COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 26 Février 2013
ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02566.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 23 Septembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 00470
APPELANT :
Monsieur Laurent X...... 72300 PRECIGNE
présent, assisté de Maître Jean-yves BENOIST, avocat au barreau du MANS
INTIME :
Monsieur Laurent Z...... 72300 SOLESMES
présent, assisté de Maître Virginie CONTEsubstituant la SCP MEMIN-PIGEAU, avocats au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Novembre 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Anne DUFAU, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 26 Février 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE :
Le 9 février 2004 M. Z..., qui dirige une entreprise de menuiserie-plâtrerie-et pose de placoplâtre, sise à Solesmes (72) qu'il a créée en 1994, a embauché M. X... en contrat à durée indéterminée, comme menuisier-plaquiste, au coefficient 185, pour un salaire mensuel brut de 1445, 68 € et 39 heures de travail par semaine.
Cette entreprise, qui emploie habituellement moins de 11 salariés, relève de l'application du décret du 1er mars 1962, de la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment du 8 octobre 1990, et de la convention collective régionale Pays de la Loire.
Au titre de l'année 2008, la rémunération globale de M. X... a été, primes incluses de 18 712, 71 €.
Le 12 décembre 2008, M. Z... a adressé à M. X... une lettre dans laquelle il lui proposait de réduire son temps de travail à 35 heures, ce que M. X... a refusé.
L'activité de l'entreprise étant affectée par la crise économique, M. Z... a procédé à trois licenciements économiques, dont celui de M. X..., auquel il a adressé le 16 juin 2009 une lettre de licenciement pour motif économique.
L'effectif s'est également réduit du fait d'un départ à la retraite, et du départ d'un apprenti.
Le 28 juillet 2009 M. X... a saisi le conseil de prud'hommes du Mans devant lequel il a réclamé un rappel de salaires, fondé sur une classification de son emploi selon lui erronée, contesté le caractère réel et sérieux de son licenciement, et soutenu que les critères d'ordre des licenciements n'avaient pas été respectés par M. Z....
M. X... a demandé paiement des sommes suivantes :
-5 577, 61 € bruts à titre de rappel de salaire (coefficient 185 à 210 sur les 18 premiers mois), et les congés payés y afférents,-14 769, 58 € bruts à titre de rappel de salaire (coefficient 185 à 230 jusqu'au 1er/ 03/ 09) et les congés payés y afférents,-527, 80 € bruts à titre de rappel de salaire (coefficient 210 à 230 du 1er/ 03/ 2009 au 26/ 06/ 09), et les congés payés y afférents,-15 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- subsidiairement, 15 000 € pour non respect des critères d'ordre des licenciements,-1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X... a demandé au conseil de prud'hommes d'ordonner, avant dire droit, le versement par M. Z... de son registre d'entrées et de sorties du personnel, d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, de condamner M. Z... à lui délivrer les bulletins de salaire conformes au jugement à intervenir, ainsi que le certificat de travail et l'attestation ASSEDIC également conformes, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification du jugement, de condamner M. Z... aux entiers dépens.
Par jugement du 23 septembre 2010, le conseil de prud'hommes du Mans a dit que M. X... a été rempli de ses droits, que son licenciement s'analyse bien comme un licenciement économique, et que les critères d'ordre ont été respectés ; il a en conséquence débouté M. X... de toutes ses demandes, débouté M. Z... de sa demande au titre de ses frais irrépétibles, et condamné M. X... aux dépens.
Le jugement a été notifié le 28 septembre 2010 à M. Z..., et le 1er octobre 2010 à M. X..., qui en a fait appel par déclaration au greffe de son conseil enregistrée le 15 octobre 2010.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 2 novembre 2011, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. X... demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de condamner M. Z... à lui payer les sommes de :
-5 577, 61 € bruts et les congés payés y afférents, à titre du rappel de coefficient 185 au coefficient 210, sur les 18 premiers mois de travail,-14 769, 58 € bruts et les congés payés y afférents, à titre de rappel du coefficient 185 au coefficient 230, pour la période postérieure et jusqu'au 1er/ 03/ 09,-527, 80 € bruts outre les congés payés au titre du rappel du coefficient 210 au coefficient 230, entre le 1er mars 2009 et le 26 juin 2009,-15 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-15 000 € pour non respect des critères d'ordre des licenciements,-2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel,
M. X... demande à la cour de condamner M. Z... à lui délivrer les bulletins de salaire conformes à l'arrêt à intervenir, ainsi que le certificat de travail et l'attestation ASSEDIC également conformes, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification, et de condamner M. Z... aux entiers dépens.
M. X... soutient à l'appui de sa demande de rappel de salaire que M. Z... savait qu'il était titulaire d'un bac professionnel, car c'était lui qui l'avait démarché chez son précédent employeur M. B..., étant à la recherche d'un menuisier plaquiste de bon niveau et qu'il aurait dû dès lors, dans les termes de la convention collective, le classer dès l'embauche au coefficient 210 ; qu'après 18 mois d'emploi M. Z... devait le classer, toujours conformément à la convention collective, au coefficient 230 ; il critique le calcul de rappel de salaire versé aux débats par M. Z... pour les 18 premiers mois d'emploi, de 2841, 22 €, en soutenant que l'employeur a à tort englobé dans l'assiette du calcul de la rémunération accordée au salarié les primes qu'il a perçues dans le cadre de son travail, alors selon lui que les primes exceptionnelles, qui s'apparentent à des primes de rendement, ne peuvent être incluses dans l'assiette permettant de calculer le salaire de base ; qu'elles ont vocation à s'ajouter au salaire conventionnel de base, calculé avec le bon coefficient.
Quant à son licenciement, M. X... conteste la réalité des difficultés économiques invoquées par M. Z..., et soutient que si l'activité avec le pavillonneur Maisons Aura s'est effectivement réduite de façon significative en 2009, il faut considérer le chiffre d'affaires de l'entreprise dans sa globalité, lequel est passé de 464 217, 33 € HT, en 2008, à 420 547, 57 € HT en 2009 ; que la baisse, de l'ordre de 10 %, n'est pas suffisante pour justifier le licenciement ; que trois départs ont eu lieu de l'entreprise du fait d'une fin de contrat à durée déterminée, d'une fin d'apprentissage et d'un départ de la retraite et que cela était amplement suffisant pour pallier la diminution légère du chiffre d'affaires HT de l'entreprise sur le premier semestre 2009 ; qu'en outre en avril 2009, deux mois avant le licenciement, M. Z... annonçait par voie de presse son installation dans de nouveaux locaux professionnels.
M. X... précise qu'il ne travaillait pas à 90 % de son temps, comme les premiers juges l'ont retenu pour dire le licenciement justifié, pour le pavillonneur Maisons Aura, même s'il était le seul menuisier de l'entreprise, mais aussi de façon très habituelle sur d'autres chantiers.
Il relève enfin quant à l'ordre des licenciements que d'autres salariés de l'entreprise avaient une ancienneté moindre à la sienne, et que les premiers juges ont motivé leur décision en dehors des critères de l'article L1233-5 du code du travail.
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Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le10 avril 2012, reprises et soutenues oralement à l'audience devant la cour, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. Z... demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de condamner M. X... aux dépens, et à lui verser, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 2000 €.
M. Z... oppose à son salarié, sur la demande de rappel de salaire liée au coefficient, que celui-ci ne peut revendiquer le bénéfice d'une disposition conventionnelle alors qu'il a en a " volontairement ou involontairement dissimulé les conditions d'application " ; que quant au passage au coefficient 230, il faut cumuler pour apprécier ce point, les dispositions de la convention collective des ouvriers du bâtiment et celle spécifique à la région Pays de la Loire, et qu'aucune disposition conventionnelle ne prévoit un passage, du fait de l'ancienneté, du coefficient 180 au coefficient 230, mais que ce changement s'obtient par une évolution des travaux confiés, une plus grande autonomie, et une évolution des connaissances professionnelles ; que le travail confié à M. X... est resté identique pendant toute l'exécution du contrat de travail ; qu'en outre un rappel de rémunération, sur une base conventionnelle, ne saurait être effectué sans tenir compte de l'intégralité des éléments de rémunération versés au cours de la période concernée et que M. X... a perçu des primes, qui doivent être intégrées dans le comparatif des rémunérations ; que considération prise de ces primes, sur la base du coefficient 210, le rappel de salaire de juillet 2004 à mars 2009, s'élèverait alors, s'il était fondé, à la somme de 2841, 22 €.
Sur la cause du licenciement, M. Z... soutient que la chute, au cours du premier semestre 2009, du carnet de commandes des Maisons Aura, pavillonneur qui représentait en 2008 70 % de son chiffre d'affaires, l'a obligé à adapter son effectif car le nombre de pavillons restant à réaliser ne justifiait plus un emploi à plein temps de menuisier ; qu'au jour de son départ, M. X... n'avait plus aucun pavillon à équiper.
Sur l'ordre de licenciements, M. Z... rétorque que M. X... était seul de sa catégorie professionnelle, soit menuisier-plaquiste, les autres salariés étant des plâtriers-plaquistes.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le coefficient :
Le salarié est en droit de demander en justice une nouvelle classification si son salaire ne correspond pas à l'indice normalement prévu dans la convention collective au regard de l'activité réellement exercée.
Il lui appartient de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.
Le juge détermine les tâches réellement exercées, et les rapporte aux grilles indiciaires.
M. X... relève en premier lieu qu'il a obtenu le 4 juillet 1995 un brevet d'études professionnelles-bois et matériaux associés-et le 14 septembre 1998, le baccalauréat professionnel spécialité bois, construction et aménagement du bâtiment ;
La convention collective des ouvriers du bâtiment énonce, dans son préambule, " la volonté des organisations professionnelles signataires de valoriser les métiers du bâtiment et d'améliorer l'image de marque de la profession afin notamment d'attirer et de conserver les jeunes qualifiés.. ce qui suppose une prise en compte accrue par la profession et par les entreprises des impératifs de formation, initiale et continue... "
Elle précise cet objectif, notamment à l'article 12. 42 al. 1, en ces termes :
" Les ouvriers titulaires d'un brevet professionnel, d'un brevet de technicien, d'un baccalauréat professionnel, d'un diplôme équivalent (niveau IV de l'éducation nationale) seront classés en niveau III, position 1, coefficient 210 ".
Il est acquis aux débats que M. X... était détenteur d'un brevet professionnel et d'un baccalauréat professionnel lorsqu'il a été embauché par M. Z..., le 9 février 2004, et qu'il remplissait par conséquent la condition conventionnelle de diplôme qui permet l'accès au coefficient 210 ;
La réalisation de cette condition, dès lors qu'elle est connue, et peu important à quel moment ou dans quelles circonstances, ouvre droit à M. X... à un rappel de salaire consistant en la différence entre le salaire brut de base qu'il a perçu, par application du coefficient conventionnel 185, et le salaire mensuel minimal fixé par la convention collective pour l'indice 210, ce entre juillet 2004, ainsi que le relève justement M. Z..., par application de la prescription quinquennale des salaires visée à l'article L3245-1 du code du travail, la saisine du conseil de prud'hommes ayant eu lieu le 28 juillet 2009, et le 1er mars 2009, date à laquelle M. Z... lui a appliqué, sur sa réclamation, le coefficient 210 ;
M. X... a cependant effectué son calcul de rappel de salaire en utilisant dès l'année 2004 le montant de salaire conventionnel minimum fixé par l'avenant régional Pays de la Loire du 21 mai 2008 à la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment, soit le montant de 1604, 67 €, correspondant à un taux horaire brut de 10, 58 €, alors que ces montants n'ont été applicables qu'à compter du 1er juillet 2008 ;
Il faut en réalité faire application successivement, à l'indice 210, des grilles de salaires fixées par les avenants à la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment suivants :
- avenant départemental-texte salaires-Mayenne-Sarthe-Vendée-accord du 19 avril 2001, applicable au 1er novembre 2001 : salaire minimum à 1335, 08 € et taux horaire à 7, 90 € ;
- avenant Pays de la Loire du 20 septembre 2005, applicable au 1er octobre 2005 : salaire minimum à 1468, 17 € et taux horaire à 9, 68 € ;
- avenant Pays de la Loire du 14 septembre 2006, applicable au 1er octobre 2006 : salaire minimum à 1512, 15 € et taux horaire à 9, 97 € ;
- avenant Pays de la Loire du 16 juillet 2007, applicable au 1er octobre 2007 : salaire minimum à 1554, 62 € et taux horaire à 10, 25 € ;
- avenant Pays de la Loire du 21 mai 2008, applicable au 1er juillet 2008 : salaire minimum à 1604, 67 € et taux horaire à 10, 58 € ;
Il en résulte, au regard du salaire mensuel de base figurant sur les bulletins de salaire de M. X..., qu'il a perçu à ce titre :
¤ Pour 2004 (à compter du 28 juillet) : 6392, 90 € au lieu de 6675, 40 € soit une différence de : 282, 50 €,
¤ Pour 2005 (12 mois) : 15 779, 76 € au lieu de :- de janvier à septembre : 12 015, 72 € et d'octobre à décembre : 4404, 51 €, soit une différence de : 640, 47 €,
¤ Pour 2006 (12 mois) : 16 252, 92 € au lieu de :- de janvier à septembre : 13 213, 53 € et d'octobre à décembre : 4536, 45 € soit une différence de : 1497, 06 €,
¤ Pour 2007 (12 mois) : 16 780, 80 € au lieu de :- de janvier à septembre : 13 609, 35 € et d'octobre à décembre : 4663, 86 € soit une différence de : 1492, 41 €,
¤ Pour 2008 (12 mois) : 17 199, 36 € au lieu de :- de janvier à juin : 9327, 72 € et de juillet à décembre 9628, 02 € soit une différence de : 1756, 38 €,
¤ Pour 2009 (2 mois) : 2866, 36 € au lieu de 3209, 34 € soit une différence de : 342, 78 €,
Le rappel de salaire dû, par application du coefficient 210 au lieu du coefficient 185, du 28 juillet 2004 au 1er mars 2009, sur 35 heures hebdomadaires, s'établit ainsi à la somme de : 6011, 60 €, outre celle de 601, 16 € pour les congés payés y afférents ;
Il ne fait pas débat que M. X... était employé à raison de 39 heures par semaine, et que l'application du coefficient 210 aux heures supplémentaires porte la différence de rémunération résultant de l'application de ce coefficient modifié à la somme totale, sur la période considérée, de 9201, 22 € brut, déterminée par l'employeur lui-même ;
Il est encore établi par les bulletins de paie remis à M. X... que celui-ci a mensuellement perçu des " primes exceptionnelles ", qui s'analysent comme des primes de rendement, et qui constituent un élément de rémunération qui doit être ajouté au salaire horaire de base, pour vérifier si le salaire total atteint le minimum obligatoire selon la convention collective ;
Il n'est pas discuté par M. X... que ces primes s'élèvent sur la période considérée à un montant total brut de 6360 €, la différence restant due au salarié, par application du coefficient 210 au lieu du coefficient 185, s'établissant dès lors à la somme de 2841, 22 € outre 284, 12 € pour les congés payés y afférents ;
La demande de rappel de salaire formée par M. X... au titre de l'application du coefficient 210 est donc justifiée, pour les montants susvisés, et le jugement est infirmé en ce qu'il l'en a débouté, ainsi que de sa demande de remise de bulletins de salaire modifiés, du 28 juillet 2004 au 1er mars 2009 ; Aucune circonstance particulière ne justifie le prononcé d'une astreinte ;
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M. X... revendique en second lieu sa classification, à compter du 9 août 2005, soit 18 mois après son embauche, au coefficient 230, par application des dispositions conventionnelles ;
L'article 12. 42 al. 2 de la convention collective des ouvriers du bâtiment prévoit : " A l'issue d'une période maximale de dix-huit mois après leur classement, les titulaires d'un diplôme de niveau IV de l'éducation nationale seront classés à un niveau ou à une position supérieurs en fonction de leurs aptitudes et capacités professionnelles. Ce classement s'applique au titulaire de l'un de ces diplômes obtenu dans le cadre de la formation initiale. Dans le cadre de la formation professionnelle continue, la période probatoire sera réduite de moitié ".
La classification 230 revendiquée par M. X... correspond dans la convention collective des ouvriers du bâtiment au niveau III : compagnons professionnels, position 2, ainsi décrite : " les ouvriers de niveau III. 2 exécutent les travaux délicats de leur métier, à partir d'instructions et sous contrôle de bonne fin, Dans ce cadre, ils disposent d'une certaine autonomie et sont à même de prendre des initiatives se rapportant à la réalisation des travaux qui leur sont confiés.
Ils possèdent et mettent en oeuvre de très bonnes connaissances professionnelles acquises par formation professionnelle, initiale et/ ou une expérience équivalente. Ils peuvent être appelés à transmettre leur expérience et, éventuellement, à assurer le tutorat des apprentis et des nouveaux embauchés ".
Ce texte est le seul à considérer au regard de la demande de M. X..., les conventions collectives régionales des ouvriers du bâtiment des Pays de la Loire, avenants à la convention collective nationale, ne contenant pas de dispositions sur la définition des niveaux professionnels, mais fixant le salaire mensuel brut minimum ;
Il ne ressort pas de l'article L12. 42 al2 de la convention collective des ouvriers du bâtiment qu'un classement à l'indice supérieur soit acquis de droit, et de manière automatique, après 18 mois d'emploi : le texte prévoit que le classement supérieur des salariés diplômés doit se faire " en fonction de leurs aptitudes et capacités professionnelles ", et il précise que cette période de 18 mois est une période " probatoire ", qui est réduite de moitié pour le salarié ayant obtenu son diplôme dans le cadre de la formation professionnelle continue ;
Il faut donc se reporter à la définition conventionnelle du coefficient 230, et il appartient à M. X... de rapporter la preuve qu'il avait les aptitudes et capacités professionnelles lui permettant d'exécuter des " travaux délicats ", qu'il avait une " certaine autonomie " dans l'exécution de ses tâches, et qu'il pouvait " prendre des initiatives dans la réalisation des travaux qui lui étaient confiés " ; enfin qu'il mettait en oeuvre de " très bonnes connaissances professionnelles " ;
Il affirme cependant seulement avoir été " autonome à 100 % " sur les chantiers de menuiserie, au motif que M. Z... lui-même ne connaissait pas ce domaine professionnel et soutient qu'il avait un " panel d'activités de menuiserie varié allant de la pose de volets, escaliers, bloc portes, parquets, lambris, jusqu'à la pose de portes de garage automatiques ou de menuiseries en bois, PVC, alu... "
Si l'autonomie de M. X..., seul menuisier-plaquiste de l'entreprise, est certaine, celui-ci ne démontre pas avoir été à même de prendre des initiatives se rapportant à la réalisation des travaux confiés par M. Z..., qui lui donnait des instructions générales, et assurait le contrôle de bonne fin ; il n'établit donc pas que cette autonomie ait existé cumulativement avec un niveau augmenté de difficulté d'exécution des travaux confiés, par rapport au niveau d'embauche ;
Procédant par affirmation, M. X... ne décrit cependant pas la difficulté des travaux effectués, ni le niveau de connaissances professionnelles nécessaire à leur réalisation, et il n'apporte aucune pièce aux débats, justifiant la nature des travaux accomplis, et montrant les conditions dans lesquels il les exécutait au sein de l'entreprise ;
Le fait qu'il ait été, par la suite, embauché en contrat à durée déterminée au coefficient 230, est inopérant à établir la réalité des tâches qui lui ont été confiées dans le cadre de l'exécution du contrat de travail conclu avec M. Z... ;
Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de rappel de salaire au titre de l'application du coefficient 230 de la convention collective ;
Sur le licenciement :
Il résulte des dispositions des articles L1233-2 et L 1233-3 du code du travail applicables au moment de la notification du licenciement litigieux que tout licenciement économique est justifié par une cause réelle et sérieuse, et que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs, non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusées par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;
La lettre de licenciement comporte l'énoncé du motif économique invoqué par l'employeur, et elle fixe les limites du litige ; pour être suffisamment motivée elle doit comporter, en application des articles L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail, non seulement l'énonciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la réorganisation de l'entreprise, mais également l'énonciation des incidences de ces éléments sur l'emploi du salarié licencié ;
Dans la lettre de licenciement adressée le 16 juin 2009 à M. X..., M. Z... expose :
" Monsieur,
A la suite de l'entretien du 5 juin 2009, je vous informe que je suis contraint de vous licencier pour le motif économique suivant : suppression d'un poste de menuisier-plaquiste. Dans le contexte économique actuel, l'entreprise doit faire face à une importante diminution de son activité. Sur l'exercice précédent, elle a enregistré une forte diminution de son résultat et depuis le début de l'année, son chiffre d'affaires est en baisse. Cette réduction est principalement due à la chute d'activité de notre principal client : " les maisons Aura " qui générait notamment la quasi-totalité de l'activité pose de menuiserie. Je suis contraint de réorganiser notre fonctionnement et les prévisions d'activité sur le trimestre à venir ainsi que la situation actuelle de notre trésorerie me contraignent à procéder à votre licenciement. Il n'existe malheureusement aucun poste au sein de l'entreprise sur lequel je pourrai vous reclasser.
M. Z... justifie donc la suppression du poste de menuisier-plaquiste de M. X... par la chute de l'activité qui lui provenait des commandes d'un pavillonneur, la société Maisons Aura, pour lequel il réalisait des travaux de menuiserie et de placoplâtre ;
La perte d'un marché ne constitue pas en elle-même une cause de licenciement, les difficultés économiques s'appréciant au niveau de l'entreprise ;
Au soutient de l'affirmation de ses difficultés économiques, M. Z... produit ses bilans 2008 et 2009, arrêtés au 31 décembre, une situation comptable au 31 septembre 2009, et une attestation de son expert comptable quant à la répartition du chiffre d'affaires au 31 décembre 2008, et au 31 août 2009 ;
Il ressort de ce dernier document que si, au 31 décembre 2008, le chiffre d'affaires issu des commandes reçues du client Maisons Aura représentait 69, 40 % du chiffre d'affaires total de l'entreprise, cette proportion était passée à 31, 2 % seulement au 31 août 2009 ;
Ces données chiffrées établissent que M. Z... a, dès le premier semestre 2009, obtenu des marchés de restauration d'ancien, en remplacement du marché construction neuves ;
La situation comptable arrêtée au 30 septembre 2009 en témoigne aussi, puisqu'elle mentionne : production vendue (biens) : 316 349 € neuf : 173 475 € restauration : 142 874 € ;
Alors que le bilan arrêté au 31 décembre 2008 indique : production vendue : 464 217 € neuf : 398 017 € restauration : 66 201 € ;
La comparaison des chiffres d'affaires 2008 et 2009 rapportée à neuf mois, soit au 30 septembre 2009, établit une baisse de l'ordre de 9 %, et cette évolution s'est trouvée confirmée au 31 décembre 2009, la baisse étant alors de 10 % ;
M. X... a été embauché comme menuisier-plaquiste et avait par conséquent une compétence de plaquiste autant que de menuisier ; à ce double titre il était susceptible d'intervenir sur les chantiers de restauration dont M. Z... ne démontre pas qu'ils n'aient consisté qu'en de la plâtrerie ;
Les bilans produits montrent d'autre part que M. Z... a pu apporter 12 073 € dans l'entreprise entre le 31 décembre 2008 et le 30 septembre 2009, que celle-ci n'a effectué aucun emprunt supplémentaire par rapport à l'emprunt Caisse d'Epargne de 19 000 € déjà en cours, et qu'elle a continué à rembourser en 2009, et qu'au 31 décembre 2008 M. Z... disposait de disponibilités immobilisées pour un montant de 75 670 €, lesquelles étaient encore au 31 décembre 2009 de 31 982 € ;
Si la trésorerie de M. Z... a donc effectivement baissé entre décembre 2008 et le licenciement, elle n'a jamais été inexistante et M. Z... n'établit aucunement que le montant à disposition en juin 2009, montant qui était encore de 31 982 € à la fin de l'exercice 2009, ait constitué une difficulté de fonctionnement pour son entreprise ;
Quant au résultat de l'entreprise, il n'a jamais été négatif, et a diminué de 93 % entre décembre 2007, et décembre 2008, pour commencer à re-augmenter à partir du 31 décembre 2008, puisqu'il a été à cette date de 2477 €, puis au 31 décembre 2009 de 17 637 € ;
Il ressort de ces éléments que les difficultés économiques de M. Z... n'étaient, à la date du licenciement, ni sérieuses ni durables et que l'entreprise avait amorcé son redressement, à la fin du premier semestre 2009, en ayant obtenu des marchés de restauration d'ancien ;
La rupture du contrat de travail est donc sans cause réelle et sérieuse et le jugement est infirmé sur ce point, sans qu'il y ait lieu dès lors à l'examen du moyen de l'appelant sur l'ordre des licenciements ;
L'entreprise employant moins de 11 salariés, M. X... a droit, aux termes de l'article L1235-5 du code du travail, du fait de la rupture, à une indemnité correspondant au préjudice subi ;
Son salaire mensuel brut est en juin 2009 de 1833, 86 € et son ancienneté dans l'entreprise de 5 ans et 4 mois ; il avait 31 ans au moment de la rupture du contrat de travail ; il a retrouvé le 7 septembre 2009 un emploi " d'ouvrier professionnel " en contrat à durée déterminée à terme au 31 mars 2010 ;
La cour trouve en la cause les éléments nécessaires pour fixer l'indemnité due à M. X... du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 15000 € ;
Sur les dépens et frais irrépétibles :
Les dispositions du jugement afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens sont infirmées ; Il paraît inéquitable de laisser à M. X... la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ; M. Z... est condamné à lui payer à ce titre la somme de 1500 € et est débouté de sa propre demande ; M. Z... est condamné aux dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes du Mans du 23 septembre 2010 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de rappel de salaire au titre de l'application du coefficient 230 ;
statuant à nouveau,
Condamne M. Z... à payer à M. X... à titre de rappel de salaire pour l'application du coefficient 210 au lieu du coefficient 185, du 28 juillet 2004 au 1er mars 2009, la somme de 2841, 22 €, outre celle de 284, 12 € pour les congés payés y afférents,
Ordonne la remise par M. Z... à M. X... des bulletins de paie modifiés du 28 juillet 2004 au 1er mars 2009,
Dit n'y avoir lieu à astreinte,
Condamne M. Z... à payer à M. X... la somme de 15 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Y ajoutant,
Condamne M. Z... à payer à M. X... la somme de 1500 € pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel et le déboute de sa demande à ce titre ;
Condamne M. Z... aux dépens de première instance et d'appel.