats, et que cette tâche lui aurait été retirée ; que si elle n'a pas été retenue pour la formation secouriste le 13 octobre 2009 c'est que le nombre de places était atteint ; que la pièce médicale qu'elle produit est une attestation du médecin du travail qui indique l'avoir rencontrée à sa demande le jour de l'entretien préalable au licenciement et ne démontre aucune souffrance au travail en lien avec un harcèlement ;

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le licenciement :
Aux termes des dispositions combinées des articles L1232-2 et L1232-6 du code du travail, l‘employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable, et lorsqu'il décide de le licencier, il lui incombe de lui notifier sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Il est acquis aux débats que Mme X... a été convoquée à l'entretien préalable à un éventuel licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 octobre 2010 de M. Jean-Luc D..., et que c'est M. D... qui a conduit le dit entretien, qui s'est tenu le 29 octobre 2009, en présence de Mme F..., déléguée du personnel ;
Il est également acquis que la lettre du 4 novembre 2009 par laquelle son licenciement a été notifié à Mme X... est signée par M. D..., pour M. C..., dirigeant de la sarl Groupe Sephira ;
Si le code du travail vise seulement " l'employeur " comme auteur possible de la convocation à l'entretien préalable et de la notification du licenciement, il peut s'agir du représentant légal de la personne morale ou d'un préposé de celle -ci placé dans une position hiérarchique supérieure au salarié licencié ; la délégation de pouvoirs n'est pas définie par la loi et la jurisprudence se reporte à celle du mandat ;celui -ci peut être écrit, verbal, ou même apparent ;
Pour qu'il y ait délégation du pouvoir de licencier, un rapport de subordination doit néanmoins exister entre l'employeur et le délégataire, qui ne peut pas être une personne étrangère à l'entreprise ;
Il résulte en effet des dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail que la finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour conduire la procédure de licenciement jusqu'à son terme et que le licenciement intervenu dans ces conditions est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La sarl Groupe Sephira ne produit pas plus devant la cour que devant les premiers juges de traduction du "contrat d'auto-entrepreneur" qu'elle a conclu pour la période allant du 7 septembre au 6 novembre 2009, et qui couvre par conséquent l'entier déroulement de la procédure de licenciement de Mme X..., avec M. Jean-Luc D... ; elle soutient cependant que ce document,rédigé en langue anglaise, donnait à M. D... une mission de "direction générale " de l'entreprise et que, présenté d'autre part comme directeur général, y compris dans l'organigramme de la société, il n'était pas une personne étrangère à l'entreprise et était titulaire d'un mandat apparent qui engageait celle-ci ;
Dans ce contrat du 7 septembre 2009 intitulé "contractor services agreement" M. D... est effectivement présenté comme un "auto-entrepreneur " avec lequel la sarl Groupe Sephira conclut pour une période de deux mois un contrat de "services" ;
La mission confiée à M. D... est ainsi définie :"job description :consulting services regarding strategy of groupe Sephira, as well as operational organisation of groupe sephira general management ";
ce qui signifie : services de conseils concernant la stratégie du groupe Sephira, ainsi que l'organisation opérationnelle de la direction du groupeSephira ;
Il s'agit donc d'une mission de conseils, et d'une activité de consultant, mais non pas comme le soutient la sarl Groupe Sephira d'"une mission interne et permanente de direction générale de l'entreprise" ;
Le contrat du 7 septembre 2009 définit le statut de M. D... ainsi :"Relations of parties"4.1. Contractor is an independent contractor, not an employee of Sephira. No employment relationship is created by this Agreement for contracted services. Contractor shall retain his independent, professional status throughout this agreement and shall use their own discretion in performing the tasks assigned. "
ce qui signifie :le contractant est un contractant indépendant, non pas un employé de Séphira. Aucune relation d'emploi n'est créée par cet accord pour les services contractés. Le contractant conservera son statut de professionnel indépendant tout au long de l'engagement, et en usera à son gré pour remplir sa mission;
Il ressort de ce document que M. D... a été avec la sarl Groupe Sephira, du 7 septembre 2009 au 6 novembre 2009, dans une relation contractuelle de services, qu'elle lui a payés, selon les termes du contrat, 875 € par jour, mais qu'il n'a pas été son salarié ;
Il est inopérant sur ce point d'invoquer comme le fait la sarl Groupe Sephira la signature le 7 novembre 2009 avec M. D... d' un contrat de travail pour un emploi de directeur général, et une reprise d'ancienneté au 7 septembre 2009 : cette reprise d'ancienneté résulte de l'accord des parties ainsi que l'énonce l'article 1er du contrat de travail et ne modifie pas rétroactivement le statut de M. D... ;
Aucun lien de subordination n'a donc existé entre M. D... et M. C..., gérant de la sarl Groupe Sephira, du 7 septembre 2009 au 6 novembre 2009 et M. D... a été sur cette période une personne étrangère à l'entreprise, chargée d'une mission de services avec un statut de consultant indépendant ;

M. C..., gérant de la sarl Groupe Sephira ne pouvait pas déléguer son pouvoir de licencier à une personne étrangère à l'entreprise, ce qu'a pourtant été M. D... du 7 septembre 2009 au 6 novembre 2009 ;
Or, la procédure de licenciement de Mme X... a été exclusivement conduite, et menée à son terme, sur la période susvisée, par M. D..., qui l'a convoquée à l'entretien préalable à un éventuel licenciement, l'a reçue en entretien préalable, et a signé pour le gérant la lettre notifiant le licenciement ;
Sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de Mme X..., et par voie de confirmation du jugement, son licenciement, notifié par une personne étrangère à l'entreprise, est dit dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Sur les conséquences du licenciement :

Mme X... ayant plus de deux ans d'ancienneté au service de la société Groupe Sephira dont l'effectif salarié est d'au moins onze personnes, sont applicables les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail selon lesquelles :
"Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise... Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L.1234-9".
Elle n'entend pas obtenir sa réintégration au sein de l'entreprise mais sollicite une indemnisation au titre du licenciement subi, sur le montant de laquelle il convient de statuer ;
C'est la rémunération brute dont bénéficiait la salariée pendant les six derniers mois précédant la rupture de son contrat de travail qui est à prendre comme base d'indemnité minimale, soit un montant de 12 168 € étant rappelé que le salaire mensuel brut est de 2028 € ; l'éventuel surcroît relève de l'appréciation souveraine des juges du fond ;
L'ancienneté de Mme X... dans l'entreprise est de 7 ans et 11 mois et elle avait 31 ans au moment du licenciement ; elle a perçu de Pôle Emploi, au titre de l'aide au retour à l'emploi, du 27 décembre 2009 au 30 septembre 2012, la somme de 15 391,71 € et elle a retrouvé des emplois d'assistante, en contrat à durée déterminée, à compter de novembre 2010, puis a conclu le 9 janvier 2012 un contrat à durée indéterminée avec l'association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier, pour un emploi de conseiller de gestion de fonds niveau junior, à temps partiel, pour un salaire brut mensuel de 958,20 € ;
La cour trouve dans la cause les éléments nécessaires pour fixer l'indemnité due à Mme X... en réparation du préjudice causé par la rupture abusive du contrat de travail, par voie d'infirmation du jugement, à la somme de 24 000 € ;
Les parties s'accordent sur le fait que le statut de cadre de Mme X... lui ouvre droit aux termes de la convention collective des bureaux d'études techniques et cabinets d'ingénieurs conseils, appliquée par l'entreprise, au paiement d'une indemnité de préavis de trois mois, soit de la somme de 6084 €, outre celle de 608,40 € au titre des congés payés afférents ; le jugement est confirmé sur ce point ;
Mme X... ne remet pas en cause devant la cour le montant alloué par les premiers juges au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, soit la somme de 3300 €, que l'employeur ne critique pas non plus et qui correspond au calcul résultant de l'application des dispositions de l'article R1234-2 du code du travail, soit un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté dans l'entreprise ; le jugement est confirmé également sur ce point ;
En application de l'article L1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur au Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme X... du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
Sur le harcèlement moral :
Mme X... soutient avoir été victime d'un harcèlement moral de la part de son employeur et dénonce également le caractère "brutal" de son licenciement, en fondant sa demande en dommages-intérêts sur les dispositions de l'article 1382 du code civil selon lesquelles tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ;
La brutalité invoquée est décrite comme étant le fait que la salariée a été dispensée d'activité le jour de la remise de la convocation à l'entretien préalable au licenciement, et qu'il y a eu là une "mise à pied de fait" ;
La mise à pied conservatoire au moment de la convocation à l'entretien préalable au licenciement est néanmoins une mesure licite dont l'utilisation ne caractérise pas en soi l'existence de circonstances vexatoires accompagnant le licenciement ; en outre l'employeur a maintenu la rémunération de Mme X..., ce qui a empêché que ladite mesure ne soit cause de préjudice financier pour elle ;
Mme X... invoque encore des faits de "harcèlement" de son employeur, M. C..., dont elle dit qu'il l'a à compter de septembre 2009, dessaisie peu à peu de ses tâches contractuelles pour lui faire accomplir des travaux "subalternes" ;
Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel ;
En application de l'article L 1154-1 du même code, lorsque le salarié établit la matérialité des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ;
Mme X... a le 15 octobre 2009 adressé à son employeur un courrier dans lequel elle se plaint de "pressions assimilables à du harcèlement" dans ces termes :
"Plusieurs parties de mes missions ont été transférées à d'autres services : Mise à jour de l'organigramme Gestion des mutuelles Présence aux réunions de DirectionMise à jour du plan d'action de direction . Gestion du parc téléphones portables Organisation de l'optimisation des services généraux,
Aujourd' hui, j'effectue différentes missions de l'agent d'entretien non renouvelé: commande des fournitures de bureau prise de rendez-vous pour entretien voiture entretien voitures non attribuées à emmener chez Fiat ou autres commande de plateaux repas, courses nourritures, produits, matériel..Vérification des fournitures bureaux, entretien de la machine à affranchir, et de la plieuse."
Dans le cours de l'instance, elle s'est plainte en outre de s'être vue retirer la responsabilité des "achats" ;
Il ne ressort cependant pas de la fiche de poste de Mme X..., datée du 15 avril 2009, qu'elle ait eu en charge une fonction "achats" dans l'entreprise ; lui revient aux termes de ce document la gestion du mobilier de bureau, des fournitures de bureaux et des produits d'entretien, mais ces tâches ne sont pas celles d'une fonction "achats" qui est de nature plus générale ; son évaluation 2008 montre qu'une mission "assistante achat" était fin 2008 dite "à l'étude" mais ne lui était pas attribuée ;
Il n' apparaît pas non plus dans la fiche de poste que Mme X... ait eu à effectuer la "gestion des mutuelles", mais s'y trouve la seule mention de ce qu'elle doit assurer les "relations externes " de l'entreprise avec un certain nombre de partenaires, dont "l'assurance" ;
Aucune pièce aux débats ne témoigne de qu'on lui aurait retiré l'ensemble de ses attributions, qui sont regroupées dans la fiche de poste sous l'appellation services généraux, et pas plus n'est établi un transfert ou retrait de la tâche de mise à jour des plans d'action de la direction ; le rapport d'activité de la direction financière et ressources humaines pour le mois de septembre 2009, tel qu'il est produit, ne mentionne que les "projets/actions en cours ou à venir" ;
Mme X... produit une attestation de Mme G... directrice administrative et financière qui indique que la salariée n'a plus assisté aux comités de direction à compter de septembre 2009 ; il n'est cependant pas dit quelle était la fréquence de ces réunions, dont aucun compte rendu postérieur à septembre 2009 n'est produit ;
Quant à la mise à jour de l'organigramme et la gestion de la téléphonie portable, il résulte des pièces versées aux débats qu'il s'est agi là de réorganisations ou de regroupements de tâches techniques, dont le transfert n'a pas eu pour Mme X... de caractère vexatoire, alors qu'elle- même, lors de son évaluation pour l'année 2008 a exposé que le transfert des bureaux de l'entreprise dans un nouveau bâtiment avait été un "gros challenge", et avait créé une surcharge de travail, dont elle a dit qu'en raison de celle-ci "certains dossiers avaient été transférés dans d'autres services " ; ce processus était donc, dans son propre intérêt, déjà intervenu quelques mois auparavant, pour des tâches dénuées de responsabilité, mais dans le cadre d'un rééquilibrage des charges de travail ;
Aucun retrait de tâche ou de mission, caractérisant des faits de harcèlement, n'est établ i;
Il est acquis en revanche que M. C... a le 15 septembre 2009, demandé par mel à Mme X... d'aller chercher un client à la gare, et que le 12 octobre M. D... lui a par mel également demandé d'organiser l ‘aménagement d'une salle de réunion ;
L'employeur répond sur ces deux points que Mme X... avait, comme assistante de direction, à gérer les déplacements du PDG et du directeur général et de gérer les salles de réunion, ce que confirme la fiche de poste d'avril 2009 ;
Le mel adressé par M. C... à Mme X... le 15 septembre 2009 montre que la veille Mme H... et M. I..., autres salariés de la sarl Groupe Sephira, avaient été sollicités mais, pris par ailleurs, avaient demandé à M. C... s'il ne pouvait pas s'adresser à Mme X... ;
Il est d'autre part établi que Mme X... avait obtenu, au moment du transfert des bureaux de la société et du fait de sa surcharge de travail, le recrutement d'un agent d'entretien auquel elle avait pu déléguer des tâches ; il s'agissait d'un emploi intérimaire dont le contrat s'était interrompu après l'été 2009 ; au moment où M .Moullet a demandé à Mme X... d'aménager une salle de réunion, son remplaçant n'avait pas été trouvé, ce qui explique qu'elle ait dû répondre à la demande elle même ; elle a dû également accomplir les tâches qu'elle dit dans son courrier du 15 octobre 2009 avoir précédemment déléguées à l'agent d'entretien ; il n'apparaît pas que le remplacement de ce dernier lui ait été refusé ;
Quant au fait qu'elle n'ait pas été retenue pour une formation sauveteur secouriste du travail, Mme X... ne produit aucune pièce établissant qu'il s'agisse d'un refus injustifié et vexatoire, tandis que l'employeur lui oppose qu'il y avait un nombre de places limité ;
L'attestation établie le 18 novembre 2009 par le médecin du travail ne restitue que les dires de Mme X..., et fait le constat de troubles digestifs et du sommeil sans les dissocier de l'existence de la procédure de licenciement, qui est de nature à les expliquer ;
Il ne ressort par conséquent pas de l'ensemble de ces éléments que Mme X... ait subi des agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail et une altération de sa santé physique ou mentale ; pas plus ne sont établis des faits de harcèlement constituant une faute délictuelle de l'employeur à son égard ;

Par voie de confirmation du jugement, Mme X... est déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement ;
Sur les dépens et frais irrépétibles :
Les dispositions du jugement afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées ;Il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme X... les frais non compris dans les dépens et engagés dans l'instance d'appel ; la sarl Groupe Sephira est condamnée à lui payer, en application des dispositions de l'article 700 de code de procédure civile, la somme de 2000 € et doit être déboutée de sa propre demande à ce titre ;

PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers du 3 juin 2011 en toutes ses dispositions, sauf quant au montant des dommages-intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
L'infirme sur ce seul point et, statuant à nouveau,
Condamne la sarl Groupe Sephira à payer à Mme X... la somme de 24 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Y ajoutant,
Ordonne le remboursement par l'employeur au Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme X... du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
Condamne la sarl Groupe Sephira à payer à Mme X... la somme de 2000 € pour ses frais irrépétibles d'appel et déboute la sarl Groupe Sephira de sa propre demande,
Condamne la sarl Groupe Sephira à supporter les dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALL Catherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01652
Date de la décision : 12/03/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-03-12;11.01652 ?
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