La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/02/2013 | FRANCE | N°10/02814

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 05 février 2013, 10/02814


COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
BAP/ MM

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02814.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 11 Octobre 2010, enregistrée sous le no 08/ 00647

ARRÊT DU 05 Février 2013

APPELANT :

Monsieur Régis X...
...
85520 ST VINCENT SUR JARD

représenté par Maître Patrick BARRET, substitué par Maître Christelle GODEAU, (SCP), avocat au barreau d'ANGERS

INTIMES :

Maître Eric Y...

, ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SYNERGIES LOGISTIQUES TRANSPORTS
...
...
49105 ANGERS CEDEX ...

COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
BAP/ MM

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02814.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 11 Octobre 2010, enregistrée sous le no 08/ 00647

ARRÊT DU 05 Février 2013

APPELANT :

Monsieur Régis X...
...
85520 ST VINCENT SUR JARD

représenté par Maître Patrick BARRET, substitué par Maître Christelle GODEAU, (SCP), avocat au barreau d'ANGERS

INTIMES :

Maître Eric Y..., ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SYNERGIES LOGISTIQUES TRANSPORTS
...
...
49105 ANGERS CEDEX 2

l'A. G. S., agissant par son association gestionnaire l'UNEDIC-C. G. E. A. de RENNES Immeuble Le Magister
4 cours Raphaël Binet
35069 RENNES CEDEX

représentés par Maître Bertrand CREN (SELARL LEXCAP), avocats au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Octobre 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller
Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT :
prononcé le 05 Février 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

Par arrêt du 17 avril 2012 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, la cour a :
- confirmé le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers en date du 11 octobre 2010 en ce qu'il a dit, d'une part, que M. Régis X... avait une créance de 529, 98 euros à l'encontre de la société Transports Jollivet, d'autre part, que la société Transports Jollivet avait une créance de 529, 98 euros à l'encontre de M. Régis X...,
et, y ajoutant sur ce point, ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties,
- pour le surplus,
oajoutant au jugement déféré, déclaré prescrite la demande de M. Régis X... en paiement de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents pour la période antérieure au 4 novembre 2003,
oavant dire droit sur la demande de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, ordonné la réouverture des débats à l'audience du 14 juin 2012 à 14 heures, afin que M. Régis X... produise un décompte chiffré en euros et détaillé, semaine après semaine, de ses heures supplémentaires restées impayées, et ce à compter du 4 novembre 2003, outre les congés payés afférents,
odit que le présent vaut convocation des parties et de leur avocat à l'audience de réouverture,
oréservé l'ensemble des demandes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, de l'indemnité pour travail dissimulé, de l'indemnité de procédure de l'article 700 du code de procédure civile, de même que les dépens,
odéclaré le présent arrêt commun et opposable à l'AGS.

Le 14 juin 2012, M. Y..., en qualité de mandataire liquidateur de la société Synergies logistiques transports venant aux droits de la société Transports Jollivet, et l'AGS, représentée par son organisme gestionnaire, l'UNEDIC-CGEA de Rennes, ont sollicité le renvoi au motif qu'ils venaient de recevoir les conclusions de M. X.... Le renvoi leur a été accordé sur l'audience du 18 octobre 2012.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions dites additives no2 déposées le 18 octobre 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. Régis X... soutient les termes de son appel à l'encontre du jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de ses demandes relatives au rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, ainsi que d'indemnité pour travail dissimulé, sans préjudice de l'indemnité de procédure de l'article 700 du code de procédure civile.

Il forme, par ailleurs, une demande nouvelle au titre des repos compensateurs.
En conséquence, il sollicite que :
- soit ordonnée l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Synergies logistiques transports, venant aux droits de la société Transports Jollivet, des sommes suivantes
o16 411, 30 euros de rappel d'heures supplémentaires et 1 641, 13 euros de congés payés afférents, ce dans les limites de la prescription quinquennale,
o5 577, 38 euros au titre du repos compensateur et 557, 73 euros de congés payés afférents, ce dans les mêmes limites,
o12 754, 15 euros d'indemnité pour travail dissimulé,
o7 116, 20 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- soit dit l'arrêt à intervenir commun et opposable au CGEA, AGS.

Il rappelle que sa relation de travail avec la société Jollivet Saumur, devenue Transports Jollivet, en tant que conducteur routier, a duré du 11 octobre 2001 au 13 juin 2008, date à laquelle il a démissionné, et que la cour, dans son arrêt du 17 avril 2012, a reconnu le bien-fondé de sa demande de rappel d'heures supplémentaires à l'encontre de son ex-employeur.
Dès lors, se référant au décret no83-40 du 26 janvier 1983 posant les règles en matière de durée du temps de travail et de décompte des heures, dont les heures supplémentaires, pour les personnels roulants marchandises, il chiffre, dans les limites de la prescription quinquennale, les sommes qui lui sont dues à ce titre, déduction faite des heures déjà réglées figurant sur ses bulletins de salaire.
Il souligne la carence de l'entreprise à produire un certain nombre de disques chronotachygraphes, alors qu'elle en a pourtant l'obligation, dans les limites de la même prescription quinquennale, carence dont il n'a pas à pâtir.

Pour ce qui est des repos compensateurs, il chiffre également sa demande, distinguant deux périodes, à savoir antérieurement au 2 avril 2005, date d'entrée en vigueur du décret no2005-306 du 31 mars 2005, première période au cours de laquelle sont applicables les dispositions du décret du 26 janvier 1983 qui renvoient à l'article L. 212-5-1 du code du travail dans sa version en vigueur, et alors que l'entreprise comptait plus de vingt salariés et que le contingent annuel des heures supplémentaires était fixé à 180 heures suivant le décret no2002-625 du 25 avril 2002, et postérieurement au 2 avril 2005, seconde période qui a vu les règles en la matière modifiées, au profit d'un repos compensateur trimestriel, d'une durée variable suivant les heures supplémentaires accomplies au cours du trimestre considéré.

Quant à la demande d'indemnité pour travail dissimulé, il indique que la réalité des heures supplémentaires alléguées étant démontrée, la cour ne pourra qu'admettre que la société Transports Jollivet s'est livrée à du travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, et qu'il est en droit, de fait, de percevoir l'indemnisation corollaire.

Il souligne l'importance des frais irréptibles exposés, ayant dû faire procéder, afin de faire valoir ses droits, au décompte de ses heures supplémentaires sur cinq années, aucune expertise n'ayant été ordonnée.

****

Par conclusions enregistrées au greffe le 20 août 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. Y..., en qualité de mandataire liquidateur de la société Synergies logistiques transports venant aux droits de la société Transports Jollivet, sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté M. Régis X... de sa demande au titre d'un rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, persistant à soutenir que M. X..., par sa manipulation incorrecte de l'appareil chronotachygraphe, en contravention avec l'ensemble des dispositions légales et conventionnelles applicables dont le respect lui a pourtant été rappelé par son contrat de travail, manipulation du salarié dont il donne des exemples précis, a faussé tout le décompte de son temps de travail.

Dès lors, il déclare que le " nouveau décompte " produit ne peut pas plus être retenu que le précédent, puisqu'il reste fondé sur ces manipulations inadaptées, et que M. X... ne peut rien réclamer au titre de prétendues heures supplémentaires impayées, ayant été intégralement rempli de ses droits, ainsi qu'il ressort du décompte de son réel temps de travail auquel l'employeur a procédé chaque mois, comme le montre les variations en volume des heures supplémentaires rémunérées selon les mois, avec les rectifications qui s'imposaient du fait de la manipulation incorrecte de l'appareil chronotachygraphe, rectifications qui n'ont jamais été contestées par M. X....
Il ajoute qu'il est en tout cas indifférent, alors qu'il était procédé aux rectifications nécessaires, que M. X... n'ait pas été sanctionné par ailleurs.
Il souligne, sinon, l'incohérence des demandes chiffrées de M. X..., d'autant que celui-ci procède, pour une part, par voie d'extrapolation ce que la cour de cassation interdit, même s'il admet aussi n'avoir pu produire l'ensemble des disques chronotachygraphes sur les cinq années considérées, simplement ceux qui ont pu être retrouvés.

Il demande, par voie de conséquence, que M. X... soit également débouté de sa demande au titre des repos compensateurs, d'autant que, dans sa réclamation, il ne semble pas avoir pris en compte, ceux qui apparaissent sur ses bulletins de salaire consécutivement aux heures supplémentaires effectivement accomplies, de même que le jugement déféré soit confirmé encore en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, et alors au surplus, à supposer que M. X... puisse prétendre à un rappel d'heures supplémentaires, que ce seul fait ne suffit pas à établir l'intention coupable de la société, M. X... manquant dès lors à faire la preuve qui lui incombe.

Il sollicite, enfin, que M. X... soit condamné à lui verser, ès qualités, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et supporte les entiers dépens.

****

Par conclusions enregistrées au greffe le 20 août 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, l'association pour la Gestion du régime de garantie des créances des salariés (l'AGS), agissant par l'intermédiaire de son régime gestionnaire l'UNEDIC-CGEA de Rennes, sollicite la confirmation du jugement déféré, s'associant à l'argumentaire développé par le mandataire liquidateur de la société Synergies logistiques transports, venant aux droits de la société Transports Jollivet, ainsi que la condamnation de M. Régis X... aux dépens.

Subsidiairement, si une créance venait à être fixée au profit de M. X... sur la liquidation judiciaire de la société Synergies logistiques transports, elle demande de voir dire et juger qu'elle ne sera tenue à garantie que dans les limites et plafonds légaux des articles L. 3253-8, L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Comme la cour l'a relevé aux termes des motifs de l'arrêt du 17 avril 2012 auxquels il est renvoyé pour plus ample exposé, M. Régis X... étaye sa demande au titre des heures supplémentaires réclamées, produisant un décompte, année après année, mois après mois, et semaine après semaine, des heures supplémentaires accomplies, éléments suffisamment précis auxquels l'employeur peut répondre, et ne pouvant lui être reprochée la carence du dit employeur à fournir, ainsi qu'il en a l'obligation dans les limites de la prescription quinquennale, l'ensemble des disques chronotachygraphes de son salarié.
Pour sa part, le mandataire liquidateur de la société Synergies logistiques transports, venant aux droits de la société Transports Jollivet, manque à faire la preuve, comme à la première audience, des horaires réellement effectués M. X... ; les exemples qu'il reprend, d'une manipulation incorrecte par le salarié du chronotachygraphe, se résument à dire, qu'à certaines dates, six exactement aux mois de mai et juin 2007, et certaines heures, censées correspondre à des heures de déjeuner, ainsi entre 12 heures et 13 heures 30, ou entre 12 heures 30 et 14 heures 20, ou entre 12 heures 30 et 14 heures 15, ou entre 12 heures 30 et 13 heures 50, ou entre 12 heures 15 et 13 heures 30, ou entre 11 heures 15 et 14 heures 20, M. X... a placé le sélecteur de l'appareil sur " mise à disposition " au lieu de le positionner sur " repos " pour déjeuner. Cela ne suffit pas, à soi seul, à justifier et de l'inexactitude de cette situation de " mise à disposition ", et de ce que M. X... faussait, sciemment, le décompte de sa durée de travail.
La demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires ne peut, dans ces conditions, qu'être déclarée bien fondée en son principe.

****

Si la cour, dans son arrêt du 17 avril 2012, a ordonné la réouverture des débats, c'est qu'elle a constaté que M. X... sollicitait 64 962, 04 euros à titre de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires impayées ainsi que 6 496, 20 euros de congés payés afférents
-faisant remonter sa demande au mois de juillet 2003, alors que cette période, jusqu'au 4 novembre 2003, était jugée prescrite,
- parlait en termes de somme globale, sans fournir sa méthode de calcul, hormis à renvoyer aux dispositions générales de l'article L. 3121-22 du code du travail relatives aux heures supplémentaires,
- versait ses bulletins de salaire, pour la période considérée, sur lesquels apparaissait le paiement par la société Transports Jollivet d'heures majorées, tant à 25 % qu'à 50 %, et ce mois après mois et année après année.
Dans ces conditions, il est apparu impossible de déterminer si les sommes réclamées tenaient compte des heures supplémentaires qui avaient été d'ores et déjà rémunérées, d'autant que M. X... n'y faisait aucune allusion, ou, si elles correspondaient, ce qui était parfaitement concevable au vu du décompte produit, aux heures supplémentaires globalement réalisées, sans qu'aient été déduites celles honorées.
Il a, en conséquence, été demandé à M. X... qu'il dresse un décompte chiffré et détaillé en euros de ses heures supplémentaires restées impayées, et ce à compter du 4 novembre 2003, outre les congés payés afférents, décompte qui ne nécessitait en rien le recours à un expert.

****

M. X... produit effectivement un décompte chiffré en euros, dans les limites de la prescription posée, ramenant le montant de sa demande au titre des heures supplémentaires restées impayées et des congés payés afférents aux sommes de 16 411, 30 euros et 1 641, 13 euros.

Aussi, il précise sa demande au plan de son fondement textuel, qui, du fait de sa profession de conducteur routier, ne pouvait relever de l'article L. 3121-22 précité, mais bien de dispositions spécifiques, à savoir, puisque statuant sur un temps compris entre le 4 novembre 2003 et le 13 juin 2008, du décret no83-40 du 26 janvier 1983 relatif aux modalités d'application des dispositions du code du travail concernant la durée du travail dans les transports routiers, modifié par les décrets no2002-622 du 25 avril 2002 et no2007-13 du 4 janvier 2007 relatifs à la durée du travail dans les entreprises de transports routiers de marchandises.

****

La durée du travail, qui donne lieu, en contrepartie, à rémunération du salarié, s'entend du temps de travail effectif du dit salarié.
Néanmoins, depuis 2000 et la loi dite Aubry I, le législateur a institué un régime dit d'équivalence afin de tenir compte des temps d'inaction propres à certaines professions et à certains emplois, ainsi dans les transports routiers.

Le salarié se voit donc fixer un temps de service de référence, et seules les heures excédant la durée de ce temps de service constituent des heures supplémentaires, même si ces heures de temps de service, dites heures d'équivalence, sont rémunérées, elles-mêmes, à un taux majoré.

M. X... indique que son temps de service était de 39 heures par semaine, d'où heures d'équivalence de la 36ème heure à la 39ème heure incluse, majorées à 25 % conformément à l'accord national professionnel du 23 avril 2002, sans être pour cela des heures supplémentaires.
Il poursuit, mentionnant que les heures excédant ce temps de service sont des heures supplémentaires, assorties, de la 40ème heure à la 43ème heure incluse d'une majoration de 25 %, et à compter de la 44ème heure de 50 %.

Si ces règles sont exactes, elles concernent les personnels roulants marchandises des entreprises de transport routier autres que les personnels dits grands routiers, pour lesquels s'appliquent des principes différents, à savoir que leur temps de service est de 43 heures par semaine, d'où heures d'équivalence de la 36ème heure à la 43ème heure incluse, majorées à 25 % conformément à l'accord national professionnel du 23 avril 2002, sans être pour cela des heures supplémentaires, les heures excédant ce temps de service, donc à compter de la 44ème heure, étant des heures supplémentaires majorées à 50 %.

Or, si l'on se réfère au contrat de travail de M. X..., il est précisé, en son article 3, que " MONSIEUR X... REGIS étant régi par l'accord professionnel du 23/ 11/ 1994 relatif aux conducteurs grands routiers ", outre que ses bulletins de salaire sont établis en conformité avec cette position de " grand routier ", et ce depuis le 1er avril 2004 jusqu'au terme de la relation contractuelle en 2008, y figurant deux lignes distinctes, intitulées respectivement " heures normales majorées à 125 % " ce qui correspond aux heures d'équivalence, et " heures supplémentaires 150 % ".
Ce ne sont que les bulletins de salaire délivrés antérieurement à avril 2004, soit, au regard de la prescription, de novembre 2003 à mars 2004 inclus, qui font apparaître la position revendiquée par M. X..., de personnel roulant marchandises autres que grands routiers, puisqu'y figurent trois lignes distinctes, intitulées respectivement " heures normales majorées à 125 % " ce qui correspond aux heures d'équivalence, " heures supplémentaires 125 % ", et " heures supplémentaires 150 % ".

Cette classification de personnel roulant marchandises autre que grands routiers ou de conducteur dit grands routiers a une double importance en ce que, d'une part, l'objet de la demande de M. X... est le paiement d'heures supplémentaires et qu'il ne peut donc réclamer sous ce vocable ce qui relèverait des heures d'équivalence, et en ce que, d'autre part, ce sont les heures supplémentaires et non les heures d'équivalence qui ouvrent droit à repos compensateur.

****

Le repos compensateur est en effet indissociable de la notion d'heures supplémentaires, dont il est, avec les majorations de salaire, l'une des contreparties.

M. X... a fondé sa demande de repos compensateurs, pour la période d'avril 2005 à juin 2008, sur le décret no2005-306 du 31 mars 2005. Ce texte ne peut cependant faire référence, en ce qu'il a été annulé en ses articles 4 à 11 (en faisant partie les dispositions sur le repos compensateur) par un arrêt du Conseil d'Etat en date du 18 octobre 2006, et n'a été remplacé que par le décret du 4 janvier 2007 précité.

Or, l'annulation d'un acte administratif implique que cet acte est réputé n'être jamais intervenu.

Par voie de conséquence, s'agissant de sa demande de repos compensateurs relativement, d'une part, aux années 2003 (à compter de novembre), 2004, 2005 et 2006 et, d'autre part, aux années 2007 et 2008 (jusqu'en juin), deux régimes sont applicables, soit, pour la première période, celui résultant du décret du 26 janvier 1983, dans sa rédaction issue du décret du 25 avril 2002 précités, et, pour la seconde, celui résultant du décret du 26 janvier 1983, dans sa rédaction issue du décret du 4 janvier 2007 précités (et même si ce décret repend finalement les dispositions du décret du 31 mars 2005 qui avait été annulé par le Conseil d'Etat pour une question de forme et non de fond).

En outre, pour ce qui est des dispositions du décret du 26 janvier 1983, modifiées par le décret du 25 avril 2002, conformément à son article 5, paragraphe 4 :
" Est considérée comme heure supplémentaire pour les personnels roulants marchandises toute heure de temps de service effectuée au-delà des durées mentionnées au 3o. Ces heures supplémentaires ouvrent droit au repos compensateur obligatoire prévu par l'article L. 212-5-1 du code du travail ".
Ces dispositions ont vocation à régir l'ensemble des personnels roulants marchandises des entreprises de transport routier, que l'on soit en face ou non d'un conducteur dit " grands routiers ".
Or, l'article L. 212-5-1 du code du travail, dans sa version en vigueur du 18 janvier 2003 jusqu'au 1er mai 2008, dispose :
" Les heures supplémentaires de travail mentionnées à l'article L. 212-5 et effectuées à l'intérieur du contingent conventionnel fixé selon les modalités prévues au 2ème alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe ou à défaut du contingent fixé par le décret prévu au 1er alinéa de l'article L. 212-6 ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % du temps de travail accompli en heures supplémentaires au-delà de quarante et une heures dans les entreprises de plus de vingt salariés.
...
Les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent conventionnel fixé selon les modalités prévues au 2ème alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe ou à défaut du contingent fixé par le décret prévu au 1er alinéa de l'article L. 212-6 ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % de ces heures supplémentaires pour les entreprises de 20 salariés au plus, et à 100 % pour les entreprises de plus de 20 salariés ".
Au vu de la rédaction de cet article qui parle d'un seuil de 41 heures, M. X... ne peut faire ses calculs, quant aux repos compensateurs auquel il prétend de novembre 2003 à 2006 inclus, sur une base de 45 heures supplémentaires.

Par ailleurs, toujours sur la même période, si le contingent conventionnel annuel des heures supplémentaires était bien fixé par le décret no2002-625 du 25 avril 2002 à 180 heures, cette disposition a été abrogée par l'article 15 du décret no2005-306 du 31 mars 2005, article qui n'a pas fait l'objet d'annulation par le Conseil d'Etat. Ensuite de la parution de ce décret au Journal officiel du 1er avril 2005, le contingent conventionnel annuel des heures supplémentaires n'est plus, à compter de cette dernière date, de 180 heures, mais de 195 heures, disposition toujours en vigueur, ainsi qu'il résulte de l'article 12-2 de la convention collective et de l'article 4 bis 2 de l'annexe I, Ouvriers, à cette convention.

****

L'article 12 du code de procédure civile dispose en ses deux premiers alinéas :
" Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ".

L'article 16 du même code prévoit que :
" Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ".

Dès lors, il conviendra d'ordonner à nouveau la réouverture des débats à l'audience du 20 juin 2013 à 14 heures, afin que les parties puissent conclure sur l'ensemble des points soulevés relativement à la qualification de M. X..., au calcul et au chiffrage en euros de ses demandes par rapport à cette ou ces qualification (s) en matière tant de rappel d'heures supplémentaires restées impayées, que d'indemnités de repos compensateur consécutivement aux heures supplémentaires effectuées, M. X... devant produire un décompte détaillé, et ce en conformité avec les divers textes applicables et dans la limite de la prescription fixée au 4 novembre 2003.

Dans l'attente, les demandes formées au titre du rappel d'heures supplémentaires, outre les congés payés, de l'indemnité de repos compensateurs, de l'indemnité pour travail dissimulé, des indemnités de procédure, seront réservées, de même que les dépens.

Le présent sera déclaré commun et opposable à l'association pour la Gestion du régime de garantie des créances des salariés (l'AGS), agissant par l'intermédiaire de son régime gestionnaire l'UNEDIC-CGEA de Rennes.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Vu l'arrêt de la cour du 17 avril 2012,

Déclare bien fondée en son principe la demande de M. Régis X... en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires,

Avant dire droit sur le montant de cette créance et sur toutes les autres demandes de M. X..., ordonne la réouverture des débats à l'audience du 20 juin 2013 à 14 heures afin que les parties concluent sur l'ensemble des points soulevés relativement à la qualification de M. X..., au calcul et au chiffrage en euros de ses demandes par rapport à cette ou ces qualification (s) en matière tant de rappel d'heures supplémentaires restées impayées, que d'indemnités de repos compensateur consécutivement aux heures supplémentaires effectuées, M. X... devant produire un décompte détaillé, et ce en conformité avec les divers textes applicables et dans la limite de la prescription fixée au 4 novembre 2003,

Dit que le présent vaut convocation des parties et de leur avocat à l'audience de réouverture des débats,

Réserve les dépens et les frais irrépétibles,

Déclare le présent arrêt commun et opposable à l'association pour la Gestion du régime de garantie des créances des salariés (l'AGS), agissant par l'intermédiaire de son régime gestionnaire l'UNEDIC-CGEA de Rennes.

Le greffier, Le président,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02814
Date de la décision : 05/02/2013
Sens de l'arrêt : Réouverture des débats
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-02-05;10.02814 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award