ARRÊT N BAP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00878.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ANGERS, décision attaquée en date du 26 Juin 2007, enregistrée sous le no 06. 025
ARRÊT DU 04 Décembre 2012
APPELANTS :
FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DES SALARIES DES MINES ET DE L'ENERGIE CGT (FNME-CGT) 263 rue de Paris 93515 MONTREUIL
Monsieur Louis X......49800 TRELAZE
représentés par Maître Sapho PORCHERON, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES (CANSSM) 77 avenue Ségur 75714 PARIS
représentée par Monsieur Philippe A... de la C. A. N. S. S. M.)
La CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS 56 rue de Lille 75356 PARIS CEDEX 07 SP
non comparante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 04 Décembre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
M. Louis X...est allocataire d'une pension de vieillesse minière depuis le 1er mai1994.
Par lettre du 23 mars 2005, il a saisi la Caisse des dépôts et consignations, à laquelle avait été transférée la gestion des retraites des mines, afin que sa pension soit réexaminée au regard des dispositions de l'article 131-2 du décret no46-2769 du 27 novembre 1946 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines, tel que modifié par le décret no2002-800 du 3 mai 2002, réclamant consécutivement le paiement d'une somme de 4 928 euros correspondant à la différence entre la pension qu'il a perçue et celle qu'il aurait dû, d'après lui, percevoir depuis le 1er janvier 2001, date d'effet du décret du 3 mai 2002, avec intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2001 et capitalisation des dits intérêts, outre une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice subi " du fait de cette situation et de l'obligation dans laquelle il se trouve de recourir à la justice pour faire valoir ses droits ", sauf à parfaire à la date de la décision à intervenir.
Il s'est vu opposer un refus, suivant courrier du 10 mai 2005.
Contestant cette décision, il a saisi la Commission de recours amiable (CRA) le 16 juin 2005, qui a rejeté son recours lors de sa séance du 21 septembre 2005, décision qui lui a été notifiée le 18 novembre 2005.
Il a porté son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers, tout d'abord de la décision implicite de rejet en l'absence de réponse pendant plus d'un mois de la CRA, puis de la décision expresse de rejet, et a sollicité que le tribunal :- sursoyant à statuer, pose au tribunal administratif une question préjudicielle relative à la légalité du décret du 3 mai 2002,- annule la décision de la CRA, et condamne cette dernière à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Fédération nationale des syndicats des mines et de l'énergie CGT (FNME CGT) est intervenue volontairement à l'instance. Elle a demandé qu'il lui soit donné acte de cette intervention, et, s'associant aux réclamations de M. X..., que la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) soit condamnée à lui verser la somme de 1 000 euros au titre du préjudice résultant de la différence instituée entre les retraités, outre celle de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale, par jugement du 26 juin 2007 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, a :- déclaré recevable l'intervention volontaire de la FNME CGT,- rejeté l'exception d'illégalité présentée,- débouté M. Louis X...de son recours,- débouté la FNME CGT de ses demandes,- confirmé la décision de la CRA et de la CANSSM.
Cette décision a été notifiée à M. X...le 29 juin 2007 et à la FNME CGT le 2 juillet 2007, ne figurant pas au dossier du tribunal des affaires de sécurité sociale trace de la notification à la CANSSM.
M. X...et la FNME CGT en ont formé régulièrement appel, l'un et l'autre par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 9 juillet 2007.
Par ordonnance du 18 septembre 2007, le conseiller chargé du suivi de l'affaire a ordonné la jonction de l'affaire enrôlée sous le numéro RG 07/ 01488 avec celle portant le numéro RG 07/ 011487, seule à subsister.
Par ordonnance du 3 avril 2008, ensuite de l'audience du même jour, l'affaire a fait l'objet d'une décision de retrait du rôle.
M. X...et la FNME CGT ont sollicité le 1er avril 2010, joignant à leur courrier leurs conclusions, le rétablissement de l'affaire.
L'audience avait été fixée au 24 mars 2011. À cette date un renvoi a été sollicité, en l'absence des conclusions de la CANSSM et en l'attente de la décision du Conseil d'Etat, saisi par un autre pensionné des mines de la question de la légalité du décret du 3 mai 2002, renvoi qui a été accordé sur l'audience du 24 novembre 2011.
Le Conseil d'Etat a rendu son arrêt le 30 septembre 2011.
Au 24 novembre 2011, la CANSSM, étant dans l'attente de l'installation d'un nouveau conseil d'administration avec désignation d'un président qui puisse la représenter en justice, a demandé le renvoi qui a été accordé sur l'audience du 20 septembre 2012.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées et reprises oralement à l'audience, le 20 septembre 2012, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. Louis X...et la Fédération nationale des syndicats des mines et de l'énergie CGT (FNME CGT) sollicitent l'infirmation du jugement déféré, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de la FNME CGT. En conséquence, annulant les décisions attaquées, ils demandent que :- il soit dit que la pension de M. X...doit être révisée, à effet du 1er janvier 2001, au taux maximum de 17 %, sans que puisse y faire légalement échec le fait que ses droits aient été ouverts avant 2001,- il soit dit et jugé que le décret ne saurait lui être utilement et légalement opposé, dès lors qu'il serait illégal en ce qu'il institue un régime de plus en plus défavorable et discriminatoire à quiconque a vu ses droits ouverts avant 2001 et en a subi un préjudice d'autant plus important qu'il trouve sa source dans une ouverture des droits plus précoces,
- soient écartées les dispositions du décret du 3 mai 2002, en ce qu'elles excluent du bénéfice de la revalorisation au taux maximum prévu à l'article 131-2 M. X..., comme contraires aux dispositions combinées de l'article 14 de la CESDH et de l'article 1er de son premier protocole additionnel,- la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) soit condamnée au paiement de la différence entre la pension révisée au taux de 17 % et celle qui a été effectivement servie à M. X..., ce depuis le 1er janvier 2001, avec intérêts au taux légal au jour où elle aurait normalement dû être versée et capitalisation des dits intérêts,- la CANSSM soit condamnée à verser à M. X...la somme de 3000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral, matériel et financier résultant de l'inégalité de traitement,- la CANSSM soit condamnée à verser à la FNME CGT la somme de 2000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral subi à raison de la violation des droits de M. X...et de l'inégalité de traitement instaurée. En tout état de cause, ils sollicitent que la CANSSM soit condamnée à leur verser, à l'un et l'autre, la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, outre qu'elle soit tenue aux entiers dépens.
Ils font valoir, rappelant le principe de la solidarité sur lequel reposent les pensions minières, que :- le débat ne porte pas sur la légalité du décret du 3 mai 2002, dont M. X...revendique bien au contraire le bénéfice, en ce que ce texte reconnaît la nécessité d'une revalorisation des pensions à raison de leur dégradation continue, mais sur la légalité, et par voie de conséquence l'inopposabilité, de celles des dispositions du dit décret qui réduisent le bénéfice de cette revalorisation et le taux de revalorisation ; la cour pourrait, en présence d'une décision de la juridiction administrative prononçant l'illégalité des dites dispositions, faire droit à la présente demande tendant à l'application du taux de revalorisation de 17 %,- aussi, les décisions individuelles dont M. X...sollicite l'annulation sont illégales à raison des conditions discriminatoires auxquelles le décret subordonne le bénéfice de la plénitude de l'avantage d'une revalorisation à 17 %, avantage reconnu aux seuls agents partis après 2001 ; en application de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel, les pensions de retraite devant être considérées comme des biens au sens de ce dernier texte, une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi
o or, il n'est pas contestable que les retraités des mines justifiant d'une même durée d'activité, d'une même proportion d'activité " au fond ", et donc du même nombre de trimestre pondéré, bénéficient aux termes du régime minier, ce avant le décret précité, d'une pension identique, quelle que soit la date de sa liquidation ; dès lors, les dispositions du décret critiquées sont discriminatoires, pour instituer une différence de traitement, non justifiée, et qui ne peut être justifiée par la simple date de liquidation de la pension, a fortiori compte tenu de ce que le régime minier ne tient pas compte de cette date pour le calcul des droits à pension, o de surcroît, compte tenu de l'objectif poursuivi par les auteurs du décret, qui était de tirer les conséquences du décrochage des pensions des mines par rapport à celles du régime général et de procéder au rattrapage et à la revalorisation des pensions l'ayant subi, la différence de traitement créée, en excluant ou réduisant le bénéfice de cette revalorisation à l'égard de ceux ayant, au contraire, le plus souffert de ce décrochage, soit ceux dont les droits se sont ouverts avant 2001 et qui ont subi la même dégradation, et d'autant plus longtemps que leurs droits se sont ouverts plus tôt, ne peut être regardée comme reposant sur un critère en rapport avec cet objectif,
o la discrimination est d'autant plus patente, lorsque l'on constate qu'elle peut aboutir à priver ces retraités des avantages du statut : ainsi, pour une durée d'activité identique, celui parti en 1986 et justifiant de trente ans de services au fond se verra verser une pension identique, voire même inférieure, à celle de celui parti en 2001 ou après et ne justifiant d'aucune année travaillée au fond, alors même que le statut prévoit, à raison de la pénibilité du travail au fond, que les dites années sont pondérées,- si le Conseil d'Etat s'est prononcé désormais sur la question préjudicielle dont il avait été saisi, la cour demeure compétente pour juger de la conventionnalité des dispositions critiquées, et l'analyse qu'a faite la juridiction administrative ne peut s'appliquer à l'espèce, en ce qu'elle revient à considérer que la situation comparable et à comparer n'est pas celle qui prévaut entre les différents pensionnés du régime minier, mais celles des différents pensionnés,- quel que soit le régime de retraite dont ils dépendent-, au regard de la dégradation, ou pas, de leur pension ; tel n'est pas le moyen soulevé, qui tend à voir écarter les dispositions du décret du 3 mai 2002, en ce qu'elles instituent une discrimination entre les pensionnés issus du régime minier.
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Par conclusions déposées au greffe le 25 juillet 2012, reprises et complétées oralement à l'audience du 20 septembre 2012, la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) sollicite la confirmation du jugement déféré, et que M. Louis X...et la Fédération nationale des syndicats des mines et de l'énergie CGT (FNME CGT) soient déboutés de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, et condamnés, l'un et l'autre, au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle réplique qu'elle avait soutenu et soutient que les dispositions du nouvel article 131-2 du décret no 46-2769 du 27 novembre 1946 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines, modifié par le décret no 2002-800 du 3 mai 2002, ne sont pas illégales pour les motifs suivants :- la mesure d'actualisation intervenue par décret du 3 mai 2002 a pour objet de fixer un mode d'indexation pour les futures liquidations minières et d'assurer un rattrapage du décrochage subi par rapport aux pensionnés du régime général pour les prestations ayant pris effet à partir du 1er janvier 1987,- une mesure de revalorisation sous forme de trimestres de pension supplémentaires, variant de 0, 5 % à 17 %, est destinée à compenser le décalage avec le régime général pour les pensions liquidées à compter de 1987,- en effet, la pension liquidée dans le régime général tient compte des salaires perçus par l'assuré, et donc de leur progression au cours de sa carrière, alors que la pension minière est liquidée en fonction de la valeur du trimestre de services qui, depuis 1987, évolue essentiellement comme les prix, d'où un décrochage croissant entre 1987 et 2001,- un principe d'équité fonde le calcul de cette revalorisation : 0, 5 % de revalorisation ont été attribués à la génération ayant subi le plus faible décalage (les retraités de 1987), 17 % à celle ayant subi le plus fort décalage (les retraités de 2001),- le caractère égalitaire du régime minier est ainsi réaffirmé, puisque le montant des revalorisations, qui varie selon les dates de départ à la retraite, est attribué sous la forme de trimestres supplémentaires afin que la valeur unique du trimestre de service demeure le fondement du régime,- en prévoyant une majoration graduelle en fonction de l'année de départ en retraite, il n'y a pas atteinte au principe d'égalité et de solidarité, le décret ayant eu pour objectif une revalorisation des pensions de retraite minières par rapport à l'évaluation du coût de la vie,- au contraire, en appliquant un taux identique pour tous, il y aurait eu rupture d ‘ égalité dans la revalorisation.
Dès lors que le Conseil d'Etat, par son arrêt du 30 septembre 2011, a dit que l'article 131-2 du décret susvisé n'est pas entaché d'illégalité, le principe d'égalité n'ayant pas été méconnu par la revalorisation graduée des pensions dans les conditions fixées par le pouvoir réglementaire, la cour ne pourra que confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers. Quant à un contrôle de la conventionnalité du dit décret, certes la cour a la possibilité de renvoyer à la Cour de justice ; néanmoins, il s'agit d'un débat ancien, puisque débuté en 2007, et qui est aujourd'hui bien circonscrit.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Si M. Louis X...et la Fédération nationale des syndicats des mines et de l'énergie CGT (FNME CGT) ont formé un appel général à l'encontre de la décision rendue par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers le 26 juin 2007, devant la cour, ils excluent expressément de cet appel les dispositions du dit jugement qui a déclaré recevable l'intervention volontaire de la FNME CGT à l'instance.
En l'absence d'appel incident de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) sur ce point, la cour n'étant de fait saisie d'aucun moyen relativement à disposition dont s'agit, celle-ci sera purement et simplement confirmée.
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M. Louis X...et la Fédération nationale des syndicats des mines et de l'énergie CGT (FNME CGT) avaient sollicité du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers qu'il prononce un sursis à statuer en application des articles 378 et suivants du code de procédure civile, motif pris de la nécessité de saisir la juridiction administrative afin que soit appréciée la légalité de l'article 131-2 du décret no46-2769 du 27 novembre 1946 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines, tel que modifié par le décret no2002-800 du 3 mai 2002, qui serait discriminatoire.
La demande tendant à voir saisir la juridiction administrative d'une question préjudicielle sur la légalité de l'article 131-2 du décret no46-2769 du 27 novembre 1946 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines, tel que modifié par le décret no2002-800 du 3 mai 2002, et la demande de sursis à statuer en découlant, soumises aux premiers juges, sont devenues sans objet puisque, par arrêt du 30 septembre 2011, le Conseil d'Etat a rejeté la demande tendant à voir déclarer ce texte entaché d'illégalité ; d'ailleurs, les appelants ne reprennent pas ces demandes devant la cour.
Le Conseil d'Etat s'est prononcé, au visa des considérants suivants : " Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée, au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ; Considérant que, jusqu'à sa modification par le décret contesté du 3 mai 2002, le décret du 27 novembre 1946 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines, prévoyait que les pensions du régime de base des mines étaient calculées en multipliant le nombre de trimestres travaillés, éventuellement bonifié en fonction du nombre de trimestres de travail accomplis « au fond », par la « valeur du trimestre », montant forfaitaire identique pour tous les pensionnés du régime et indépendant de la date de liquidation de la pension ; qu'à compter de sa modification en ce sens par le décret no 77-633 du 20 juin 1977, le même décret a par ailleurs prévu que cette « valeur du trimestre » ferait l'objet d'une revalorisation à un taux identique à celui applicable
à la revalorisation des pensions versées par le régime général des salariés ; que la loi du 27 janvier 1987 portant diverses mesures d'ordre social a substitué à la règle d'indexation des pensions du régime général sur le rythme d'évolution des salaires une règle d'indexation de ces pensions sur l'évolution générale des prix ; que si, à compter de cette date, les pensions du régime général des salariés ont donc, une fois liquidées, évolué comme les prix, leur valeur de liquidation, calculée sur la base de la moyenne des salaires perçus au cours des dix meilleures années puis, progressivement à compter de 1994, des vingt-cinq meilleures années, continuait pour leur part à connaître une valorisation liée à l'évolution générale des salaires ; qu'en revanche, à compter de l'année 1987 et compte tenu du mode de calcul forfaitaire des pensions du régime minier de base, la valeur de liquidation de ces dernières n'a plus évolué que comme les prix ; qu'ainsi, eu égard à l'écart entre l'évolution générale des salaires et celle des prix, l'écart entre la pension moyenne liquidée dans le régime général et la pension moyenne liquidée dans le régime minier de base s'est accru de manière continue à partir de 1987 ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les assurés du régime de base des mines dont la pension a été liquidée avant 1987, qui ont continué à percevoir une pension comparable à celle versée aux pensionnés de la même génération du régime général, se sont trouvés placés dans une situation différente de celle des assurés dont la pension a été liquidée postérieurement à cette date et qui a connu de ce fait un décalage croissant avec la pension moyenne du régime général ; qu'ainsi, le pouvoir réglementaire a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, exclure les titulaires des pensions du régime minier liquidées avant 1987 de la mesure de revalorisation prévue à cet article et choisir de revaloriser de manière graduée les pensions liquidées entre 1987 et 2001, afin de tenir compte de l'écart, croissant dans le temps pendant cette période, entre le niveau de liquidation des pensions minières de base et le niveau moyen des pensions du régime général liquidées la même année ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit ainsi être écarté ; ".
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M. Louis X...et la Fédération nationale des syndicats des mines et de l'énergie CGT (FNME CGT) sollicitent, toutefois, que l'article 131-2 du décret no46-2769 du 27 novembre 1946 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines, tel que modifié par le décret no2002-800 du 3 mai 2002, soit déclaré incompatible avec l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er de son protocole additionnel no1 en date du 20 mars 1952, ratifié par la France le 3 mai 1974, en ce que cet article 131-2 introduit une discrimination entre les pensionnés du régime minier.
Le Conseil d'Etat a, quant à lui, écarté le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 14 de la CEDH au motif que : " les requérants ne précisent pas, en tout état de cause, le droit garanti par la convention au regard duquel l'article 131-2 du décret du 29 novembre 1946 créerait une discrimination ", ne pouvant " utilement invoquer la méconnaissance de l'article 1er du protocole no 12 à cette convention, ce protocole n'ayant pas été ratifié par la France ".
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Il résulte de l'article 55 de la Constitution que les traités et accords internationaux, régulièrement ratifiés ou approuvés et publiés, ont, sous réserve de leur application réciproque par l'autre partie, une autorité supérieure aux lois et règlements. En conséquence, dès lors que la juridiction judiciaire est saisie d'un moyen au titre de la méconnaissance du droit de l'Union européenne, il lui appartient de se prononcer quant à la compatibilité entre les dispositions internes et les dispositions internationales ; elle exerce ainsi un contrôle de la conventionnalité.
L'article 14 de la CEDH pose un principe d'interdiction des discriminations, quelle qu'en soit l'origine :
" La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ".
L'article 1 du protocole additionnel no1 à la dite convention, relatif au droit de propriété, dispose quant à lui : " Toute personne physique ou morale a le droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour des causes d'utilité publique et dans des conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".
L'article 14 de la CEDH n'a pas un caractère autonome, en ce qu'il doit être appliqué couplé avec un autre article de la convention, à savoir, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat, qu'il appartient aux parties de préciser le droit ou la liberté reconnu (e) par la convention dont la jouissance n'aurait pas été assurée.
La Cour européenne des droit de l'homme, suivie en cela par la cour de cassation, a jugé qu'il y avait lieu de ranger les droits aux prestations sociales, sans distinction, au nombre des biens dont les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel no1 garantissent le respect. Par voie de conséquence, invoquer l'article 14 de la CEDH en combinaison avec l'article 1er de son protocole additionnel no1 permet bien d'exercer un contrôle de conventionnalité, quant à savoir si l'article 131-2 du décret no46-2769 du 27 novembre 1946 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines, tel que modifié par le décret no2002-800 du 3 mai 2002, est source ou non d'une discrimination entre bénéficiaires de pensions de retraite du régime minier, incompatible, dans l'affirmative, avec les dispositions européennes.
Suivant les dispositions initiales du décret no46-2769 du 27 novembre 1946 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines, la pension servie par le régime minier était égale au produit de la valeur du trimestre retenue au cours de l'exercice considéré et du nombre des trimestres validés au titre de la carrière accomplie par l'agent. La liquidation des droits à pension conduisait ainsi à la validation du nombre des trimestres à retenir, compte étant tenu, le cas échéant, des bonifications au regard du travail au fond, le montant de la pension étant calculé ensuite, année après année, en multipliant le nombre des trimestres validés par la valeur du trimestre en vigueur pour l'année considérée, montant forfaitaire identique pour tous les pensionnés du régime et indépendant de la date de liquidation de la pension.
Le décret no2002-800 du 3 mai 2002 a modifié doublement ces dispositions. Il a, en premier lieu, modifié les règles de liquidation des pensions. Désormais, la liquidation de la pension conduit, non seulement à la validation du nombre des trimestres susceptibles d'être retenus, mais également à l'application de la valeur de service du trimestre en cours à la date d'effet de la pension. Le montant ainsi obtenu fait l'objet ensuite, année après année, d'une revalorisation, selon les règles applicables à l'ensemble des régimes de sécurité sociale (cf art. 131). Il a, en second lieu, procédé à la majoration forfaitaire du nombre des trimestres à retenir pour une partie des pensions déjà liquidées. Cette majoration est fonction de la date d'effet de la pension : nulle pour les pensions ayant pris effet antérieurement à 1987, la majoration est égale à 0, 5 % pour les pensions ayant pris effet en 1987, et progresse de 0, 5 % chaque année, pour atteindre 17 % pour les avantages ayant pris effet en 2001 (cf art. 131-2). Le mécanisme s'applique à l'ensemble des pensions et allocations du régime : pensions de vieillesse et de réversion, avantages d'invalidité non professionnelle et pensions d'invalidité professionnelle.
Ces dernières dispositions, contenues à l'article 131-2, conduisent donc à revaloriser les pensions liquidées antérieurement à 2001 en fonction d'un coefficient, d'autant plus élevé que la pension a été récemment liquidée, les titulaires d'une pension dont la liquidation est intervenue antérieurement à 1987 ne bénéficiant, quant à eux, d'aucune mesure de revalorisation, même minime.
C'est ce système que dénoncent M. X...et la FNME CGT comme discriminatoire, et contraire, de fait, à l'article 14 de la CEDH et à l'article 1er de son protocole additionnel no1, puisque faisant dépendre le bénéfice de l'avantage entre allocataires du régime minier de la date de liquidation des droits à pension de retraite.
Cependant, encore faut-il préalablement, pour parler d'éventuelle discrimination, à savoir de traitement inégal de situations semblables, que l'on soit en face de situations semblables. Par ailleurs, le traitement inégal de situations semblables est possible, et considéré comme non discriminatoire, s'il se fonde sur une justification objective et raisonnable qui s'apprécie par rapport au but, qui doit être légitime, et aux effets, qui ne doivent pas être disproportionnés, de la mesure considérée.
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Entre le e décret du 27 novembre 1946 et celui du 3 mai 2002, est intervenu le décret no77-633 du 20 juin 1977 qui a prévu que la valeur du trimestre, spécifique au régime minier, ferait l'objet d'une revalorisation à un taux identique à celui applicable à celle des pensions versées par le régime général des salariés, de même, que c'est une loi du 27 janvier 1987, portant diverses mesures d'ordre social, qui a substitué à la règle d'indexation des pensions du régime général des salariés sur le rythme d'évolution des salaires, une règle d'indexation sur l'évolution générale des prix.
C'est, en conséquence, bien avant les dispositions du décret de mai 2002 critiquées, soit en juin 1977, que, si le régime minier a gardé sa particularité quant aux éléments retenus pour le calcul du droit à pension, en revanche, pour la revalorisation des pensions liquidées, il a été aligné sur le régime général des salariés, puisqu'il a été alors prévu que le même taux serait appliqué, d'une part, à la revalorisation de la valeur du trimestre propre aux pensions du régime minier, d'autre part, à celle des pensions du régime général des salariés, taux correspondant au rythme d'évolution des salaires. Cependant, en janvier 1987, la revalorisation des pensions du régime général des salariés a été détachée du rythme d'évolution des salaires, pour être indexée sur l'évolution générale des prix.
Dans ces conditions, si à compter de cette dernière date de janvier 1987, les pensions du régime général des salariés ont, une fois liquidées, suivi l'évolution générale des prix, leur valeur de liquidation, calculée, quant à elle, sur la base de la moyenne des salaires perçus au cours des dix, puis progressivement, à compter de 1994, des vingt-cinq meilleures années de travail, ont continué à dépendre de l'évolution générale des salaires. Au contraire, à compter toujours de cette date de janvier 1987, les pensions du régime minier, compte tenu de leur mode de calcul forfaitaire, ont vu leur valeur de liquidation et de revalorisation suivre uniquement l'évolution générale des prix. La conséquence est, qu'à compter encore de cette date de janvier 1987, du fait de l'écart entre l'évolution générale des salaires et celle des prix, l'écart existant entre la pension liquidée dans le régime général des salariés et celle liquidée dans le régime minier s'est accru de manière continue.
Par conséquent, il en résulte, qu'allocataire personnellement d'une pension de vieillesse du régime minier depuis le 1er mai 1994, M. X...ne peut pas revendiquer l'application de la revalorisation spécifique instaurée par l'article 131-2 du décret no46-2769 du 27 novembre 1946 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines, tel que modifié par le décret no2002-800 du 3 mai 2002, au profit des bénéficiaires de pensions du régime minier liquidées entre les années 1987 et 2001 à son taux maximum de 17 %, soit pour une liquidation intervenue en 2001. Sa situation, en 1994, n'est pas semblable ou analogue en effet à celle des allocataires du même régime qui ont fait liquider leurs droits à pension en 2001 et qui accusaient, avant que le pouvoir réglementaire ne prennent des mesures sur le mode de liquidation même des pensions du régime minier, la perte la plus importante au plan de la revalorisation de leur pension. En conséquence, M. X...est mal fondé à invoquer une quelconque discrimination entre les bénéficiaires de pensions du régime minier.
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À supposer, au prétexte que l'on soit face à des allocataires relevant du même régime particulier de retraites des mines, que soit conclu à l'existence d'une analogie de situations, il n'y aurait pas, de toute façon, discrimination entre les dits bénéficiaires du régime minier, au sens des dispositions des articles 14 de la CEDH et 1er de son protocole additionnel no1, par le biais de l'article 131-2 du décret no46-2769 du 27 novembre 1946 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines, tel que modifié par le décret no2002-800 du 3 mai 2002.
De fait, le pouvoir réglementaire, en instaurant une revalorisation spécifique et progressive dans le temps au profit d'allocataires de pensions du régime minier liquidées entre 1987 et 2001, a poursuivi un but légitime. Il était nécessaire, alors que les assurés du régime des mines, dont la pension avait été liquidée avant 1987, continuaient à percevoir une pension comparable à celle versée aux pensionnés de la même génération du régime général des salariés, de combler le décalage allant croissant pour les assurés du même régime dont la pension avait été liquidée après cette date et jusqu'en 2001, décalage lié au fait que les pensions du régime minier liquidées entre 1987 et 2001 n'étaient revalorisées que sur l'indice de l'évolution générale des prix, sans qu'il ne soit plus tenu compte du rythme d'évolution des salaires, dont les salariés du régime général continuaient, quant à eux, à profiter en lien avec le mode de calcul de leurs droits à pension de retraite.
Également, M. X...ne caractérise, ni ne prouve, aucun effet disproportionné de cette mesure de revalorisation spécifique et progressive dans le temps sur son propre " droit de propriété ", la mesure ainsi critiquée n'ayant pas eu pour effet de réduire ses droits à pension, mais au contraire de les augmenter à raison de 4 % ; que l'atteinte au droit de propriété n'est pas démontrée ;
Dès lors, l'article 131-2 du décret no46-2769 du 27 novembre 1946 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines, tel que modifié par le décret no2002-800 du 3 mai 2002, n'est pas contraire aux articles 14 de la CEDH et 1er de son protocole additionnel no1.
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En conséquence, le jugement déféré sera confirmé et M. X...sera débouté de sa demande de rappel de pension de réversion au taux majoré de 17 % depuis le 1er janvier 2001, avec intérêts au taux légal à la même date et capitalisation des dits intérêts.
M. X...et la FNME CGT étant déboutés de leur recours, ils ne justifient pas que la décision de la caisse soit pour eux à l'origine d'un préjudice, notamment moral indemnisable. Ils seront en conséquence déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts.
M. X...et la FNME CGT seront condamnés in solidum à payer à la CANSSM une indemnité de procédure de 500 € en cause d'appel, et ils conserveront la charge des frais irrépétibles de première instance et d'appel qu'ils ont pu exposer.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en son intégralité,
Y ajoutant,
Dit que l'article 131-2 du décret no46-2769 du 27 novembre 1946 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines, tel que modifié par le décret no2002-800 du 3 mai 2002, n'est pas contraire aux articles 14 de la CEDH et 1er de son protocole additionnel no1,
Déboute M. Louis X...de ses demandes de voir condamner la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines à lui verser-un rappel de pension de réversion au taux majoré de 17 % depuis le 1er janvier 2001, avec intérêts au taux légal à la même date et capitalisation des dits intérêts,- la somme de 3 000 euros à titre de dommages intérêts,
Déboute la Fédération nationale des syndicats des mines et de l'énergie CGT de sa demande de voir condamner la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages intérêts,
Déboute les appelants de leurs demandes au titre de leurs frais irrépétibles,
Condamne M. Louis X...et la Fédération nationale des syndicats des mines et de l'énergie CGT à payer à la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, in solidum, la somme de 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, Condamne in solidum M. Louis X...et la Fédération nationale des syndicats des mines et de l'énergie CGT au paiement du droit prévu à l'article R. 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL