COUR D'APPEL D'ANGERSChambre Sociale
ARRÊT N CLM/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/00686.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 18 Février 2011, enregistrée sous le no 10/00097
ARRÊT DU 29 Janvier 2013
APPELANT :
Monsieur Vincent X......72230 GUECELARD
présent, assisté de Maître Lionel FOURGEAU, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMÉE :
SAS JULBOZone ArtisanaleRue Lacuzon39400 LONGCHAUMOIS
représentée par Maître Benjamin GAUTIER, substituant Maître Xavier BONTOUX de la SELARL FAYAN ROUX ROBERT et Associés, société d'avocats interbarreaux, barreau de Lyon et de l'Ain
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Novembre 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL , présidentMadame Anne DUFAU, conseillerMadame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT :prononcé le 29 Janvier 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL , président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant lettre d'engagement du 6 septembre 2007, la société JULBO, spécialisée dans l'équipement solaire pour le sport, a embauché M. Vincent X... en qualité de représentant exclusif, moyennant un salaire brut mensuel fixe de 2 300 € outre une part variable de 1 % sur le chiffre d'affaires net enregistré et une prime d'objectifs de 5 % sur la progression du chiffre d'affaires net au 31 décembre.Il était convenu que ses frais de déplacement lui seraient remboursés sur justificatif, avec versement d'une avance sur frais de 460 €, l'indemnité de repas étant fixée à 15 € et celle de la "soirée étape" à 60 €, le salarié disposant d'un véhicule de fonction et d'un téléphone doté d'un forfait mensuel de 60 € sur 11 mois.
Aucun contrat de travail écrit n'a été régularisé.
Après l'avoir, par courrier du 20 août 2008 comportant notification d'une mise à pied immédiate à titre conservatoire, convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 1er septembre suivant, par lettre du 8 septembre 2008, la société JULBO a notifié à M. Vincent X... son licenciement pour faute grave tenant à la production de fausses notes de frais ou de notes de frais incohérentes.
Le 1er février 2010, ce dernier a saisi le conseil de prud'hommes pour voir déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Dans le dernier état de la procédure, il réclamait en outre un rappel de commissions et de remboursement de frais, un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, l'indemnité compensatrice de préavis, et une indemnité pour licenciement illégitime, sans préjudice d'une indemnité de procédure.
Par jugement du 18 février 2011 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes du Mans l'a débouté de l'ensemble de ses prétentions et condamné à payer à la société JULBO la somme de 750 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
M. Vincent X... a régulièrement relevé appel de cette décision. Les parties ont été convoquées à l'audience du 3 avril 2012 lors de laquelle l'affaire a été renvoyée au 6 novembre 2012 afin de permettre à l'intimée de répondre aux conclusions tardivement communiquées par M. X....
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses conclusions enregistrées au greffe le 28 mars 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. Vincent X... demande à la cour :- d'infirmer le jugement entrepris ;- de juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;- de condamner la société JULBO à lui payer les sommes suivantes :¤ 10.826 € net de rappel de commissions dues, ¤ 1.866,67 € à titre de remboursement des frais,
¤ 1 725 € brut de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire non rémunérée du 20 août au 9 septembre 2008,¤ 2 813 € brut d'indemnité compensatrice de préavis,¤ 16 878 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'ensemble de ces sommes, avec intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2008;¤ 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sollicite en outre la condamnation de la société JULBO aux entiers dépens.
Contestant soit la matérialité, soit le caractère sérieux des griefs invoqués à l'appui de son licenciement, l'appelant oppose que l'employeur est défaillant à rapporter la preuve d'une faute grave à son égard.Il ajoute que, sur la base des bulletins de paie, reprenant les commissions, que la société JULBO lui a délivrés et des facturations mensuelles réalisées, et en considération de la prime d'objectif de 5 % prévue par la lettre d'engagement, il est bien fondé à solliciter le paiement de la somme de 10 826,09 €. Il estime qu'en l'absence de contrat écrit stipulant une telle clause restrictive, la société JULBO ne peut lui opposer que cette prime d'objectif ne lui serait pas due au motif qu'il n'était pas présent dans l'entreprise au 31 décembre de l'année en cause.
Aux termes de ses conclusions enregistrées au greffe le 31 octobre 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société JULBO demande à la cour de débouter M. Vincent X... de son appel, de confirmer purement et simplement le jugement déféré et de condamner l'appelant à lui payer la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée rétorque que le licenciement de M. X... pour faute grave est parfaitement justifié en ce qu'elle démontre tout d'abord qu'il a produit de nombreuses notes de frais, émanant du même restaurant, ne correspondant absolument pas à son planning de visites, des notes de frais correspondant à des repas pris le soir par plusieurs personnes et à proximité de son domicile, et que ces éléments démontre la fausseté des frais invoqués et que le salarié entendait lui faire supporter des dépenses, soit qu'il n'avait pas engagées, soit qu'il avait exposées pour le compte d'autres personnes. Elle estime que ces comportements caractérisent un manque de loyauté à son égard.Elle ajoute qu'il est également fautif pour M. X... d'avoir engagé des frais (achat d'une imprimante et réparation du pare-brise de son véhicule de fonctions) sans avoir obtenu son autorisation préalable, ce qui caractérise un non-respect des consignes applicables et fut pour elle à l'origine d'un préjudice financier.
A la demande de remboursement de frais, l'employeur rétorque que l'appelant a été rempli de ses droits de ce chef et que les pièces qu'il produit à l'appui de sa demande ne permettent pas de la justifier.
S'agissant de la prime sur objectif, elle oppose que M. X... ne peut pas y prétendre dès lors qu'il a quitté l'entreprise avant le paiement de cette prime et avant le 31 décembre 2008, et qu'il ne fait pas la preuve d'une convention ou d'un usage lui ouvrant droit au paiement de cette prime pro rata temporis.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le licenciement :
Attendu que la lettre de licenciement adressée à M. Vincent X... le 8 septembre 2008, et qui fixe les termes du litige, est ainsi libellée :"MonsieurSuite à notre entretien préalable du 1er septembre 2008 et malgré les explications que vous nous avez fournies, nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour faute grave, sans préavis, ni indemnité et ceci pour les motifs qui vous ont été exposés, à savoir : Vous exercez au sein de la société JULBO en qualité de commercial, depuis le 5 novembre 2007. Dans le cadre des missions qui lui sont confiées, le service administratif procède à des opérations de contrôle ponctuel sur les notes de frais communiquées par les collaborateurs de l'entreprise. Cette opération de vérification a été réalisée à votre égard sur les documents que vous avez transmis semaine 27. Un certain nombre d'éléments, découverts lors de cette opération de contrôle, nous a contraints à examiner de manière plus poussée votre mode de fonctionnement et vos agissements. Après enquête, il en ressort que vous avez commis un certain nombre de manquements se traduisant par des actes de tricherie ainsi que la remise de documents fallacieux. A ce titre, vous n'avez pas hésité à produire de fausses notes de frais ou encore des notes de frais totalement incohérentes avec votre planning de visites.Pour exemples non exhaustifs : - Production de nombreuses notes de frais falsifiées à l'entête du «Restaurant du tennis», établies sur un carnet papier, de manière totalement incohérente. Exemples: o note no 6097851 datée du 25 juin 2008, o note no 6097852 datée du 23 juin 2008, o note no 6097853 datée du 24 juin 2008.
- Production de notes de frais mentionnant de fausses informations : Exemples: Note du 25 juin 2008 faisant état d'une invitation du client SPORT 2000 situé à DRUMETAZ. Après renseignements, il apparaît que vous n'avez aucunement déjeuné avec le client.
- Production de notes de frais correspondant à des repas pris le soir, à proximité de votre domicile et bien souvent pour le compte de plusieurs personnes. Exemples: o Nombreuses notes du Mac Donald : 10 juillet 2008 : 2 Perrier + 1 Sprite + 1 Menu + 1 Big Mac. Heure de la facture 22 h 49 11 juillet 2008 : 2 Menus Maxi Best OF dont un sans fromage Heure de la facture 19 h 11
-Transmission de notes de frais incohérentes au regard du planning de visites. Exemples: Le 23/06/2008 Tournée CHAMBERY-BELLEY-AMBERIEU : Repas à AIX LES BAINS au Restaurant du Tennis Le 24/06/2008 Tournée GRENOBLE (station de la MAURIENNE) : Repas à AIX LES BAINS au Restaurant du Tennis Le 19/05/2008 Tournée LYON (matin +midi) DRUMETAZ (Après -midi) : Repas à AIX LES BAINS le midi. Ticket de parking LYON PART DIEU à 14 h 19.
Parallèlement à ces pratiques frauduleuses, il s'avère que vous vous permettez, sans autorisation préalable, de réaliser des achats personnels que vous tentez par la suite de faire supporter à l'entreprise. Il en est ainsi d'une facture du 01 juillet 2008 reçue le 16 juillet 2008 et correspondant à l'achat d'une imprimante personnelle.
De tels comportements frauduleux, outre leur caractère intrinsèquement fautif, constituent également une violation de l'obligation de loyauté et des manquements graves et répétés à la probité.
Vous ne respectez pas non plus les pratiques en vigueur au sein de l'entreprise. Dans ce sens, et contrairement aux obligations figurant sur le carnet d'entretien de la voiture mise à votre disposition par l'entreprise, vous avez fait procéder à des réparations sur ce véhicule, sans procéder aux formalités de déclarations auprès de la compagnie d'assurance, empêchant de ce fait la prise en charge du sinistre.
Votre attitude est totalement inacceptable et incompatible avec la mission confiée. Dans ce cadre, il n'est plus envisageable de maintenir une quelconque collaboration, même pendant la durée limitée du préavis. Votre licenciement prend donc effet immédiatement." ;
Attendu que la lettre se poursuit par l'indication du versement d'un rappel de commissions suite au versement d'un montant insuffisant en considération d'une base erronée et du non paiement de la période de mise à pied conservatoire ;
Attendu que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve ;
Attendu qu'aux termes de la lettre de licenciement, pour fonder la faute grave, la société JULBO reproche notamment à M. Vincent X... d'avoir inclus dans ses notes de frais des dépenses de repas ne correspondant pas à des frais professionnels ;
Attendu que l'appelant rétorque que, ce faisant, l'employeur ajoute aux obligations convenues dans le contrat de travail lesquelles se limitent, selon lui, s'agissant des frais de repas, à ne pas dépasser la somme de 15 € par repas, rien ne l'empêchant, dans le respect de cette limite, de manger à l'heure de son choix et dans le département de son choix ;
Attendu que la lettre d'engagement est ainsi libellée s'agissant des frais de déplacement : "Frais de déplacement remboursés sur justificatifs, repas 15 euros et soirée étape 60 euros. Avance sur frais : 460 euros." ;
Attendu que les frais de déplacement s'entendent des frais que le salarié est amené à exposer lorsque, se trouvant en déplacement professionnel, il est empêché de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail et qu'il est contraint de prendre son repas au restaurant, en dehors de chez lui ou des locaux de l'entreprise ; qu'il suit de là que, dès lors qu'aux termes de la lettre d'embauche, la société JULBO s'est engagée à rembourser à M. X..., sur justificatifs, ses repas à hauteur de 15 € l'unité, au titre des "frais de déplacement", il s'agit nécessairement de repas que le salarié a pris dans le cadre de ses déplacements professionnels et, à supposer même qu'il ait fait le choix de ne pas manger dans le cadre d'un déplacement, il n'est pas fondé à substituer à ce repas non pris, et à faire entrer dans les frais de déplacement, le coût du repas pris le soir dans un restaurant, une fois revenu sur le lieu de sa résidence ; que, contrairement à ce que soutient M. X..., il s'induit nécessairement du termes "frais de déplacement" figurant dans la lettre d'embauche que la société JULBO ne s'est pas engagée à lui rembourser ses frais de repas quel que soit le lieu et le moment où la dépense en cause a été exposée ; que les termes précis de l'engagement pris par l'employeur découlent encore de son exigence d'obtenir un justificatif en dépit du caractère forfaitaire de la limite financière posée ; qu'il ressort d'ailleurs des notes de frais établies par M. X... que celui-ci avait parfaitement conscience des limites dans lesquelles s'inscrivait l'obligation de son employeur de lui rembourser ses frais de repas puisqu'en effet, il a systématiquement inscrit les dépenses litigieuses comme correspondant à des repas du midi ;
Attendu, s'agissant des frais litigieux des 23, 24 et 25 juin, que M. X... conteste la valeur probante de la note de frais versée aux débats par l'intimée au motif que la partie consacrée à l'indication de ses lieux de déplacement et circuits de tournée n'a pas été renseignée de sa main ; attendu que l'examen de cette note de frais, signée par le salarié, et son rapprochement avec les autres notes de frais produites, permet de constater qu'elle a, en effet, été intégralement renseignée par M. X..., à l'exception de la partie relative aux lieux géographiques visités du lundi au vendredi ; mais attendu que, par la production des commandes transmises par l'appelant au cours de la semaine dont s'agit (pièce no 5 de l'intimée), la société JULBO justifie de la sincérité des renseignements portés sur cette partie de la note de frais ; qu'en effet, il ressort de cette pièce que, par exemple, M. X... a bien, le 23 juin 2008, transmis des commandes pour des clients implantés à Chambéry alors que le circuit noté pour ce jour là est : "Chambéry - Belley - Ambérieu", et que, le 26 juin 2008, il a bien transmis des commandes pour des clients situés à Saint-Alban Leysse, le circuit mentionné pour ce jour là étant : "St Alban Leysse - Pont de Beauvoisin" ; que la critique opposée par l'appelant à cette pièce apparaît donc mal fondée ;
Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats, notamment de courriers adressés à l'appelant, qu'il était domicilié à Chambéry ;
Attendu, s'agissant du lundi 23 juin 2008, que M. Vincent X... a mentionné sur sa note de frais un repas du midi à 15,80 € ; que le justificatif produit est une note du "Restaurant du tennis" à Aix les Bains ; que, ce jour là, le circuit de déplacement de M. X... pour la visite de ses clients était : Chambéry - Belley - Amberieu-en-Bugey ; que ces deux villes sont situées au Nord-Ouest de Chambéry, la distance qui sépare cette ville d'Ambérieu-en-Bugey étant de 80 kilomètres environ ; qu'il est établi que le salarié a effectivement commencé par visiter des clients sur Chambéry puisque, ce jour là, il a transmis à son employeur des commandes passées par ces derniers ; attendu que la ville d'Aix-les-Bains est au contraire située au Nord-Est de Chambéry, sur la rive Est du lac du Bourget, soit à l'opposé de la direction de Belley et d'Ambérieu ; que M. X... ne peut donc pas décemment prétendre que ses déplacements professionnels du 23 juin 2008 aient pu l'amener à devoir déjeuner à Aix-les-Bains ; qu'en effet, soit il se trouvait encore à Chambéry au moment de la pause méridienne et il pouvait déjeuner à son domicile, soit il avait déjà pris la direction de Belley et d'Ambérieu, laquelle est incompatible avec un déjeuner à Aix-les-Bains ;Que la société JULBO rapporte bien la preuve, pour cette journée du 23 juin, que l'appelant a inclus dans sa note de frais une note de repas qui ne peut pas correspondre à des frais professionnels et qu'il a donc tenté de se faire rembourser indûment le repas facturé ce jour là par le "Restaurant du tennis" à Aix-les-Bains ;
Attendu que, le 24 juin 2008, le salarié a mentionné sur sa note de frais un repas de midi à 15 € en produisant une facture du "Restaurant du tennis" à Aix-les-Bains alors que, ce jour là, il visitait des clients sur la ville de Grenoble ; que, là encore, Grenoble étant situé au Sud de Chambéry et Aix-les-Bains au Nord de Chambéry, l'appelant ne peut pas prétendre que ses déplacements professionnels du 24 juin puissent justifier un déjeuner pris à Aix-les-Bains ; qu'il a donc également tenté de se faire rembourser indûment le repas facturé à cette date par le "Restaurant du tennis" à Aix-les-Bains ;
Attendu que le 25 juin 2008, M. X... visitait des clients sur les villes de Chindieux- Aix-les-Bains et Drumettaz ; qu'il a mentionné des frais de repas pour 38,20 € en indiquant sur la facture établie par le "Restaurant du tennis" à Aix-les-Bains pour deux repas qu'il avait invité le client "SPORT 2000 DRUMETTAZ" ; attendu que, vérification faite par la société JULBO, il s'est avéré qu'en réalité ce n'est pas ce client qui a déjeuné avec le salarié ce jour là, ce que ce dernier reconnaît dans le cadre de la présente instance en indiquant que l'autre personne était en fait un collègue de travail, M. Y... ; que l'appelant estime que la fausse indication portée sur sa note de frais et sur la facture du restaurant ne peut pas être considérée comme fautive dès lors que son employeur ne subit aucun préjudice puisqu'il aurait dû payer les frais de repas de M. Y... et qu'il s'est agi d'un déjeuner de travail au cours duquel ils ont échangé au sujet de "leur stratégie de vente et de leur ressenti auprès de leurs prospects pour faire exploser le chiffre d'affaires de la SAS JULBO" ;
Mais attendu, à supposer même que le second repas ait été pris par M. Y... et que ce déjeuner commun ait donné lieu à des échanges à teneur professionnelle, qu'aucun élément objectif ne permet de retenir que ce collègue pouvait, ce jour-là, en considération de sa tournée, prétendre à la prise en charge de son repas dans le cadre de ses frais de déplacement ; qu'en tout état de cause, nonobstant la possible absence de préjudice financier pour l'employeur, le fait pour M. X... de mentionner de fausses informations sur une note de frais et une facture de restaurant jointe à titre de justificatif caractérise de sa part un manquement à l'obligation de loyauté à l'égard de la société JULBO ;
Attendu que, selon la note de frais qu'il a renseignée et signée pour la semaine du 7 au 12 juillet 2008 et dont les mentions ne sont pas discutées, le circuit de M. X... pour la journée du jeudi 10 juillet était : "Lagnieu-Meximieux-Ambérieu" ; que ces trois villes sont situées dans un petit triangle au Nord-Est de Lyon et au Nord-Ouest de Chambéry ; que, pour ce jour là, M. X... a mentionné sur sa note de frais un repas de midi d'un montant de 15,45 € en produisant comme justificatif une note émise par le restaurant Mac Donald's d'Aix-les-Bains le 10 juillet 2008 à 22h49 pour "1 Sprite Best OF, 2 Perrier de 50 cl, 1 Mme Mireille Nourisson Caesar Grille et 1 Big Mac".
Attendu qu'au regard des situations géographiques opposées de la ville d'Aix-les-Bains et de celles composant son circuit de déplacement du jour en cause, M. X... ne peut pas prétendre que ses déplacements professionnels du 10 juillet 2008 aient été de nature à l'amener à prendre un repas à Aix-les-Bains ; qu'à supposer même qu'il se soit agi d'un repas pour une seule personne, il a inclus dans sa note de frais des dépenses de repas qui ne peuvent pas correspondre à des frais professionnels et il a donc tenté de se faire rembourser indûment les frais exposés au Mac Donald's d'Aix-les-Bains ;
Attendu que, le vendredi 11 juillet 2008, la tournée non discutée de M. X... était : "Saint-Alban Leysse-Chambéry" ; qu'il a mentionné sur sa note de frais un repas du midi à 15,80 € et produit à titre de justificatif une facture éditée par le restaurant Mac Donald's d'Aix-les-Bains à 19h11 et relative à deux menus ; Que ces éléments permettent d'établir que les frais dont le salarié a demandé le remboursement ne correspondent pas à des frais de déplacement et qu'il a en outre essayé d'obtenir de son employeur le remboursement de frais de repas exposés par une autre personne que lui-même ;
Attendu que, selon les renseignements non contestés portés sur sa note de frais, le lundi 7 juillet, M. X... a visité des clients sur la ville de Lyon toute la journée ; qu'il a mentionné un déjeuner à 15,60 € du chef duquel il a produit comme justificatif une note du restaurant "Pizza Regal" à Aix-les-Bains ; que, là encore, d'un strict point de vue géographique, il n'est pas concevable que des déplacements professionnels sur la ville de Lyon aient pu l'amener à déjeuner à Aix-les-Bains, ville située à environ 100 kilomètres à l'opposé de Lyon, étant observé que, de retour de Lyon, le salarié arrivait directement à Chambéry, son lieu de résidence, sans avoir à remonter vers Aix-les-Bains ; que, cette note ne peut donc pas correspondre à des frais professionnels ;
Attendu, encore que, le lundi 19 mai 2008, la tournée non discutée de M. X... était : Lyon le matin et le midi, puis Drumettaz l'après-midi ; qu'il a mentionné un repas du midi à 16,10 € pour lequel il a produit une facture du même restaurant "Pizza Regal" à Aix-les-Bains, étant observé qu'il a également produit un ticket de parking révélant qu'il est sorti, ce jour là, du parking de Lyon la Part Dieu à 14h19mn 51s ; qu'il suit de là qu'outre le fait que, sur un strict plan géographique, sa tournée ne pouvait pas l'amener à prétendre exposer des frais professionnels de repas à Aix-les-Bains, il apparaît que l'appelant n'a pas pu, ce jour là, déjeuner à Aix-les-Bains et quitter un parking de Lyon à 14 h 20 ;
Attendu que, par ces éléments, la société JULBO démontre, outre une fausse mention portée sciemment sur une facture et une note de frais que, de façon très réitérée sur un court laps de temps, M. X... a failli à son obligation de loyauté et de probité à son égard en lui soumettant des notes de frais ne correspondant pas à la réalité et en tentant de se faire rembourser des dépenses de repas ne pouvant pas constituer des frais de déplacement, certaines de ces dépenses ayant été exposées pour le compte de tiers;
Attendu que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs invoqués à l'appui du licenciement, les manquements ainsi établis caractérisent de la part de M. Vincent X... un comportement gravement fautif rendant impossible son maintien dans l'entreprise ; que le jugement déféré doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a déclaré son licenciement bien fondé et l'a débouté de ses demandes de rappel de salaire au titre de mise à pied conservatoire, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur la demande en remboursement de frais :
Attendu qu'à l'appui de sa demande de remboursement de frais professionnels formée pour un montant total de 1 866,67 €, M. Vincent X... produit cinq notes de frais en original (sa pièce no 9) ;
Attendu, les notes établies pour les périodes du 30 juin au 4 juillet 2008, et du 14 juillet au 1er août 2008, pour des montants respectifs de 1 207,84 € et de 735,31 € n'étant assorties d'aucun justificatif de frais et le salarié n'établissant pas les avoir transmises à l'employeur, que c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté ses prétentions de ces chefs ;
Attendu que la société JULBO a accepté les notes de frais des semaines des 16 au 20 juin 2008 et des 7 au 12 juillet 2008 en les ramenant, à juste titre compte tenu des frais de repas non justifiés, aux sommes respectives de 536,92 € (au lieu de 586,32 €) et de 91,60 € (au lieu des 151,95 € réclamés) ; qu'elle ne justifie toutefois pas du règlement de ces sommes à son salarié alors que la charge de cette preuve lui incombe et que les fautes retenues pour fonder le licenciement ne sont pas de nature à le priver du droit au remboursement des frais professionnels que l'employeur a lui-même estimés justifiés ;
Attendu qu'une fois déduits les frais de repas non justifiés, le montant de la note de frais relative à la semaine no 26 du 23 au 27 juin 2008 s'établit quant à lui à la somme de 137,50 € au lieu de 187,40 € ; attendu que la société JULBO ne justifie pas avoir payé cette somme à M. Vincent X... et elle n'est pas, là non plus, fondée à arguer des manquements justifiant le licenciement pour faute grave pour tenter d'échapper au paiement des frais professionnels justifiés ;
Que, par voie d'infirmation du jugement déféré, la société JULBO sera donc condamnée à payer à M. Vincent X... la somme de 766,02 € à titre de remboursement de frais professionnels et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2010 date de l'audience devant le conseil de prud'hommes au cours de laquelle cette demande a été formée pour la première fois, étant observé qu'elle n'était pas contenue dans les prétentions initiales ;
Sur la demande en paiement de la prime d'objectif :
Attendu que M. Vincent X... sollicite la somme de 10 826 € nets à titre de prime d'objectif ;
Attendu que la lettre d'embauche énonce : "Prime d'objectif : 5 % de la progression du CA au 31.12" ;
Attendu qu'il résulte de cette stipulation que le salarié pouvait prétendre à une prime d'objectif à la condition que son chiffre d'affaires réalisé au 31 décembre ait progressé par rapport à celui réalisé au cours de l'année précédente, le montant de cette prime étant alors égal à 5 % du montant de ladite progression ;
Attendu, M. Vincent X... ayant été licencié le 8 septembre 2008, soit avant l'échéance du 31 décembre fixée pour apprécier le droit à la prime litigieuse et pour son paiement, qu'il lui incombe de rapporter la preuve d'une convention ou d'un usage au sein de l'entreprise lui permettant de prétendre au paiement prorata temporis de la prime litigieuse ; or attendu qu'il est défaillant à rapporter une telle preuve ; que le jugement déféré ne peut en conséquence qu'être également confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de prétention ;
Sur les dépens et frais irrépétibles :
Attendu, M. X... prospérant pour partie en son recours, que chaque partie conservera la charge de ses dépens et frais irrépétibles d'appel, le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions de ces chefs ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris seulement en ce qu'il a débouté M. Vincent X... de sa demande en paiement de frais professionnels ;
Statuant à nouveau de ce chef, condamne la société JULBO à payer à M. Vincent X... la somme de 766,02 € avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2010 ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et dit que chacune d'elles conservera la charge de ses dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALL Catherine LECAPLAIN-MOREL