La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/2012 | FRANCE | N°11/01570

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 11 décembre 2012, 11/01570


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT DU 11 Décembre 2012
ARRÊT N CLM/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01570.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 18 Mai 2011, enregistrée sous le no 10/ 00627

APPELANTE :

Madame Annie X...... 72110 SAINT COSME EN VAIRAIS

présente, assistée de Monsieur Gérard Y..., délégué syndical

INTIMÉE :

SAS FONCIERE LELIEVRE 1 rue Charles Fabry 72013 LE MANS CEDEX 2

représentée par Maître

Georges BONS, avocat au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 ...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT DU 11 Décembre 2012
ARRÊT N CLM/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01570.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 18 Mai 2011, enregistrée sous le no 10/ 00627

APPELANTE :

Madame Annie X...... 72110 SAINT COSME EN VAIRAIS

présente, assistée de Monsieur Gérard Y..., délégué syndical

INTIMÉE :

SAS FONCIERE LELIEVRE 1 rue Charles Fabry 72013 LE MANS CEDEX 2

représentée par Maître Georges BONS, avocat au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Octobre 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 11 Décembre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 2 janvier 1975, la société Foncière du Télégraphe a embauché Mme Annie X... en qualité de sténodactylographe sans contrat de travail écrit. En 1976, la société Foncière du Télégraphe est devenue la société Gestion Immobilière C... aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Foncière C... dont l'activité est la vente, location et gestion immobilière.

Mme X... a été soignée pour dépression nerveuse à compter du 19 janvier 2001. Du 7 octobre au 8 décembre 2004, elle a été hospitalisée en service de psychiatrie en raison de cet état dépressif et elle a repris le travail à mi-temps thérapeuthique à compter du 3 octobre 2005 jusqu'au 15 mars 2006. Elle a de nouveau été placée en arrêt de travail à compter du 16 mars 2006, ces arrêts ayant donné lieu à plusieurs prolongations, la dernière en date du 7 décembre 2006.

Après avoir été convoquée, par courrier du 29 novembre 2006, à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé du 12 décembre suivant, par lettre du 4 janvier 2007, Mme Annie X... s'est vue notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse tenant à son absence prolongée désorganisant le fonctionnement de l'entreprise.
Par lettres des 11 juillet 2007 et 14 janvier 2008, elle a sollicité le paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, de la prime " d'anniversaire ", d'un solde d'indemnité de licenciement et de ses congés payés 2005, et elle a contesté son licenciement.
Le 5 novembre 2010, elle a saisi le conseil de prud'hommes pour contester cette mesure et obtenir le paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la prime d'anniversaire et du solde de l'indemnité de licenciement.
La société Foncière C... lui a réglé, de ces deux chefs, la somme de 1 648, 09 € lors de l'audience de conciliation qui s'est tenue le 1er décembre 2010. Dans le dernier état, la salariée a demandé au conseil de prud'hommes de déclarer son licenciement nul et de condamner l'employeur à lui payer la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts, sans préjudice d'une indemnité de procédure.

Par jugement du 18 mai 2011 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes du Mans a débouté Mme Annie X... de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamnée aux dépens. Les deux parties ont reçu notification de cette décision le 24 mai 2005. Mme X... en a régulièrement relevé appel par lettre recommandée postée le 16 juin 2005.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses conclusions enregistrées au greffe le 11 octobre 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, Mme Annie X... demande à la cour, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :- d'infirmer le jugement entrepris,- de déclarer son licenciement nul au motif que ses absences prolongées pour maladie sont la conséquence du harcèlement moral dont elle a été l'objet de la part de son employeur et du manquement de celui-ci à son obligation de préserver sa santé, lesquels sont à l'origine de la dépression nerveuse pour laquelle elle est soignée depuis le 19 janvier 2001 ;- en conséquence, de condamner la société Foncière C... à lui payer la somme de 30 000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier, ainsi que celle de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;- de condamner la société Foncière C... aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions enregistrées au greffe le 10 octobre 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société Foncière C... demande à la cour :

- de débouter Mme Annie X... de son appel et de confirmer le jugement déféré ;- à titre très subsidiaire, de réduire de façon substantielle les prétentions de l'appelante ;- de la condamner à lui payer la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

L'intimée conteste les faits de harcèlement moral invoqués par Mme X... arguant de ce que cette dernière procède par affirmations et allégations qui ne sont étayées par aucun élément, de sorte qu'elle est défaillante à établir la réalité des faits répétés de harcèlement moral qu'elle soutient avoir subis. Elle ajoute que, si les fonctions de la salariée ont évolué au cours de ses 32 ans de carrière, cette évolution des tâches, liée aux adaptations et aux changements d'organisation décidés par la direction pour améliorer le fonctionnement de l'entreprise, a été la même pour tous les salariés, de sorte que l'appelante n'a connu aucun traitement particulier à cet égard, et que ces changements, procédant du simple exercice du pouvoir de direction de l'employeur, ont donné lieu à accompagnement et étaient étrangers à tout comportement de harcèlement moral de sa part. Elle oppose enfin qu'aucun élément objectif ne permet de considérer que la dépression nerveuse de Mme X... trouverait son origine dans le travail.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le licenciement :
Attendu que la lettre de licenciement adressée à Mme Annie X... le 4 janvier 2007, et qui fixe les termes du litige, est ainsi libellée :
" Madame Nous vous avons reçue le 12 décembre 2006 pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre. Nous vous rappelons les faits qui nous amène à prendre une telle décision :- mise en place d'un mi-temps thérapeutique du 1er octobre 2005 au 15 mars 2006 ;- arrêt de travail à compter du 16 mars 2006 ;- prolongations d'arrêt de travail des 14 avril 2006, 12 mai 2006, 13 juin 2006, 13 juillet 2006, 17 août 2006, 14 septembre 2006, 12 octobre 2006, 9 novembre 2006, 7 décembre 2006.

La prolongation de votre absence rend malheureusement impossible le maintien de votre contrat de travail. En effet, celle-ci entraîne de graves perturbations dans le fonctionnement de votre service rendant nécessaires votre remplacement définitif.
En effet, devant votre absence prolongée, nous avons été dans l'obligation de palier à celle-ci, depuis le 12 avril 2006, afin de soutenir notre personnel de gestion locative du 1, rue Charles Fabry-72000- LE MANS, qui assurait votre travail en plus de son travail habituel, depuis le 17 mars 2006. Nous ne pouvions faire supporter cette situation plus longtemps à celui-ci sans risquer de voir son travail prendre du retard. Un contrat à durée déterminée de trois mois à compter du 12 avril 2006 a été conclu, pour pourvoir à votre remplacement, et renouvelé pour une période de six mois à compter du 12 juillet 2006. D'autre part, dans le cadre du changement de notre logiciel informatique, et afin que nos collaborateurs puissent l'utiliser à compter du 1er janvier 2007, des formations ont été programmées et effectuées depuis le 6 novembre 2006. Votre préavis de deux mois débutera à la première présentation de cette lettre. Nous vous rappelons que vous restez tenue de l'ensemble de vos obligations contractuelles pendant la durée du préavis. Votre salaire ne vous sera donc versé qu'au cas où vous pourriez reprendre votre emploi avant la fin de votre préavis. Dans cette hypothèse, votre salaire vous sera versé aux dates normales de paie, si vous avez travaillé. A l'expiration du délai de préavis, nous vous remettrons votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte, ainsi que les sommes qui pourraient vous êtres dues. " ;

Attendu que la lettre s'achève par les dispositions relatives au droit individuel à la formation ;
Attendu que Mme Annie X... ne conteste ni la réalité de ses absences prolongées, ni les perturbations qu'elle ont engendrées dans le fonctionnement de l'entreprise ; qu'elle estime toutefois que l'employeur ne peut pas justifier ainsi son licenciement au motif, selon elle, que la dépression nerveuse qui a motivé ses arrêts de maladie trouve son origine dans les faits de harcèlement moral commis à son encontre par la société Foncière C... et dans le manquement de cette dernière à son obligation de garantir sa santé et sa sécurité ;
Attendu qu'aux termes de l'article L122-49 du code du travail devenu L. 1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Attendu qu'en application de l'article L. 122-52 du code du travail devenu l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié établit la matérialité de faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ;
Attendu que Mme X... invoque les faits suivants à l'appui du harcèlement moral qu'elle dénonce à l'encontre de son employeur :- la modification de ses fonctions en octobre 2000, laquelle, liée à la restructuration et à la réorganisation de l'entreprise, a consisté à ne plus lui confier seulement la gestion des congés délivrés aux locataires, mais à lui confier aussi la gestion des sinistres et celle des baux commerciaux ;- l'absence de formation dispensée pour exécuter ces tâches qu'elle maîtrisait mal, qui lui occasionnaient du stress et l'amenaient à se culpabiliser ;- l'absence d'aide de la part de son employeur et de ses collègues pour les exécuter, et l'absence de compassion de ces derniers ;- le contrôle exercé sur l'ensemble de son travail par M. Z..., directeur de l'agence où elle était affectée, et par Mme A..., sa collaboratrice ;- son remplacement, en octobre 2004, à l'agence de la rue de Bolton au Mans et son affectation, de nouveau, près de l'université, occasionnant la perte de la gestion des locataires et des propriétaires qui lui tenait le plus à coeur et qu'elle exerçait depuis plus de trente ans ;- le fait qu'elle n'ait pas retrouvé son poste lors de son retour au travail à mi-temps thérapeutique le 3 octobre 2005 et qu'elle ait alors servi de " bouche trous " pour accomplir des tâches que ses autres collègues ne voulaient pas faire, en lui interdisant de répondre au téléphone ;- le fait que, le 8 janvier 2007, lors de son retour de congé de maladie débuté le 17 mars 2006, elle n'ait retrouvé ni son bureau, ni ses affaires personnelles, l'employeur la dispensant de l'exécution de son préavis seulement le 19 janvier 2007 ;

Attendu qu'elle produit :- une attestation du Dr Gilles B..., médecin psychiatre, du 29 décembre 2010, qui indique la suivre pour syndrome dépressif depuis le 19 janvier 2001 et précise que son hospitalisation en service de psychiatrie du 7 octobre au 8 décembre 2004 était en rapport avec cet état dépressif ;- le justificatif de cette hospitalisation ;- un courrier qu'elle a adressé le 15 mai 2004 à M. Michel C..., son employeur initial, fondateur de l'entreprise, pour lui demander de l'excuser de n'avoir pas participé à la journée qu'il avait organisée avec ses collaborateurs à l'occasion de ses soixante ans et aux termes duquel elle écrivait : " Monsieur, Soignée pour une dépression depuis fin 2000 et, malgré ses hauts (votre femme y a contribué et, je lui en suis reconnaissante) et ses bas, cette dépression a évolué vers une maladie psychique qui se traduit par des troubles du comportement, des souffrances physiques et profondément morales. C'est pour cette raison et avec regret que je n'ai pas pu assister à votre journée anniversaire à l'occasion de vos 60 ans et, j'espère que vous comprendrez mon désarroi face à cette maladie que je n'accepte pas, qui me perturbe au plus profond de moi et qui inquiète mes proches.

J'imagine que pour vous cette journée a dû être riche en émotion laquelle, en d'autres circonstances, j'aurais aimé partager avec vous et tous mes collègues présents dont quelques uns me sont d'un grand soutien face à l'incompréhension de certains voire même de l'incrédulité et vous souhaite, à mon tour, un joyeux anniversaire. Je voudrais seulement savoir ce que l'on me reproche, suis-je à ce point une mauvaise secrétaire pour que l'on me traite comme une débutante ou estime-t-on qu'à 48 ans, je fais partie des improductifs que l'on met sur une voie de garage ? Me reproche-t-on d'aimer trop mon travail, d'être perfectionniste, carrée et rigoureuse envers moi-même et quelquefois envers les autres, peut-être un peu trop excessive ? Je n'ai plus confiance en moi, j'ai l'impression d'avoir perdu toute identité et de n'être que transparente au sein du Cabinet, je n'arrive plus à me retrouver comme aspirer dans une spirale qui m'entraîne vers le fond et qui m'empêche de sortir la tête de l'eau. Pardonnez-moi cette lettre un peu décousue mais je suis extrêmement troublée d'avoir à la faire mais il fallait que j'exprime ce que je ressens face à cette situation que je ne comprends pas. " ;- la réponse que M. Michel C... lui a adressée le 2 juin 2004 ;- une attestation établie le 13 janvier 2011 par le Dr Catherine D..., médecin du travail, laquelle indique avoir rencontré Mme X... à plusieurs reprises entre janvier 2004 et janvier 2007, précisant que ses arrêts de maladie allaient de 2 à 8 mois, voire un an, qu'ils étaient, selon les dires de la salariée, justifiés par des troubles psychologiques engendrés par l'organisation et l'environnement de son travail, et que, sur avis de son médecin psychiatre, cette dernière reprenait à chaque fois son travail à temps partiel thérapeutique ;

Attendu que l'appelante ne produit aux débats aucune pièce de nature à établir que M. Z..., responsable de l'agence où elle travaillait en dernier lieu, et Mme A..., sa collaboratrice, auraient exercé sur son travail un contrôle excédant le contrôle normal d'un supérieur hiérarchique et ce qui était nécessaire ; qu'elle ne produit aucun élément propre à caractériser une attitude déstabilisante, stressante, impatiente ou agressive de ces derniers à son égard et qui aurait pu être de nature à la mettre en difficultés ; Qu'aucun élément ne vient non plus accréditer la thèse de Mme X... selon laquelle elle aurait été remplacée à l'agence de la rue Bolton en 2004, aurait perdu la gestion des locataires et des propriétaires, elle n'aurait pas retrouvé son poste lors de son retour au travail à mi-temps thérapeutique le 3 octobre 2005, elle aurait alors servi de " bouche trous " pour accomplir des tâches que ses autres collègues ne voulaient pas faire, qu'il lui aurait été interdit de répondre au téléphone, elle n'aurait retrouvé ni son bureau ni ses affaires lors de son retour en janvier 2007 ; qu'il n'apparaît pas que l'employeur ait tardé à la dispenser de l'exécution de son préavis et ait eu à son égard une quelconque attitude fautive ou empreinte de malignité sur ce point puisque, par courrier du 19 janvier 2007 confirmant un entretien du même jour, il a accédé, sans délai, à sa demande de dispense de l'exécution de son préavis en lui indiquant qu'il serait néanmoins rémunéré ; que Mme X... ne démontre pas, ni n'allègue d'ailleurs, qu'elle aurait présenté cette demande de dispense avant le 19 janvier 2007 et que l'employeur n'y aurait pas répondu ou l'aurait rejetée ; Que l'appelante s'avère donc défaillante à établir la réalité des faits ainsi dénoncés ;

Attendu que la société Foncière C... ne conteste pas qu'au cours des années, la nature des tâches confiées à Mme Annie X... ait évolué ni que son lieu de travail ait changé, étant précisé que, lors de son embauche, son lieu de travail se situait à Maresche (72), localité où se trouvait initialement l'agence immobilière exploitée par M. C..., et que l'appelante a été, pendant de nombreuses années, chargée de gérer les dossiers des locataires sortants ; Mais attendu qu'il ressort des explications fournies par l'appelante elle-même, des débats et des attestations concordantes des douze salariés qui ont témoigné, et qui ont tous une ancienneté très importante dans l'entreprise, que ces évolutions relatives à la nature des tâches et au lieu de travail ont concerné l'ensemble du personnel, et qu'elles étaient liées, tout d'abord, au développement de l'entreprise qui a entraîné la fermeture de l'agence de Maresche en septembre 2003, mais aussi des changements de locaux au Mans car l'entreprise avait pris de l'ampleur ; que, si ce développement du portefeuille a rendu nécessaires des changements géographiques, il a aussi justifié des changements de méthodes et d'outils de travail ; que l'apparition de l'informatique a permis de rationaliser et de traiter plus rapidement les tâches, de sorte que certaines d'entre elles ne permettaient plus d'occuper une personne à temps plein ; que ces évolutions ont également correspondu au souhait de l'employeur de faire en sorte qu'un client n'ait plus qu'un seul interlocuteur pour gérer son dossier ; que c'est ainsi que, comme tous ses autres collègues, Mme X... a été amenée à exécuter d'autres tâches que la seule gestion de la sortie des locataires qui lui était dévolue à l'origine ;

Attendu que ces évolutions relèvent du pouvoir de gestion et de direction de l'employeur ; que tous les salariés attestent unanimement de ce que ces changements de localisation et de tâches ont donné lieu, de la part de l'employeur, à information dispensée bien à l'avance pour permettre aux salariés de s'organiser, de ce qu'ils s'opéraient dans le réel souci de conserver les salariés au sein de l'entreprise et de ce que les évolutions de poste étaient accompagnées de formations ; que les salariés témoignent de la réelle capacité d'écoute de leur employeur, de ses encouragements et des possibilités d'évolution professionnelle effectives qui ont été données à chacun par ce dernier ; attendu qu'aucun élément du dossier ne permet de retenir que Mme X... aurait reçu un traitement différent de celui de ses collègues et que, contrairement à tous les autres salariés, elle n'aurait pas été accompagnée dans ces changements ; que Mme E..., collègue de travail de l'appelante, témoigne de ce qu'elle n'a jamais remarqué de changement d'attitude de la part de l'employeur l'égard de cette dernière ; qu'aux termes de sa lettre du 15 mai 2004, Mme X... n'a d'ailleurs pas exprimé de grief envers l'employeur, se plaignant seulement de l'incompréhension de certains de ses collègues tout en relevant le soutien apporté par d'autres et par l'épouse du dirigeant ; qu'aux termes de sa réponse du 2 juin 2004, M. Michel C... l'a assurée de ce qu'il n'entendait aucun reproche à son égard, de ce qu'elle faisait partie du " noyau fidèle des anciens du Groupe sur lesquels on peut compter... " ;
Attendu que les collègues de travail de Mme X..., dont certaines ont commencé à travailler quasiment en même temps qu'elle au sein de l'entreprise, ont unanimement témoigné de ce qu'elle a toujours accompli son travail avec lenteur et de façon extrêmement perfectionniste confinant à la maniaquerie, de ce qu'elle était absolument réfractaire à tout changement, même pour les tâches les plus basiques, à toute évolution et à tout conseil, et de ce qu'elle refusait que quiconque puisse avoir un regard sur son travail, allant parfois jusqu'à dissimuler des piles en retard avant son départ en vacances ; qu'ils décrivent encore son caractère très secret et ses tendances à l'isolement ;
Attendu qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que les changements de lieu de travail et de profil d'emploi auxquels Mme X... a été soumise ont également concerné tous ses collègues et qu'ils ont procédé de l'exercice normal du pouvoir de gestion et de direction de l'employeur, lequel démontre qu'ils étaient objectivement justifiés par l'évolution de l'entreprise et celle de l'ampleur du portefeuille géré, par la nécessité de faire évoluer l'organisation de l'entreprise et du travail de chacun en considération, notamment, des nouvelles technologies applicables et des attentes des clients, et qu'il a assuré à tous ses salariés accompagnement et formation pour leur permettre de franchir le cap de ces évolutions et, même, d'évoluer professionnellement ; qu'il est ainsi établi que les évolutions professionnelles qui ont été demandées à Mme X... sont exclusives de toute attitude de harcèlement moral de la part de l'employeur ;
Attendu, encore, que s'il n'est pas contestable que Mme X... est en proie à une grave dépression depuis le début de l'année 2001, aucun élément du dossier, notamment médical, ne permet de considérer que cette dégradation de sa santé mentale trouverait son origine dans des agissements répétés de harcèlement moral imputables à l'employeur ; qu'en effet, le certificat établi par le Dr B... le 29 décembre 2010 est exempt d'une quelconque allusion à une éventuelle origine professionnelle de l'affectation prise en charge et que l'attestation du médecin du travail est purement référendaire quant au fait que les troubles psychologiques dont souffre Mme X... seraient liés à l'organisation et à l'environnement de son travail ; que cette dernière indiquait elle-même aux termes de sa lettre du 15 mai 2004 que sa dépression avait évolué vers une maladie psychique se traduisant par des troubles du comportement, des souffrances physiques et profondément morales, qu'elle se trouvait confrontée à une situation qu'elle ne comprenait pas, étant observé qu'il ressort des débats que la rupture avec le milieu professionnel n'apparaît pas avoir jamais apporté la moindre amélioration à l'état de santé de la salariée ;
Et attendu qu'il convient de relever qu'à l'occasion des visites de reprise, le médecin du travail a déclaré Mme Annie X... apte à la reprise de son emploi à mi-temps thérapeutique, dont il n'est pas discuté qu'il a été respecté, sans jamais énoncer d'autre préconisation ou restriction particulière ; qu'il n'est donc pas établi que l'employeur aurait failli à son obligation de sécurité à l'égard de l'appelante et à son obligation de préserver sa santé, notamment en raison des conditions de travail qu'il lui a réservées ou par mépris des préconisations du médecin du travail ;
Qu'il suit de là qu'outre que Mme Annie X... n'établit pas la matérialité d'un certain nombre de faits qu'elle dénonce, il n'apparaît pas que les modifications apportées à ses conditions de travail aient été entourées, de la part de l'employeur, d'agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande en nullité de son licenciement et de sa demande de dommages et intérêts ;

Sur les dépens et frais irrépétibles :

Attendu, l'appelante succombant en son recours, qu'elle sera condamnée aux dépens d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ; Qu'en considération des situations économiques respectives des parties, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la société Foncière C... la charge des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne Mme Annie X... aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01570
Date de la décision : 11/12/2012
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-12-11;11.01570 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award