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13/11/2012 | FRANCE | N°11/00390

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 13 novembre 2012, 11/00390


COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

ARRÊT N BAP/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/00390.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 25 Janvier 2011, enregistrée sous le no F 10/00095

ARRÊT DU 13 Novembre 2012

APPELANTE :
SOCIETE COOPERATIVE CBL 5319, rue d'Anjou53360 QUELAINES ST GAULT
représentée par Maître Hervé CHAUVEAU, avocat au barreau de LAVAL

INTIME :
Monsieur Lionel X......53300 ST LOUP DU GAST
représenté par Maître Romain BOULIOU, substitu

ant Maître Corinne GONET (SCP), avocat au barreau de LAVAL

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des d...

COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

ARRÊT N BAP/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/00390.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 25 Janvier 2011, enregistrée sous le no F 10/00095

ARRÊT DU 13 Novembre 2012

APPELANTE :
SOCIETE COOPERATIVE CBL 5319, rue d'Anjou53360 QUELAINES ST GAULT
représentée par Maître Hervé CHAUVEAU, avocat au barreau de LAVAL

INTIME :
Monsieur Lionel X......53300 ST LOUP DU GAST
représenté par Maître Romain BOULIOU, substituant Maître Corinne GONET (SCP), avocat au barreau de LAVAL

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame ARNAUD-PETIT conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL , présidentMadame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT :prononcé le 13 Novembre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL , président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE
M. Lionel X... a été engagé par la société Bariau Leclerc, devenue CBL 53, en qualité de conducteur routier le 6 mai 2002.
Il a démissionné, par courrier recommandé avec accusé de réception du 6 mai 2008, la relation de travail ayant pris fin le 31 août 2008 à l'issue de la période de préavis.
Il a saisi le conseil de prud'hommes de Laval le 9 avril 2010 aux fins que la société CBL 53, outre qu'elle soit tenue aux dépens, soit condamnée à lui verser les sommes suivantes:- 14 263,62 euros d'indemnité pour travail dissimulé, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,- 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le conseil de prud'hommes, par jugement du 25 janvier 2011 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, a condamné la société CBL 53 à lui verser les 14 263,62 euros réclamés au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, avec intérêts au taux légal à compter du présent, ainsi que 50 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et qu'elle supporte les dépens.
Cette décision a été notifiée à M. X... et à la société CBL 53 le 2 février 2011.
La société CBL 53 en a formé régulièrement appel, par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 9 février 2011.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions enregistrées au greffe le 5 septembre 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la société CBL 53 sollicite que :- soit dite et jugée irrecevable la demande en paiement d'indemnité pour travail dissimulé, comme prescrite,- en conséquence, le jugement déféré soit infirmé, en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. Lionel X... 14 263,62 euros à ce titre, avec intérêts au taux légal, outre 50 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,- subsidiairement, il soit dit et jugé que l'article L.8223-1 du code du travail ne peut trouver à s'appliquer dès lors que M. Lionel X... n'a subi aucun préjudice, sa démission étant sans causalité avec les faits de travail dissimulé,- en conséquence, le jugement déféré soit infirmé, en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. Lionel X... 14 263,62 euros à ce titre,- en tout état de cause, M. Lionel X... soit condamné à lui verser 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que : - la loi no2008-561 du 17 juin 2008, reprise à l'article L.3245-1 du code du travail, a réduit la durée de la prescription de droit commun à cinq ans ; M. X... se prévalant d'un jugement du tribunal correctionnel de Laval ayant condamné le 22 mai 2008 ses dirigeants pour travail dissimulé, faits commis à son encontre courant septembre 2004, et ayant introduit son action en indemnisation du dit travail dissimulé devant le conseil de prud'hommes le 9 avril 2010, soit plus de cinq ans après, cette action est prescrite,- M. X... n'a absolument pas démissionné du fait des conditions de travail qu'elle lui aurait imposées, ce d'autant moins qu'il était géré par la société Séché environnement auprès de laquelle il avait été mis à disposition, avec son camion, mais pour des considérations strictement personnelles ; vient le confirmer encore le fait que cette démission soit intervenue plus de quatre ans après le seul et unique dépassement d'horaire relevé en septembre 2004, sur trois années de contrôle ; M. X... ne peut se prévaloir du jugement du tribunal correctionnel de Laval pour prétendre le contraire, cette décision ne le concernant en rien, ne s'étant du reste aucunement manifesté au cours de la procédure, pas plus que porté partie civile, ce qui se comprend du fait qu'elle n'a jamais dissimulé la moindre heure de travail à son égard,- dès lors que le fondement de l'indemnité prévue par l'article L.8223-1 du code du travail est de réparer un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail en lien direct avec des faits de travail dissimulé, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la cour de cassation qui dit que seule l'indemnité la plus favorable, entre l'indemnité pour travail dissimulé et l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, doit être versée au salarié, la démission de M. X... étant sans lien avec le travail dissimulé, aucune indemnité ne peut lui être accordée de ce chef, - du reste, s'agissant d'une indemnité, et donc de la réparation d'un préjudice, celle-ci suppose l'existence d'un préjudice réel découlant directement d'un fait fautif ; si le législateur a prévu une indemnisation forfaitaire en matière de travail dissimulé, une telle indemnisation ne se conçoit et n'est légitime qu'en cas de dissimulation totale d'activité ou d'emploi qui entraîne pour le salarié une perte de ses droits, ce que vient de rappeler le Conseil constitutionnel ; il s'ensuit, qu'à l'occasion d'une dissimulation partielle d'emploi, très discutable par ailleurs en l'occurrence, le salarié ne peut réclamer le paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, la perte des droits étant généralement inexistante, le contrat de travail s'étant poursuivi sur plusieurs mois, et la situation étant régularisée bien avant la rupture du dit contrat, sauf aux juges à rechercher et à constater l'existence d'un préjudice spécifique consécutif à la rupture et découlant de la "dissimulation" d'une partie des heures de travail ; juger différemment serait particulièrement sévère pour des entreprises dans lesquelles le décompte du temps de travail est particulièrement complexe, et, en toute hypothèse, contraire à la lettre et à l'esprit du texte précité ; cette règle vaut à plus forte raison quand le salarié n'a pas connu de période de recherche d'emploi, et donc d'indemnisation corollaire,- en l'espèce, lors de la rupture du contrat de travail, aucun différend n'existait entre les parties sur le nombre d'heures accomplies par le salarié ; d'ailleurs, M. X... n'a pas démissionné pour cette raison, pas plus qu'il n'a remis cette démission en cause ultérieurement, outre qu'il a poursuivi son activité de chauffeur routier auprès de deux entreprises de transport successives ; il peut d'autant moins, dans ces conditions, réclamer douze mois de salaire, alors qu'il n'a subi aucun préjudice.
* * * *
Par conclusions enregistrées au greffe le 9 juillet 2012 reprises oralement et complétées à l'audience sur la question de la prescription, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. Lionel X... sollicite que soit rejetée la fin de non-recevoir tirée de la prescription, et que le jugement déféré soit confirmé, hormis ce qui est de l'indemnité de procédure qu'il demande à voir porter, ajoutant au surplus, à 3 500 euros, tant au titre de ses frais irrépétibles de première instance que d'appel, outre que la société CBL 53 supporte les dépens.
Il réplique que :- le jugement du tribunal correctionnel de Laval ayant condamné les dirigeants de la société CBL 53 pour travail dissimulé a visé expressément sa situation ; le délai de prescription ne peut donc commencer à courir qu'à compter du 22 mai 2008, date du prononcé de cette décision, ou qu'à compter de la date de la rupture de son contrat de travail, au mois d'août 2008,- le travail dissimulé dont il a été victime a été consacré par le tribunal correctionnel, ce qui suffit pour que lui soit octroyée l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L.8223-1 du code du travail,- ainsi que l'indique la cour de cassation, il est indifférent que la rupture du contrat de travail résulte d'une démission, tout comme il n'est pas exigé que cette rupture soit en lien avec le travail dissimulé, de même que la poursuite de la relation de travail postérieurement à des faits de travail dissimulé, dans des conditions légales, ne prive pas le salarié de son droit à indemnisation.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prescription
L'action en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé prévue par l'article L.8223-1 du code du travail, était soumise à la prescription trentenaire de l'ancien article 2262 du code civil ; depuis l'entrée en vigueur de la loi no2008-561 du 17 juin 2008, et en application de l'article 2224 du code civil, le délai de prescription a été réduit à cinq ans.
L'article L.8223-1 précité précisant qu' "En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel son employeur a eu recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire", le point de départ du délai de prescription court à compter de la date de cette rupture.
La relation de travail entre M. Lionel X... et la société CBL 53 ayant pris fin le 31 août 2008, à l'issue de la période de préavis, M. X... disposait de cinq ans, à partir de cette dernière date, pour saisir la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé. Ayant saisi le conseil de prud'hommes de Laval à cette fin, le 9 avril 2010, M. X... n'est pas, de fait, prescrit en son action, et il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société CBL 53.
Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
L'article L.8221-5 du code du travail, auquel fait référence l'article L.8223-1 déjà cité, dispose :"Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :...2o Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner

sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie".
La société CBL 53, en la personne de ses gérants, MM. Jean-Marc Z... et Sébastien A..., a été condamnée par le tribunal correctionnel de Laval, le 22 mai 2008, notamment pour travail dissimulé par dissimulation d'emplois salariés, entre autres celui de M. Lionel X..., en ne faisant pas figurer sur les bulletins de paie la totalité des heures de travail réellement accomplies par ses salariés.
Ce jugement n'a pas été frappé d'appel; il est donc aujourd'hui définitif.
La société CBL 53 ne peut, dès lors, venir remettre en question ce qui a été irrévocablement, nécessairement et certainement jugé par le juge pénal, tant sur l'existence du fait qui forme la base commune des actions publique et civile, que sur la qualification et la culpabilité de celui à qui ce fait est imputé. Il s'agit là d'une conséquence de la règle de la primauté du juge pénal sur le juge civil, consacrée par l'article 4 alinéa 2 du code de procédure pénale, avec l'autorité qui s'ensuit de la chose jugée au pénal sur le civil.
La société CBL 53 est, par voie de conséquence, bien coupable de travail dissimulé, au sens de l'article L.8221-5 précité, à l'égard de M. X....
* *La société CBL 53 est, par là-même, redevable vis-à-vis de M. X... de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, équivalente à six mois de salaire, prévue à l'article L. 8223-1 déjà cité.
Cette indemnité sanctionne le caractère irrégulier, non de la rupture du contrat de travail du salarié, mais de l'emploi du dit salarié.
Elle peut, en effet, être allouée au salarié quelle que soit la qualification juridique de la rupture de son contrat de travail, ainsi même dans le cadre d'une rupture d'un commun accord, d'une démission, d'une fin de contrat à durée déterminée, etc.
Contrairement donc à ce qu'affirme la société CBL 53, la rupture du contrat de travail intervenue n'a pas à être due à la dissimulation d'emploi salarié.Cependant, si cette dissimulation existe, le fait que le contrat de travail ait été rompu ouvre, pour le salarié concerné, le droit de solliciter l'indemnisation de son préjudice lié au seul fait de la dissimulation de son emploi.
La durée de cette dissimulation est dès lors indifférente, tout comme le fait que le contrat de travail ait pu se poursuivre dans des conditions, cette fois, régulières.
Également, la forfaitisation par le législateur de l'indemnité alors due exclut toute appréciation du juge relativement au montant à allouer.
M. X... a versé les bulletins de salaire délivrés par la société CBL 53 sur la période allant du 1er septembre 2007 au 31 août 2008, sachant que les heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail doivent être prises en compte au titre

de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.De ces éléments, il ressort que le conseil de prud'hommes a exactement apprécié l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé attribuée à M. X..., qui sera confirmée en son montant de 14 263,62 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la décision rendue, soit le 25 janvier 2011.
Sur les frais et dépens
La société CBL 53, succombant en son appel, sera déboutée de sa demande du chef de l'article 700 du code de procédure civile, et sera condamnée à verser à M. Lionel X... 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, infirmant les premiers juges en ce qu'ils ne lui avaient accordé de ce chef que 50 euros.
La société CBL 53 sera condamnée aux entiers dépens, tant de première instance, confirmant en cela la décision déférée, que d'appel.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Déboute la société CBL 53 de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription,
Confirme le jugement entrepris, hormis sur le montant de l'indemnité de procédure accordée à M. Lionel X...,
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Condamne la société CBL 53 à verser à M. Lionel X... 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Condamne la société CBL 53 aux entiers dépens de l'instance d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALL Catherine LECAPLAIN-MORE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00390
Date de la décision : 13/11/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-11-13;11.00390 ?
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