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05/03/2013 | FRANCE | N°11/01097

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 05 mars 2013, 11/01097


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 05 Mars 2013
ARRÊT N
EP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01097
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 14 Avril 2011, enregistrée sous le no 09/ 01099

APPELANT :
Monsieur Paul X...... 44600 ST NAZAIRE
présent, assisté de Maître Gérard SULTAN (SCP), avocat au barreau d'ANGERS

INTIMÉE :
SA ABC GESTION 12 square François Truffaut 49009 ANGERS CEDEX 01
représentée par Maître Bertrand CREN (SARL L

EXCAP), avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Décembre 2...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 05 Mars 2013
ARRÊT N
EP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01097
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 14 Avril 2011, enregistrée sous le no 09/ 01099

APPELANT :
Monsieur Paul X...... 44600 ST NAZAIRE
présent, assisté de Maître Gérard SULTAN (SCP), avocat au barreau d'ANGERS

INTIMÉE :
SA ABC GESTION 12 square François Truffaut 49009 ANGERS CEDEX 01
représentée par Maître Bertrand CREN (SARL LEXCAP), avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Décembre 2012 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur Madame Elisabeth PIERRU, vice-présidente placée assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT : du 05 Mars 2013, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******

FAITS ET PROCEDURE
M. X... a été engagé en qualité de comptable par M. Y..., conseiller fiscal, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée du 1er janvier au 30 juin 1980, puis d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 1980, ses fonctions consistant " à suivre les dossiers de clients, tant au point de vue comptable, que partie sociale et fiscale ".
A compter de 1991, l'activité comptable de M. Y... a été reprise par une société d'expertise comptable dénommée " ABC Gestion " dans laquelle M. X... a poursuivi ses fonctions. La société ABC Gestion exploite trois cabinets d'expertise comptable, emploie une quarantaine de salariés et est soumise aux dispositions de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes.
A compter du 1er septembre 1995, M. X... a été affecté, avec son accord, à la cellule sociale, son poste étant ainsi défini : " Votre nouveau poste serait principalement consacré à la gestion d'un portefeuille de clients qui vous seraient personnellement affectés et pour lesquels vous effectuerez les travaux sociaux suivants : * bulletins de salaires, * déclarations sociales périodiques, * déclarations sociales annuelles, * formalités administratives d'embauche et de rupture de contrats de travail, * conseils en matière sociales, * et plus généralement toutes les tâches administratives relatives à la gestion du personnel. (...) Votre salaire resterait fixé à 10 000 francs par mois hors prime d'ancienneté et votre coefficient hiérarchique à 220 niveau 4. "
Selon avenant à effet au 1er mars 2003, il a été classé " assistant cellule sociale ", niveau 4, coefficient 220.
En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel de base brut de 1 710 €, outre une prime d'ancienneté brute de 121 € et un 13ème mois.
Le 24 avril 2008, il était délivré au salarié un avertissement disciplinaire fondé sur le fait qu'il avait établi, en août 2007, pour le compte d'un client Z..., un bulletin de paie faisant mention d'une prime exceptionnelle correspondant en réalité à un solde d'indemnité compensatrice de congés payés, laquelle avait été réclamée par la salariée concernée dans le cadre d'une instance prud'homale, le préjudice étant finalement pris en charge par le cabinet. Il lui était également reproché ne pas avoir tenu sa hiérarchie informée des difficultés rencontrées.
Le 21 juillet 2008, il lui était délivré un nouvel avertissement au motif que de nombreuses erreurs avaient été commises dans l'établissement de bulletins de paie des mois de février à mai 2008 pour le compte de la société de transports A... et qu'il n'avait pas informé sa hiérarchie des réclamations multiples du client et de l'éventuel litige qui pourrait en résulter.
Le 22 juin 2009, il était convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour insuffisance professionnelle.
Par lettre du 10 juillet 2009, il était licencié pour les motifs suivants : " Au cours de l'année 2008, nous avions été contraints d'attirer votre attention sur vos manquements professionnels et leurs conséquences pour le cabinet et le pôle social. Vous aviez fait l'objet de deux avertissements en date des 24 avril et 21 juillet 2008, aux termes desquels nous vous demandions expressément d'exécuter votre mission en conformité avec la réglementation sociale et comptable, ainsi que de rendre compte de toutes difficultés rencontrées. Malheureusement, la situation ne s'est pas améliorée et vos erreurs répétées sont devenues maintenant trop pénalisantes pour l'image du Cabinet (dossiers Z..., A... et B...). Dans le dossier B... par exemple, vous faites la demande d'aide HCR à la première embauche, alors que celle-ci correspondait à un contrat aidé, et n'y était pas éligible. Vous oubliez ensuite de faire la demande pour les embauches suivantes... et la cliente a subi un préjudice de 2 082, 56 € que le Cabinet a dû lui verser. Cette cliente avait en outre pris contact avec un autre Cabinet, et nous avons eu beaucoup de mal à la convaincre de rester. Il est maintenant patent que nous ne pouvons plus vous laisser assumer vos responsabilités directement auprès de la clientèle, tant cela est préjudiciable pour le Cabinet. Vos insuffisances pénalisent également les collaborateurs du pôle social, qui sont sans cesse obligés de vous aider, et sont perturbés dans leur propre travail. Cette situation nous contraint à mettre un terme à votre collaboration pour insuffisance professionnelle. (...) Compte tenu de votre ancienneté et de votre situation, la modification de fonctions que nous avions évoquée pour pallier vos difficultés demeure toutefois d'actualité jusqu'au plus tard le lundi 27 juillet. En cas d'accord de votre part, vous voudrez bien nous retourner les deux exemplaires de l'avenant à votre contrat de travail ci-joints paraphés et signés. La signature de cet avenant vaudra alors annulation d'un commun accord de votre licenciement et poursuite de votre contrat de travail dans ces nouvelles conditions. "
Le salarié a refusé, par lettre du 23 juillet 2009, la proposition d'avenant à son contrat de travail. Ayant été dispensé partiellement de l'exécution de son préavis, il a quitté l'entreprise le 31 juillet 2009.
M. X... a saisi en août 2009 la juridiction prud'homale de demandes tendant, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée sur le fondement de l'article L. 122-3-13 du code du travail et au paiement d'une indemnité de 1 907, 55 € à ce titre, à l'annulation des avertissements des 24 avril et 21 juillet 2008 ainsi qu'au paiement de la somme de 10 000 € de dommages-intérêts à ce titre, au paiement de la somme de 68 671 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de celle de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 14 avril 2011, le conseil de prud'hommes d'Angers a : * déclaré irrecevable la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée ; * déclaré non fondée la demande d'annulation des avertissements ; * déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et alloué à ce titre la somme de 15 000 € au salarié ; * condamné la société au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le salarié a interjeté appel, régulièrement, dudit jugement.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le salarié sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et son infirmation pour le surplus, renouvelant ses demandes initiales, sauf en ce qui concerne la demande de requalification, aucune demande n'étant formée en cause d'appel à ce titre.
S'agissant de l'avertissement du 24 avril 2008, il soutient que les faits étaient prescrits par application des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail. En outre, rien ne permet d'établir que le bulletin de paie litigieux ait été établi par lui-même. Par ailleurs, il se trouvait submergé par des tâches multiples et particulièrement complexes. Enfin, n'ayant jamais fait l'objet du moindre reproche pendant plus de 28 ans d'activité, la sanction est, en tout état de cause, totalement disproportionnée. S'agissant de l'avertissement du 21 juillet 2008, il est fondé sur une insuffisance professionnelle qui ne peut jamais constituer une faute et faire l'objet d'une sanction disciplinaire. Par ailleurs, les reproches sont infondés, et ce d'autant que les tâches confiées au salarié, très complexes, excédaient largement sa qualification et étaient sans rapport avec sa rémunération. Or ces deux avertissements l'ont profondément affecté.
Sur le licenciement, l'ancienneté extrêmement importante de M. X... dans l'entreprise suffit d'ores et déjà à exclure le grief invoqué d'insuffisance professionnelle. Par ailleurs, les manquements reprochés dans les dossiers Z... et A... ne pouvaient être sanctionnés une seconde fois. En outre, en invoquant des faits déjà sanctionnés sur le plan disciplinaire, l'employeur se plaçait nécessairement sur le terrain disciplinaire et devait respecter la procédure prévue à ce titre. Ainsi, les faits reprochés dans le dossier B...- au demeurant incompréhensibles-étaient prescrits. En tout état de cause, l'employeur a exigé du salarié qu'il accomplisse des tâches et assume des responsabilités excédant sa qualification et sans rapport avec sa rémunération, alors même qu'il ne justifie pas avoir satisfait à ses obligations de formation professionnelle et d'évaluation. Les autres faits, invoqués dans le cadre de la procédure et non visés dans la lettre de licenciement, seront nécessairement écartés. Enfin, en proposant à son salarié de poursuivre la relation de travail sur le même poste, avec la même rémunération et la même classification, la société a reconnu par la même que l'insuffisance professionnelle alléguée n'était pas établie et que la rupture du contrat de travail était injustifiée. L'importance du préjudice causé justifie l'allocation de dommages-intérêts d'un montant très supérieur à celui octroyé par les premiers juges.
La société, appelante incidente, conclut au débouté intégral et à la condamnation du salarié au paiement de la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles.
Elle fait valoir que les avertissements, non contestés lors de leur prononcé, sont justifiés. S'agissant de celui du 24 avril 2008, il est établi que M. X... a procédé à une intervention manuelle sur le compteur de congés payés de la salariée, commettant ainsi une faute, laquelle n'a été révélée à l'employeur qu'en avril 2008, ce dont il résulte que les faits ne sont pas prescrits. S'agissant de l'avertissement du 21 juillet 2008, les erreurs commises sont établies et, dès lors qu'il s'agissait, contrairement à ses allégations, de tâches relevant des fonctions du salarié, pour lesquelles il avait été formé et disposait des compétences nécessaires, la sanction doit être maintenue.
Quant au licenciement, il est possible de rappeler à l'appui du licenciement des faits ayant donné lieu à une sanction antérieure de moins de trois ans, comme en l'espèce. Par ailleurs, le salarié a commis de très nombreuses erreurs dans le traitement du dossier B..., ces erreurs ayant pénalisé la société cliente mais également l'employeur, celui-ci ayant été contraint de consentir des compensations financières. Le moyen tiré de la prescription est inopérant puisqu'il s'agit d'un licenciement pour insuffisance professionnelle. La société est fondée en outre à se prévaloir d'autres erreurs, commises dans le traitement d'autres dossiers, la lettre de licenciement visant une insuffisance professionnelle globale. Or, de nombreuses autres erreurs professionnelles ont malheureusement été relevées, lesquelles ne résultaient ni d'un manque de formation, ni d'un manque d'expérience, mais bien d'une évidente insuffisance professionnelle, et ces erreurs ont eu des conséquences préjudiciables pour l'entreprise. Enfin, il ne saurait être reproché à la société d'avoir, préalablement à la notification du licenciement, tenté de maintenir le contrat de travail de ce collaborateur ancien, en lui proposant une modification de son contrat de travail relativement à ses fonctions, son salaire et sa classification lui étant maintenus.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION
-Sur la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée :
Le jugement déféré a déclaré la demande de requalification irrecevable, au motif que l'article L. 122-3-13 ancien du code du travail, devenu l'article L. 1245-2, régissant les modalités de requalification d'un contrat à durée déterminée et l'octroi d'une indemnité, résultait d'une loi du 12 juillet 1990, postérieure à la conclusion du contrat litigieux.
La cour n'étant saisie d'aucune demande ni d'aucun moyen de ce chef, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de requalification.
- Sur la demande d'annulation des avertissements :
L'article L. 1332-4 du code du travail dispose : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ". Lorsque la prescription des faits fautifs est opposée par le salarié, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de ce qu'il n'a eu connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur desdits faits que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites.
S'agissant de l'avertissement du 24 avril 2008- pour lequel la prescription est opposée-, la société indiquait, dans la lettre d'avertissement : " A ce jour Monsieur Z... nous fait savoir que Melle C... intente une action à son encontre devant le conseil de prud'hommes (...) ", se prévalant ainsi de ce que les faits dont il s'agit venaient d'être portés à sa connaissance. Pour en justifier, elle produit une attestation de M. Z..., confortée par une attestation de l'un des experts-comptables du cabinet, M. D..., ainsi que par le jugement du conseil de prud'hommes rendu entre M. Z... et sa salariée, pièces dont il résulte effectivement que le litige dont il s'agit à été porté à la connaissance de la société par M. Z... au début du mois d'avril 2008. Dans ces conditions, les faits n'étaient pas prescrits.
La réalité des faits n'est pas contestée mais leur imputabilité l'est, alors même que le salarié n'a pas contesté la sanction lors de son prononcé, ne serait-ce que par un simple courrier en réponse à son employeur. En tout état de cause, les pièces produites par la société établissent bien que c'est M. X... qui a établi le bulletin de paie litigieux, faisant figurer de sa propre initiative comme prime exceptionnelle de 180 euros une indemnité compensatrice de congés payés due de 177, 24 € et soldant ainsi le compte de congés payés de la salariée concernée, sans informer sa hiérarchie des difficultés rencontrées. Ces faits, caractérisant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles, résultent en l'espèce d'une volonté délibérée, constitutive d'une faute.
Par ailleurs, aucune disproportion entre la faute et la sanction, laquelle se situe au plus bas de l'échelle des sanctions, n'est établie. A cet égard, le salarié se borne à alléguer avoir été débordé par des tâches multiples et complexes sans apporter le moindre élément ; par ailleurs, l'ancienneté ne saurait valoir immunité.
La demande d'annulation de l'avertissement du 24 avril 2008 n'est pas fondée. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
S'agissant de l'avertissement délivré le 21 juillet 2008, les nombreuses et préjudiciables erreurs techniques relevées par l'employeur procèdent, en l'état des pièces produites, non d'une volonté délibérée mais d'une insuffisance professionnelle, ne pouvant être sanctionnée disciplinairement. Par contre, comme relevé par les premiers juges, il était également reproché au salarié de ne pas avoir informé sa hiérarchie des difficultés rencontrées avec le client, alors même que celui-ci avait manifesté son mécontentement et émis des réclamations multiples. Or, ce seul grief, apprécié de surcroît à la lumière du précédent, justifie le prononcé d'un avertissement.
La demande d'annulation de l'avertissement du 21 juillet 2008 n'est pas plus fondée. Le jugement déféré sera également confirmé de ce chef.
- Sur la cause réelle et sérieuse de licenciement :
Le salarié argue tout d'abord de ce que son ancienneté extrêmement importante dans l'entreprise suffit d'ores et déjà à exclure le grief invoqué d'insuffisance professionnelle. Cette assertion repose sur le postulat que son comportement professionnel était resté constant. Or, l'employeur, comme on le verra plus avant, prouve le contraire.
La circonstance que des avertissements disciplinaires antérieurs aient été notifiés au salarié pour des faits liés à l'exercice de ses fonctions ne prive pas l'employeur de la possibilité de licencier le salarié en invoquant son insuffisance professionnelle, pour des faits nouveaux de même nature.
En l'espèce, il résulte clairement de la lettre de licenciement que l'employeur a entendu se prévaloir d'une insuffisance professionnelle, non fautive, ainsi que de ses conséquences préjudiciables pour l'entreprise.
Si un même fait fautif ne peut être sanctionné deux fois, en l'occurrence tel n'est pas le cas, le licenciement n'ayant pas été prononcé pour faute et l'employeur se bornant, dans la lettre de licenciement, à rappeler les avertissements antérieurs, puis à invoquer de nouveaux faits, notamment relatifs au traitement du dossier B.... Le moyen tiré de la prescription de ces derniers faits est inopérant.
En outre, il ne saurait être considéré que l'employeur ne peut, dans le cadre de la procédure, illustrer l'insuffisance professionnelle invoquée dans la lettre de licenciement par d'autres exemples, antérieurs au prononcé du licenciement. En effet, si la lettre de licenciement fixe les termes du litige, la mention de l'insuffisance professionnelle constitue un motif de licenciement qui peut être précisé et discuté devant les juges du fond.
En l'espèce, la réalité, la fréquence, la persistance et le caractère préjudiciable des erreurs commises par le salarié dans le traitement de certains des dossiers qui lui étaient confiés est établie par les pièces produites, en ce qui concerne le dossier B... mais également d'autres. Ne doivent cependant pas être pris en compte les faits antérieurs aux avertissements pour lesquels les pièces produites ne permettent pas de savoir à quelle date ils ont été portés à la connaissance de l'employeur (dossier E...), de même que ceux révélés postérieurement au licenciement. Ces erreurs ont consisté par exemple pour le salarié à omettre de demander dans les délais requis le bénéfice d'une aide à l'emploi au profit de Mme B..., celle-ci ayant été dédommagée par le cabinet de la totalité de son préjudice, soit 2 082, 56 €, en avril 2009, à la suite du refus de régularisation rétroactive opposé par Pôle emploi le 23 février 2009.
Par ailleurs, il est établi qu'outre le préjudice financier causé à l'entreprise, les défaillances professionnelles de M. X... ont causé un trouble caractérisé au sein du service dans lequel il exerçait. A cet égard, les témoignages de ses collègues, exprimés en termes mesurés, et notamment celui du délégué du personnel l'ayant assisté lors de l'entretien préalable, prouvent que, durant les deux dernières années, M. X..., éprouvé par des difficultés personnelles, ne parvenait plus à exercer ses fonctions avec le rigueur, la compétence et le sérieux dont il avait fait preuve auparavant, manquait de motivation, d'organisation, d'adaptabilité et ne parvenait plus à assumer ses fonctions " ce malgré un portefeuille dont le nombre de clients était inférieur à ceux des autres collaborateurs et dont la technicité n'appelait pas des connaissances nécessaires à un collaborateur confirmé ". C'est ainsi que ses collègues ont été souvent contraints de l'aider de façon conséquente, parfois pendant plusieurs semaines, et pour une part importante de ses dossiers, ce dont il est résulté une dégradation des relations au sein de la cellule.
Les allégations de M. X... selon lesquelles son employeur aurait exigé qu'il accomplisse des tâches et assume des responsabilités excédant sa qualification et sans rapport avec sa rémunération, alors même qu'il ne justifie pas avoir rempli ses obligations de formation professionnelle et d'évaluation, ne sont corroborées par aucun élément mais au contraire contredites par ceux fournis par l'employeur. Tout d'abord, les fonctions exercées correspondaient à la classification du salarié. En effet, selon la convention collective, l'assistant N 4, coefficient 220, fait partie du personnel d'exécution avec délégation. Il lui incombe des travaux d'exécution avec une part d'initiative professionnelle dans le traitement de l'information, l'assistant se faisant aider occasionnellement par des assistants de niveau inférieur et contrôlant les tâches qu'il a déléguées. Ce poste requiert, outre la formation initiale (baccalauréat), une expérience professionnelle préalable minimale. Il n'est d'ailleurs nullement allégué que les fonctions confiées au salarié aient été modifiées depuis son intégration au sein de la cellule sociale, à compter du 1er septembre 1995 ; or, il est établi que jusqu'au début de l'année 2008, soit pendant 12 années, le salarié a rempli ses obligations professionnelles sans s'attirer de quelconques observations ou reproches. Par ailleurs, alors qu'il est justifié par la société que M. X... a bénéficié de formations régulières (et notamment, pour les années 2008 et 2009, les 7 février 2008, 15 septembre 2008, 9 octobre 2008, 13 novembre 2008, 12 février 2009, 14 mars 2009, 2 juillet 2009 et 6 juillet 2009) et d'entretiens annuels d'évaluation (les 3 février 2006, 22 janvier 2007 et 11 février 2008), le salarié ne justifie nullement avoir formé de quelconques demandes de formation ou fait part à son employeur de difficultés. Dans ces conditions, les tâches confiées relevaient bien de la qualification professionnelle du salarié et l'employeur n'a pas manqué à ses obligations d'adaptation et de formation en ce qui concerne ce dernier.
Enfin, contrairement à ce que soutient le salarié, il ne lui a pas été proposé de poursuivre la relation de travail sur le même poste, mais bien une modification de ses fonctions. En effet, l'avenant au contrat de travail proposé indiquait que M. X... " occupera un poste d'assistant du Pôle social selon les instructions du (ou des) responsables de dossier du Pôle Social et de la responsable du Pôle social. Sans contacts directs avec la clientèle, M. Paul X... assurera notamment les tâches suivantes : * Tâches principales récurrentes :- Etablissement des bulletins de salaire sur moyens informatiques du cabinet au vu des renseignements fournis par le client,- Calcul et établissement des bordereaux de charges sociales et taxes sur salaires mensuels, trimestriels et annuels,- Déclarations récapitulatives annuelles (charges sociales et taxes assises sur les salaires),- Documentation du dossier, classement, archivage,...- Mise à jour et classement de la documentation du Pôle social, * Tâches ponctuelles :- Mise en forme de contrats de travail " simples ",- Possibilité de participer à des études, contrats particuliers, simulations de calcul, etc... sur délégation et sous contrôle du responsable du dossier,- Participation à l'organisation matérielle des élections de représentants du personnel,- Toutes tâches matérielles qui lui seront confiées par les responsables de dossiers. Ces tâches seront effectuées par délégation et sous contrôle des collaborateurs du pôle social responsables de dossiers, qui assureront la planification et la supervision des travaux effectués par M. Paul X.... " Une telle modification de fonctions, en ce qu'elle consistait à placer le salarié sous le contrôle et la responsabilité d'autres collaborateurs et à le priver de tout contact avec la clientèle, constituait, même assortie d'un maintien du salaire et de la classification-ce qui peut difficilement être reproché à l'employeur-, une modification du contrat de travail et nécessitait l'accord du salarié. Cette proposition, faite en considération de l'ancienneté du salarié, ne saurait priver les faits d'insuffisance professionnelle de leur réalité et de leur sérieux.
En conséquence, le licenciement sera jugé comme fondé sur une cause réelle et sérieuse et le jugement infirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, débouté M. X... de sa demande d'annulation des avertissements des 24 avril et 21 juillet 2008 ainsi que de paiement de dommages-intérêts à ce titre ;
Infirme le jugement pour le surplus et y ajoutant,
Déboute M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, ni en première instance, ni en cause d'appel ;
Condamne M. X... aux entiers dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01097
Date de la décision : 05/03/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-03-05;11.01097 ?
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