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29/01/2013 | FRANCE | N°11/00420

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 29 janvier 2013, 11/00420


ARRÊT N
AD/ FB
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00420

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 01 Février 2011, enregistrée sous le no 10/ 00023

ARRÊT DU 29 Janvier 2013

APPELANTS :

Madame Danielle X... épouse Y...... 49250 BEAUFORT EN VALLEE

représentée par Maître Alain GUYON, avocat au barreau d'ANGERS
Madame Christine Z... épouse A...... 49250 FO

NTAINE GUERIN

représentée par Maître Alain GUYON, avocat au barreau d'ANGERS
Madame Marina C... épouse ...

ARRÊT N
AD/ FB
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00420

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 01 Février 2011, enregistrée sous le no 10/ 00023

ARRÊT DU 29 Janvier 2013

APPELANTS :

Madame Danielle X... épouse Y...... 49250 BEAUFORT EN VALLEE

représentée par Maître Alain GUYON, avocat au barreau d'ANGERS
Madame Christine Z... épouse A...... 49250 FONTAINE GUERIN

représentée par Maître Alain GUYON, avocat au barreau d'ANGERS
Madame Marina C... épouse D...... 49390 LA BREILLE LES PINS

présente, assistée de Maître Alain GUYON, avocat au barreau d'ANGERS
Madame Evelyne E... épouse F...... 49160 LONGUE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 11/ 001871 du 17/ 03/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

présente, assistée de Maître Alain GUYON, avocat au barreau d'ANGERS
Madame Chantal G... épouse H...... 49140 JARZE

représentée par Maître Alain GUYON, avocat au barreau d'ANGERS
Madame Sophia I...... 49250 BEAUFORT EN VALLEE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 11/ 001853 du 17/ 03/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

représentée par Maître Alain GUYON, avocat au barreau d'ANGERS

Monsieur Laurent A...... 49250 FONTAINE GUERIN

représentée par Maître Alain GUYON, avocat au barreau d'ANGERS
Monsieur Patrice J... ... 49160 JUMELLES (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 11/ 002034 du 17/ 03/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

représenté par Maître Alain GUYON, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
LA SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE FRANCE CHAMPIGNON Chantemerle 49400 BAGNEUX

représentée par Maître Aurélien TOUZET (SCP BDH AVOCATS), avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 30 Octobre 2012 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Anne DUFAU, assesseur Madame Anne LEPRIEUR, assesseur

qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT : du 29 Janvier 2013, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La société coopérative agricole (sca) France Champignon exploite plusieurs sites de production et de conditionnement dans le Maine et Loire et emploie 850 salariés.
En 2009 elle a engagé une procédure de licenciement collectif pour motif économique portant sur la suppression de 69 emplois sur son site de Beaufort en Vallée.
Le comité central d'entreprise a été réuni le 3 février 2009, et le 19 février 2009 un accord de méthode a été signé entre la société France Champignon et les syndicats représentatifs au sein de l'entreprise.
Un plan de sauvegarde de l'emploi (P. S. E) a été élaboré, qui renvoyait pour les mesures d'accompagnement à un accord de groupe signé le 24 juin 2008 avec les organisations syndicales.
Le comité central d'entreprise a été consulté dans le cadre de réunions extraordinaires qui se sont tenues les 12 mars 2009, 24 mars 20009, et 27 mars 2009.
Les salariés licenciés ont été invités à se présenter dans les locaux de la société à Beaufort en Vallée aux fins de remise des documents de fin de contrat et il leur a été proposé de signer un " accord transactionnel ", ce qu'ils ont accepté.
Huit salariés, Mme Danielle Y..., Mme Christine A..., Mme Marina D..., Mme Evelyne F..., Mme Chantal H..., Mme Sophia I..., M. Laurent A..., M. Patrice J..., ont saisi le 23 février 2010 le conseil de prud'hommes de Saumur devant lequel ils ont, pour certains d'entre eux, demandé la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats d'intérim, et pour la totalité, contesté leur licenciement, ainsi que la validité de l'accord transactionnel signé par chacun.
La sca France Champignon a opposé l'irrecevabilité de ces demandes, tirée de l'autorité de chose jugée attachée aux transactions signées entre elle et chaque salarié concerné.
Par jugement du 1er février 2011, le conseil de prud'hommes de Saumur a ordonné la jonction des instances, dit que " les transactions signées par les salariés sont conformes aux dispositions de l'article 2044 du code civil ; qu'elles ont entre les parties autorité de la chose jugée en dernier ressort par application de l'article 2052 du code civil ", a " débouté " tous les salariés de leurs demandes d'annulation du protocole transactionnel signé par chacun d'eux, a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné les demandeurs aux dépens.
Le jugement a été notifié le 4 février 2011 à la société France Champignon, et à chacun des salariés.
Mme Danielle Y..., Mme Christine A..., Mme Marina D..., Mme Evelyne F..., Mme Chantal H..., Mme Sophia I..., M. Laurent A... M. Patrice J... en ont fait appel par lettre postée le 10 février 2011.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mme Danielle Y..., Mme Christine A..., Mme Marina D..., Mme Evelyne F..., Mme Chantal H..., Mme Sophia I..., M. Laurent A... M. Patrice J... demandent à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait leurs écritures déposées au greffe le 2 août 2011, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de prononcer la nullité de chacun des protocoles transactionnels signés par chacun d'entre eux.
Leurs demandes étant dès lors dites recevables, ils les énoncent dans ces termes à l'encontre de la sca France Champignon :

¤ Mme Danielle Y... :

- la requalification des missions d'intérim en contrat de travail à durée indéterminée avec toutes conséquences de droit, soit dire que son ancienneté dans l'entreprise remonte à 1988, et condamner la société France Champignon à recalculer l'indemnité conventionnelle de licenciement en tenant compte de cette ancienneté, et à payer le reliquat dans le mois suivant la notification du jugement à intervenir.- la somme de 3 000 € au titre de l'article L 1251-41 alinéa 2 du Code du Travail,- la somme de 45 000 € nette de CSG-CRDS pour le licenciement nul sur le fondement des dispositions de l'article L1235-11 du Code du Travail et à défaut sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L1235-3 du même code.- la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

¤ Mme Christine A... :

- la somme de 60 000 € nette de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

¤ Mme Marina D... :

- la somme de 45 000 € nette de CSG-CRDS à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

¤ Mme Evelyne F... :

- la somme de 90 000 € nette de CSG-CRDS à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

¤ Mme Chantal H... :

- la somme de 80 000 € nette de CSG-CRDS à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

¤ Mme Sophia I... :

- la requalification des missions d'intérim en contrat de travail à durée indéterminée avec toutes conséquences de droit, soit dire que son ancienneté dans l'entreprise remonte au 2 décembre 1997, et condamner la société France Champignon à recalculer l'indemnité conventionnelle de licenciement en tenant compte de cette ancienneté et à payer le reliquat dans le mois suivant la notification du jugement à intervenir.- la somme de 3 000 € au titre de l'article L 1251-41 alinéa 2 du Code du Travail,- la somme de 45 000 € nette de CSG-CRDS à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

¤ M. Laurent A... :

- la requalification des missions d'intérim en contrat de travail à durée indéterminée avec toutes conséquences de droit, soit dire que son ancienneté dans l'entreprise remonte au 9 juillet 1990, et condamner la société France Champignon à recalculer l'indemnité conventionnelle de licenciement en tenant compte de cette ancienneté et à payer le reliquat dans le mois suivant la notification du jugement à intervenir,- la somme de 3 000 € au titre de l'article L 1251-41 alinéa 2 du Code du Travail,- la somme de 54 000 € nette de CSG-CRDS à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

¤ M. Patrice L... :

- la somme de 35 000 € nette de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'audience du 30 octobre 2012 les appelants indiquent plaider, en premier lieu, uniquement sur la recevabilité de leurs demandes, à laquelle s'oppose la société France Champignon.
Ils soutiennent que les accords transactionnels qu'ils ont chacun signés sont nuls, et ce à plusieurs titres :

- parce qu'il est acquis en jurisprudence d'une part qu'un plan de sauvegarde de l'emploi ne peut prévoir la substitution des mesures qu'il comporte, destinées à favoriser le reclassement, par une indemnisation subordonnée à la conclusion d'une transaction emportant renonciation à toute contestation ultérieure de ces mesures et d'autre part que les conditions d'octroi d'un avantage résultant d'un plan de sauvegarde de l'emploi doivent être objectivement définies et que ne répond pas à cette condition, la disposition subordonnant le versement d'une indemnité prévue en faveur des salariés n'ayant pas bénéficié d'un reclassement interne, à la conclusion d'une transaction individuelle ; que l'indemnité complémentaire de 2500 € s'ajoute, comme le fait apparaître la délibération du comité central d'entreprise du 27 mars 2009, à l'indemnité complémentaire de 2000 € prévue à l'accord groupe de juin 2008 dans lequel s'inscrit le plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'il s'agit donc d'un avantage résultant du P. S. E alors que son bénéfice est subordonné à la signature d'un " accord transactionnel " ; que cette transaction, qui n'est pas un avantage du P. S. E. dont les modalités sont objectivement définies, ne comporte dès lors aucune concession de la part de l'employeur, ce qui la rend nulle.

- parce que ces transactions ont pour seul but d'éluder le risque judiciaire pesant sur l'employeur, qui n'a pas respecté les règles posées par l'article L1233-4 du code du travail sur le reclassement.
- parce qu'il s'agit d'un avantage résultant à tout le moins d'un accord entre l'employeur et les représentants du personnel, et que la mise en oeuvre d'un accord collectif dont les salariés tiennent leurs droits ne peut être subordonnée à la conclusion de contrats individuels de transaction.
- parce qu'elles violent les dispositions de l'article 2044 du code civil en ce qu'aucun litige n'était né à leur signature et que les salariés n'étaient pas demandeurs à une transaction ; que les " organisations syndicales " n'avaient pas pouvoir d'engager les salariés qui n'en sont pas membres et ne les ont pas mandatés pour cela, la faculté d'agir en justice étant un droit personnel dont la renonciation ne peut pas être négociée par un tiers.
- parce que la cause de la transaction est immorale, en ce qu'elle a pour but de priver les salariés du droit d'ester en justice, alors que le licenciement est contestable, la lettre de licenciement indiquant que le reclassement a été effectué par affichage sur le site de Beaufort en Vallée d'une liste de postes disponibles, et que cette modalité ne répond pas aux exigences du code du travail, ni à celles de la jurisprudence.
- parce que leur consentement a été vicié par l'erreur et le dol, dans les termes des articles 1109 et 1116 du code civil.
A titre subsidiaire, les salariés soutiennent que la concession de la sca France Champignon, qui est la même pour tous les salariés, sans tenir compte des situations individuelles, est donc dérisoire par rapport au préjudice subi du fait de la rupture, et ne peut être considérée comme une concession au sens de l'article 2044 du code civil.

La sca France Champignon demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 20 juillet 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de confirmer le jugement entrepris, de dire les demandes en justice de Mme Danielle Y..., Mme Christine A..., Mme Marina D..., Mme Evelyne F..., Mme Chantal H..., Mme Sophia I..., M. Laurent A..., M. Patrice J... irrecevables sur le fondement de l'article 2052 du code civil en raison de la signature des transactions par les différents demandeurs, de condamner les demandeurs aux dépens et à lui payer chacun la somme de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire la sca France Champignon demande à la cour, si elle ne déclarait pas les demandes des huit salariés irrecevables, de ré-ouvrir les débats pour lui permettre de présenter ses observations sur celles-ci.
Elle rétorque aux moyens soulevés par les appelants :
- que le P. S. E a été limité à l'ensemble des mesures prévues par le protocole d'accord groupe du 24 juin 2008, ce qui constitue des mesures suffisantes en matière de reclassement et d'accompagnement ; que l'indemnité complémentaire de 2500 € a été proposée par l'employeur à la demande des organisations syndicales ; que cette indemnité n'étant pas prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi, les transactions individuelles sont parfaitement valables.
- qu'il n'a jamais été nécessaire pour qu'une transaction soit valable qu'un litige soit déjà né, mais qu'elle est un moyen de prévention des contestations et litiges, ce qui est le cas en l'espèce.
- que les organisations syndicales n'ont pas besoin de mandat individuel pour négocier dans l'intérêt des salariés qu'elles sont destinées à représenter, puisque c'est leur mission première, et qu'elles ont joué leur rôle en discutant avec l'employeur d'une indemnisation complémentaire éventuelle par rapport à ce qui avait été inclus dans le P. S. E. ; qu'il n'y a pas eu signature d'un accord conclu entre l'employeur et les organisations syndicales, un accord d'entreprise n'ayant évidemment pas la possibilité de faire renoncer des salariés à leurs droits, mais que les droits des salariés à cette indemnité complémentaire et leur renonciation à toute action en justice résultent non pas directement de la négociation entre l'employeur et les syndicats, mais du document individuel et personnel qui a une portée autonome et dans le cadre duquel ils ont consenti des concessions comme leur employeur leur en consentait également ; que la négociation avec les syndicats n'a abouti qu'à une proposition de transaction que chaque salarié a toujours été libre de refuser ou d'accepter.
- que la concession consentie par l'employeur n'a pas été dérisoire ; qu'elle s'ajoute aux diverses mesures déjà prévues par le P. S. E. et qu'il s'agit donc d'une somme supplémentaire justifiant parfaitement la transaction.
- que le fait que la transaction comporte comme concession de la part du salarié la renonciation à ester en justice n'a rien d'immoral, dès lors que la sca France Champignon a bien donné aux licenciements leurs véritables motifs et a permis aux salariés de bénéficier de toutes les garanties existant à leur profit en cas de licenciement collectif pour motif économique, et notamment la consultation régulière des institutions représentatives du personnel.

- que la nullité d'une transaction n'est encourue qu'en cas d'erreur sur la substance du contrat, mais pas pour une erreur de droit ou une simple erreur de fait, et qu'en l'espèce il n'y a pas eu erreur puisque les contrats sont parfaitement clairs ; qu'il y avait une indemnisation relative au P. S. E., et une indemnisation relative à la transaction elle-même, et qu'il n'y a là ni confusion, ni erreur.

- qu'il n'y a pas eu dol car les salariés ne caractérisent aucune manoeuvre frauduleuse de l'employeur, alors que la charge de la preuve leur incombe ; que le fait que la transaction ait été signée en même temps qu'a eu lieu la remise des documents de fin de contrat ne constitue en rien une manoeuvre, dès lors que la transaction a bien été signée après la notification effective et régulière du licenciement, dont les salariés connaissaient par conséquent parfaitement la motivation.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la validité des accords transactionnels et la recevabilité des demandes des salariés :
L'article 2044 du code civil énonce que la transaction est un contrat, qui doit être écrit, par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ;
Elle a, entre les parties, aux termes de l'article 2052 du code civil, autorité de la chose jugée en dernier ressort ;
L'accord transactionnel signé par chacun des huit salariés appelants est rédigé dans les mêmes termes, les signatures étant intervenues de juin 2009 à octobre 2009 ;
Celui qui a été signé le 11 juin 2009 par Mme Marina D... sera pris pour exemple :
"... Madame D... Marina a été licenciée pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 avril 2009. Ce licenciement a été effectué dans le cadre d'une procédure collective qui portait sur la suppression nette de 69 postes de travail au sein de la Coopérative. L'accord du 24 juin 2008 relatif à la GPEC prévoyait un certain nombre de dispositions d'accompagnement en cas de mise en œuvre d'un Plan de Sauvegarde de l'Emploi. Ces dispositions ont été appliquées dans toute leur intégralité. Au nom des salariés licenciés, les organisations syndicales ont jugé insuffisantes les indemnités de licenciement prévues à l'accord de Groupe du 24 juin 2008 au regard du préjudice subi. Après plusieurs rencontres, les parties sont convenues de verser dans le cadre d'un accord transactionnel une somme complémentaire fixée à 2500 € aux salariés dont le licenciement ne peut être évité, qui ne se sont pas portés volontaires au départ et qui ne bénéficient pas de mesure du FNE.

C'est dans le respect de cet accord que les parties ont convenu par écrit des conséquences de la rupture du contrat de travail de Madame D... Marina, ceci dans le but de s'interdire réciproquement tout litige susceptible de naître de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail les ayant liés.

Article 1 :

La Coopérative Agricole France Champignon verse à Madame D... Marina la somme de 2500 € sur laquelle seront prélevées la CSG et la CRDS à titre d'indemnité transactionnelle de rupture et s'engage à offrir à Madame D... Marina toutes les autres mesures d'accompagnement prévues au PSE. En sus de ses droits à congés payés et prime de fin d'année proratisée, Madame D... Marina percevra une indemnité conventionnelle de licenciement d'un montant net de 12378, 94 € à laquelle est ajoutée une indemnité complémentaire fixée à 2000 € dans le respect du PSE. La concession de la salariée est d'accepter les conséquences de la rupture et de s'estimer remplie de ses droits et réparée de son entier préjudice. La concession de la société est d'allouer une indemnité transactionnelle de rupture.

Article 2 :
Madame D... Marina est informée que le présent accord transactionnel sera déclaré comme tel auprès des services de l'ASSEDIC et déclare qu'elle en assume toutes les conséquences, notamment en matière de différé d'indemnisation.
Article 3 :
Madame D... Marina se déclare remplie de l'intégralité des droits pouvant résulter de l'exécution comme de la rupture de son contrat de travail. En conséquence de quoi les parties renoncent, sous réserve de l'exécution du présent accord, à toute action ou instance de quelque nature que ce soit qui pourrait résulter de l'exécution ou de la rupture du contrat les ayant liés.
Article 4 :
Le présent accord vaut transaction conformément aux articles 2044 et suivants du code civil. "
Il est donc indiqué dans cet accord transactionnel que l'indemnité complémentaire de rupture de 2500 € s'ajoute à l'indemnité complémentaire de 2000 € prévue dans le P. S. E. et que les organisations syndicales ont trouvé insuffisante ;
Le P. S. E élaboré par la sca France Champignon et présenté au comité central d'entreprise et aux comités d'établissements dans le cadre de l'accord de méthode du 19 février 2009, présente dans son livre III, au chapitre I, le " projet de licenciement " et au chapitre II les " mesures d'accompagnement " ;
Il y est indiqué que " Les mesures d'accompagnement sont celles prévues par l'accord de groupe en date du 24 juin 2008 ci-dessous nommé : " Protocole relatif aux mesures d'accompagnement en cas de mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sein du groupe France Champignon " ;

Le protocole d'accord du 24 juin 2008 énonce en effet les modalités de reclassement interne au sein du groupe France Champignon, les mesures pour favoriser des reclassements externes au groupe France Champignon, et les " mesures complémentaires ", qui sont :

- les conventions de préretraite AS/ FNE pour les salariés âgés de 56 ans et plus,- l'indemnité de licenciement-l'anticipation des départs-le congé de reclassement-la réactivation du bassin d'emploi-l'indemnité complémentaire

Celle-ci est décrite à l'article 7. 8 du protocole : " Indemnité complémentaire. Une indemnité d'incitation à la recherche de solution professionnelle externe au groupe France Champignon, d'un montant net de 2000 €, est versée par l'entreprise à chaque salarié licencié pour motif économique et non reclassé au sein du groupe France Champignon. "

Il est acquis qu'une réunion extraordinaire du comité central d'entreprise s'est tenue le 27 mars 2009, dans la continuité de celle du 24 mars 2009, prévue à l'accord de méthode du 19 février 2009, dont le procès-verbal a été rédigé en ces termes :
"... Après discussion, il est arrêté les dispositions ci-après : A l'indemnité complémentaire fixée à 2000 € dans l'accord de juin 2008, sera ajoutée une indemnité complémentaire de 2500 € dans le cadre d'un accord transactionnel à tout salarié licencié qui ne bénéficiera pas de mesure de préretraite et qui ne se sera pas porté volontaire au départ.

Cette indemnité sera portée à 3000 € pour les volontaires au départ dans les mêmes conditions que précédemment.
La réunion se termine par un avis du CCE sur le livre III, seuls 4 membres décident de participer au vote, les autres refusant d'y participer. résultat du vote :-2 bulletins blancs-2 favorables "

Il n'est pas discuté que les accords transactionnels passés entre l'employeur et les huit salariés appelants ont été conclus après la rupture du contrat de travail, soit après la notification du licenciement ;
L'accord que l'employeur et le salarié passent après le licenciement pour en organiser les conséquences n'a valeur de transaction que dans la mesure où il comporte des concessions réciproques, ainsi que l'exige l'article 2044 du code civil ; il est par conséquent nécessaire que cette convention procure au salarié des avantages autres que ceux qu'il tient du P. S. E.
L'attribution aux salariés d'une indemnité destinée à compenser les conséquences dommageables du licenciement en tenant compte de la situation personnelle de chacun au regard de son âge, de ses charges de famille, ou de ses difficultés de reconversion professionnelle, correspondrait à une concession, puisque l'employeur octroierait alors un avantage qu'il n'a pas l'obligation d'accorder, dès lors par ailleurs que la lettre de licenciement est correctement motivée ;
L'indemnité complémentaire de 2500 € accordée aux huit salariés est quant à elle d'un montant forfaitaire et il ressort de l'ensemble des éléments sus-visés, notamment des mentions du PSE, renvoyant aux dispositions de l'accord
de groupe du 24 juin 2008, ainsi que du contenu du procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité central d'entreprise du 27 mars 2009, qu'il s'agit d'un avantage résultant du P. S. E, qui a été consenti par l'employeur après discussion avec les organisations syndicales ;
L'accord transactionnel signé avec chacun des appelants ne contient dès lors pas de concession de l'employeur qui dit d'ailleurs verser l'indemnité complémentaire de 2500 €, et s'engager en même temps à offrir à chacun des salariés signataires de l'accord transactionnel " toutes les autres mesures d'accompagnement prévues au PSE. " ce qui signifie bien que l'indemnité de 2500 € y est incluse ;
L'accord transactionnel, dès lors qu'il est dépourvu de concession de l'employeur, doit être dit nul ;
Au surplus, l'employeur, eut-il l'aval du comité d'entreprise, ne peut disposer du droit individuel de chaque salarié à contester le motif de son licenciement et l'avantage du versement de l'indemnité de 2500 € ne peut être subordonné à la conclusion d'un contrat individuel de transaction ;
D'autre part, quand bien même le versement de l'indemnité de 2500 € serait retenu comme constituant une concession de l'employeur, il demeurerait nécessaire à la validité de l'accord transactionnel que cette concession soit appréciable ;
Or, l'accord de groupe du 24 juin 2008 prévoit quant aux reclassements internes en son sein des " modalités de propositions de postes " qui sont : l'affichage dans les locaux de l'antenne emploi, et dans l'entité concernée, ainsi que la remise à chaque salarié concerné par une mesure de licenciement d'une liste des postes disponibles, et ajoute que " le candidat qui aura fait part de son intérêt pour un poste correspondant à ses compétences... recevra une proposition écrite et précise " ;
Les lettres de licenciement notifiées à chacun des appelants sont libellées, quant au reclassement, dans ces termes :
" 3) L'impossibilité d'assurer votre reclassement au sein du groupe.
Une liste de postes à pourvoir au sein du groupe est affichée dans votre établissement. Nous avons le regret de constater que votre reclassement s'avère impossible aux motifs que ces postes ne sont pas en rapport avec vos aptitudes professionnelles ou ne vous désignent pas comme prioritaire au regard de l'ordre des licenciements préalablement défini. "

A l'exception de Mme H..., qui s'est portée volontaire au départ, les lettres de licenciement notifiées à Mme Danielle Y..., Mme Christine A..., Mme Marina D..., Mme Evelyne F..., Mme Sophia I..., M. Laurent A..., M. Patrice J... ne font mention, quant aux recherches de reclassement réalisées par l'employeur, que de l'affichage dans l'établissement de la liste des postes à pourvoir, modalité qui méconnaît les dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail qui énonce que " les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises " ;
Il est d'autre part acquis que la sca France Champignon ayant un effectif d'au moins 11 salariés, et chaque appelant ayant une ancienneté supérieure à 2 ans dans l'entreprise, la reconnaissance judiciaire de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, résultant du manquement de l'employeur à son obligation de recherche de reclassement, ouvrirait droit aux salariés, aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité ne pouvant pas être inférieure aux salaires des six derniers mois, qui vont de 1320 € brut à 1499 € brut, et par conséquent au versement de sommes minimales de 7920 € à 8994 €, susceptibles d'être augmentées notamment en considération de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise ;
La somme de 2500 € prévue dans l'accord transactionnel, comme concession de l'employeur en contrepartie du renoncement par le salarié à toute action ou instance résultant de la rupture du contrat de travail, est alors dérisoire au regard du risque judiciaire lié à la contestation du bien fondé du licenciement ;
Pour cette seconde raison et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens des appelants, les accords transactionnels signés entre la sca France Champignon et Mme Danielle Y..., Mme Christine A..., Mme Marina D..., Mme Evelyne F..., Mme Chantal H... Mme Sophia I..., M. Laurent A..., et M. Patrice J... doivent être dits, par voie d'infirmation du jugement entrepris, nuls et leurs demandes, afférentes à l'exécution et à la rupture des contrats de travail, en conséquence de la dite nullité, recevables ;
Sur la poursuite de l'instance :
Les premiers juges, qui ont été saisis par Mme Danielle Y..., Mme Christine A..., Mme Marina D..., Mme Evelyne F..., Mme Chantal H..., Mme Sophia I..., M. Laurent A..., M. Patrice J... aux fins de voir prononcer la nullité des accords transactionnels signés avec la sca France Champignon, et aux fins de voir leurs licenciements dits dépourvus de cause réelle et sérieuse, ont, par jugement du 1er février 2011, ordonné la jonction de ces huit instances, dit que les transactions signées, conformes aux dispositions de l'article 2044 du code civil, avaient autorité de la chose jugée, et " débouté " chacun des salariés des demandes afférentes au licenciement ;
En vertu de l'effet dévolutif de l'appel, énoncé par les articles 561 et 562 du code de procédure civile, tous les points du litige soumis au conseil de prud'hommes de Saumur sont déférés à la connaissance de la cour ;
La cour, à laquelle il revient de statuer sur la totalité du litige, ordonne en conséquence, par application des dispositions de l'article 444 du code de procédure civile, la réouverture des débats, afin que les parties s'expliquent contradictoirement sur les points non jugés par le conseil de prud'hommes de Saumur mais dont il a été saisi par Mme Danielle Y..., Mme Christine A..., Mme Marina D..., Mme Evelyne F..., Mme Chantal H..., Mme Sophia I..., M. Laurent A..., M. Patrice J... ;
Les dépens sont réservés ;
PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Saumur du 1er février 2011 en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
DECLARE nuls les accords transactionnels conclus entre la sca France Champignon et Mme Danielle Y..., Mme Christine A..., Mme Marina D..., Mme Evelyne F..., Mme Chantal H..., Mme Sophia I..., M. Laurent A..., et M. Patrice J...,
DIT en conséquence les demandes de Mme Danielle Y..., Mme Christine A..., Mme Marina D..., Mme Evelyne F..., Mme Chantal H..., Mme Sophia I..., M. Laurent A..., et M. Patrice J... recevables,
Avant dire droit,
ORDONNE la réouverture des débats à l'audience du 28 mars 2013 à 14 heures afin que les parties s'expliquent contradictoirement sur le fond des demandes présentées par Mme Danielle Y..., Mme Christine A..., Mme Marina D..., Mme Evelyne F..., Mme Chantal H..., Mme Sophia I..., M. Laurent A..., et M. Patrice J... pour licenciements sans cause réelle et sérieuse.
DIT que la notification du présent arrêt vaut convocation à ladite audience.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALL Catherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00420
Date de la décision : 29/01/2013
Sens de l'arrêt : Réouverture des débats
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 20 novembre 2014, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 novembre 2014, 13-24.307, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-01-29;11.00420 ?
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