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26/02/2013 | FRANCE | N°10/03193

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 26 février 2013, 10/03193


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 26 Février 2013

ARRÊT N CLM/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 03193.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 03 Décembre 2010, enregistrée sous le no F 09/ 00448

APPELANT :
Monsieur Gilles X...... 69350 LA MULATIERE
présent, assisté de Maître Luc LALANNE, avocat au barreau du MANS

INTIMÉE :
SAS LANGUILLE 17 rue Mickaël Faraday 72100 LE MANS
représentée par Monsieur Y..., président directeur gÃ

©néral, assisté de Maître Nicolas CHAVRIER de la SCP FROMONT BRIENS et associés, avocat au barreau de LYON...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 26 Février 2013

ARRÊT N CLM/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 03193.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 03 Décembre 2010, enregistrée sous le no F 09/ 00448

APPELANT :
Monsieur Gilles X...... 69350 LA MULATIERE
présent, assisté de Maître Luc LALANNE, avocat au barreau du MANS

INTIMÉE :
SAS LANGUILLE 17 rue Mickaël Faraday 72100 LE MANS
représentée par Monsieur Y..., président directeur général, assisté de Maître Nicolas CHAVRIER de la SCP FROMONT BRIENS et associés, avocat au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Novembre 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 26 Février 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE :
Le 8 octobre 1979, M. Gilles X..., alors âgé de 23 ans, a été embauché par la société Le Comptoir métallurgique de Bretagne, filiale du groupe Descours et Cabaud, en qualité de stagiaire et a été affecté à l'agence de Lorient. La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un CDI, mais toujours sans contrat de travail écrit, et M. X... a été affecté à l'agence de Quimper en qualité d'adjoint du directeur puis de co-directeur, puis de directeur.
Courant 1986, il s'est vu confier la direction de l'agence de Bordeaux alors exploitée par la société Bernard Pages.
En novembre 1989, il a été nommé directeur de l'agence de Bonneuil exploitée par la société Descours et Cabaud, la plus importante du groupe pour compter environ 200 salariés
A compter du 1er janvier 1997, M. X... a été nommé directeur général salarié de la société Languille dont le siège social est situé au Mans, qui emploie environ 130 salariés et a une agence à Chartres et une autre à Alençon, chacune comptant environ 20 salariés. La société Languille, qui appartient au groupe Descours et Cabaud, a pour activité le négoce industriel. La convention collective applicable est la convention collective nationale des cadres des commerces de quincaillerie, fournitures industrielles, fers, métaux et équipement de la maison du 23 juin 1971 étendue par arrêté du 13 juillet 1973.
M. X... était placé sous la responsabilité hiérarchique du président M. Jean-Philippe Y..., président de la société Languille. Dans le dernier état de la relation de travail, il percevait une rémunération annuelle brute de l'ordre de 120 000 €.
Par lettre recommandée du 12 février 2009, soit deux jours après son rendez-vous de notation annuelle, il a été convoqué à un entretien préalable à sanction pour le 23 février suivant et, le 26 février 2009, il s'est vu notifier un avertissement.
Par lettre recommandée du 26 mai 2009 emportant mise à pied immédiate à titre conservatoire, M. X... a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 8 juin suivant.
Par lettre du 11 juin 2009, en application de l'article 27 de la convention collective des cadres des commerces de quincaillerie, fournitures industrielles, fers, métaux et équipement de la maison, il a été convoqué à un second entretien pour le 16 juin suivant.
Le 22 juin 2009, il s'est vu notifier son licenciement pour faute grave tenant, d'une part, à une modification unilatérale depuis janvier 2008 du système de parts variables des responsables " produits "- décision volontairement dissimulée à la hiérarchie, d'autre part, à un défaut d'application récurrent et répété des consignes et des directives données par son supérieur hiérarchique et, plus généralement, à un manquement à ses obligations professionnelles.
Le 21 juillet 2009, M. Gilles X... a saisi le conseil de prud'hommes pour contester son licenciement et obtenir, outre le rappel de salaire au titre de la mise à pied, les indemnités de rupture et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour préjudice moral.
Par jugement 3 décembre 2010 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes du Mans a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire prévue par l'article 515 code de procédure civile :- dit que le licenciement de M. Gilles X... ne relève pas d'une faute grave mais repose sur une cause réelle et sérieuse ;- condamné la société Languille à lui payer les sommes suivantes : ¤ 9 761, 40 € de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, ¤ 31 376 € d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés inclus, ¤ 82 402 d'indemnité conventionnelle de licenciement ; ¤ 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile :- rappelé que les créances salariales porteraient intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2009, date de réception par l'employeur de la convocation à comparaître à l'audience de conciliation, et que les créances à caractère indemnitaire porteraient intérêts au taux légal à compter du jugement ;- débouté M. X... de toutes ses autres demandes ;- débouté la société Languille de sa demande d'indemnité de procédure et l'a condamnée aux dépens.
La société Languille et M. Gilles X... ont reçu notification de cette décision respectivement le 8 et le 17 décembre 2010.
M. Gilles X... en a relevé appel général par lettre recommandée postée le 27 décembre suivant.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures enregistrées au greffe le 12 novembre 2012, soutenues et complétées oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. Gilles X... demande à la cour :
- de rejeter des débats la pièce no 5 bis constituée par une attestation de M. Michel Z... et ce, pour violation du contradictoire au motif que cette pièce a été communiquée la veille de l'audience à 16 h 42 ;- de confirmer le jugement entrepris s'agissant des sommes qui lui ont été allouées au titre du rappel de salaire afférent à la mise à pied conservatoire, de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;- de l'infirmer pour le surplus ;- de déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société Languille à lui payer de ce chef, une indemnité de 355 077 € en application de l'article L. 1235-3 du code du travail et la somme de 45 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;- de la condamner en outre à lui payer 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
A l'irrecevabilité de l'appel soulevée par l'intimée, l'appelant oppose que, s'il n'est pas contesté qu'un vice matériel généré par l'utilisation d'une matrice informatique inadéquate laisse apparaître les termes " Madame le Président " en entête de l'acte d'appel, d'une part, il s'agit d'une vice purement matériel, le libellé du courrier laissant apparaître, par l'utilisation des termes " Mon cher maître " que c'est bien au greffier que s'adressait l'auteur du courrier, d'autre part, les dispositions de l'article R 1461-1 du code du travail ne sont pas prescrites à peine de nullité de l'acte d'appel et la société Languille n'allègue aucun grief qui résulterait pour elle de cette irrégularité de forme.
A l'appui de sa demande tendant à voir déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. X... invoque tout d'abord le non-respect de la procédure conventionnelle instituée par l'article 27 de la convention collective en ce que, si l'employeur l'a bien convoqué à un second entretien, contrairement aux exigences de ce texte, il ne lui a pas signifié alors son licenciement, et il n'établit pas l'avoir fait, de sorte qu'il l'a privé de la possibilité de faire valoir ses observations dans les trois jours de cette notification. Il en conclut que la violation de cette garantie de fond rend son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. En second lieu, relevant que l'intimée ne soutient plus l'existence d'une faute grave en cause d'appel, et analysant les griefs invoqués à l'appui de son licenciement, M. X... argue de ce qu'aucun d'eux ne revêt un caractère réel et sérieux, que certains des faits invoqués sont, en tout état de cause, prescrits. Selon lui, son licenciement habillé d'un aspect disciplinaire totalement injustifié, s'inscrit en réalité dans une opération de restructuration à visée purement économique devant se solder par la fusion des sociétés Languille et Beauplet et comportant des rapprochements stratégiques entre les deux sociétés, lesquels se sont traduits par la concentration des fonctions de responsable des ressources humaines, de directeur administratif et financier et de directeur général en une seule personne au lieu de deux pour chaque fonction, la fusion des deux directeurs généraux s'étant traduite par son propre licenciement qui est intervenu à un moment où était prise la décision de fusionner les deux sociétés, opération qui est intervenue au début de l'année 2011.
Aux termes de ses écritures enregistrées au greffe le 26 octobre 2012, soutenues oralement à l'audience devant la cour, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société Languille demande à la cour :
- à titre principal, de déclarer l'appel formé par M. Gilles X... et, par voie de conséquence, irrecevable, au motif qu'il a été adressé à " Madame le Président " alors qu'aux termes des articles R. 1461-1 du code du travail et 932 du code de procédure civile, il doit être fait ou adressé au greffe de la cour ;
- à titre subsidiaire, de débouter M. Gilles X... de son appel et de l'ensemble de ses prétentions, de confirmer purement et simplement le jugement entrepris en toutes ses dispositions au motif, d'une part, que la procédure conventionnelle relative au second entretien au cours duquel le salarié a bien été informé de la décision qui allait lui être notifiée a été respectée, d'autre part, que le licenciement de l'appelant est parfaitement fondé au motif, tout d'abord, qu'il a unilatéralement modifié le système de rémunération variable des " responsables produits " de la société à l'insu de la direction et en contradiction avec les principes du Groupe Descours et Cabaud, de sorte qu'il a outrepassé ses fonctions et généré un précédent difficile à gérer au sein du groupe, en second lieu, qu'il s'est exonéré de façon récurrente des consignes données et des règles internes de l'entreprise attitude qui est caractérisée au travers de sa gestion du dossier dit " AS 24 ", par l'absence de mise en place du plan d'action " ACIERS ", par l'absence de mise en oeuvre d'un plan d'économie et par le non respect des règles en matière de notes de frais et de congés payés ;
- de condamner M. Gilles X... à lui payer la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure et à supporter les entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'appel :
Attendu qu'aux termes des articles R. 1461-1 du code du travail et 932 du code de procédure civile, " L'appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse par lettre recommandée au greffe de la cour. " ;
Attendu que M. Gilles X... a reçu notification du jugement entrepris le 17 décembre 2010 ; qu'il en a relevé appel par lettre recommandée établie par son conseil et postée le 27 décembre 2010 ;
Que pour conclure à l'irrecevabilité de cet appel, l'intimée fait valoir qu'il résulte de la mention " Madame le Président " portée en entête de ce courrier que, contrairement aux exigences des textes susvisés, l'appel n'a pas été formé auprès du greffe de la cour ;
Mais attendu que la mention litigieuse n'apparaît qu'en haut à droite du courrier, juste au-dessus de l'adresse ainsi libellée : " COUR D'APPEL Palais de Justice Rue Waldeck Rousseau 49043 ANGERS CEDEX CEDEX 04 " dans la partie qui apparaît dans la fenêtre de l'enveloppe, alors que le texte du courrier portant déclaration d'appel est précédé de la mention " Mon Cher Maître " qui n'apparaît pas pouvoir être destinée à un magistrat mais correspond aux termes usuellement utilisés par un avocat à l'égard du greffier, et qu'il se termine par l'expression " Votre bien dévoué ", laquelle s'inscrit dans le même usage ;
Et attendu que l'appel saisit valablement la cour dès lors que ce recours est parvenu et a été inscrit au greffe dans le délai prescrit par la loi ; que tel est bien le cas en l'espèce puisqu'il résulte de l'avis de réception que le courrier d'appel litigieux a été réceptionné au niveau du service courrier le 29 décembre 2010 et enregistré à cette date au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel d'Angers ainsi qu'en atteste le timbre à date apposé sur le courrier de déclaration d'appel, le greffier ayant, le jour même, dressé procès-verbal de déclaration d'appel et délivré les récépissés de déclaration d'appel à l'appelant, à son conseil et à l'intimée, laquelle, au surplus, n'allègue pas le moindre grief ;
Qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'appel formé par M. Gilles X... doit être déclaré recevable ;
Sur la demande de rejet des débats de la pièce no 5 bis :
Attendu qu'aux termes de l'article 15 du code de procédure civile, " Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense. " ;
Attendu que les parties ont été initialement convoquées à l'audience du 13 février 2012 ; que l'appelant a soulevé le moyen tiré du non-respect de la procédure conventionnelle de licenciement instituée par l'article 27 de la convention collective nationale des cadres des commerces de quincaillerie, fournitures industrielles, fers, métaux et équipement de la maison du 23 juin 1971 étendue par arrêté du 13 juillet 1973 aux termes de ses conclusions enregistrées au greffe le 4 janvier 2012 ; qu'il résulte du courrier adressé à la cour par le conseil de l'intimée le 10 février 2012 qu'il venait alors d'être destinataire de ces écritures ; qu'à sa demande, et afin de garantir le respect du contradictoire, l'affaire a donc été renvoyée contradictoirement à l'audience du 13 novembre 2012 ; attendu que la société Languille a conclu le 26 octobre 2012 et que M. Gilles X... a répondu par conclusions parvenues au greffe le 12 novembre 2012 ;
Que le conseil de la société Languille a transmis sa pièce no 5 bis (troisième attestation de M. Michel Z... établie le 12 novembre 2012 au sujet de la teneur de l'entretien du 16 juin 2009) à son adversaire en pièce jointe à un courrier électronique envoyé le 12 novembre 2012 à 16 h 42 ; que cette communication de dernière heure la veille de l'audience, alors que la société Languille a, après avoir reçu les premières conclusions de l'appelant, disposé au moins de neuf mois pour préparer sa défense et communiquer ses pièces, place son adversaire dans l'impossibilité de discuter utilement ce témoignage et ne permet pas de garantir le respect du contradictoire imposé par l'article 16 du code de procédure civile ; qu'il convient donc de rejeter cette pièce no 5 bis des débats ;
Sur le licenciement :
Attendu que l'article 27, intitulé " Congédiement ", de la convention collective nationale des cadres des commerces de quincaillerie, fournitures industrielles, fers, métaux et équipement de la maison du 23 juin 1971 étendue par arrêté du 13 juillet 1973 dispose : " Sauf en cas de faute lourde caractérisée, avant de procéder à un licenciement individuel, l'employeur ou son représentant habilité convoquera l'intéressé pour lui signifier cette décision. Si le cadre a des observations à formuler, il aura la faculté de le faire lui-même ou avec le concours d'un délégué dans les trois jours qui suivent cette décision. La notification de cette décision ne sera rendue officielle qu'après expiration du délai ci-dessus. " ;
Attendu qu'en l'espèce, M. Gilles X... a été convoqué par lettre recommandée du 26 mai 2009 à l'entretien préalable prévu par l'article L. 1232-2 du code du travail, lequel entretien a été fixé au 8 juin suivant et s'est déroulé à cette date ;
Que par courrier du 11 juin 2009, la société Languille l'a convoqué à un second entretien fixé au 16 juin 2009 à 10 h en lui précisant seulement que ce nouvel entretien était fixé par application des dispositions de l'article 27 de la convention collective susvisée ;
Que M. X... s'est ensuite vu notifier son licenciement pour faute grave par lettre recommandée du 22 juin 2009 ; qu'il soutient que, contrairement aux exigences de l'article 27 de la convention collective, l'employeur ne lui a pas, lors de l'entretien du 16 juin 2009, signifier sa décision de le licencier de sorte qu'il l'a privé de la faculté de faire valoir ses observations pendant le délai qui lui était ouvert ;
Attendu que la procédure conventionnelle prévue à l'article 27 de la convention collective nationale des cadres des commerces de quincaillerie, fournitures industrielles, fers, métaux et équipement de la maison du 23 juin 1971, étendue par arrêté du 13 juillet 1973, qui consiste à imposer à l'employeur de convoquer le salarié à un second entretien au cours duquel il doit lui signifier sa décision constitue pour le salarié une garantie de fond en ce que cette signification préalable à la notification officielle lui ouvre un délai de trois jours au cours duquel, informé de la teneur de la décision de l'employeur, il peut, avant toute notification officielle, faire valoir des observations seul ou avec l'assistance d'un conseiller ;
Attendu qu'à l'appui de sa position selon laquelle elle aurait bien signifier à M. X... sa décision de le licencier dès le 16 juin 2009, l'intimée verse aux débats une attestation établie par Mme Martine A..., responsable ressources humaines au sein d'une autre société du Groupe, attestation qui n'est, au demeurant, ni datée, ni signée, et aux termes de laquelle le témoin indique seulement avoir participé à l'élaboration du dossier de licenciement de M. X... et avoir constaté que M. Y..., le chef d'entreprise, était parfaitement au courant des obligations résultant pour l'employeur de l'article 27 de la convention collective applicable ; mais attendu qu'il ne ressort pas de ce témoignage que Mme A... ait personnellement constaté, le 16 juin 2009, que l'employeur a bien satisfait à son obligation de signifier sa décision à M. X... dès cette date, étant observé qu'il ne fait pas débat que ce témoin n'a pas assisté à l'entretien dont s'agit ;
Attendu que, faute pour l'employeur de rapporter la preuve, qui lui incombe, de ce qu'il a bien signifier à M. X... sa décision de le licencier dès le 16 juin 2009 en lui rappelant qu'il disposait d'un délai de trois jours pour faire valoir ses éventuelles observations, au besoin avec le concours d'un conseiller, avant que puisse intervenir toute notification officielle, force est de constater que M. X... n'a eu connaissance de la décision de la société Languille de le licencier que par le biais de la lettre de licenciement qui lui a été adressée le 22 juin 2009, de sorte qu'il a été privé de la possibilité de faire valoir, en connaissance de la décision de l'employeur et avant toute notification officielle, des observations propres à assurer sa défense ;
Attendu que le licenciement de M. X... doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse pour avoir été ainsi prononcé en violation de la garantie de fond instituée par l'article 27 de la convention collective applicable en l'espèce ;
Attendu, les deux parties concluant à la confirmation du jugement entrepris s'agissant des sommes allouées au salarié à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité conventionnelle de licenciement et la cour n'étant saisie d'aucun moyen de ces chefs, qu'il convient de confirmer le jugement sur ces points ;
Attendu, M. Gilles X..., justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, qu'il peut prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, selon lequel l'indemnité à la charge de l'employeur ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois, lesquels se sont élevés en l'espèce à la somme de 59 936, 28 € ;
Attendu que M. Gilles X... était âgé de 53 ans au moment de son licenciement et comptait 29 ans et 9 mois d'ancienneté ; qu'il résulte des débats et des pièces produites qu'après un délai de carence de 90 jours suite au licenciement litigieux, il a perçu des indemnités de chômage pendant un mois et demi puis a été engagé en contrat de travail à durée indéterminée par la société Molveaux et Depigny, en qualité de directeur pour assurer des fonctions de " management intérimaire ", moyennant une rémunération forfaitaire brute annuelle de 80 000 € ; attendu que cette relation de travail a pris fin le 31 décembre 2011 par une rupture conventionnelle, M. X... se trouvant, depuis lors, au chômage ;
Attendu qu'en considération de ces éléments et de la situation particulière du salarié, notamment de son ancienneté et de son âge au moment du licenciement litigieux, de la perte de revenus qu'il a subie dans le cadre de son nouvel emploi au sein de la société Molveaux et Depigny, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer à 300 000 € le montant des dommages et intérêts propres à réparer le préjudice résultant pour lui de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement ;
Attendu qu'à l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formée à hauteur de 45 000 €, M. X... invoque la brutalité de la rupture, le caractère fallacieux des griefs développés à son égard ainsi que l'attitude de l'employeur qui aurait consisté à leur donner un écho inconsidéré, et il verse aux débats un certificat médical établi par le Dr Claude B..., lequel indiquait, le 21 juillet 2009, qu'il suivait l'appelant depuis le mois de mars 2009 pour un problème de stress important lié, selon le patient, à des soucis professionnels ;
Attendu qu'il ne ressort pas des éléments de la cause que l'employeur ait entouré le licenciement de M. X... d'une particulière brutalité ou publicité, ni de circonstances vexatoires ; que le salarié ne justifiant pas d'un préjudice moral distinct de celui déjà réparé par l'indemnité précédemment allouée, par voie de confirmation du jugement déféré, il sera débouté de ce chef de prétention ;
Attendu qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par la société Languille à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. Gilles X... du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite d'un mois d'indemnités de chômage ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Attendu que la société Languille sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. Gilles X..., en cause d'appel, une indemnité de procédure de 2 500 €, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Déclare recevable l'appel formé par M. Gilles X... contre le jugement du conseil de prud'hommes du Mans du 3 décembre 2010 ;
Rejette des débats la pièce no 5 bis communiquée par la société Languille ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que le licenciement de M. Gilles X... repose sur une cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Juge le licenciement de M. Gilles X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la société Languille à lui payer la somme de 300 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Ordonne le remboursement par la société Languille à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. Gilles X... du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite d'un mois d'indemnités de chômage ;
Ajoutant au jugement entrepris,
Condamne la société Languille à payer à M. Gilles X... une indemnité de procédure de 2 500 € en cause d'appel et la déboute elle-même de ce chef de prétention ;
Condamne la société Languille aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/03193
Date de la décision : 26/02/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 23 septembre 2014, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 septembre 2014, 13-16.184, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-02-26;10.03193 ?
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