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20/11/2012 | FRANCE | N°11/01328

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 20 novembre 2012, 11/01328


ARRÊT N BAP/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01328.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 27 Avril 2011, enregistrée sous le no 10/ 00324

ARRÊT DU 20 Novembre 2012

APPELANT :

Monsieur Thierry X...... 49070 ST JEAN DE LINIERES

présent, assisté de Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

Société CLENET 170 boulevard de Lattre de Tassigny BP 632 49006 ANGERS CEDEX

représentée par Maître Gérard SULTAN (

SCP), avocat au barreau d'ANGERS, en présence de Monsieur GRANDSIRE, président

COMPOSITION DE LA COUR :

En appli...

ARRÊT N BAP/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01328.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 27 Avril 2011, enregistrée sous le no 10/ 00324

ARRÊT DU 20 Novembre 2012

APPELANT :

Monsieur Thierry X...... 49070 ST JEAN DE LINIERES

présent, assisté de Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

Société CLENET 170 boulevard de Lattre de Tassigny BP 632 49006 ANGERS CEDEX

représentée par Maître Gérard SULTAN (SCP), avocat au barreau d'ANGERS, en présence de Monsieur GRANDSIRE, président

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Septembre 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 20 Novembre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCÉDURE
M. Thierry X...a été engagé par la société Garage Clénet, devenue la société Clénet, en qualité de mécanicien, niveau 2, échelon 3, coefficient 190, de la convention collective du commerce et de la réparation automobile, aujourd'hui des services de l'automobile, selon contrat de travail à durée indéterminée du 22 juin 1990, à effet au 23 juillet suivant. Dans le dernier état de la relation de travail, il était chef atelier V. O., catégorie cadre, pour un salaire brut mensuel de 2 450 euros.

La société Clénet est concessionnaire des véhicules de la marque Ford sur Angers, Cholet et Saumur, et exerce sur ces trois sites une activité de vente et de réparation de véhicules neufs et d'occasion, employant une soixantaine de salariés.
M. X...travaillait à Angers.
Envisageant le licenciement pour motif économique de deux salariés, la société Clénet a réuni le comité d'entreprise le 5 juin 2009.
Le même jour, elle a convoqué M. X...pour entretien préalable en vue d'un licenciement pour motif économique, entretien fixé au 12 juin suivant.
M. X...a été licencié, pour motif économique, par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 juin 2009. Il n'a pas accepté la convention de reclassement personnalisé qui lui avait été remise lors de l'entretien préalable.

La société Clénet, par courrier recommandé avec accusé de réception du 30 juin 2009, a informé la Direction départementale du travail et de l'emploi de ce qu'elle avait procédé à son licenciement pour motif économique, ainsi que de M. Jonathan Z..., magasinier préparateur.
M. X...a interrogé le 26 septembre 2009 la société Clénet sur les critères d'ordre des licenciements retenus, celle-ci lui ayant fait réponse le 2 octobre suivant.
M. X...a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 14 avril 2010, aux fins que, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :- au principal, il soit dit que le licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et, qu'en conséquence, la société Clénet soit condamnée à lui verser 60 000 euros de dommages et intérêts à ce titre, avec intérêts au jour de la décision à intervenir,- subsidiairement, il soit constaté le non-respect des critères d'ordre des licenciements et, qu'en conséquence, la société Clénet soit condamnée à lui verser 60 000 euros de dommages et intérêts à ce titre, avec intérêts au jour de la décision à intervenir,- la société Clénet soit en outre condamnée à lui verser 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Par jugement du 27 avril 2011 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, le conseil de prud'hommes a débouté M. X...de l'intégralité de ses demandes, débouté la société Clénet de sa demande du chef de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné M. X...aux entiers dépens.

Cette décision a été notifiée à M. X...et à la société Clénet le 6 mai 2011.
M. X...en a formé régulièrement appel, par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 19 mai 2011.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions enregistrées au greffe le 12 juin 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. Thierry X...sollicite l'infirmation du jugement déféré et que :- au principal, il soit dit que le licenciement pour motif économique prononcé est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et, qu'en conséquence, la société Clénet soit condamnée à lui verser 60 000 euros de dommages et intérêts à ce titre, avec intérêts au jour de la décision à intervenir,- subsidiairement, il soit constaté le non-respect des critères d'ordre des licenciements et, qu'en conséquence, la société Clénet soit condamnée à lui verser 60 000 euros de dommages et intérêts à ce titre, avec intérêts au jour de la décision à intervenir,- la société Clénet soit condamnée à lui verser 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,- la société Clénet soit condamnée aux dépens.

Il fait valoir que :- le licenciement est sans cause réelle et sérieuse du fait que o la société Clénet, contrairement à ce qu'elle prétend, n'a mené aucune recherche de reclassement ; elle a procédé, dans la suite de son licenciement, à des embauches, ainsi sur un poste qu'elle se devait de lui proposer ; de même, les courriers échangés à ce propos avec la société Pont automobiles ne peuvent faire la preuve d'une recherche réelle et sérieuse de reclassement, d'autant que cette société a aussi embauché, o le motif économique allégué n'est pas établi, des difficultés rencontrées comme de la nécessité de se réorganiser, alors, au surplus, que la société Clénet a repris des embauches en nombre, dès octobre 2009, o son poste n'a pas été supprimé, l'atelier ne pouvant fonctionner d'évidence sans un responsable, mais occupé, dès son départ, par M. A...; par ailleurs, il n'était pas seulement chef d'atelier V. O., mais également responsable SAV Mazda, poste qui représentait une part importante de son activité et n'était pas concerné par la réorganisation invoquée,- les dispositions relatives aux critères d'ordre des licenciements n'ont pas été respectées o la société Clénet a contrevenu aux articles L. 1233-31 et L. 1233-5 du code du travail, aucune note n'ayant été communiquée aux membres du comité d'entreprise, notamment sur les questions touchant à l'ordre des licenciements, les mêmes n'ayant pas plus été consultés sur l'établissement des critères d'ordre ; de toute façon, la société Clénet avait d'ores et déjà arrêté sa décision sur les personnes qu'elle allait licencier ; il émet, en conséquence, toutes réserves sur le document qui n'a été produit par l'entreprise qu'à la veille de l'audience de jugement du conseil de prud'hommes, o la société Clénet se contredit, en ce qu'elle indique qu'il était le seul de sa catégorie professionnelle, alors que, dans le même temps, elle précise qu'elle a privilégié le critère des qualités professionnelles ; soit il était effectivement le seul, ce qui est au demeurant inexact, et elle n'avait pas à établir de critères d'ordre ; l'ayant fait, elle ne pouvait privilégier l'un des critères, soit les qualités professionnelles, qu'à la condition de tenir compte de l'ensemble ; or, il ressort du tableau qu'elle a tardivement communiqué que, même avec le nombre de points qu'elle lui a attribué au titre des qualités professionnelles, par ailleurs objectivement injustifié au regard de son parcours professionnel, le total des points obtenus ne le mettait pas en position d'être licencié,- il démontre la réalité de son préjudice o au regard du temps passé au sein de la société Clénet et du travail accompli, il était en droit de s'attendre à une toute autre attitude de la part de son employeur, qu'il cherche toutes les solutions pour le maintenir dans l'entreprise, alors qu'il a adopté une démarche contraire, o s'il a retrouvé un travail, celui-ci est moins qualifié, sa rémunération en étant donc diminuée, outre qu'il a perdu le bénéfice de son ancienneté.

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Par conclusions enregistrées au greffe le 8 août 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la société Clénet sollicite la confirmation du jugement déféré, et, y ajoutant, que M. Thierry X...soit condamné à lui verser 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre qu'il supporte les entiers dépens.
Elle réplique que :- le licenciement pour motif économique est pleinement fondé o M. X...a été licencié dans le cadre d'une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; point n'est besoin, dans ce cas, de difficultés économiques présentes et certaines lors du licenciement, alors de plus, qu'en l'espèce, ces difficultés existaient, la suite n'ayant fait que les confirmer ; ce ne sont pas les " embauches " auxquelles elle a procédé, sur lesquelles elle s'explique, qui remettent en cause la nécessité de la réorganisation opérée, o le poste de M. X...a bien été supprimé, ainsi qu'il résulte du registre d'entrées et sorties du personnel, et ses tâches réparties entre un certain nombre de salariés de l'entreprise, dont M. A...; ce ne sont pas les organigrammes produits aux débats par M. X...qui peuvent faire preuve de quoique ce soit, ces documents étant " des faux ", et elle le démontre ; en toute hypothèse, les juges, s'ils ont le pouvoir de contrôler la réalité du motif économique avancé à l'appui du licenciement, ne peuvent porter une appréciation sur les décisions de gestion prises par l'employeur, et, si M. X...avait la responsabilité du SAV Mazda dans le cadre de son poste de responsable d'atelier V. O., cette activité était loin d'avoir l'importance qu'il lui donne,

o les recherches de reclassement ont été menées, y compris auprès de l'autre société du groupe, et que cette dernière ait rapidement répondu ne permet pas de conclure à une absence de recherche sérieuse ; par ailleurs, les recherches ne concernent que les postes disponibles au moment du licenciement, étant, sinon, dans le cadre de la priorité de réembauche que M. X...n'a jamais sollicitée, et que le salarié a la possibilité d'occuper au regard de ses qualifications, ce qui n'est pas le cas du poste cité sur la société Pont automobiles ; en tout cas, contrairement à ce que M. X...prétend, la décision de le licencier n'était pas acquise avant même la tenue de l'entretien préalable, et le document qui a pu alors lui être remis était simplement informatif des conséquences indemnitaires d'un éventuel licenciement, à sa demande au surplus,- les règles en matière de critères d'ordre des licenciements ont été respectées o M. X...étant la seule personne concernée par le licenciement dans sa catégorie professionnelle, elle n'avait pas à définir de critères d'ordre des licenciements quant à lui, o les membres du comité d'entreprise ont reçu, en amont de la réunion prescrite en cas de projet de licenciement pour motif économique collectif, toutes les informations exigées par les textes, et ont eu tout loisir, ensuite, de donner leur avis, étant répété que les critères d'ordre des licenciements mis au point dans le cadre de ce projet de licenciements ne concernaient pas M. X...,- si jamais M. X...se voyait accueilli dans l'une ou l'autre de ses demandes, il ne peut pour cela prétendre à une indemnisation, ayant retrouvé, à l'issue de son préavis de trois mois qu'il a été dispensé d'exécuter et qui lui a été payé, un contrat de travail à durée indéterminée, sur un poste mieux rémunéré, car comptant une partie fixe et une partie variable, dernier élément de rémunération sur lequel il ne donne pas d'information.

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Il a été demandé, à l'audience, que la société Clénet produise un organigramme du groupe auquel elle appartient, ce qu'elle a fait, via son conseil, par courrier comportant une note explicative, enregistré au greffe le 11 septembre 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement
M. Thierry X...a été licencié par la société Clénet, le 23 juin 2009, aux termes du courrier recommandé avec accusé de réception suivant, qui fixe les limites du litige : " A la suite de notre entretien du 12 juin 2009, nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour le motif économique suivant : Le résultat de CLENET sur l'exercice 2008 est de-32286 €. Notre situation à fin avril 2009 se situe à-50 362 €. Le contexte économique s'inscrit dans une situation conjoncturelle difficile, imposant par ailleurs une restructuration pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, assurer sa pérennité et celle du groupe.

Le tableau suivant retrace l'évolution des ventes de véhicules d'occasion à particuliers et les marges brutes unitaires. Il indique également le montant des marges commerciales du service véhicules d'occasion, ainsi que les charges de personnel dédiées à la préparation des véhicules d'occasion vendus à particulier, depuis 5 ans :
Avril 2009Année 2008Année 2007Année 2006Année 2005 Nombre de véhicules d'occasion vendus à particulier201525640647877 Marge brute unitaire7469011035972826 Marge commerciale

9 762 € 91 370 € 301 547 € 221 069 € 276 526 € Salaires bruts44 958 € 125 986 € 129 481 € 126 251 € 113 737 € La structure humaine est la même depuis l'année 2005. Cette structure constitue une charge fixe, qui évolue à la hausse tous les ans. Le nombre de véhicules vendus ne cesse lui de diminuer. Elle n'est donc plus en adéquation avec le volume réalisé. Face à ces constats, nous avons régulièrement entrepris des actions visant à rétablir les volumes de ventes et chiffres d'affaires :- nous avons réorganisé notre service VO avec la création d'un poste de responsable VO début 2006, ce de manière à assurer une meilleure coordination de l'équipe de vente et de ce service. Nous avons également mis en place ponctuellement des opérations commerciales et promotionnelles, créé notre propre site internet, afin d'accroître nos volumes. Nous avons par ailleurs travaillé sur les prix de reprise des véhicules pour être en adéquation avec les évolutions du marché et assurer nos niveaux de marge. Le marché du véhicule d'occasion a beaucoup évolué ces dernières années et notamment via internet. La concurrence des prix est de plus en plus rude, l'information étant accessible à tous quel que soit le lieu géographique. Ce phénomène conduit inévitablement à une diminution du prix de transaction des véhicules. Depuis plus d'un an, le marché du véhicule d'occasion a connu une baisse brutale, ainsi à fin avril 2009, les transactions sur les véhicules de moins d'un an baissent de 28, 6 % soit 18, 7 % depuis le mois de janvier 2009. Les ventes de véhicules de l à 5 ans reculent de 9, 4 %, soit 4, 6 % depuis le début de l'année 2009 (source CNPA). Au mois de Mai 2009, nous livrons 35 véhicules d'occasion à particulier, soit près de 30 % de moins que la moyenne des 4 premiers mois de l'année 2009. Ainsi, nous sommes dans l'obligation d'adapter notre structure de préparation des véhicules d'occasion au marché en adoptant une nouvelle organisation de ce service, dont la conséquence est la suppression de votre poste. Nous avons étudié toutes les possibilités de reclassement du personnel concerné par le licenciement économique sur CLENET. La société PONT Automobiles a été interrogée sur les postes à pourvoir dans ses effectifs, mais aucun n'est disponible. Ainsi que nous vous l'indiquions au cours de l'entretien, vous avez la possibilité d'adhérer à la convention de reclassement personnalisé pour laquelle nous vous avons remis une documentation lors de l'entretien préalable....

Si vous refusez d'adhérer à la convention de reclassement personnalisé ou en l'absence de réponse de votre part dans le délai de réflexion de 21 Jours, cette lettre recommandée constituera la notification de votre licenciement pour motif économique. Votre préavis d'une durée de 3 mois, débutera à la date de première présentation de cette lettre recommandée à votre domicile, conformément à l'article L. 122-14-1 du Code du Travail. Dans ce cas, pour vous faciliter la recherche d'un emploi, nous vous dispensons de l'exécution de ce préavis qui sera réglé aux échéances normales.... ".

Conformément à l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge devant lequel un licenciement est contesté doit apprécier tant la régularité de la procédure suivie que le caractère réel et sérieux des motifs énoncés dans la lettre qui notifie la mesure. En l'espèce, la régularité de la procédure ne fait pas débat, seul le caractère réel et sérieux des motifs adoptés est discuté.

L'article L. 1233-3 du code du travail indique que " constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ". Est également reconnu comme motif justificatif d'une telle mesure, la réorganisation décidée par l'employeur afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel cette dernière appartient, de même que la cessation d'activité de l'entreprise.

Un tel licenciement ne peut, cependant, intervenir, précise l'article L. 1233-4 du code du travail, que " lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ".
Il résulte de la combinaison de ces deux articles L. 1233-3, complété par la jurisprudence, et L. 1233-4, qu'avant même d'envisager un licenciement, dans les termes qui viennent d'être rapportés, le juge doit se pencher sur l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur, l'a-t'il ou non remplie ainsi qu'exigé, même si comme le souligne justement la société Clénet, il s'agit pour l'employeur d'une obligation de moyens et non de résultat. Il n'en demeure pas moins que, le licenciement ne devant être que le recours ultime, l'employeur doit faire preuve de sérieux et de loyauté dans l'exécution de cette obligation.

Il n'est pas contesté, la société Clénet y faisant d'ailleurs elle-même allusion dans la lettre de licenciement sus-évoquée, qu'elle fait partie d'un groupe de sociétés. L'organigramme fourni en cours de délibéré vient confirmer qu'elle appartient au groupe Mach 1, composé des trois sociétés suivantes :- Mach Home's,- la société Clénet, qui compte trois sites d'exploitation, sur Angers, Cholet et Saumur,- la société Pont automobiles, qui compte deux sites d'exploitation, sur Chambray les Tours et Saint Cyr sur Loir.

Les règles en matière de groupe de sociétés sont spécifiques, à savoir que :- l'incidence sur l'emploi du (ou des) salarié (s) concerné (s) par le licenciement pour motif économique s'apprécie au sein de l'entreprise,- la réalité de la cause économique se juge au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise qui envisage le licenciement pour motif économique,- la recherche des possibilités de reclassement du (ou des) salarié (s) concerné (s) par le licenciement pour motif économique s'étend aux entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, étant précisé qu'il n'est pas nécessaire que ce type de permutation se soit déjà réalisée, il suffit qu'elle soit possible au sens sus-indiqué.

Le dirigeant de la société Clénet, ayant mentionné, en explicitation de l'organigramme, que " Mach Home's est une SNC qui possède un appartement à Paris qui est loué à des particuliers ", cette société ne peut être comprise dans les entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
En revanche, à l'évidence, et la société Clénet le reconnaît, puisqu'elle précise dans la lettre de licenciement que la recherche de reclassement s'est effectuée tant en son sein qu'en direction de " la société PONT Automobiles ", la société Clénet et la société Pont automobiles constituent des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. En effet, leur activité est identique en tant qu'elles sont toutes deux concessionnaires de la marque Ford, commercialisent et réparent les véhicules neufs et d'occasion de différentes marques, à Angers Ford, Mazda et Land Rover, à Cholet Ford et Mazda, à Saumur Ford, à Saint Cyr sur Loir Ford et Mazda, à Chambray les Tours Ford et Mazda, avec de ce fait une organisation forcément similaire, outre qu'elles se situent dans deux départements limitrophes, soit le Maine-et-Loire et l'Indre et Loire.

Par voie de conséquence, sont à examiner les échanges qu'elle a pu avoir avec la société Pont automobiles sur cette question d'un possible reclassement, M. X...contestant qu'ils puissent faire la preuve d'une recherche de reclassement sérieuse et loyale.
La société Clénet verse le courrier recommandé avec accusé de réception qu'elle a adressé à ce propos, le 29 mai 2009, à la société Pont automobiles et qui lui a été distribué le 30 mai suivant, la réponse de la société Pont automobiles, en lettre simple, étant elle-même du 30 mai 2009. Ces écrits sont libellés en ces termes :- de la part de la société Clénet, " Nous sommes amenés à envisager une mesure de licenciement économique sur la société CLENET SAS. Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous indiquer la liste des postes à pourvoir au sein de votre société et de nous en préciser les modalités le cas échéant. Dans l'attente de votre réponse, nous vous prions de croire, Monsieur, en l'expression de nos salutations distinguées ",- de la part de la société Pont automobiles, " En réponse à votre courrier du 29 mai 2009 et conformément à nos différents entretiens, je vous confirme que nous n'avons pas de poste à pourvoir.

Nous vous prions de croire, Monsieur, en l'expression de nos salutations distinguées ".

Un tel questionnement de la société Clénet à la société Pont automobiles ne peut être considéré comme la recherche de reclassement sérieuse et loyale que le législateur attend de l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement pour motif économique.
Il sera rappelé que le licenciement pour motif économique que projetait la société Clénet portait sur deux salariés, M. X...et M. Z.... Or, l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur doit s'exercer individuellement à l'égard de chaque salarié concerné. Ne satisfait pas à cette obligation une lettre de caractère totalement général et imprécise dans ses termes, telle que celle émanant de la société Clénet, en ce qu'elle ne prend pas même la peine d'indiquer quels sont les postes sur lesquels devait porter le licenciement pour motif économique ainsi que les salariés qui sont concernés, avec leur profil de carrière et leurs qualification diverses. Et, ce n'est pas le fait que la société Pont automobiles fasse référence à des entretiens, qui se seraient déroulés antérieurement, qui peut suppléer aux manquements ainsi constatés, de par le caractère tout aussi laconique de la formule utilisée qui ne permet aucune vérification quant à la réalité et au contenu de ces supposés entretiens.

Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a sérieusement et loyalement recherché à reclasser son salarié. À défaut pour la société Clénet de rapporter cette preuve, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. X..., le licenciement prononcé sera jugé dénué de cause réelle et sérieuse, infirmant la décision des premiers juges de ce chef, et en ce qu'elle a débouté M. X...de sa demande d'indemnisation corollaire.

Sur les conséquences du licenciement
M. Thierry X...ayant plus de deux ans d'ancienneté au service de la société Clénet, dont l'effectif salarié est supérieur à onze, sont applicables les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail selon lesquelles :
" Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise... Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ".

M. X...n'entendant pas obtenir sa réintégration au sein de la société Clénet, mais une indemnisation au titre du licenciement subi, il convient de statuer sur le montant de cette dernière.
C'est la rémunération brute dont bénéficiait le salarié pendant les six derniers mois précédant la rupture de son contrat de travail qui est à prendre comme base d'indemnité minimale.
L'éventuel surcroît relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
M. X...comptait dix-neuf ans d'ancienneté, à un mois près, au service de la société Clénet, et était âgé de 44 ans, lorsqu'il a été licencié. Il a retrouvé un emploi en contrat de travail à durée indéterminée, le 26 octobre 2009, auprès de la société Real automobiles, en tant que réceptionnaire après-vente, pour une rémunération brute mensuelle de 2 351 euros pour 169 heures de travail, outre une prime mensuelle variable, dite de performance, définie conformément à un plan revu chaque début d'année. Il n'a pas versé d'éléments relativement au montant de cette prime.

De l'attestation Assedic (à l'époque), il résulte que la rémunération brute des six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail s'élève à 14 969, 89 euros, étant rappelé, par ailleurs, que le salaire mensuel brut est de 2450 euros. Dans ces conditions, au vu des éléments de la cause, et principalement au regard de l'ancienneté importante de M. X...chez le même employeur, la cour fixe l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse due par la société Clénet à son ex-salarié à la somme de 56 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, M. X...ne justifiant d'aucune période de chômage indemnisée entre son licenciement et son entrée chez son nouvel employeur.
Sur les frais et dépens
La cour infirme la décision des premiers juges quant aux frais et dépens.
La société Clénet est condamnée à verser 2 000 euros à M. Thierry X...au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, elle-même étant déboutée de sa demande du même chef.
La société Clénet est également condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Dit que le licenciement pour motif économique de M. Thierry X...est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Clénet à lui verser les sommes suivantes :
-56 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,-2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article L. 1235-4 du code du travail,
Déboute la société Clénet de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Clénet aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01328
Date de la décision : 20/11/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-11-20;11.01328 ?
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