ARRÊT DU 05 Février 2013
ARRÊT N AD/ FB
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01679.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 24 Juin 2011, enregistrée sous le no 10/ 00548
APPELANT :
Monsieur Eric X... ...72270 VILLAINES/ MALICORNE
présent, assisté de Monsieur Christian Y..., délégué syndical
INTIMEE :
MECACHROME FRANCE Zone Industrielle des Vignes 72300 SABLE S/ SARTHE
représentée par Maître Alain TANTON (SCP TANTON et associés), avocat au barreau de BOURGES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Décembre 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 05 Février 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
M. X... a été embauché comme cariste, par contrat à durée déterminée du 31 janvier 2000, puis en contrat à durée indéterminée du 19 octobre 2000, par la sa ACMS qui fabrique des culasses et dont le siège social ainsi que le site industriel se trouvent à Sablé sur Sarthe et appartient au groupe Mecachrome,
Le contrat de travail indique que M. X... peut " être appelé à exercer dans d'autres services toutes autres fonctions compatibles avec sa formation et sa qualification " et une clause de mobilité prévoit qu'il peut " être amené à exercer ses fonctions, à titre temporaire ou définitif, dans tout établissement, situé en France en exercice ou non à la date de signature des présentes, de l'une quelconque des sociétés du groupe auquel appartient ACMS ".
Par écrit du 11juin 2009 M. X... a accepté une affectation temporaire sur un poste d'opérateur de production sur machines à conduite numérique, que lui a proposé la sas Mecachrome France sur le même site industriel de Sablé, aux mêmes conditions de rémunération et de durée du temps de travail.
Le 6 avril 2010, puis le 9 juillet 2010, l'employeur lui a notifié deux avertissements.
Le 19 juillet 2010 il a été convoqué par la sas Mecachrome France à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 30 juillet 2010, avec mise à pied conservatoire.
M. X... a répondu à la mise à pied dans un courrier du 27 septembre 2010 adressé à la sas Mecachrome France.
Son licenciement pour faute grave lui a été notifié par la sas Mecachrome France le 6 août 2010.
M. X... a saisi le conseil de prud'hommes du Mans le 5 octobre 2010, auquel il a demandé de requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement économique, et de condamner la sas Mecachrome à lui payer les sommes suivantes :- indemnité compensatrice de préavis : 3962, 62 € outre les congés payés afférents,- indemnité de licenciement : 7822, 61 €,- dommages-intérêts au titre du droit individuel à la formation : 1028, 09 €,- dommages-intérêts pour licenciement abusif : 18 900 €,- dommages-intérêts pour non proposition de convention de reclassement personnalisé : 5000 €,- en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile : 1000 €.
Par jugement du 24 juin 2011, rendu après vaine tentative de conciliation et sous la présidence du juge départiteur, le conseil de prud'hommes a constaté que la demande de M. X... au titre du droit individuel à la formation était devenue sans objet puisque la sas Mecachrome avait le 23 novembre 2010 versé à ce dernier, en exécution de l'ordonnance de conciliation du 4 novembre 2010,
la somme de 1028, 093 €, a débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes, dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles, et condamné la sas Mecachrome France aux dépens.
Cette décision a été notifiée à M. X... et à la sas Mecachrome France le 28 juin 2011et M. X... en a fait appel par lettre postée le 29 juin 2011.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. X... demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 15 juin 2012 et complétées le 28 novembre 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, d'infirmer le jugement déféré, et statuant à nouveau de dire qu'il n'a pas commis de faute grave, que le contrat de travail n'a pas été exécuté de bonne foi, que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et de condamner la sas Mecachrome France à lui payer les sommes de :
- indemnité compensatrice de préavi : 4019, 30 € outre les congés payés afférents-indemnité de licenciement : 5405, 36 €- dommages-intérêts pour licenciement abusif : 18 900 €- en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile : 500 €
Le tout avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.
M. X... soutient que la cause de son licenciement est économique car la sas Mecachrome France connaissait des difficultés financières quand elle lui a proposé une affectation temporaire, et en juillet 2010 il a été licencié après un premier plan social et avant un autre, démarré en septembre 2010 ; que la sas Mecachrome est coutumière de l'utilisation du licenciement pour faute grave pour éviter le licenciement économique.
Il soutient que l'employeur ne prouve pas la faute grave, alors que la charge de cette preuve lui incombe, et que l'attestation de M. Z..., responsable technique, qu'il produit, n'est pas conforme aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile ;
Il conteste d'autre part s'être absenté autrement que pour " fumer une cigarette ou boire un café comme cela est le cas de tous les salariés de Mecachrome ", et soutient que l'employeur doit produire le règlement intérieur, et justifier du dépôt de ce document et de la consultation des instances de représentation du personnel dans les termes de l'article L1321-4 du code du travail, pour pouvoir sanctionner les faits reprochés ;
Il affirme que la ligne de production a connu des pannes successives, et qu'un technicien opérait des réglages ralentissant le flux d'arrivée des pièces, ce qui avait pour effet qu'il " n'avait plus rien à faire en attendant ". Il conteste avoir reconnu les faits ayant donné lieu aux avertissements des 6 avril 2010 et 9 juillet 2010 ;
M. X... soutient encore que le contrat de travail du 11 juin 2009 n'a pas été exécuté de bonne foi par l'employeur car la durée de l'affectation a excédé ce qui est temporaire d'une part, et que les opérations d'usinage n'étaient pas en rapport avec sa formation de cariste d'autre part.
La sas Mecachrome France demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 26 novembre 2012 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de confirmer le jugement entrepris et de condamner M. X... aux dépens d'appel.
Elle soutient que l'affectation temporaire de M. X..., le 11 juin 2009, sur un poste de fabrication, a été expressément acceptée par lui, et qu'elle était conforme aux dispositions de l'article 1er du contrat de travail du 19 octobre 2000 qui vise la possibilité pour le salarié d'être appelé à exercer toute autre fonction dans d'autres services de l'entreprise ; que même si l'on devait considérer qu'il s'agissait d'une modification du contrat de travail celle-ci a été acceptée par les deux parties ; que M. X... a bénéficié de la formation nécessaire après avoir expressément accepté sa nouvelle fonction, et qu'une affectation d'un an n'est pas incompatible avec la notion de " temporaire " ; qu'en outre et surtout, cette question du caractère temporaire de l'affectation, et de l'adaptation de M. X... à sa nouvelle fonction, n'a aucun rapport avec le motif du licenciement puisqu'il n'est aucunement reproché au salarié une insuffisance professionnelle ou des fautes techniques de production dans l'utilisation de la machine qui lui était affectée, mais que le grief qui lui est fait tient uniquement à son comportement, qui a consisté à s'absenter de son poste de travail le 15 juillet 2010, et à ne pas suivre les consignes données, les 16, 19 et 20 juillet 2010.
La sas Mecachrome soutient qu'elle fait la preuve de la faute grave, l'attestation de M. Z..., supérieur hiérarchique de M. X... étant précise, alors que les pannes ou réglages invoqués par le salarié pour justifier que n'ayant rien à faire, il aurait pu s'absenter du poste de travail, ne sont établies par aucune pièce versée aux débats ; qu'au surplus elles ne suffiraient pas à justifier ses absences.
L'employeur rappelle que deux avertissements avaient été notifiés à M. X... sans qu'il modifie son comportement, et que dans ces conditions le maintien dans l'entreprise s'avérait impossible.
La sas Mecachrome rappelle encore que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et que le licenciement pour faute grave, notifié par l'employeur ne peut être requalifié en un licenciement pour d'autres motifs ; que M. X... n'était pas en droit d'exiger le bénéfice d'une convention de reclassement personnalisé et a d'ailleurs renoncé à le faire.
A titre très subsidiaire la sas Mecachrome conteste les montants réclamés par M. X... au titre de l'indemnité de préavis et au titre de l'indemnité de licenciement en ce que le salarié prend comme base de calcul deux mois de salaire au lieu de trois, et un salaire mensuel moyen qui ne correspond pas au dernier salaire perçu.
MOTIFS DE LA DECISION
sur le licenciement :
Le juge devant lequel un licenciement est contesté doit, en application de l'article L. 1235-1 du code du travail, apprécier le caractère réel et sérieux des griefs énoncés dans le courrier qui notifie cette mesure et qui fixe les limites du litige, mais aussi rechercher au-delà de ces motifs, si le salarié le requiert, la véritable cause du licenciement prononcé ;
En cas de licenciement disciplinaire, la faute du salarié ne peut résulter que d'un fait avéré, acte positif ou abstention, mais alors dans ce dernier cas de nature volontaire, qui lui est imputable, et qui constitue de sa part une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et il incombe à l'employeur de l'établir.
M. X... soutient que la véritable cause de son licenciement a été économique ;
Il ne justifie cependant ni de la suppression de son poste, l'employeur ayant produit à sa demande le registre des entrées et des sorties du personnel, dont les mentions démentent cette allégation, ni de sa transformation, ni n'établit qu'une modification du contrat de travail consécutive à des difficultés économiques lui ait été proposée, qu'il ait refusée et que ce refus soit la véritable cause de son licenciement ; il est en effet acquis aux débats que l'affectation temporaire sur un poste de production qui lui a été proposée par la sas Macachrome, en conformité avec les stipulations du contrat de travail du 19 octobre 2000, a été acceptée par M. X..., dans ces termes, le 11 juin 2009 : " accepte d'exercer temporairement les fonctions d'opérateur commande numérique à compter du 15 juillet 2009 " ; Il est encore établi que l'employeur a formé M. X... à cette nouvelle fonction, que le salarié exerçait au moment du licenciement notifié pour faute grave ;
Le motif économique allégué doit donc être écarté, la cour ayant dès lors à vérifier l'existence de la faute grave invoquée par l'employeur comme cause du licenciement dans la lettre du 6 août 2010 ;
M. X... conteste la réalité des griefs reprochés, qui consistent en des absences répétées de son poste de travail, le 15 juillet 2010, et en un soutien insuffisant, les 16, 19 et 20 juillet 2010, à ses collègues du poste de soupaperie, alors que des directives lui avaient été données en ce sens ;
Il oppose à la sas Mecachrome que celle-ci ne produisant pas, malgré la demande qu'il a formulée en juin 2012 pour l'audience du 28 novembre 2012, et qu'il maintient, le règlement intérieur, elle n'établit pas avoir pu le sanctionner pour les griefs invoqués et que son licenciement est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
La sas Mecachrome a indiqué à l'audience qu'elle verserait le règlement intérieur aux débats si la cour l'exigeait, mais qu'en l'état M. X... ne contestait pas, quelle que soit la raison donnée par lui à ces absences, s'être absenté de son poste le 15 juillet 2010, et qu'il n'avait pas non plus contesté les avertissements des 6 avril et 9 juillet 2010 ;
Aux termes de l'article L1321-1- 3o du code du travail, le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement " les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur " ;
La sas Mecachrome qui emploie habituellement plus de 20 salariés a l'obligation, aux termes de l'article L1311-2 du code du travail, d'établir un règlement intérieur ;
Celui-ci peut contenir, pour les sanctions disciplinaires qu'il énonce, des modalités d'application qui sont des conditions de fond requises pour leur validité ;
Le non respect de telles modalités est susceptible de rendre le licenciement de M. X... dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Il y a en conséquence lieu, par application des dispositions de l'article 444 du code de procédure civile, d'ordonner la réouverture des débats aux fins de production par la sas Mecachrome de son règlement intérieur, tel qu'il était applicable à la date du licenciement, soit le 6 août 2010, et de la justification de son établissement et de son dépôt dans les termes de l'article L1321-4 du code du travail, afin que les parties s'expliquent contradictoirement sur ces points ;
Les demandes formées au titre des frais irrépétibles et des dépens sont réservées ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Avant dire droit,
INVITE la sas Mecachrome à verser aux débats son règlement intérieur, tel qu'applicable à la date du 6 août 2010, ainsi que les justificatifs de l'établissement et du dépôt du dit règlement intérieur conformément aux dispositions légales ;
ORDONNE à ces fins et sur ces stricts points la réouverture des débats à l'audience du 18 mars 2013 à 14 heures ;
RÉSERVE les demandes formées au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
DIT que la notification du présent arrêt vaudra convocation des parties à la dite audience.