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27/11/2012 | FRANCE | N°10/01909

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 27 novembre 2012, 10/01909


COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
AL/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01909.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 22 Juin 2010, enregistrée sous le no 09/ 00211

ARRÊT DU 27 Novembre 2012

APPELANTE :

S. A. S. HEUVELINNE
Le Haut Tertre
53120 BRECE

représentée par Maître Hélène HERVÉ, substituant Maître Maurice MASSART (SCP), avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

Monsieur Régis Y...
..

.
...
53100 MAYENNE

présent, assisté de Maître Virginie RONDEAU, substituant Maître Jacques DELAFOND (SCP DELAFOND-LECHARTRE-GILET), a...

COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
AL/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01909.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 22 Juin 2010, enregistrée sous le no 09/ 00211

ARRÊT DU 27 Novembre 2012

APPELANTE :

S. A. S. HEUVELINNE
Le Haut Tertre
53120 BRECE

représentée par Maître Hélène HERVÉ, substituant Maître Maurice MASSART (SCP), avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

Monsieur Régis Y...
...
...
53100 MAYENNE

présent, assisté de Maître Virginie RONDEAU, substituant Maître Jacques DELAFOND (SCP DELAFOND-LECHARTRE-GILET), avocat au barreau de LAVAL
(No du dossier 209222)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2012 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur
Madame Anne LEPRIEUR, assesseur

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT :
du 27 Novembre 2012, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M. Régis Y...a été engagé le 14 octobre 1994 par la société Heuvelinne, entreprise de travaux publics employant habituellement plus de onze salariés, en qualité de conducteur d'engins.

Il a été licencié par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 24 mars 2009, aux termes des motifs suivants :
(...) En qualité de conducteur d'engins (...) vous êtes amené à conduire non seulement des engins, mais également d'autres véhicules pour vous déplacer et notamment pour vous déplacer d'un chantier à l'autre, nécessitant votre permis de conduire. Or, il résulte d'une ordonnance du Tribunal de Grande Instance de Laval, en date du 29 septembre 2008, que vous avez été condamné :
- A (...) 12 mois de suspension de permis de conduire.
(...) La suspension de votre permis de conduire a des conséquences directes sur l'organisation de notre société et nous pénalise vis-à-vis de notre clientèle, occasionnant ainsi des retards dans le déroulement des chantiers, des délais anormalement longs pour une clientèle d'autant plus exigeante.
Pendant plusieurs mois, nous avons réussi à trouver des chantiers et/ ou une organisation plus ou moins compatibles avec votre situation. Nous vous avons notamment affecté le plus souvent possible à l'atelier ou sur des chantiers sur lesquels vous pouviez vous rendre avec d'autres salariés de notre entreprise, alors même que cette affectation n'était pas optimale pour le fonctionnement de notre société.
Néanmoins, cela a posé d'énormes contraintes d'organisation et, à ce jour, nous ne sommes plus en mesure de trouver des solutions alternatives compatibles avec le fonctionnement de notre société.
(...) Compte tenu de la taille de notre société, nous tenons à attirer votre attention sur le fait que nous avons, tout le temps possible, tout mis en oeuvre pour permettre votre maintien à votre poste malgré votre suspension de permis mais, à ce jour, nous ne pouvons que constater que vous ne pouvez plus exercer vos fonctions.
Nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement pour cause personnelle.
Votre préavis d'une durée de deux mois, débutera à la date de première présentation de cette lettre.
Vous êtes expressément dispensé de l'exécution de votre préavis, qui vous sera réglé aux échéances habituelles.

Une transaction a été conclue entre les parties le 30 mars 2009, laquelle prévoyait le versement au salarié des sommes de 1 330, 19 € au titre du salaire du mois de mars 2009, de 6 504, 15 € au titre de l'indemnité de licenciement et de 2 934, 48 € (nets) à titre d'indemnité transactionnelle, le salarié étant " dispensé, à sa demande, de l'exécution de la totalité de son préavis ". En contrepartie, les parties renonçaient à toute demande tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat de travail. Les sommes prévues par la transaction ont été effectivement réglées.

Le salarié, après avoir réclamé vainement à son ancien employeur le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, a saisi le 9 octobre 2009 le conseil de prud'hommes de Laval de demandes tendant, en leur dernier état, à ce que la nullité de la transaction soit prononcée et que son licenciement soit jugé comme dénué de cause réelle et sérieuse. Il a sollicité en conséquence le paiement de dommages-intérêts et d'indemnités de rupture.

Par jugement en date du 22 juin 2010, le conseil de prud'hommes a jugé la transaction nulle et le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. En conséquence, il a condamné la société au paiement des sommes suivantes :
* 6 504, 15 € au titre de l'indemnité de licenciement (déjà versée) ;

* 2 942 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (soit, après déduction de la somme de 2 934, 48 € perçue lors de la rupture, un solde de 301, 72 €) ;
* 294, 20 € au titre des congés payés sur préavis ;
* 2 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice occasionné par la nullité de la transaction ;
* 8 826, 66 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 700 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer comme ils l'ont fait, les premiers juges ont considéré que la concession faite par l'employeur était dérisoire, et qu'en réalité celui-ci avait entendu remplacer le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis due par celui d'une indemnité qualifiée de transactionnelle. Par ailleurs, ils ont estimé que le licenciement, fondé sur la suspension du permis de conduire du salarié intervenue le 29 septembre 2008, soit des faits prescrits au sens des dispositions de l'article L. 1332-24 du code du travail, était dénué de cause réelle et sérieuse.

La société a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Elle soutient que la transaction, conclue alors que le salarié était assisté, est valable au regard du montant de l'indemnité transactionnelle, d'une part, et que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, d'autre part. En effet, ladite cause est constituée de la conjugaison de la suspension du permis de conduire avec l'impossibilité, compte tenu de circonstances nouvelles, de trouver une solution compatible avec l'absence de permis, tandis que les modifications d'affectation du salarié, pour éviter un licenciement immédiat, ne constituent pas une sanction disciplinaire. En conséquence, elle sollicite la réformation du jugement entrepris, le débouté de toutes les demandes formées par le salarié et la condamnation de celui-ci au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le salarié sollicite la confirmation pure et simple du jugement frappé d'appel. Il soutient d'une part que la société, en lui réglant au titre de la transaction, une somme globale inférieure à celle dont elle aurait été redevable en l'absence d'une telle convention, n'a consenti aucune concession, ce dont il résulte que celle-ci est nulle. Le refus opposé par l'employeur à deux reprises de régler l'indemnité compensatrice de préavis, conformément à son engagement, est constitutif d'un comportement fautif, générateur d'un préjudice dont il doit réparation. D'autre part, la suspension du permis de conduire du salarié ne pouvait plus être invoquée au soutien de son licenciement, six mois plus tard, par application des dispositions de l'article L. 1332-24 du code du travail. Enfin, ajoutant à la motivation du jugement, le salarié soutient que, si le motif invoqué au soutien du licenciement est réel, il manque de sérieux, l'activité de conducteur d'engins ne nécessitant pas de permis de conduire et l'employeur ne démontrant nullement en quoi la suspension de son permis aurait entraîné des répercussions sur le fonctionnement de l'entreprise. Il sollicite l'allocation de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

-Sur la transaction

L'existence de concessions réciproques, qui conditionne la validité d'une transaction, doit s'apprécier en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l'acte.

En l'espèce, le licenciement n'ayant pas été prononcé pour faute grave et l'employeur ayant dispensé le salarié de l'exécution du préavis dans la lettre de licenciement, il était tenu de lui verser une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, définitivement acquis au salarié. Or, la transaction prévoit que le salarié est dispensé, à sa demande, de l'exécution de la totalité de son préavis. Dans ces conditions, en réglant une indemnité transactionnelle d'un montant de 2 934, 48 €, inférieur au montant de l'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents due normalement, soit 3 236, 20 €, la société n'a consenti aucune concession et la transaction doit être déclarée nulle.

Il n'est pas justifié de l'existence d'un quelconque préjudice occasionné par la nullité de la transaction et indépendant du retard apporté au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, lequel est compensé par les intérêts au taux légal. En conséquence, la décision des premiers juges sera infirmée en ce qu'elle a alloué une somme à ce titre.

- Sur le licenciement

Si, en principe, il ne peut être procédé au licenciement d'un salarié pour une cause tirée de sa vie personnelle, il en est autrement lorsque le comportement de l'intéressé, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière. Le licenciement doit reposer sur des faits matériellement établis.

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il résulte des termes de la lettre de licenciement que l'employeur, en invoquant la désorganisation de l'entreprise persistante et devenue insurmontable en raison de la suspension du permis de conduire infligée au salarié, ne s'est pas placé sur le terrain disciplinaire et n'a pas invoqué un fait imputable au salarié et considéré par lui comme fautif. Il n'y a donc pas lieu à application des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail.

Néanmoins, il n'est justifié ni de la réalité ni du sérieux de cette cause tenant au trouble objectif causé au fonctionnement de l'entreprise. En effet, il n'est produit aucun document de nature à établir les conditions réelles de travail dans l'entreprise et, singulièrement, celles du salarié, alors même qu'il est admis que ses fonctions de conducteur d'engins ne nécessitaient pas d'être titulaire d'un permis de conduire.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a décidé que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse.

Sur le montant des indemnités dues

Les indemnités de rupture, dont le montant n'est pas contesté et qui ont été exactement appréciées, seront confirmées. Il convient cependant de rectifier une erreur affectant le jugement. En effet, la somme restant à régler par l'employeur au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, en ce non compris les congés payés afférents, après déduction de celle réglée à titre d'indemnité transactionnelle, n'est pas de 301, 72 € mais de 7, 52 €.

Le salarié demande la confirmation du jugement lui ayant octroyé une indemnité égale aux salaires des six derniers mois, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail ; il sera fait droit à cette demande, la somme ainsi allouée procédant, de la part des premiers juges, d'une exacte appréciation du préjudice subi.
Par ailleurs, selon l'article L. 1235-4 du même code, dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Les éléments de l'espèce permettent de fixer ce remboursement à deux mois d'indemnités.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris en ses seules dispositions relatives aux dommages-intérêts alloués en réparation du préjudice occasionné par la nullité de la transaction et au montant de la somme restant due au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Déboute M. Y...de sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice occasionné par la nullité de la transaction ;

Dit que la somme restant due par la société Heuvelinne au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, en ce non compris les congés payés afférents, après déduction de celle réglée à titre d'indemnité transactionnelle, est de 7, 52 € ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Ajoutant,

Ordonne le remboursement par la société Heuvelinne à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à M. Y...à la suite de son licenciement, dans la limite de deux mois ;

Condamne la société Heuvelinne à payer M. Y..., en cause d'appel, une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Heuvelinne aux dépens ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01909
Date de la décision : 27/11/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-11-27;10.01909 ?
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