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11/12/2012 | FRANCE | N°10/02349

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 11 décembre 2012, 10/02349


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT DU 11 Décembre 2012

ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02349.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 03 Août 2010, enregistrée sous le no 09/ 00582

APPELANT :
Monsieur Jean-Marc X...... 49530 DRAIN
présent, assisté de Maître Stéphanie SIMON, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMÉES :
S. E. L. A. R. L Y... Z... A..., ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SARL AGRI SUD LOIRE 41

avenue de Grésillé Plateaux du Maine BP 3022 49002 ANGERS CEDEX
S. A. R. L. AGRI SUD LOIRE en redress...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT DU 11 Décembre 2012

ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02349.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 03 Août 2010, enregistrée sous le no 09/ 00582

APPELANT :
Monsieur Jean-Marc X...... 49530 DRAIN
présent, assisté de Maître Stéphanie SIMON, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMÉES :
S. E. L. A. R. L Y... Z... A..., ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SARL AGRI SUD LOIRE 41 avenue de Grésillé Plateaux du Maine BP 3022 49002 ANGERS CEDEX
S. A. R. L. AGRI SUD LOIRE en redressement judiciaire Za Le Planti Boisseau 49530 DRAIN
représentées par Maître Pascal LAURENT (SELARL AVOCONSEIL) avocat au barreau d'ANGERS
Maître Odile B... mandataire judiciaire de la SARL AGRI SUD LOIRE 41 Av du Grésillé-BP 222 49002 ANGERS CEDEX 01
non comparante
l'A. G. S., agissant par son association gestionnaire l'UNEDIC-C. G. E. A. de RENNES 4 Cours Raphaël Binet Imm. Le Magister 35069 RENNES CEDEX
représentée par Maître Bertrand CREN (SELARL LEXCAP AVOCATS), avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Octobre 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Anne DUFAU, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 11 Décembre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
EXPOSE DU LITIGE
Le 2 août 2000, Monsieur Jean-Marc X... a été embauché en contrat à durée indéterminée par la sarl Agri Sud Loire en qualité de magasinier vendeur.
Ce contrat a pris effet à compter du 1er septembre 2000 avec un horaire hebdomadaire de 39 heures (169 heures par mois), pour une rémunération mensuelle brute de 8 569, 99 francs (soit 1306, 49 €).
La sarl Agri Sud Loire a pour activité principale la vente, la location et la réparation de matériel agricole et d'élevage, et elle relève de la convention collective des entreprises du commerce, de location et de réparation des tracteurs, machines et matériels agricoles, de matériel de travaux publics, de bâtiments et de manutention, de matériel de motoculture, de plaisance, de jardin et d'espaces verts.
En octobre 2008, Monsieur Mickaël C... a racheté à M. et Mme D..., dont Jean-Marc X... est le beau-fils, leurs parts dans la société.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 mars 2009, M. X... a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé au 25 mars 2009, et il a été mis à pied à titre conservatoire.
Il a été licencié pour faute grave le 31 mars 2009.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 5 mai 2009.
Le 21 octobre 2009, la sarl Agri Sud Loire a été placée en redressement judiciaire, M. A... a été désigné comme administrateur judiciaire et Mme B... comme mandataire judiciaire.
Par jugement du 20 avril 2011, un plan de redressement a été homologué par le tribunal de commerce et M. A... a été désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par jugement du 3 Août 2010, le conseil de prud'hommes d'Angers a écarté l'existence d'une faute grave, et dit que le licenciement de M. X... repose sur une cause réelle et sérieuse d'insuffisance professionnelle, en conséquence, le conseil de prud'hommes d'Angers a fixé les créances dues à M. X... dans ces termes :-4 975, 02 € à titre d'indemnité de préavis outre 497, 50 € pour les congés payés y afférents,-4 270, 21 € à titre d'indemnité de licenciement,-50 € de dommages et intérêts pour non information dans la lettre de licenciement des droits au droit individuel à la formation (DIF).
Le conseil de prud'hommes a débouté les parties de leurs autres demandes, dit que le jugement déclaratif de redressement judiciaire arrête les intérêts de droit, donné acte à l'AGS-CGEA de Rennes de son intervention, dit que les condamnations prononcées lui sont opposables en tant que gestionnaire de l'AGS dans les limites prévues par l'article L. 3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du même code, ordonné à la société Agri Sud Loire de transmettre à M. X... les documents sociaux rectifiés, condamné solidairement M. A... et Mme B... ès qualités, à verser à Jean-Marc X..., la somme de 1 250 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, condamné solidairement la société Agri Sud Loire, M. A... et Mme B... ès qualités à régler les dépens.
Le jugement a été notifié à M. X... le 6 septembre 2010, à l'AGS-CGEA de Rennes le 6 septembre 2010, à la sarl Agri Sud Loire le 3 septembre 2010, à Mme B... et à M. A... le 3 septembre 2010.
Par déclaration au greffe du 21 septembre 2010, M. X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 1er octobre 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un ample exposé M. X... demande à la cour de :- déclarer son appel recevable,- déclarer la société Agri Sud Loire et M. A..., ès qualités irrecevables et mal fondés en leur appel incident, de les en débouter ainsi que de l'ensemble de leurs demandes,- confirmer les dispositions du jugement entrepris qui lui sont favorables, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que son licenciement relève de l'insuffisance professionnelle et qu'il repose sur une cause réelle et sérieuse, statuant à nouveau, dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en conséquence ayant condamné la sarl Agri Sud Loire à lui payer les sommes suivantes, de les fixer au passif salarial du redressement judiciaire de la dite société :-4 975, 02 € à titre d'indemnité de préavis outre 497, 50 € pour les congés payés y afférents,-4 270, 21 € à titre d'indemnité légale de licenciement ;-2 487, 51 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,-1 044, 90 € au titre des salaires pour la période de mise à pied conservatoire,-15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-1098 € à titre de dommages et intérêts pour absence de mention des droits au DIF ;
M. X... demande à la cour de dire que ces condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, de condamner la sarl Agri Sud Loire à lui communiquer les documents sociaux rectifiés et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, de dire le jugement à intervenir commun à la sarl Agri Sud Loire, à M. A... et à Mme B... ès qualités, de les condamner à lui payer la somme de 3 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux entiers dépens.
M. X... indique, à titre liminaire, qu'il n'a jamais pris part au litige qui oppose ses beaux-parents, cessionnaires de la sarl Agri Sud Loire à Mickaël C..., et qu'il n'a jamais tenté de nuire à l'entreprise.
M. X... soutient que la décision de le licencier a été prise par Monsieur C... dès le 18 mars 2009, avant même l'entretien préalable fixé au 25 mars 2009, et que son licenciement est de ce fait irrégulier.
Il conteste les griefs visés par l'employeur dans la lettre de licenciement en ce que :- la présence aux journées portes ouvertes était basée sur le volontariat, son absence ne pouvant dès lors lui être reprochée,- les données chiffrées sur les stocks que produit l'employeur proviennent d'un document rédigé de la main du dirigeant alors qu'on ne peut se constituer de preuve à soi même et les états des stocks sont établis en octobre (après la saison) pour les années 2007 et 2008, et en avril (avant la saison) pour 2009, ce qui ne permet pas de les comparer,- il disposait dans l'exercice de ses fonctions d'une autonomie en corrélation avec le niveau qu'il occupait dans la grille de classification et Monsieur C... ne lui a jamais demandé de lui présenter et de lui faire signer les commandes ; qu'il a en effet commis quelques erreurs sur des commandes de pièces mais, ayant été mis à pied dès le 16 mars 2009, n'a pu régulariser la situation.- il a toujours effectué des remises commerciales, sans que cela lui soit reproché, et il n'a pas accepté une marge nulle, voire négative, comme l'employeur l'affirme.
M. X... demande paiement, la faute grave n'étant pas établie, d'une indemnité de préavis de deux mois (soit 4 975, 02 € sur la base d'un salaire brut moyen de 2 487, 51 € en 2009) ainsi que les congés-payés y afférents, des salaires dus pour la période du 16 au 30 mars 2009, la mise à pied n'étant pas justifiée, et de la somme de 1 098 € au titre du droit individuel à la formation.
* * *
Aux termes de leurs conclusions déposées au greffe le 17 mai 2011, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un ample exposé, la sarl Agri Sud Loire et M. A..., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, qualité en laquelle il a expressément précisé intervenir, par note adressée le 10 décembre 2012, demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté la faute grave, statuant à nouveau, de débouter M. X... de toutes ses demandes et de le condamner à verser à M. A..., ès qualités une indemnité de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La sarl Agri Sud Loire et M. A..., ès qualités, soulignent qu'un conflit oppose M. et Mme D... à Monsieur C... qui reproche aux cessionnaires de l'avoir trompé sur la valeur réelle de la société, et que ce contexte explique le comportement fautif de Jean-Marc X....
Ils confirment que le licenciement a été notifié pour faute grave et non pour insuffisance professionnelle comme l'ont retenu les juges prud'homaux.
Ils affirment que le salarié connaissait l'importance des journées portes ouvertes de même qu'il savait que sa présence était indispensable car un chiffre d'affaires essentiel pour l'entreprise est fait ce jour là ; que ces heures pouvaient être récupérées. Ils reprochent à M. X... de n'avoir pas prévenu M. C... de son absence, alors qu'il était venu chaque année jusque là et avait participé à la réunion préparatoire de ces portes ouvertes avec les autres salariés ; Ils soutiennent qu'il s'est vanté auprès de ces derniers de les boycotter, ce qui démontre qu'il voulait nuire à M. C....
Ils font grief à M. X... de n'avoir pas tenu compte des instructions qui étaient, depuis 2008, de réduire le stock et au contraire de l'avoir augmenté, alors qu'il restait des invendus, ou en passant des commandes inutiles pour des produits rarement demandés et livrés sous 24 h par le fournisseur. Ils affirment qu'il passait des commandes avec une marge nulle ou négative, au détriment de l'entreprise qui n'assurait plus ainsi son seuil de rentabilité ; qu'il n'y avait pas été autorisé et devait respecter les tarifs fixés par son employeur.
Ils rappellent que M. X... bénéficiait du coefficient 340 de la convention collective, correspondant à un poste de chef magasinier, de responsable commercial, d'animateur des ventes ou de responsable d'agence secondaire.
Ils considèrent que ces comportements, multiples, et préjudiciables à l'entreprise puisqu'engendrant des pertes pour elle, caractérisent une faute grave, ce d'autant plus qu'elle connaissait des difficultés et se trouve désormais en redressement judiciaire.
Ils rappellent qu'en application de l'article L. 6323-17 du Code du Travail en vigueur à la date de notification du licenciement, le DIF n'était pas transférable en cas de licenciement du salarié pour faute grave ou faute lourde.
* * *
Par conclusions déposées le 10 novembre 2011 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, l'association pour la Gestion du régime de garantie des créances des salariés (l'AGS), agissant par l'UNEDIC, association gestionnaire de l'AGS, Centre de gestion et d'études (CGEA) de Rennes, demande à la cour de lui donner acte de son intervention, d'infirmer partiellement le jugement, subsidiairement, au cas où une condamnation serait prononcée à l'encontre de la sarl Agri Sud Loire, qu'il soit dit et jugé qu'elle ne sera tenue à garantie que dans les limites et plafonds légaux prévus aux articles L. 3253-8, L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, et à la condition que soit rapportée l'impossibilité absolue de la sarl Agri Sud Loire de faire face aux condamnations.
L'AGS fait valoir tout d'abord, que le comportement de M. X..., qui a refusé d'être présent pour les journées portes ouvertes et a commis des erreurs graves et répétées dans la gestion des stocks et les prises de commandes, doit être mis en perspective avec son ancienneté dans l'entreprise ; qu'il ne pouvait ignorer qu'il mettait la société en difficulté.
Elle soutient que le licenciement pour faute grave ne permettait pas au salarié de bénéficier de son droit individuel à la formation.
L'AGS énonce enfin qu'aucune fixation au passif ne peut intervenir dès lors que la sarl Agri Sud Loire est désormais in bonis.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le licenciement :
Le juge devant lequel un licenciement est contesté doit, en application de l'article L. 1235-1 du code du travail, apprécier le caractère réel et sérieux des griefs énoncés dans le courrier qui notifie cette mesure et qui fixe les limites du litige.
En cas de licenciement disciplinaire, la faute du salarié ne peut résulter que d'un fait avéré, acte positif ou abstention, mais de nature volontaire, qui lui est imputable et qui constitue de sa part une violation des obligations découlant du contrat de travail ;
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et il incombe à l'employeur de l'établir.
La lettre de licenciement adressée le 16 mars 2009 à M. X... est ainsi libellée :
" Pour faire suite à notre entretien du mercredi 25 mars, nous avons pris la décision de vous licencier pour faute grave. En effet, comme chaque année, nous avons organisé une porte ouverte de l'entreprise le week-end des 14 et 15 mars. Comme chaque année, vous deviez être présent le samedi afin de faire l'accueil des visiteurs. Or, non seulement vous n'êtes pas venu et vous ne nous en avez pas informé (ce qui constitue déjà une faute), mais vous vous êtes vanté que vous ne viendriez pas. Par ailleurs, vous n'accomplissez plus votre travail de magasinier vendeur correctement avec un grand nombre de fautes préjudiciables à l'entreprise.

Nous vous avions demandé de limiter les stocks et d'en diminuer la quantité de l'ordre de 20 à 30 %. Or, nous constatons que ceux-ci sont restés constants voire en augmentation. Nous vous avions demandé depuis décembre de nous soumettre les commandes avant de les prendre. Nous voulions signer les bons de commande. Or, vous ne l'avez pas fait dans un grand nombre de cas (ex. Ranson, Béal, Grangeray, Lacmé, Ukal, etc.)
Par ailleurs, vous avez commis des erreurs à répétition dans les commandes et vous n'avez pas renvoyé les pièces commandées à tort. (ex. siège Buisart : 500 € HT). Pire, vous avez passé commande pour un nouveau client (sans bon de commande) d'une fusée new holland pour une valeur de 1 200 € HT sans l'informer du prix et lorsque vous l'avez appelé pour lui dire que sa commande était arrivée et qu'il a su le prix, il l'a refusée. (La pièce est restée en stock car le fournisseur ne veut pas la reprendre, c'est une pièce rare).
Nous constatons que sur de très nombreux clients, vous avez fait des remises en dessous de nos marges de rentabilité, voire avec une marge à zéro ou négative, ce qui constitue des pertes pour l'entreprise. (Ex. taille haies pour Willy Paysages, Jourdain, Kranzie, le GAEC de la Rinière, le Golf de l'Ile d'Or, etc.)
Enfin, l'inventaire des stocks Jourdain, que vous avez fini par faire après de nombreuses demandes de notre part, est complètement faux.
Votre comportement et vos manquements professionnels sont inadmissibles et ont été très préjudiciables à l'entreprise.
Cette conduite met en cause la bonne marche de l'entreprise. Vous ne nous avez fourni aucune explication lors de l'entretien préalable sur les faits reprochés. C'est pourquoi nous n'avons pas pu modifier notre appréciation à ce sujet ; nous vous informons que nous avons, en conséquence, décider de vous licencier pour faute grave.
Compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date de la présentation de cette lettre, sans indemnité de préavis ni de licenciement.
La période de mise à pied conservatoire du 16 mars à la date de notification du licenciement ne sera pas rémunérée. »
La lettre de licenciement énonce deux types de griefs, le premier étant que M. X... n'a pas, volontairement participé aux journées portes ouvertes de la SARL Agri Sud Loire les 14 et 15 mars 2009, et le second consistant à avoir, dans l'exercice de sa fonction de magasinier, géré le stock d'une part, et les achats des clients, d'autre part, de manière préjudiciable à l'entreprise ;
Sur le premier grief :
Il est acquis aux débats que la participation des salariés de la sarl Agri Sud Loire aux journées portes ouvertes de l'entreprise, qui se tenaient chaque année, était basée sur le volontariat, que les heures de présence n'étaient pas rémunérées mais pouvaient être « récupérées », dans des conditions que l'employeur ne précise pas.
Aucune obligation de présence à ces portes ouvertes, qui s'étalaient sur quatre jours dont un samedi et un dimanche ne figure au contrat de travail de M. X..., qui stipule uniquement quant aux « obligations professionnelles » du salarié : "- observer les horaires de travail, ainsi que les règles d'hygiène et de sécurité applicables dans l'entreprise,- respecter la plus entière discrétion sur tout ce qui concerne l'activité de l'entreprise. "
Si le salarié a une obligation de loyauté à l'égard de son employeur dans l'exécution du contrat de travail celle-ci s'inscrit dans le strict cadre contractuel et consiste à s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise.
Il ne peut donc être reproché à M. X... d'avoir été absent durant les deux jours de week-end des portes ouvertes 2009, alors que cette présence était fondée sur le volontariat.
Pour établir que le salarié a manifesté, au-delà de son absence, une volonté de lui nuire en appelant les autres employés de la société à « boycoter » ces portes ouvertes le samedi et le dimanche, la sarl Agri Sud Loire produit une attestation émanant de Mme C..., épouse du gérant, une autre attestation faite par un client, et une facture du 20 mars 2008 ayant trait à la vente d'un compresseur et d'une clé à filtre, le tout pour 499, 57 € TTC, sur laquelle il est porté de façon manuscrite : " vendu le 15 mars 2008 (samedi) par Jean Marc X... ".
Peu important, pour les raisons sus-énoncées, que M. X... ait ou non participé aux portes ouvertes 2008, aucune des deux attestations produites par la sarl Agri Sud Loire ne fait la preuve de la réalité de faits contraires à ses intérêts et imputables au salarié : Mme C... fait référence, pour affirmer que M. X... a eu une volonté de « boycot » des portes ouvertes, aux propos d'un tiers qui lui auraient été « redits dans la semaine qui a suivi les portes ouvertes » et la cliente de l'entreprise atteste uniquement avoir en 2007, aux journées portes ouvertes de Week-end, obtenu de la part de M. X... l'établissement d'un devis de tondeuse.
Il ne ressort pas de ces éléments que M. X... ait agi volontairement de manière à perturber le fonctionnement des journées portes ouvertes, dont l'employeur ne fait au surplus qu'affirmer, sans apporter aucune pièce, qu'est réalisé pendant cette courte période un chiffre d'affaires significatif voire " essentiel pour l'entreprise ".
Le grief n'est pas caractérisé.

Sur le second grief :
La sarl Agri Sud Loire reproche à M. X... d'avoir refusé, à plusieurs reprises, de suivre ses instructions en matière de gestion du stock, qui étaient de le réduire, et de l'avoir au contraire augmenté par des commandes inutiles, qui ont été ensuite refusées par les clients ou ne correspondaient pas à une demande.

Le salarié doit en effet se soumettre aux instructions de l'employeur et une insubordination réitérée peut rendre le maintien dans l'entreprise impossible ; il appartient à l'employeur de la caractériser.
Il est acquis qu'aucune mention relative à la tâche de gestion du stock ne figure dans le contrat de travail, et l'employeur ne verse aux débats aucun élément faisant la preuve d'instructions données à M. X... en 2008, et par la suite, de réduire le stock existant, encore moins avec un objectif de réduction chiffré, tel que l'énonce la lettre de licenciement.
La sarl Agri Sud Loire produit trois états du stock, un pour 2007, un pour 2008, et un pour 2009, et un récapitulatif partiel pour 2007à 2009, qui sont dressés de façon manuscrite, sans visa du comptable de l'entreprise ou de son expert-comptable, et sans même que le rédacteur de ces documents ne soit identifié, émanant de celui qui doit faire la preuve, ces états ne sauraient être pris en considération, nul ne pouvant, par application de l'article 1315 du code civil, se constituer une preuve à soi-même.
Au surplus, ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, ils ne peuvent être utilement comparés, puisqu'ils sont dressés à des périodes différentes de l'année, séparées de plusieurs mois, ce qui explique en soi une variation.
Les " listes de valorisation " du stock produites d'autre part, qui sont dressées sur fiches informatisées, aux 10 mars et 1er juin 2008, 1er mars et 1er juin 2009, mais non visées elles non plus par un expert comptable, ne sont pas exploitables car portant sur des familles de produits différentes, à la fois dans leur nature et dans leur nombre.
Les pièces visées (2, 5, 7, 8, 9) comme démontrant que M. X... aurait commandé (en 2009 ?) 4 " compresseurs LACME " alors qu'il en restait 5 invendus de l'année précédente (2008 ?) ne permettent pas d'identifier la présence dans les stocks du matériel cité, dont le libellé n'apparaît nulle part.
A supposer que M. X... ait passé une commande de compresseurs en 2009, puisque ce matériel était vendu par l'entreprise, la sarl Agri Sud Loire ne fait pas la preuve que celle-ci ait été injustifiée.
Les erreurs de commandes, dites dans la lettre de licenciement « à répétition » sont citées dans cet écrit comme étant au nombre de deux : la commande de siège Buisard faite au concessionnaire Valtra et la commande d'une fusée New Holland faite à la société (illisible) Express.
M. X... ne conteste pas avoir fait ces deux commandes par erreur.
Elles sont datées, pour la commande Buisard, du 5 mars 2009, pour la fusée New Holland du 10 mars 2009 ; le salarié, qui s'est vu notifier sa mise à pied le 16 mars 2009, n'a par conséquent pas eu la possibilité d'intervenir auprès des fournisseurs pour finaliser avec eux un arrangement, alors qu'aucun autre exemple, plus ancien, et qui aurait dès lors eu un effet définitif, n'est invoqué par l'employeur.
Il est d'autre part acquis que M. X... était classé depuis juillet 2008 au coefficient 340 de la convention collective applicable, ainsi que le montrent ses bulletins de salaires ; cette classification correspond à la fonction de " chef magasinier, responsable de service commercial, animateur des ventes, responsable d'agence secondaire " les tâches d'agent d'approvisionnement et d'acheteur étant déjà incluses dans les classifications à moindre coefficient.
Au regard de sa classification conventionnelle, et le contrat de travail ne contenant aucune mention particulière sur ce point il pouvait par conséquent effectuer des commandes sans en référer à M. C..., et il n'est pas justifié par la sarl Agri Sud Loire que celui-ci ait, à une époque donnée exigé que toute commande soit désormais passée avec son aval préalable.
La sarl Agri Sud Loire ne justifie pas plus de sa politique en matière de remises à consentir aux clients et si elle vise cinq exemples de ventes à " marge zéro ou négative ", du fait de remises excessives, elle ne produit de pièces qu'afférentes à quatre ventes :- la vente d'un nettoyeur haute pression à l'eurl Golf de l'ile d'or,- la vente de deux taille haies à l'entreprise Willy paysage,- la vente d'un ensemble de matériels au Gaec de la Rinière.
La vente au Gaec de la Rinière, qui apparaît sous forme de devis du 10 mars 2009, porte sur un montant de 10 300, 19 €, certains des produits mentionnés étant vendus en quantités importantes, le prix constructeur du nettoyeur haute pression est de 1053 € et les ventes des deux taille haies à Willy Paysages sont proches dans le temps l'une de l'autre ; il s'agit par conséquent à la fois de clients habituels de l'entreprise, et de ventes dont les montants ou la répétition sont de nature à justifier une remise de la part du vendeur ; au surplus, le montant exact de ces remises, comme celui de la marge habituelle de l'entreprise sur ces produits, ne sont qu'affirmés mais ne ressortent d'aucune pièce comptable.
Le second grief, tant en ce qui concerne la gestion du stock que les prix de vente effectués, n'est pas caractérisé.
La sarl Agri Sud Loire ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de la commission par M. X... d'une faute grave rendant son maintien dans l'entreprise impossible, ni même celle d'une faute constitutive d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le jugement est infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. X... repose sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement :
La faute grave n'étant pas caractérisée M. X... a droit au versement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité de préavis, au paiement des salaires dus sur la période de mise à pied conservatoire, et à des dommages et intérêts réparant le préjudice subi du fait de la rupture abusive du contrat de travail.
Les premiers juges, tout en écartant la faute grave du salarié, ont omis de statuer sur les salaires dus pendant la mise à pied dont la retenue n'est dès lors plus justifiée. Ceux-ci s'élèvent pour la période du 16 au 30 mars 2009, correspondant à 84 heures de travail au taux horaire de 12, 4393 €, à la somme de 1044, 90 €.
Au moment de la rupture, M. X... avait plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise dont l'effectif est déclaré par l'employeur dans l'attestation qu'il a adressée à Pôle Emploi le 2 avril 2009, comme ayant été au 31 décembre 2008 de 14 personnes : lui sont par conséquent applicables les dispositions de l'article L1235-3 du code du travail selon lesquelles le salarié a droit, dès lors qu'il ne demande pas sa réintégration, à une indemnité au moins égale à six mois de salaire, soit à la somme de 14 893, 76 €.
M. X... avait 27 ans au moment de son licenciement. Il ne donne aucun élément sur sa situation d'emploi après le licenciement. Compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise, de son niveau de qualification et de sa capacité à retrouver un emploi, la cour trouve dans la cause les éléments nécessaires pour lui allouer à titre de dommages et intérêts la somme de 15 000 €.
Les parties s'accordent à dire que le salaire mensuel brut moyen de M. X... s'établit au moment du licenciement à 2487, 51 €.
L'indemnité légale de licenciement est en conséquence, dans les termes de l'article R 1234-2 du code du travail au moins égale à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté jusqu'à la dixième année, soit pour M. X... dont l'ancienneté est de huit ans et sept mois, à la somme de 4270, 21 €.
Il a droit, à la fois par application de l'article de l'article L1234-1 du code du travail, et des dispositions conventionnelles, qui ne sont pas plus favorables, la faute grave n'étant pas retenue, au versement d'une indemnité de préavis égale à deux mois de salaire soit à la somme de 4975, 02 € outre celle de 497, 50 pour les congés payés y afférents.
M. X... n'établit pas que la procédure afférente au licenciement n'a pas été respectée par l'employeur, qui l'a bien convoqué dans les délais et formes légaux à un entretien préalable au licenciement au cours duquel il a pu être assisté, les intentions prêtées à l'employeur consistant en de seules allégations sont dépourvues d'effet.
En outre, le licenciement intervenant pour un salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant au moins 11 personnes, l'indemnité pour irrégularité de la procédure n'est pas cumulable avec celle due au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse ; le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande au titre de l'irrégularité de procédure.
La créance de M. X... doit être fixée, comme étant née antérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire au passif de la sarl Agri Sud Loire, dans ces termes :- par voie de confirmation du jugement, à la somme de 4 975, 02 € au titre de l'indemnité de préavis outre 497, 50 € pour les congés payés y afférents, et à la somme de 4 270, 21 € au titre de l'indemnité de licenciement ;- par voie d'infirmation du jugement, à la somme de 15 000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à la somme de 1044, 90 € au titre des salaires dus pendant la période de mise à pied conservatoire.
La sarl Agri Sud Loire remettra à M. X... les documents sociaux rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt. Aucune circonstance particulière ne justifie le prononcé d'une astreinte.
L'arrêt sera déclaré opposable à M. A... ès qualités de commissaire à l'exécution du plan et à l'A. G. S, laquelle sera tenue de garantir la créance de M. X... dans les limites et selon les plafonds prévus aux articles L3253-8, L3243-17 et D3253-5 du code du travail ;
Il n'y a pas lieu de le déclarer opposable à Mme B... dont les fonctions ont pris fin avec le jugement d'homologation du plan, et qui n'est donc plus à la cause.
Sur le droit individuel à la formation :
M. X... a été licencié le 31 mars 2009 et par conséquent avant l'entrée en vigueur de la loi du 24 novembre 2009 qui a modifié les dispositions de l'article L6323-17 du code du travail qui permet au salarié licencié de demander, pendant la durée du préavis, le bénéfice des heures acquises au titre du droit individuel à la formation et non utilisées.
L'employeur n'avait pas avant le 24 novembre 2009, à mentionner dans la lettre de licenciement les heures acquises à ce titre, s'il notifiait un licenciement pour faute grave, ce qui a été le cas pour M. X....
La cour n'ayant pas, confirmant en cela les premiers juges, retenu l'existence d'une faute grave du salarié, l'absence de mention du droit individuel à la formation, qui a privé M. X... d'une chance d'obtenir une formation de 120 heures (soit 20 heures par an, avec un plafonnement à 120 heures dans les termes de l'article L6323-1 du code du travail), sera justement réparée, par voie d'infirmation du jugement quant au montant alloué, par le paiement de la somme de 500 €.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Les dispositions du jugement afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais irrépétibles engagés dans la procédure d'appel ; La sarl Agri Sud Loire est condamnée à payer à ce titre à M. X... la somme de 1200 € et est déboutée de sa propre demande formée de ce chef, de même que M. A..., ès-qualités.
La sarl Agri Sud Loire est condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a jugé le licenciement de M. X... fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté ce dernier de sa demande d'indemnité de ce chef, et s'agissant du montant des dommages et intérêts alloués pour défaut d'information au titre du DIF ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
DÉCLARE le licenciement de M. X... dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
FIXE à la somme de 15 000 € la créance de M. X... au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
FIXE à la somme de 500 € la créance de M. X... au titre du défaut d'information sur le D. I. F. ;
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
FIXE à la somme de 1044, 90 € la créance de M. X... au titre des salaires dus pendant la période de mise à pied ;
CONDAMNE la sarl Agri Sud Loire à payer à M. X... la somme de 1200 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE la sarl Agri Sud Loire et M. A..., ès-qualités, de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE la demande de M. X... tendant à voir déclarer le présent arrêt opposable à Mme B... ès qualités de mandataire judiciaire ;
DECLARE le présent arrêt opposable à M. A... ès qualités de commissaire à l'exécution du plan et à l'A. G. S, laquelle sera tenue de garantir la créance de M. X... dans les limites et selon les plafonds prévus aux articles L3253-8, L3243-17 et D3253-5 du code du travail ;
CONDAMNE la sarl Agri Sud Loire à payer les dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02349
Date de la décision : 11/12/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-12-11;10.02349 ?
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