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29/01/2013 | FRANCE | N°11/00560

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 29 janvier 2013, 11/00560


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N CLM/ AT Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00560 Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, décision attaquée en date du 02 Février 2011, enregistrée sous le no 20 849

ARRÊT DU 29 Janvier 2013
APPELANTE :
SAS RILLETTES BAHIER Route de Paris 72160 SCEAUX SUR HUISNE représentée par Maître Laurence PENAUD, substituant Maître Brigitte BEAUMONT (SCP), avocat au barreau de PARIS

INTIMES :
Monsieur Anthony X...... 72110 SAINT CELERIN présent, assisté de M

aître Isabelle ANDRIVON, avocat au barreau du MANS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N CLM/ AT Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00560 Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, décision attaquée en date du 02 Février 2011, enregistrée sous le no 20 849

ARRÊT DU 29 Janvier 2013
APPELANTE :
SAS RILLETTES BAHIER Route de Paris 72160 SCEAUX SUR HUISNE représentée par Maître Laurence PENAUD, substituant Maître Brigitte BEAUMONT (SCP), avocat au barreau de PARIS

INTIMES :
Monsieur Anthony X...... 72110 SAINT CELERIN présent, assisté de Maître Isabelle ANDRIVON, avocat au barreau du MANS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SARTHE (C. P. A. M.) 178 avenue Bollée 72033 LE MANS CEDEX 09 non représentée,

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 Octobre 2012 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de : Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Anne DUFAU, assesseur Madame Anne LEPRIEUR, assesseur qui en ont délibéré Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT : du 29 Janvier 2013, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Rillettes Bahier est une société agro-alimentaire spécialisée dans la fabrication de produits de charcuterie. Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er juin 2000, elle a embauché M. Anthony X... en qualité d'opérateur de production.

Le 31 août 2007, alors qu'il travaillait sur une machine à embosser les bacons, ce dernier s'est coincé la main entre le bâti et la presse qui compacte la viande avant l'action du poussoir. Cet accident a entraîné un écrasement de la main droite avec amputation traumatique totale des 2ème, 3ème et 4ème doigts par mécanisme d'avulsion avec arrachement des tendons fléchisseurs à hauteur de l'avant-bras. M. X... a bénéficié d'une chirurgie réparatrice par réimplantation micro-chirurgicale, laquelle a été efficace pour les 3ème et 4ème doigts mais a échoué après quelques jours s'agissant de l'index.
Il a été pris en charge par la CPAM de la Sarthe au titre de la législation professionnelle, laquelle a considéré l'état du salarié consolidé au 3 février 2009 avec des séquelles justifiant la reconnaissance d'un taux d'incapacité permanente partielle de 28 % et l'attribution d'une rente annuelle.
Le 25 février 2008, M. X... a saisi la caisse aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Par jugement du 13 février 2009, dont les parties s'accordent pour indiquer qu'il est aujourd'hui définitif, le tribunal correctionnel du Mans a condamné M. Stéphane C..., directeur de la SAS Rillettes Bahier, pour avoir, le 31 août 2007 à Cherré (72), involontairement causé à M. Anthony X... des blessures ayant entraîné une incapacité temporaire totale de travail supérieure à trois mois, et ce, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce en omettant de respecter les mesures relatives à l'hygiène, à la sécurité ou aux conditions de travail, pour n'avoir pas mis en place, d'une part, " un dispositif de fonctionnement maintenant le capot de protection en position fermée pendant le cycle de travail (art. R. 223- du Code du travail) ", d'autre part, un dispositif d'arrêt d'urgence accessible du poste de travail (art. R 223-28 du code du travail).
La tentative de conciliation organisée par la caisse le 19 juin 2009 s'est soldée par un échec, la société Rillettes Bahier ayant fait savoir qu'elle n'entendait pas reconnaître avoir commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail de M. X....
C'est dans ces circonstances que ce dernier a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale le 28 septembre 2009 afin de voir consacrer la faute inexcusable de son employeur et d'obtenir la mise en oeuvre d'une mesure d'expertise et le paiement d'une provision.
Par jugement du 2 février 2011 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans a :- débouté la société Rillettes Bahier de sa demande tendant à ce que la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident survenu à M. X... le 31 août 2007 lui soit déclarée inopposable ;- déclaré cet accident dû à la faute inexcusable de la société Rillettes Bahier ;- avant dire droit sur la liquidation du préjudice corporel de M. Anthony X..., institué, aux frais avancés de la CPAM de la Sarthe, une mesure d'expertise médicale confiée au Dr Michel D... ;- condamné la société Rillettes Bahier à payer à M. Anthony X... la somme de 6 000 € à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ;- sursis à statuer sur la demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;- donné acte à la CPAM de la Sarthe de ce qu'" elle entendait récupérer les éventuelles indemnités et majorations complémentaires accordées au demandeur ".

La société Rillettes Bahier a régulièrement formé appel de cette décision en limitant son appel à la décision de reconnaissance de sa faute inexcusable et des chefs de décision en découlant.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 29 octobre 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société Rillettes Bahier demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris ;- à titre principal, de débouter M. Anthony X... de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et de l'ensemble de ses prétentions en découlant au motif qu'elle n'a commis aucune faute inexcusable à l'origine de l'accident survenu le 31 août 2007 ;- à titre subsidiaire de juger que : ¤ la mission de l'expert portera sur les postes de préjudice visés à l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité Sociale, et les postes relatifs à l'aménagement du logement et du véhicule, au déficit fonctionnel temporaire, au préjudice sexuel, au préjudice scolaire, universitaire et de formation, et aux préjudices exceptionnels permanents, le cas échéant ; ¤ les autres postes de préjudices inclus par le Tribunal dans la mission de de l'expert sont d'ores et déjà couverts par le livre IV du Code le la Sécurité Sociale et ne sauraient donner lieu à nouvelle indemnisation ; ¤ la réparation des préjudices sera versée directement à M. X... par la Caisse qui en récupérera le montant auprès de l ‘ employeur, en application des dispositions de l'article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale ;- de débouter le salarié de toutes autres demandes.

La société employeur soutient que, la faute inexcusable ne se confondant pas avec la faute pénale, l'existence de la faute inexcusable ne saurait résulter de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de son dirigeant le 13 février 2009. Or, elle estime que M. X..., qui était un ouvrier qualifié et expérimenté, est défaillant à rapporter la preuve, qui lui incombe, d'une faute inexcusable de son employeur à l'origine de son accident alors qu'il résulte de ses propres déclarations qu'il a délibérément et de sa propre initiative, relevé le capot de protection de la machine afin de lancer un nouveau cycle de production et d'aller plus vite.
Elle relève qu'il résulte des déclarations du responsable de production qu'elle n'était pas informée de cette façon de procéder des salariés de sorte que, sachant par ailleurs que la machine était dotée d'un système de protection et en l'absence d'accident antérieur, elle ne pouvait pas avoir conscience du danger auquel était exposé l'intimé. Elle indique avoir, après l'accident litigieux, verrouillé le carter afin d'empêcher dorénavant tout relèvement de celui-ci tant que le cycle de production n'est pas terminé, et fait installer un bouton d'arrêt d'urgence à proximité du poste de travail conformément aux préconisations de l'inspection du Travail et du CHSCT dans son rapport du 3 septembre 2007.
A titre subsidiaire, elle fait valoir que, si le tribunal n'a pas suivi M. X... dans sa demande tendant à voir mettre en oeuvre une mesure d'expertise selon la mission dite " Y... ", il a confié à l'expert une mission trop large en ce qu'elle porte sur des postes de préjudices déjà couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale, lesquels, aux termes de décision QPC du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, n'ouvrent pas droit à une action en réparation complémentaire. Elle estime que les premiers juges ont ainsi inclus à tort dans la mission de l'expert commis les postes suivants : l'assistance par tierce personne (L. 434-2 code de la sécurité sociale), le préjudice professionnel incluant l'incidence professionnelle (L. 431-1, L. 434-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale), le déficit fonctionnel permanent (L. 431-1, L. 434-1 et L. 452-3 du CSS). Selon elle, la mission de l'expert ne peut donc porter que sur les postes de préjudices visés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et des postes d'aménagement du logement et du véhicule, le déficit fonctionnel temporaire, le préjudice sexuel, le préjudice scolaire universitaire et de formation et les préjudices exceptionnels permanents, le cas échéant, les autres postes de préjudices étant déjà couverts par le livre IV du Code de la Sécurité Sociale. Elle argue encore de ce que M. X... ne produit aucun élément permettant d'établir que la réparation des chefs de préjudice énoncés par l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale serait insuffisante pour réparer l'intégralité de son dommage.

Elle oppose enfin qu'au regard du dernier alinéa de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, le tribunal ne pouvait pas la condamner directement au paiement de la provision, cette somme étant avancée par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.
Aux termes de ses écritures enregistrées au greffe le 30 octobre 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. Anthony X... demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a consacré la faute inexcusable de la société Rillettes Bahier, lui a alloué une provision de 6 000 € et a institué une mesure d'expertise sauf, d'une part, à dire que la mission de l'expert portera sur les postes de préjudices visés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010 et de la jurisprudence de la Cour de Cassation du 4 avril 2012, d'autre part, que la provision de 6 000 € lui sera versée par la CPAM de la Sarthe qui en récupérera le montant auprès de l'employeur ;- de débouter l'appelante de ses autres demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, sans préjudice des entiers dépens.

S'agissant de la faute inexcusable, le salarié fait valoir que la conscience que son employeur devait avoir du danger auquel elle l'exposait s'induit nécessairement de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de la société Rillettes Bahier. Il ajoute que l'employeur a bien failli à son obligation de sécurité en le faisant travailler sur une machine ne répondant pas aux normes de sécurité édictées par les lois et les règlements, notamment quant au verrouillage du capot de protection de la machine et quant à l'existence d'un bouton d'arrêt d'urgence accessible. Quant à l'expertise, M. X... estime que la détermination de la date de consolidation doit bien entrer dans la mission confiée à l'expert judiciaire.

Régulièrement convoquée à l'audience du 30 octobre 2012 par lettre du greffe dont elle a accusé réception le 9 janvier 2012, la CPAM de la Sarthe ne comparaît pas. Par télécopie du 29 octobre 2012, elle a indiqué avoir pris connaissance des conclusions de la société Rillettes Bahier et de M. Anthony X... et s'en rapporter à justice.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la nature du présent arrêt :
Attendu, la CPAM de la Sarthe ne comparaissant pas quoique régulièrement convoquée, qu'il sera statué par arrêt réputé contradictoire ;
Sur la faute inexcusable de la société Rillettes Bahier :
Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; Attendu qu'il appartient au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait, ou aurait dû avoir, conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Attendu qu'il résulte des éléments de l'enquête pénale et du procès-verbal dressé par l'inspecteur du travail qui s'est rendu sur les lieux le jour de l'accident litigieux qu'au moment de celui-ci qui est survenu à 9h30, M. Anthony X... travaillait depuis 5h30 du matin sur une machine appelée " presse à former ", mise en service en 1983, ayant pour fonction de donner par pressage à une pièce de viande de bacon prédécoupée la forme d'une saucisse de 40 centimètres de long et de l'éjecter vers un manchon en plastique qui constituera la peau de la saucisse ;
Attendu que cette machine, mue par l'énergie pneumatique, se compose d'un plan horizontal sur lequel est creusée une gorge rectangulaire à fond arrondi dans laquelle est disposée la pièce de viande ; que cette gorge est traversée par un piston qui, se déplaçant de droite à gauche, éjecte la saucisse ; qu'au-dessus, la presse, protégée par un capot, fait descendre un moule arrondi dont le bord s'ajuste sans espace avec celui de la gorge ; que c'est à cet endroit que la main de M. X... a été happée ;
Attendu que l'opérateur qui se tient debout devant sa machine prend une pièce de viande dans le bac situé à sa droite, la dispose dans le moule, fixe un manchon en plastique autour de l'orifice d'expulsion de la saucisse, et ferme le capot ce qui a pour effet de déclencher le cycle de travail à savoir : descente de la presse, déplacement du cylindre éjecteur puis retour à sa position initiale, remontée de la presse ;
Attendu que les enquêteurs ont constaté qu'après déclenchement du cylindre, aucun dispositif n'empêchait la remontée du capot par l'opérateur dans la mesure où, si le dispositif destiné à le bloquer en position fermée pendant toute la durée du cycle de travail existait bien sur la machine, il ne fonctionnait pas de sorte que, pour améliorer leur rendement, les opérateurs, notamment M. X..., avaient pour habitude de rouvrir le capot dès que possible au cours de la remontée de la presse ce qui leur permettait d'introduire une nouvelle pièce de bacon avant la fin complète du cycle ; qu'une telle manoeuvre aurait été impossible si le dispositif de sécurité avait fonctionné puisque le capot n'aurait alors été libéré qu'une fois la presse immobilisée en position haute ; attendu que, le jour des faits, M. X... a laissé sa main droite posée sur le bord de la gorge alors qu'il attendait que la presse redescende ; que ses doigts ont été écrasés et entraînés jusqu'au fond du moule puis atteints par la course du piston, l'index, le majeur et l'annulaire étant ainsi sectionnés et l'auriculaire lésé ;
Attendu que les enquêteurs ont en outre constaté que le salarié ne disposait d'aucun organe de service pour interrompre le cycle et que le bouton d'arrêt d'urgence était inaccessible pour être positionné sur le côté droit de la machine et non devant lui ;
Attendu que, s'agissant d'une machine mue par une source d'énergie autre que la force humaine, l'absence de dispositif maintenant le capot de protection en position fermée pendant tout le cycle de travail et le fait que, par voie de conséquence, les opérateurs puissent atteindre la zone de dangereuse, constitue une infraction à l'article R. 233-16 alinéa 1er du code du travail ; Que l'absence de dispositif d'arrêt d'urgence accessible depuis le poste de travail constitue une infraction à l'article R. 233-28 alinéa 1er du même code ;

Attendu que c'est à raison de ces manquements aux règles de sécurité imposées par ces textes dans le cadre du travail et des blessures subies par M. X... le 31 août 2007 à l'occasion du maniement de la machine non conforme à ces règles de sécurité que M. Stéphane C..., directeur de la SAS Rillettes Bahier, a été, par jugement définitif du tribunal correctionnel du Mans du 13 février 2009, pénalement condamné pour avoir causé à M. Anthony X... des blessures involontaires à l'origine d'une ITT de plus de trois mois par manquement de l'employeur à une mesure relative à l'hygiène, à la sécurité ou aux conditions de travail ;
Attendu, la présente action en reconnaissance de la faute inexcusable engagée par M. Anthony X... à l'encontre de la société Rillettes Bahier reposant sur les mêmes faits que ceux qui ont donné lieu à l'instance pénale, que le principe de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision de condamnation du tribunal correctionnel du Mans du 13 février 2009 trouve à s'appliquer et qu'il résulte nécessairement de cette condamnation pour blessures involontaires par manquement de l'employeur à une mesure relative à la sécurité que la société Rillettes Bahier a bien commis un manquement à son obligation de sécurité à l'égard de M. X..., mais aussi qu'elle avait conscience du danger auquel elle l'exposait, et encore, la caractérisation du lien de causalité entre la faute inexcusable ainsi établie et le dommage ;
Que la société Rillettes Bahier soutient donc à tort que la condamnation pénale définitivement prononcée à l'encontre de son dirigeant ne suffirait pas à établir sa faute inexcusable ;
Attendu, en tout état de cause, qu'en vertu de l'obligation de sécurité de résultat qui s'impose à l'employeur et de l'obligation qu'il a de vérifier l'état et les bonnes conditions de fonctionnement des machines sur lesquelles il fait travailler ses salariés ainsi que l'effectivité et l'efficacité des dispositifs de sécurité, la société Rillettes Bahier ne pouvait pas ne pas avoir conscience du danger auquel elle exposait M. Anthony X... en le faisant travailler sur une presse à former, mue par l'énergie pneumatique et, d'une part, dépourvue de dispositif en état de fonctionnement permettant d'assurer le maintien du capot en position fermée pendant toute la durée du cycle de travail jusqu'à remontée complète de la presse, d'autre part, équipée d'un bouton d'arrêt d'urgence inaccessible par lui, alors en outre qu'aucune consigne de sécurité n'était affichée à proximité de la machine et que, des dires mêmes de l'employeur, M. X... n'avait reçu aucune formation particulière au fonctionnement de cette machine ; et attendu que la société Rillettes Bahier n'a pas pris de mesure pour le protéger du danger auquel elle l'exposait puisqu'il résulte de l'enquête pénale et de l'enquête de l'inspection du travail que c'est seulement à raison de l'accident litigieux qu'elle a fait verrouiller le carter afin qu'il ne puisse pas être relevé tant que le cycle de la presse n'est pas terminé et qu'elle a fait rapporter le bouton d'arrêt d'urgence sur l'avant de la machine à proximité de l'opérateur ;
Attendu, comme l'a exactement relevé le tribunal, que les manquements ainsi caractérisés à l'encontre de la société Rillettes Bahier sont en lien direct et certain avec les lésions dont a souffert M. X... puisque c'est bien l'absence de dispositif garantissant la fermeture du capot pendant toute la durée du cycle de travail qui a permis que sa main se trouve en contact avec la presse à l'origine de l'écrasement, et que les conséquences dommageables auraient, à tout le moins pu être atténuées si le salarié victime avait pu atteindre lui-même le dispositif d'arrêt d'urgence sans attendre l'intervention de son collègue ;
Attendu que le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a dit que l'accident du travail dont M. Anthony X... a été victime le 31 août 2007 est dû à la faute inexcusable de la société Rillettes Bahier ;
Sur la réparation du préjudice corporel et la mesure d'expertise :
Attendu que la victime d'un accident du travail ne peut pas poursuivre, devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, la réparation de son préjudice selon les règles du droit commun de la responsabilité contractuelle ;
Attendu, en effet, que l'article L 451-1 du code de la sécurité sociale pose le principe selon lequel aucune action en réparation des accidents du travail ou des maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun par la victime ou ses ayants droit ; Qu'en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle dû à la faute inexcusable de l'employeur, l'article L 452-1 du même code ouvre droit au salarié-victime ou à ses ayants droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles L 452-2 et L 452-3 du même code ;

Attendu que le premier de ces textes prévoit une majoration du capital ou de la rente alloué, tandis que le second permet à la victime de demander à l'employeur la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, ainsi que celle de ses préjudices esthétiques et d'agrément, et celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;
Attendu que, par décision no 2010-8 QPC du 18 juin 2010 rendue sur renvoi par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L 451-1 et L 452-1 à L 452-5 du code de la sécurité sociale ; Que cette décision n'emporte pas de remise en cause du régime forfaitaire d'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles et elle n'impose pas une indemnisation complémentaire des postes de préjudice déjà couverts, même de façon imparfaite, par le livre IV du code de la sécurité sociale ; qu'elle élargit le champ du droit à réparation des victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles dus à la faute inexcusable de l'employeur en ce qu'il en résulte que la victime ou ses ayants droit peuvent demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation, non seulement des chefs de préjudice énumérés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, mais aussi de l'ensemble des dommages ; ou chefs de préjudice non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale Cette partie est la reprise, quasiment mot à mot d'un attendu de la Cour de cass. Arrêt 11-14311 du 4 avril 2012 ;

Attendu que ne peuvent pas donner lieu à indemnisation sur le fondement de ce texte tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2010-8 QPC du 18 juin 2010, les préjudices tels que les frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires, les frais de transport et d'une façon générale l'ensemble des frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le reclassement de la victime, dépenses d'appareillage actuelles et futurs, dans la mesure où l'article L 431-1 du Livre IV du code de la sécurité sociale prévoit leur prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ; qu'il en est de même des frais de tierce personne après consolidation dont l'indemnisation est prévue par l'article L. 434-2 du même Livre IV ;
Attendu, la rente, éventuellement majorée, dont bénéficie la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle dont le taux d'incapacité est supérieur à 10 % indemnisant, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent, qu'il n'y a pas lieu de demander à l'expert de déterminer le taux du déficit fonctionnel permanent de la victime et que cette dernière ne peut pas demander réparation de ces préjudices à l'employeur sur le fondement de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Que par contre, les indemnités journalières prévues par le livre IV indemnisant exclusivement la perte de salaire, la victime peut prétendre à l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, lequel englobe, pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que, le cas échéant, le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, et doit être distingué du préjudice d'agrément qui répare les préjudices extra patrimoniaux permanents ;
Qu'elle peut également prétendre à la réparation de chefs de préjudice non indemnisés ou pris en charge par le livre IV du code de la sécurité sociale, tels que les frais d'aménagement du domicile et du véhicule, le préjudice sexuel et d'établissement, le premier qui englobe l'ensemble des dommages touchant à la sphère sexuelle devant être distingué et indemnisé séparément du préjudice d'agrément ;
Attendu qu'il résulte du rapport d'examen médical établi par le Dr Yannick E..., expert, le 17 janvier 2008 dans le cadre de l'enquête pénale, que l'accident du travail litigieux a été pour M. Anthony X... à l'origine d'une amputation traumatique totale des 2ème, 3ème et 4ème doigts de la main droite par mécanisme d'avulsion avec un arrachement des tendons fléchisseurs à hauteur de l'avant-bras, d'une réimplantation micro chirurgicale le jour même, laquelle s'est avérée efficace pour les 3ème et 4ème doigts, mais un échec au niveau de l'index ; que M. X... est resté hospitalisé du 31 août au 7 septembre 2007, puis a été suivi en consultation, qu'il a conservé les broches et une attelle immobilisatrice jusqu'à la fin du mois de septembre 2007, qu'un suintement au niveau des cicatrices a retardé la mise en oeuvre de la kinésithérapie, qu'il était toujours en arrêt de travail au 14 janvier 2008, date de l'examen pratiqué par le Dr E... ; attendu que celui-ci a déjà relevé des séquelles quant aux facultés de préhension et que l'état de M. X... a finalement été consolidé par le médecin conseil de la caisse avec reconnaissance d'un taux d'IPP de 28 % ; que la victime a évoqué avec l'expert l'impossibilité de poursuivre certaines activités de loisir telles que la pratique du billard, du dessin et du paintball ;
Attendu, la faute inexcusable de la société Rillettes Bahier ayant été retenue, que M. Anthony X... a droit au bénéfice des prestations et indemnités prévues aux articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; qu'aucune faute inexcusable n'étant même alléguée à son encontre, il convient d'ordonner, par application de l'article L. 452-2, la majoration au maximum de la rente accident du travail qui lui est servie, laquelle majoration produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, étant rappelé que, le cas échéant, elle suivra l'évolution du taux d'incapacité de la victime ;
Et attendu que les éléments médicaux ci-dessus rappelés justifient la mise en oeuvre de l'expertise médicale sollicitée avant dire droit sur la réparation du préjudice corporel de l'intimé, la mission donnée à l'expert chargé de déterminer les éléments du préjudice corporel résultant pour lui de l'accident du travail dû à la faute inexcusable de son employeur, dont il a été victime le 31 août 2007, devant s'inscrire, au regard des éléments produits et chefs de préjudice invoqués, dans le périmètre du droit à réparation déterminé par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale tel qu'interprété à la lumière de la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010 ;
Attendu qu'à l'audience, M. X... a précisé qu'il n'entendait pas invoquer de préjudice sexuel ;
Attendu que les éléments de préjudice d'ores et déjà acquis au vu des pièces médicales produites justifient de confirmer le jugement déféré quant à l'allocation à M. X... d'une indemnité provisionnelle de 6 000 € à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ;
Attendu qu'il y a par contre lieu à infirmation en ce que les premiers juges ont condamné la société Rillettes Bahier au paiement de cette somme puisqu'en effet, en application du dernier alinéa de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, les indemnités destinées à réparer le préjudice de la victime sont versées directement à cette dernière par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur ; que la CPAM de la Sarthe versera également directement à M. X... la majoration de rente ci-dessus ordonnée ;
Attendu qu'elle pourra exercer son action récursoire contre la société Rillettes Bahier étant observé que cette dernière n'a pas relevé appel des dispositions du jugement déféré qui l'ont déboutée de sa demande tendant à ce que la décision de prise en charge de l'accident litigieux au titre de la législation professionnelle lui soit déclarée inopposable et qu'elle reconnaît expressément aux termes de ses écritures le droit de la Caisse à récupérer auprès d'elle les sommes dont elle fera l'avance ;
Attendu qu'il convient d'allouer à M. X... une indemnité de procédure de 1 200 € au titre des frais irrépétibles qu'il a d'ores et déjà exposés à ce stade de la procédure en cause d'appel, et de réserver l'application des dispositions de article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale ;
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'accident du travail dont M. Anthony X... a été victime le 31 août 2007 est dû à la faute inexcusable de la société Rillettes Bahier, en ce qu'il a alloué à ce dernier une indemnité provisionnelle de 6 000 € à valoir sur la réparation de son préjudice corporel et en ce qu'il a, avant dire droit sur cette réparation, ordonné une mesure d'expertise médicale confiée au Dr Michel D... ;
Le réformant et y ajoutant,
En application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, ordonne la majoration au maximum de la rente accident du travail versée à M. Anthony X... et dit que cette majoration, qui, le cas échéant, suivra l'évolution de son taux d'incapacité, sera productive d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Déclare le présent arrêt commun à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe et dit qu'elle versera directement à M. Anthony X... l'ensemble des majorations et indemnités destinées à réparer ses préjudices, notamment, la majoration de rente ci-dessus allouée ainsi que la provision de 6 000 € allouée par les premiers juges ;
Dit que la CPAM de la Sarthe en récupérera le montant auprès de la société Rillettes Bahier conformément aux dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Dit que l'expertise médicale ordonnée avant dire droit sur la réparation du préjudice corporel de M. Anthony X... a pour objet de déterminer les préjudices à caractère personnel définis à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2010-8 QPC du 18 juin 2010 ;
Dit que le Docteur Michel D... ..., expert inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Angers, aura pour mission, les parties présentes ou, en tout cas, régulièrement convoquées :
- de se faire remettre l'entier dossier médical de M. Anthony X... et, plus généralement, toutes pièces médicales utiles à l'accomplissement de sa mission ;- d'en prendre connaissance ;- de procéder à l'examen de M. Anthony X... et de recueillir ses doléances ;- de décrire de façon précise et circonstanciée son état de santé, avant et après l'accident du 31 août 2007, les lésions occasionnées par cet accident et l'ensemble des soins qui ont dû lui être prodigués ;- de décrire précisément les lésions dont il reste atteint ;- de fournir, de façon circonstanciée, tous éléments permettant à la cour d'apprécier : ¤ l'étendue des souffrances physiques et morales endurées par la victime en quantifiant l'importance de ce chef de préjudice, notamment sur une échelle de 1 à 7, ¤ l'existence d'un préjudice esthétique, temporaire et/ ou permanent, en le quantifiant, notamment sur une échelle de 1 à 7, ¤ l'existence d'un préjudice d'agrément soit l'empêchement, partiel ou total, pour la victime, de se livrer à une ou des activité (s) sportives ou de loisir,- d'indiquer si la victime subit une perte ou une diminution de ses possibilités de promotion professionnelle et, dans l'affirmative, de fournir tous éléments permettant d'apprécier l'étendue de ce préjudice ;

- d'indiquer si, avant la date de consolidation de son état, la victime s'est trouvée atteinte d'un déficit fonctionnel temporaire, notamment constitué par une incapacité fonctionnelle totale ou partielle, par le temps d'hospitalisation, et par les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique et, dans l'affirmative, d'en faire la description et d'en quantifier l'importance ;
- de dire si, avant la date de consolidation, l'état de santé de la victime a ou non nécessité la présence ou l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne et dans l'affirmative, d'en définir les conditions d'intervention, notamment en termes de spécialisation technique, de durée et de fréquence des interventions journalières ;
- d'indiquer si l'état de la victime nécessite des aménagements de son logement et/ ou de son véhicule à son handicap et de les déterminer ;
- d'indiquer si la victime subit des préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement liés aux handicaps permanents ;
Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du Code de procédure civile, qu'en particulier il pourra se faire autoriser à s'adjoindre tout spécialiste de son choix, dans une spécialité autre que la sienne ;
Dit que l'expert donnera connaissance aux parties de ses conclusions et répondra à tous dires écrits de leur part, formulés dans le délai qu'il leur aura imparti, avant d'établir un rapport définitif qu'il déposera au secrétariat greffe de la présente cour dans les trois mois du jour où il aura été saisi de sa mission ;
Fixe à 800 € (huit cents euros) le montant de la provision à valoir sur les frais et honoraires de l'expert qui devra être versée par la CPAM de la Sarthe entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel d'Angers, dans un délai d'UN MOIS à compter de la notification du présent arrêt ;
Rappelle à toutes fins qu'à défaut de consignation dans le délai ci-dessus, la présente désignation d'expert sera caduque de plein droit en vertu de l'article 271 du code de procédure civile, sauf à la partie à laquelle incombe cette consignation à obtenir du juge chargé du contrôle de l'expertise la prorogation du dit délai ou un relevé de la caducité ;
Désigne Mme Lecaplain-Morel, conseiller, pour suivre les opérations d'expertise ;
Dit qu'en cas d'empêchement de l'expert il sera procédé à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête ;
Condamne la société Rillettes Bahier à payer à M. Anthony X... une indemnité de procédure de 1 200 € au titre des frais irrépétibles qu'il a d'ores et déjà exposés à ce stade de la procédure en cause d'appel ;
Réserve l'application des dispositions de article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT, Sylvie LE GALL, Catherine LECAPLAIN-MOREL.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00560
Date de la décision : 29/01/2013
Sens de l'arrêt : Expertise
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-01-29;11.00560 ?
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