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27/11/2012 | FRANCE | N°11/00112

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 27 novembre 2012, 11/00112


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N
AL/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00112
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 22 Décembre 2010, enregistrée sous le no 10/ 00319

ARRÊT DU 27 Novembre 2012

APPELANTE :
SOCIÉTÉ TRIGANO MDC 100 rue Petit 75019 PARIS
représentée par Maître Olivier POUEY, avocat au barreau de LYON

INTIME :
Monsieur Gilles X...... 49460 MONTREUIL JUIGNE
présent, assisté de Maître Pascal LAURENT (SELARL A

VOCONSEIL), avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Septembre 20...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N
AL/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00112
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 22 Décembre 2010, enregistrée sous le no 10/ 00319

ARRÊT DU 27 Novembre 2012

APPELANTE :
SOCIÉTÉ TRIGANO MDC 100 rue Petit 75019 PARIS
représentée par Maître Olivier POUEY, avocat au barreau de LYON

INTIME :
Monsieur Gilles X...... 49460 MONTREUIL JUIGNE
présent, assisté de Maître Pascal LAURENT (SELARL AVOCONSEIL), avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2012 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur Madame Anne LEPRIEUR, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT : du 27 Novembre 2012, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******

M. Gilles X... a été engagé le 27 août 1979 par la société SEFAMACC en qualité de responsable administratif, avec le statut cadre. Il a successivement exercé au sein de diverses sociétés du groupe Trigano, toujours avec le statut cadre, soit en qualité d'inspecteur des ventes au sein de la société SACA, puis de responsable d'atelier au sein des sociétés SEFAMACC/ TRIGANO INDUSTRIES/ TRIGANO MDC. En dernier lieu, il exerçait depuis le 1er juin 1996 comme directeur de département au sein de la société Trigano MDC, laquelle fabrique du matériel de camping et applique la convention collective des industries du camping. Selon avenant à son contrat de travail en date du 1er septembre 2000, il avait le statut de cadre dirigeant. Depuis janvier 2005, il dirigeait deux unités de confection, l'une à Beaucouzé (Angers (49), l'autre à Tavers (45).
Le 1er juillet 2009, le salarié refusait la proposition qui lui avait été faite de devenir responsable du secteur commercial de Riviera France. Le 31 juillet 2009, la société écrivait au salarié qu'il serait mis à la disposition de ladite société, pour une partie de son temps, " en qualité de responsable des ventes France-secteurs Ouest et Nord ", et ce à compter du 1er septembre 2009, toutes les autres clauses de son contrat de travail demeurant inchangées. Le 24 août 2009, le salarié refusait ce qu'il considérait être une modification de son contrat de travail. Par lettre du 4 septembre 2009, la société demandait au salarié " d'exercer les fonctions qui vous sont attribuées depuis le 1er septembre 2009 et vous confirme que l'ensemble des paramètres essentiels de votre contrat de travail est inchangé ". Par courrier du 7 septembre 2009, le salarié persistait dans son refus de sa nouvelle affectation, constitutive selon lui d'une modification de son contrat de travail, les nouvelles fonctions lui étant attribuées étant commerciales, imposant de nombreux déplacements ainsi qu'une sujétion hiérarchique renforcée. Par lettre du 18 septembre 2009, la société s'étonnait du " manque de coopération " du salarié, en lui indiquant que l'activité du site d'Angers se trouvant considérablement réduite, elle lui avait proposé successivement trois postes différents de reclassement et que, dans l'attente d'une solution susceptible de lui convenir, elle était contrainte d'envisager une période de chômage technique deux jours par semaine pour la partie de l'activité exercée à Angers.
Le 15 mars 2010, la société indiquait à son salarié qu'à compter du 1er avril 2010, pour compenser la cessation de l'activité de fabrication du site de Beaucouzé, il assurerait les fonctions de directeur des ventes France Nord-Ouest des camping-cars des marques CI et Roller-Team, et ce en temps partagé avec la direction de l'usine de Tavers, en demeurant salarié de Trigano MDC et en restant " basé à Angers ".
Le 24 mars 2010, le salarié refusait ce qu'il considérait être une modification de son contrat de travail, en raison de la nature commerciale des nouvelles fonctions et des nombreux déplacements nécessaires.
Le salarié saisissait le 12 avril 2010 le conseil de prud'hommes d'Angers aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Après mise à pied à titre conservatoire notifiée par lettre de convocation à entretien préalable datée du 16 avril 2010, le salarié était licencié le 4 mai 2010 pour faute lourde, consistant en une " malhonnêteté intellectuelle " et une " intention de nuire ", et ce aux termes notamment des motifs suivants :

" (...) Vous persistez dans votre comportement hautain qui a pour seul objectif, depuis septembre 2009, de vous faire licencier si possible aux torts de la sociétéTrigano MDC afin de lui soutirer un maximum d'argent. (...) s'agissant de simples modifications de vos conditions de travail, face à ce comportement d'insubordination, la société aurait dû engager une procédure pour faute grave depuis longtemps (...) Un constat s'impose : vous n'êtes plus employé à temps plein depuis deux ans, ce qui met en péril votre poste si nous ne sommes pas à même de vous trouver un complément d'activité. Constat que vous ne partagez pas en faisant preuve de la plus grande malhonnêteté intellectuelle : (...) Sur le site d'Angers, vous aviez la responsabilité de 80 personnes et maintenant, vous n'avez plus que deux personnes sous votre responsabilité et vous osez prétendre que vous seriez occupé à temps plein sur Angers ! Malhonnêteté intellectuelle également, quand vous prétendez que cette mise à disposition n'était pas temporaire alors que vous écrivez le contraire (...) Malhonnêteté également quand vous énoncez, afin de " salir " le groupe, de fausses accusations à l'encontre de M. François Feuillet, Président du groupe Trigano, s'agissant de propos qu'il n'a jamais tenus. Enfin, intention de nuire à la société en vous posant en victime dès le mois de novembre 2009 avec un seul objectif : soutirer un maximum d'argent à la société. Dans votre dernier courrier, vous arguez de la demande de chômage partiel vous concernant alors que vous en aviez été avisé et que nous savions qu'elle avait peu de chances d'aboutir du fait de votre statut de cadre dirigeant, puis vous faites référence à des courriels dont vous n'auriez pas été destinataire ou des réunions où vous n'auriez pas été convié. Ces accusations sont inadmissibles sachant que, d'une part, vous ne nous avez jamais alertés sur aucun de ces points et que, d'autre part, cela démontre que vous avez, depuis septembre 2009, collecté à dessein des faits-chacun ayant une explication-en vue de constituer un dossier à l'encontre de la société. (...) En conclusion, par ces agissements d'une gravité exceptionnelle, vous avez volontairement tenté de nuire à l'entreprise. Nous considérons donc que ces faits constituent une faute lourde rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise. "
Par jugement en premier ressort du 22 décembre 2010, le conseil de prud'hommes, considérant que l'employeur avait cherché à imposer au salarié des modifications successives de son contrat de travail, a prononcé la résiliation judiciaire de celui-ci aux torts de la société, jugeant que ladite résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du licenciement. Il a en conséquence, constatant que le salaire moyen mensuel était de 5 863, 61 €, condamné l'employeur au paiement de : * 140 726 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; * 17 591 € d'indemnité compensatrice de préavis et 1 759 € de congés payés afférents ; * 72 334 € d'indemnité de licenciement ; * 6 107, 92 € d'indemnité compensatrice de congés payés non pris à la date de la rupture du contrat ; * 3 747, 16 € au titre de la mise à pied conservatoire ; * 1 098 € au titre de l'indemnisation des droits au DIF ; * 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Le conseil a en revanche débouté le salarié de sa demande formée au titre de la portabilité des garanties de prévoyance, faute de production d'élément, ainsi que de celle en paiement de reliquat de prime.

Le conseil a en outre condamné l'employeur à remettre sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard tous les documents sociaux obligatoires, après rectification, en se réservant la liquidation de l'astreinte, et ordonné le remboursement des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 4 mois.
La société a régulièrement interjeté appel.
Elle conclut à l'infirmation partielle du jugement entrepris, au débouté des demandes formées par le salarié et, reconventionnellement, à la condamnation de celui-ci au paiement de la somme de 95 008, 22 € au titre du salaire indûment versé durant la période pendant laquelle il n'a travaillé qu'à mi-temps ainsi que de celle de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société soutient que, compte tenu de la réduction des effectifs de l'établissement de Beaucouzé dont M. X... avait la responsabilité, lequel effectif est passé à 3 personnes en 2008, elle a tenté de sauver l'emploi de celui-ci. Elle souligne que la mise à disposition temporaire du salarié auprès d'une autre société du groupe n'aurait entraîné aucune modification de son contrat de travail, ni au regard de l'autonomie dont il bénéficiait, ni au regard des fonctions exercées, lesquelles correspondaient à sa qualification, ni enfin au regard des déplacements professionnels nécessaires, d'où le caractère parfaitement infondé de la demande de résiliation judiciaire. S'agissant du reliquat de prime dont il est demandé le paiement, elle indique que la prime versée au mois de mars 2010 pour l'année 2009, exceptionnelle, constituait une gratification bénévole et était d'un montant identique à celui octroyé à d'autres salariés.
Par ailleurs, elle affirme que le licenciement de M. X... est dû, non à un motif économique, mais à son comportement. Les faits précis invoqués dans la lettre de licenciement, soit les fausses accusations de " mise au placard " portées par le salarié afin de soutirer à la société une somme d'argent substantielle, ainsi que la malhonnêteté des arguments invoqués par l'intéressé pour refuser sa mise à disposition et se faire licencier, sont constitutifs d'une faute lourde. Les demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, du salaire afférent à la mise à pied conservatoire, de dommages-intérêts pour perte des droits acquis au titre du droit individuel à la formation et au titre de la portabilité des garanties de prévoyance seront en conséquence rejetées. Enfin, elle fait valoir que les sommes allouées au salarié par le jugement entrepris sont très excessives et totalement injustifiées : son salaire de référence est, non de 5 863, 61 € comme jugé par le conseil de prud'hommes, mais de 5 797, 78 €, soit le salaire brut des 12 derniers mois, conformément à l'article 15 de la convention collective applicable ; en outre, le salarié se trouve actuellement sans emploi en raison de son refus des opportunités offertes.
Le salarié conclut à titre principal à la confirmation du jugement entrepris, sauf à porter le montant de la condamnation au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés à 6 247 €, outre au paiement de la somme de 1 248, 03 € de dommages-intérêts au titre de la portabilité de la prévoyance.
A titre subsidiaire, il sollicite que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse, les condamnations pécuniaires prononcées par le conseil de prud'hommes devant être confirmées, sauf à porter le montant de la condamnation au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés à 6 247 € et à ajouter la somme de 1 215 € de dommages-intérêts au titre de la portabilité de la prévoyance.

En toute hypothèse, il demande la condamnation de l'employeur au paiement des sommes de 6 835 € bruts au titre du solde de la prime due pour l'année 2009 et de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que le débouté des demandes formées par la société.
Il fait valoir que la société, qui a procédé à des vagues successives de licenciements économiques, a tenté de s'affranchir en ce qui le concerne de la procédure pour licenciement économique afin de ne pas avoir à lui verser les indemnités correspondantes. Le prononcé de la résiliation judiciaire est justifié par le manquement de l'employeur à l'obligation d'exécution loyale du contrat, en ce qu'il a détourné les règles applicables en matière de restructuration d'entreprises pour motif économique, omis de respecter la procédure applicable en matière de proposition d'une modification de contrat pour un motif économique et exercé des pressions insupportables sur le salarié afin de lui imposer une telle modification, notamment en le mettant " au placard ". Le prononcé de la résiliation judiciaire est également justifié par le fait que la société a tenté d'imposer au salarié une modification de son contrat touchant à ses fonctions, à son lieu de travail et à sa position au sein de la société et a manqué à son obligation de verser la rémunération convenue, en l'espèce la prime annuelle.
A titre subsidiaire, le salarié indique que son licenciement sera nécessairement jugé sans cause réelle et sérieuse, dès lors que le motif énoncé dans la lettre de licenciement ne constitue pas le véritable motif dudit licenciement, lequel réside dans la saisine de la juridiction prud'homale par le salarié ; en tout état de cause, aucun grief recevable n'est établi à son encontre.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
-Sur la demande de résiliation judiciaire :
Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée.
Il n'est nullement avéré que l'employeur a manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail le liant au salarié en détournant les règles applicables en matière de restructuration d'entreprises pour motif économique.
S'agissant du refus de poste, si l'employeur se prévaut de trois offres successives de " poste de reclassement " pour compenser la cessation d'activité du site de Beaucouzé que le salarié dirigeait, les seuls documents écrits produits concernent la proposition d'affectation sur un même poste, sous divers intitulés. Ce poste, s'il avait été accepté, aurait bien entraîné une modification du contrat de travail puisqu'il supposait l'adjonction de nouvelles tâches affectant la nature des fonctions, soit des tâches exclusivement commerciales. A cet égard, s'il est établi que le salarié assumait, dans ses fonctions de directeur d'usine, certaines

tâches commerciales, les fonctions de directeur commercial qui lui étaient proposées étaient à l'évidence sensiblement différentes et supposaient des sujétions renforcées en termes de lien hiérarchique et de fréquence des déplacements professionnels. Ces nouvelles fonctions devaient en outre s'exercer dans un secteur géographique différent, soit tout le secteur Nord-Ouest de la France au lieu de Beaucouzé (et alors que le salarié était domicilié à Montreuil Juigné (49).
D'ailleurs, on peut observer, surabondamment, que l'article 19 de la convention collective nationale du camping du 13 janvier 1970 (actualisée le 10 décembre 1991 et étendue par arrêté du 28 décembre 1992) dispose : A compter du 1er janvier 1992, tout engagement sera confirmé, au plus tard, au terme de la période d'essai, par lettre stipulant :- l'emploi par référence à la classification ;- les appointements minima dudit emploi (conformément aux horaires en vigueur dans l'entreprise) ;- les appointements réels, base 39 heures, éventuellement les avantages accessoires ;- l'établissement dans lequel cet emploi doit être exercé ;- l'horaire de travail de l'établissement ou du service au moment de l'engagement. (...) Toute modification de caractère individuel apportée ultérieurement à un des éléments ci-dessus fera préalablement l'objet d'une nouvelle notification écrite. Dans le cas où cette modification ne serait pas acceptée par l'intéressé, elle sera considérée comme une rupture du contrat de travail du fait de l'employeur et réglée comme telle. Il résulte clairement de ce texte que le changement de lieu de travail constitue, au regard des dispositions conventionnelles, une modification du contrat de travail soumise à l'acceptation du salarié.
Cela étant, ladite proposition ayant été refusée et l'employeur n'ayant pas imposé l'affectation nouvelle, aucune modification de contrat de travail n'a, de facto, été imposée au salarié. Et solliciter, même de façon réitérée, l'acceptation du salarié à une modification de son contrat de travail ne constitue pas, en soi, un manquement de l'employeur à ses obligations. En l'espèce, il n'est pas justifié par les pièces produites de circonstances particulières de nature à caractériser un tel manquement ; notamment, il n'est pas établi que le salarié a été " mis au placard ".
Par ailleurs, s'il est patent que l'employeur a proposé cette modification du contrat de travail, non pour un motif inhérent à la personne du salarié, mais pour des raisons économiques, et n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail, la méconnaissance de cette formalité a pour seul effet de lui interdire de se prévaloir d'un refus ou d'une acceptation de la modification par le salarié. Elle ne constitue pas, en soi, une faute suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de travail.
Enfin, s'agissant du non-paiement de la prime, l'employeur a versé une prime qualifiée d'" exceptionnelle et bénévole " de : * 50 000 francs en février 2000 ; * 54 000 francs en février 2001 ; * 7 927, 35 € en janvier 2002 ; * 8 000 € en janvier 2003 ; * 8 360 € en décembre 2003 ;

* 8 610 € en décembre 2004 ; * 8 950 € en janvier 2006 ; * 9 845 € en décembre 2006 ; * 10 350 € en décembre 2007 ; * 9 835 € en janvier 2009.
La société a décidé, en janvier 2010, de ne pas attribuer cette prime au salarié. Le salarié a protesté, par lettre de son conseil du 8 février 2010. Il lui a finalement été attribué une prime d'un montant de 3 000 € en mars 2010.
Le seul document contractuel produit et évoquant cette prime est la lettre du 27 janvier 2005 par laquelle la société a confié à son salarié la direction de l'établissement de Tavers, ce document mentionnant " un complément de prime exceptionnelle et bénévole fixé en fin d'année s'ajoutera à votre rémunération " ; ce document a été signé par le salarié.
Le montant versé au salarié en 2010 pour l'exercice 2009 s'avère comparable à celui versé en 2010 à d'autres salariés occupant des fonctions similaires, étant observé que les primes versées à ces salariés ont également accusé une diminution sensible par rapport aux années précédentes.
En l'absence de critère de calcul de ladite prime, dont seul le principe était contractuellement convenu et dont le montant dépendait des résultats de l'entreprise, il convient de considérer que la prime était obligatoire mais variable. A cet égard, le salarié ne saurait se prévaloir de la situation de collègues de travail (MM. D... et E...) dont le contrat prévoirait une prime sur objectif d'un montant fixé contractuellement. L'employeur, qui a réglé à M. X... une prime antérieurement à l'introduction de l'instance, n'a pas manqué à son obligation de payer la rémunération convenue.
En conséquence, le salarié sera débouté de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail ainsi que de sa demande en paiement du reliquat de prime, le jugement du conseil de prud'hommes étant donc infirmé du premier de ces chefs et confirmé du second.
- Sur la cause du licenciement :
La faute lourde est celle qui, comme la faute grave, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis. Elle suppose, en outre, l'intention de nuire du salarié. L'employeur qui invoque la faute lourde pour licencier doit en rapporter la preuve.
M. X... a été licencié pour faute lourde, consistant en une " malhonnêteté intellectuelle " et une " intention de nuire ".
Les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont inconsistants et, pour certains, ne reposent pas sur des éléments objectifs, matériellement vérifiables.
Le fait de demander le paiement d'indemnités diverses, quel qu'en soit le montant, dans le cadre d'un litige prud'homal et de soutenir sa thèse dans des courriers échangés avec l'employeur-établis, le cas échéant, en vue de leur production en justice-ne caractérise aucune faute. A cet égard, il n'est établi aucun abus par le salarié de sa liberté d'expression, étant rappelé que seuls des propos diffamatoires, injurieux ou excessifs sont susceptibles de fonder un licenciement. Or l'employeur ne rapporte nullement la preuve que de tels propos aient été tenus par le salarié, ne précisant même pas la teneur des propos prêtés faussement à M. Feuillet et évoqués dans la lettre de licenciement.
Il s'avère en réalité que la véritable cause du licenciement réside dans l'instance prud'homale engagée, l'employeur considérant celle-ci comme révélatrice de la déloyauté d'un salarié dont il aurait tenté de préserver l'emploi en dépit de difficultés économiques. Il appartenait néanmoins à l'employeur, s'il estimait ne pouvoir maintenir l'emploi du salarié, d'observer la procédure prévue par l'article L. 1222-6 du code du travail et, en cas de refus de la modification proposée, de licencier l'intéressé pour motif économique en réglant les indemnités correspondantes.
Aucune faute n'étant caractérisée à l'encontre du salarié, le licenciement sera en conséquence jugé comme dénué de cause réelle et sérieuse.
- Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
S'agissant du montant de l'indemnité de licenciement, aux termes de l'article 15 de l'annexe cadres de la convention collective applicable, " le traitement pris en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement sera le traitement total du dernier mois de travail normal, primes, gratifications, intéressements, participations et avantages en nature compris, à l'exclusion des indemnités ayant incontestablement le caractère d'un remboursement de frais et des gratifications ayant indiscutablement un caractère bénévole et exceptionnel. En cas de rémunération variable, la partie variable de la rémunération sera calculée sur la moyenne des douze derniers mois ". L'indemnité de licenciement doit être calculée sur la base du salaire brut par application des dispositions de l'article L. 1234-9 du code du travail, auquel les dispositions conventionnelles ne dérogent pas.
En l'espèce, le salaire brut du dernier mois de travail normal, soit celui de mars 2010, est de 5 575, 60 €. Par ailleurs, la prime qualifiée par l'employeur d'exceptionnelle et bénévole ayant été contractualisée, elle doit également être prise en compte, à hauteur d'un douzième du dernier montant payé, soit 250 €. Enfin, il convient d'inclure un douzième de l'indemnité de treizième mois, soit 451 €. On aboutit ainsi à un salaire de référence mensuel, pour le calcul de l'indemnité de licenciement, de 6 276, 60 €, soit supérieur à celui retenu par le conseil de prud'hommes. La somme allouée à ce titre par les premiers juges, dont il est demandé la confirmation par le salarié, ne saurait être ainsi diminuée, contrairement aux prétentions de l'employeur relatives au montant du salaire de référence.
Aucune faute lourde, ni même grave, n'étant retenue à l'encontre du salarié, l'employeur, qui l'a licencié à tort sans préavis, se trouve débiteur envers lui d'une indemnité compensatrice de préavis. L'indemnité compensatrice de préavis due au salarié en application de l'article L. 1234-5 du code du travail est égale au salaire brut, assujetti au paiement des cotisations sociales, que le salarié aurait perçu s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé. Ce salaire englobe tous les éléments de rémunération auxquels le salarié aurait pu prétendre s'il avait exécuté normalement son préavis, à l'exclusion des sommes représentant des remboursements de frais.
S'il avait accompli son préavis d'une durée de trois mois, soit jusqu'au 4 août 2010, le salarié aurait perçu, outre son salaire brut mensuel d'un montant de 5575, 60 €, l'intégralité de sa prime de treizième mois, payable en juin, soit 2 706, 28 €, alors qu'il n'en a perçu qu'un prorata en mai, soit 1 617, 36 €. Il aurait donc perçu au total la somme de 17 815, 72 euros, outre congés payés afférents. La somme allouée à ce titre par le conseil de prud'hommes, dont il est demandé la confirmation par le salarié, ne saurait être ainsi diminuée.
Sur le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés relative à la période du 1er juin 2009 au 10 mai 2010, la société ne conteste pas que l'indemnité, non réglée, doit être calculée sur la base de 249, 88 € ; il s'agit d'ailleurs de la base de calcul retenue par l'employeur pour le paiement des jours de congés de la période précédente selon le bulletin de paie de mai 2010. Dans ces conditions, il convient d'allouer à ce titre la somme de 6 247 €, infirmant de ce chef la décision du conseil de prud'hommes.
S'agissant de la portabilité des droits à la prévoyance, il sera alloué au salarié la somme demandée, dont le montant n'est pas contesté et qui a été exactement calculée au vu de la pièce produite en cause d'appel, soit 1 215 €. Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc également infirmé de ce chef.
En ce qui concerne les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au regard des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, applicables-l'entreprise comptant 11 salariés au moins et le salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté-et même en tenant compte de l'âge du salarié au moment de son licenciement (55 ans révolus), de son ancienneté dans l'entreprise (30 ans), du fait qu'il n'a pas retrouvé d'emploi depuis lors, ainsi que des circonstances de la rupture, la somme allouée par le conseil de prud'hommes apparaît manifestement excessive, au regard notamment de la rémunération du salarié ; elle sera ramenée à 80 000 €.
Par application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage, payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ; le jugement, en ce qu'il a ordonné le remboursement de quatre mois d'indemnités, sera confirmé.
Les autres indemnités allouées par le conseil de prud'hommes ne sont pas contestées dans leur montant et ont été, au regard des pièces produites, exactement appréciées.
- Sur la demande reconventionnelle :
La société n'est pas fondée à demander le remboursement de salaires qui auraient été indûment perçus par le salarié du fait de son activité réduite d'une part, en raison de ce qu'un cadre dirigeant n'est pas soumis à la réglementation

sur la durée du travail et, d'autre part, en raison de ce que c'est à l'employeur de fournir le travail convenu, étant rappelé que celui-ci ne saurait en l'espèce se prévaloir du refus du salarié d'accepter la modification de son contrat de travail, et ce pour les motifs précédemment exposés.
La société sera en conséquence déboutée de sa demande reconventionnelle.

PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
INFIRME partiellement le jugement du conseil de prud'hommes, en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, s'agissant du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, du montant de l'indemnité compensatrice de congés payés et en ce qu'il a rejeté la demande formée au titre de la portabilité des droits à la prévoyance ;
STATUANT à nouveau de ces chefs ;
DEBOUTE M. X... de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;
DIT que le licenciement de M. X... est dénué de cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE en conséquence la société TRIGANO MDC au paiement des sommes suivantes :
* 80 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; * 6 247 € d'indemnité compensatrice de congés payés ; * 1 215 € de dommages-intérêts au titre de la portabilité des droits à la prévoyance ;
CONFIRME le jugement pour le surplus ;
AJOUTANT au jugement déféré,
DEBOUTE la société TRIGANO MDC de sa demande reconventionnelle ainsi que de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Trigano à payer à M. X..., en cause d'appel, une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société TRIGANO MDC aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALL Catherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00112
Date de la décision : 27/11/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-11-27;11.00112 ?
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