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13/11/2012 | FRANCE | N°11/00087

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 13 novembre 2012, 11/00087


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N AD/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00087.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 13 Décembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 01912

ARRÊT DU 13 Novembre 2012

APPELANTE :

Madame Fabienne X......49100 ANGERS

présente, assistée de Monsieur Jacques Y..., délégué syndical

INTIME :

Monsieur Jean-Claude Z......44210 PORNIC

présent, assisté de Maître Christophe LUCAS (SCP), a

vocat au barreau d'ANGERS (No du dossier 051888)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N AD/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00087.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 13 Décembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 01912

ARRÊT DU 13 Novembre 2012

APPELANTE :

Madame Fabienne X......49100 ANGERS

présente, assistée de Monsieur Jacques Y..., délégué syndical

INTIME :

Monsieur Jean-Claude Z......44210 PORNIC

présent, assisté de Maître Christophe LUCAS (SCP), avocat au barreau d'ANGERS (No du dossier 051888)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT : prononcé le 13 Novembre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur Jean-Claude Z...a créé en 1984, ...à Angers, en son nom personnel, un magasin de vente de vêtements et d'articles dégriffés fins de séries, sous la dénomination commerciale " ...".
Il y appliquait la convention collective nationale de l'habillement et des articles de textile du 25 novembre 1987.
Après l'avoir employée au moyen de contrats à durée déterminée conclus pour les périodes du 3 juillet au 15 septembre 1990, du 10 au 17 août 1991, du 12 février au 29 août 1992, Monsieur Z...a engagé le 3 juillet 1993, par contrat de travail à durée indéterminée non écrit, Madame Fabienne X..., en qualité de vendeuse, en l'employant à temps partiel ; à partir du 1er mai 2000 l'emploi a été à temps complet, à raison de 39 heures par semaine, et en qualité de responsable de magasin.
Le 13 mai 2003, par lettre remise en mains propres, Monsieur Z...a convoqué Mme X...à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique, fixé au 20 mai 2003.
Mme X...a été licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 mai 2003 et a effectué un préavis de deux mois.
Le 14 novembre 2005, Mme X...a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers, en contestant les conditions de son licenciement, en se plaignant de ses conditions de travail et en sollicitant un rappel de salaires.
Elle a demandé la condamnation de Monsieur Z...à lui payer les sommes suivantes :-5634, 81 € et les congés payés afférents à titre de rappels de salaires sur requalification de contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et changement de classification en cadre catégorie D,-2106, 96 € et les congés payés afférents, à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,-1514, 89 € à titre de rappel d'indemnité de licenciement,-60 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;-15 000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect des conditions d'hygiène et de sécurité,-40 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

Mme X...a demandé en outre paiement des intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine du conseil de prud'hommes d'Angers, pour les sommes de nature salariale, et à compter du jugement pour les autres sommes, la remise sous astreinte de 100 € par jour de retard, à compter de la notification du jugement, des bulletins de salaire, du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi conformes au jugement la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et la condamnation de Monsieur Z...aux dépens.

Par jugement du 13 décembre 2010 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le conseil de prud'hommes d'Angers a débouté Mme X...de ses demandes pour rappels de salaires, rappel d'indemnité compensatrice de préavis, et rappel d'indemnité de licenciement, ainsi que de remise des documents de fin de contrat ; il a dit la demande de rappels de salaires formée pour la période de 1998 à avril 2000 prescrite, a dit que le licenciement économique de Mme X...est justifié et l'a déboutée de sa demande à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour non respect des règles relatives à l'hygiène et à la sécurité, a dit que les faits de harcèlement moral ne sont pas établis et a débouté Mme X...de sa demande à ce titre, débouté Monsieur Z...de sa demande pour procédure abusive, rejeté les demandes des parties pour frais exposés et non compris dans les dépens, et laissé à chaque partie la charge de ses dépens.

Le jugement a été notifié le 16 décembre 2010 à Mme X...et le 17 décembre 2010 à Monsieur Z....
Mme X...a fait appel de la décision par déclaration au greffe de la cour, formée le 13 janvier 2011 par son conseil.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme X...demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 19 mars 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, d'infirmer le jugement déféré, et statuant à nouveau, de dire qu'elle a été employée à temps complet depuis le 3 juillet 1993, qu'elle était cadre, catégorie D, que Monsieur Z...n'a pas respecté les règles relatives à l'hygiène et à la sécurité des salariés, qu'il a commis à son égard des faits de harcèlement moral et sexuel.
Elle demande la condamnation de Monsieur Z...à lui payer les sommes de :
-5634, 81 € outre 563, 48 € à titre de congés payés y afférents, à titre de rappels de salaires sur requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et changement de classification en cadre catégorie D, subsidiairement :-6300 € à titre de dommages intérêts, correspondants aux pertes de salaires subies depuis le 13 juillet 1993, avec la remise sous astreinte de 30 € par jour de retard, depuis la notification de l'arrêt des bulletins de salaire et du certificat de travail portant mention de la reclassification en cadre catégorie D,-2106, 96 € et les congés payés afférents à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,-1514, 89 € à titre de rappel d'indemnité de licenciement,-60 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;-15 000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect des conditions d'hygiène et de sécurité,-40 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Mme X...demande la condamnation de Monsieur Z...à rembourser à Pôle Emploi les prestations de chômage qui lui ont été versées dans la limite de six mois, la remise sous astreinte de 100 € par jour de retard, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir des bulletins de salaires, du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi conformes à cette décision, les intérêts au taux légal à compter de la demande, et la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre la condamnation de Monsieur Z...aux dépens.
Mme X...soutient qu'elle a travaillé à temps plein à compter d'août 1998, Mme Z...n'étant plus alors présente au magasin, dont elle effectuait l'ouverture et la fermeture ; que Monsieur Z...a voulu lui faire signer le 2 mai 2000 un protocole d'accord transactionnel qui convenait de la conclusion à venir, à effet au 1er mai 2000 d'un contrat à durée indéterminée à temps complet entre les parties, mais portait en contrepartie qu'elle " reconnaissait être ainsi entièrement remplie de tous ses droits pouvant résulter des conséquences de son contrat de travail à temps partiel jusqu'au 30 avril 2000 " et qui ajoutait que les parties renonçaient à toute action ou instance qui pourrait résulter des " droits et obligations du contrat de travail à temps partiel les ayant liés ".
Pour s'opposer à la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par Monsieur Z..., Mme X...soutient que la prescription court lorsque le salaire devient exigible, que c'est la décision à intervenir sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein qui rendra le rappel de salaires exigible et que dès lors la prescription n'a même pas commencé à courir ; elle s'appuie sur des attestations de clientes et de commerçantes voisines, et sur les bulletins de salaires qui lui ont été remis et portent des horaires de travail de 164 heures et 179 heures par mois.
Mme X...soutient qu'elle assurait seule la gestion du magasin, effectuant un contrôle permanent en matière commerciale, financière, technique et administrative ; qu'elle établissait les conventions de stage, faisait la comptabilité du magasin et déposait la recette du jour à la banque ; qu'elle aurait donc dû être classée cadre de la catégorie D.
Sur la cause de son licenciement Mme X...soutient que si Monsieur Z...a fermé son magasin, c'est " pour la faire partir " et parce qu'elle " résistait à ses avances " mais que les difficultés économiques invoquées sont inexistantes ; qu'en outre Monsieur Z...n'a pas cherché à la reclasser dans ses autres magasins ;
Mme X...expose qu'elle a subi des faits constituant du harcèlement moral et également des faits de harcèlement sexuel, lesquels sont établis par les attestations qu'elle produit ; que sa santé physique et psychique en a été altérée ; que les règles relatives à l'hygiène et à la sécurité n'étaient pas respectées, l'éclairage du magasin étant très agressif, le chauffage déficient, et l'accès aux sanitaires non assuré en permanence, ce qui a provoqué des hospitalisations en urgence liées à des hémorragies intestinales ; que les manipulations de colis de vêtements ont provoqué une pathologie de l'épaule droite pour laquelle elle a fait le 26 juin 2006 une demande de reconnaissance de maladie professionnelle.
****
Monsieur Z...demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 25 mai 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Il demande à titre reconventionnel la condamnation de Mme X...à lui payer la somme de 1000 € pour procédure abusive, et celle de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur Z...affirme que Mme X...a été remplie de ses droits et observe qu'elle a saisi la juridiction prud'homale plus de deux ans après son licenciement ; qu'en outre elle a sollicité le retrait du rôle du dossier le 23 novembre 2006 pour reprendre l'instance en octobre 2009 seulement, et réclame aujourd'hui toutes causes confondues des sommes représentant quatre années de salaire brut, celui-ci s'établissant dans son dernier état à 2103, 68 € ;
Monsieur Z...soutient que les demandes de rappels de salaires au titre d'un emploi à temps plein, qui concernent les salaires d'août 1998 au 30 avril 2000, sont prescrites puisque la saisine du conseil de prud'hommes d'Angers a eu lieu le 14 novembre 2005 et que seuls les salaires des cinq années précédant cette saisine peuvent être réclamés ; qu'une demande en dommages-intérêts d'un montant équivalent ne peut être utilement invoquée pour échapper à la prescription ; que Mme X...n'a jamais eu des fonctions de cadre catégorie D, mais a été employée catégorie 4 de la convention collective applicable, ce qui correspond à l'emploi de vendeuse isolée ayant 3 à 5 ans de pratique professionnelle tout en ayant été sur-classée par son l'employeur à la catégorie 8 de " premier vendeur " ou " vendeur confirmé " ; qu'elle a en outre toujours perçu un salaire supérieur au minimum conventionnel de la catégorie 8.
Monsieur Z...soutient que le chiffre d'affaires de son magasin a chuté de 45 % sur l'exercice 2002/ 2003 et qu'il n'a fait qu'exercer son pouvoir de gestion et de direction en fermant son commerce ; qu'il n'existait dans ses autres magasins aucun emploi disponible permettant de reclasser Mme X....
Monsieur Z...affirme que Mme X...a disposé de tous les documents de fin de contrat dès le 2 août 2003 alors qu'elle demande leur délivrance sous astreinte, et récuse les affirmations de la salariée, ainsi que les attestations, qualifiées par lui d'attestations de complaisance, qu'elle produit, pour soutenir la réalité d'un harcèlement moral ou sexuel de sa part ; il constate que Mme X...souffrait de céphalées depuis plus de 20 ans et que l'altération de sa santé n'est pas liée à un harcèlement de l'employeur ; qu'elle ne justifie pas avoir fait une déclaration au titre de la maladie professionnelle.
Monsieur Z...soutient que les conditions de travail n'étaient ni inhumaines ni dégradantes comme Mme X...le prétend, seul l'éclairage du magasin ayant fait l'objet de remarques de la part de l'inspecteur du travail ; que le médecin du travail a déclaré la salariée apte sans réserves à ses fonctions le 8 avril 2003.
MOTIFS DE LA DECISION

SUR LE RAPPEL DE SALAIRES :

Cette demande porte à la fois, au regard du tableau récapitulatif produit par Mme X...(sa cote 21) sur la différence du 1er août 1998 au 30 avril 2000, entre les salaires perçus et les salaires correspondant à un temps plein, et, jusqu'au 2 août 2003, sur la différence entre les salaires perçus et ceux résultant d'une classification au niveau cadre de la catégorie D ;
Mme X...inclut dans son calcul, faisant application des dispositions de l'article 31 de la convention collective, l'ancienneté résultant de ses contrats à durée déterminée, soit 9 mois et 8 jours au moment de l'embauche en contrat à durée indéterminée, le 3 juillet 1993, étant acquis au regard des bulletins de salaire qu'une prime d'ancienneté lui a été versée constamment à compter du 1er février 1999.
¤ Sur les rappels de salaires au titre du travail à temps plein :
Monsieur Z...oppose à cette demande, qui porte sur des salaires perçus entre le 1er août 1998 et le 30 avril 2000, une fin de non-recevoir, en soutenant qu'elle est prescrite, puisqu'une action en paiement de salaires se prescrit par cinq ans et que la saisine du conseil de prud'hommes d'Angers, qui seule a interrompu cette prescription, a eu lieu le 14 novembre 2005 : qu'en conséquence les demandes en rappel de salaires antérieures au 14 novembre 2000 sont prescrites ;
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile " constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. "
Par application combinée des dispositions de l'article 2277 ancien du code civil et de celles de l'article L143-14 du code du travail devenu l'article L3245-1, l'action en paiement du salaire se prescrit par cinq ans ; Il ne fait pas débat que les sommes pour lesquelles Mme X...revendique des rappels sont des salaires, qui lui étaient versés à des termes périodiques, chaque fin de mois ;

La prescription quinquennale s'applique à toute action engagée à raison de sommes afférentes aux salaires dus au titre du contrat de travail et elle commence à courir dès lors que le titulaire du droit a connu les faits lui permettant d'exercer ce droit, à partir de la date d'exigibilité du salaire qui est pour les salaires le jour de paie ;
Mme X...était en mesure, dès le 1er août 1998, de réclamer un salaire correspondant au temps de travail effectué, qu'elle connaissait et les rappels de salaires étaient exigibles dès cette date ;

Seule la saisine de la juridiction prud'homale, le 14 novembre 2005, a interrompu la prescription, les lettres adressées à Monsieur Z..., le 9 mars 1998 et le 2 mai 2000, fût ce en recommandé avec accusé de réception, ce qui n'est même pas établi, n'étant pas des actes de nature interruptive ;

La prescription des salaires est une prescription libératoire extinctive, l'écoulement du délai légal mettant fin à toute contestation relative à leur paiement ;
Une demande qui ne tend, sous couvert de dommages-intérêts qu'à obtenir paiement de salaires prescrits, doit être rejetée : or, la demande subsidiaire de Mme X...en paiement de la somme de 6300 € à titre de dommages-intérêts est bien dite par elle équivalente aux rappels de salaires réclamés ;
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a dit la demande de rappels de salaires formée par Mme X...pour la période du 1er août 1998 au 30 avril 2000, prescrite et par conséquent irrecevable et Mme X...est déboutée de sa demande subsidiaire en dommages-intérêts ;
¤ Sur les rappels de salaires au titre de la classification comme cadre de la catégorie D :
Il appartient au juge saisi d'une demande de classification conventionnelle de rechercher les fonctions réellement exercées par le salarié, et de les examiner au regard des critères énoncés par la convention collective ; le salarié doit apporter les justificatifs de ce que l'activité qu'il exerce ne correspond pas à son indice ;
Mme X...s'appuie sur des écritures déposées le 25 juin 2003 par Monsieur Z...et dans lesquelles il indique qu'elle est classée responsable de magasin hautement qualifiée depuis le 4 mai 1994, ainsi que sur des attestations de clientes anciennes ou de commerçantes voisines ;
Cette demande de rappels de salaires au titre d'une reclassification conventionnelle est prescrite, pour les raisons énoncées quant aux rappels de salaires au titre d'un temps plein, jusqu'au 14 novembre 2000, et donc irrecevable jusqu'à cette date ;
Il ne fait pas débat qu'au 14 novembre 2000 Mme X...était classée par son employeur " responsable de magasin hautement qualifiée catégorie 8 échelon 8 ", et qu'elle l'est restée jusqu'au 2 août 2003 ;
La convention collective de l'habillement et articles textiles (commerce de détail) du 25 novembre 2011 définit l'emploi de catégorie 8 ainsi : " Premier (ière) vendeur (se) confirmé (e) possède une maîtrise reconnue et une connaissance approfondie de l'ensemble des fonctions de son métier peut être associé (e) aux achats, à la réalisation de la vitrine, au réassort et à former les vendeurs assure la coordination et l'animation d'une équipe de vente "

et celle de cadre de la catégorie D : " cadre de direction générale,

par délégation permanente (ou sous les ordres directs) du chef d'entreprise, est responsable de l'élaboration, du contrôle et de la direction de la politique générale de l'entreprise dans les domaines commercial, financier, technique, administratif "

Il n'est pas établi, ni même allégué par Mme X...qu'elle ait eu une délégation permanente du chef d'entreprise, et la seule vendeuse qui ait travaillé dans le magasin avec elle est Mme C..., qui l'a remplacée pendant des " vacances " : il ressort de l'attestation de Mme C...qu'elle a été " recrutée " par Mme X..., sans qu'il soit établi que celle-ci ait signé un contrat de travail, aucune pièce liée à l'emploi de Mme C...n'étant versée aux débats ;
Ni la fonction d'encadrement, ni celle de coordination et animation d'une équipe de vente telles qu'énoncées par la convention collective n'ont été exercées par Mme X...;
Monsieur Z...justifie en outre de ce que les fournisseurs ne traitaient qu'avec lui, et de ce que l'expert comptable n'a jamais eu de relations professionnelles avec Mme X...pour la tenue de la comptabilité, ce que celle-ci ne conteste pas, arguant de ce qu'elle tenait les écritures comptables sur des feuilles volantes ensuite remises à Monsieur Z...;
Les attestations de clientes ou de commerçantes produites par Mme X...ne contredisent pas ce constat, mais portent essentiellement sur les horaires de travail effectués par la salariée, et sur le comportement de l'employeur à son égard ;
Les conventions de stage enfin, signées par Mme X...au nom de l'entreprise, étaient conclues pour des collégiens de 3ème ou dans le cadre de la formation professionnelle gérée par l'IFORIS, structure municipale Angevine d'insertion, et ne concernaient pas des emplois de l'entreprise ; Il ressort de l'ensemble de ces faits que Mme X...n'exerçait pas des fonctions de cadre au sein du magasin de Monsieur Z..., et que ne formant pas des vendeurs, ne coordonnant ni n'animant une équipe de vente elle était comme l'ont justement relevé les premiers juges, surclassée par l'employeur en catégorie 8, ses fonctions relevant en réalité du poste d'employé de la catégorie 4, décrite dans la convention collective comme correspondant à l'emploi de vendeur isolé, qui travaille seul de façon permanente dans un magasin en liaison avec son supérieur hiérarchique ou le chef d'entreprise, assure l'ouverture et la fermeture du magasin à l'égard de la clientèle, assure le réapprovisionnement des rayons au fur et à mesure des ventes, signale à la direction les besoins de commande et assure l'entretien du magasin ;

Il est encore acquis que Mme X...a été rémunérée au dessus du minimum conventionnel afférent à la classification comme responsable de magasin niveau 8 puisque ce salaire minimum était jusqu'au 1er avril 2001 de 8200F, puis au 1er septembre 2004 de 1350 € et au 1er septembre 2006 de 1450 €, et qu'elle a perçu dès novembre 2000 un salaire de base hors prime d'ancienneté de 12 659, 82 F puis de 1929, 98 €, somme équivalente ;
La demande de Mme X...en rappels de salaires au titre d'une classification au niveau de cadre catégorie D est déclarée irrecevable en ce qu'elle porte sur les salaires perçus jusqu'au 14 novembre 2000 et, par voie de confirmation du jugement, Mme X...est déboutée de sa demande de rappels
de salaires à ce titre en ce qu'elle porte sur les salaires perçus du 14 novembre 2000 au 2 août 2003 ;
Les primes d'ancienneté perçues par Mme X..., de novembre 2000 au 2 août 2003, qui sont calculées à partir du salaire de base versé, sont de montants supérieurs à ceux correspondants à la grille indiciaire de la convention collective, en tenant compte, conformément à l'article 31 de la convention collective, d'une ancienneté ajoutée de 9 mois et 8 jours effectuée en contrat à durée déterminée ;
A ce titre non plus aucun rappel de salaire n'est en conséquence dû ;
SUR LES DEMANDES EN RAPPEL D'INDEMNITÉ DE PRÉAVIS ET EN RAPPEL D'INDEMNITÉ DE LICENCIEMENT :
Mme X...sollicite le bénéfice du préavis conventionnel des cadres qui est de trois mois de salaire, alors qu'elle a effectué le préavis conventionnel des non cadres de deux mois ;
Sa demande en classification dans la catégorie cadre n'ayant pas été retenue par la cour, elle doit être déboutée en conséquence, par voie de confirmation du jugement de la demande en rappel d'indemnité de préavis ;
L'ancienneté à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement est celle existant à l'expiration du contrat de travail et donc à la fin du préavis de deux mois : l'ancienneté de Mme X...s'établit à 10 ans, 10 mois, et 8 jours ;
L'indemnité de licenciement conventionnelle est pour un licenciement économique et lorsque le salarié, non cadre, a plus de 5 ans d'ancienneté, de 1/ 5eme de mois par année d'ancienneté jusqu'à 10 ans, plus 1/ 3 mois par année au delà de 10 ans ; elle doit être appliquée, puisque plus favorable que l'indemnité légale en vigueur au moment de la notification du licenciement ;
La prime d'ancienneté, constamment versée à Mme X..., est incluse dans l'assiette de calcul de l'indemnité, qui s'établit dans les conditions les plus favorables à la salariée, et en application de l'article R 1234-4 du code du travail, à un salaire mensuel de 2103, 68 € ;
L'indemnité conventionnelle due est de 5166, 76 € alors que Mme X...a perçu, ainsi qu'il apparaît sur le bulletin de salaire d'août 2003, une somme de 4242, 42 € ;
Par voie d'infirmation du jugement Monsieur Z...est condamné à payer à Mme X...à ce titre la somme de 924, 34 €, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par Monsieur Z...de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes d'Angers soit le 30 novembre 2005 ;

SUR LA DEMANDE EN RECTIFICATION DU CERTIFICAT DE TRAVAIL

Mme X...demande la rectification de son certificat de travail, qui mentionne qu'elle a été employée par le magasin ...Jean Claude Z...en qualité de vendeuse pour la période du 13 juillet 1993 au 30 avril 2000 et de " responsable de magasin H. Q. " pour la période du 1er mai 2000 au 2 août 2003, alors que son emploi a débuté le 3 juillet 1993 ;
Il est acquis sur ce point que les bulletins de salaire remis à Mme X...portent mention d'une ancienneté au 3 juillet 1993 ;
Il y a donc lieu, par voie d'infirmation du jugement, d'ordonner la remise par Monsieur Z...à Mme X...d'un certificat de travail rectifié indiquant que l'emploi a débuté le 3 juillet 1993, la condamnation à astreinte n'étant pas justifiée puisqu'il n'existe pas de contestation de Monsieur Z...sur la dite date de début d'emploi ;
SUR LE LICENCIEMENT :
Aux termes des dispositions de l'article L 321-1 du code du travail texte applicable au moment de la notification du licenciement litigieux, devenu l'article L1233-3, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs, non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusées par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
La jurisprudence a ajouté aux causes légales celle de la réorganisation de l'entreprise destinée à sauvegarder sa compétitivité.
Elle a aussi précisé que la lettre de licenciement devait comporter non seulement l'énonciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la réorganisation de l'entreprise, mais également l'énonciation des incidences de ces éléments sur l'emploi du salarié licencié.
La lettre de licenciement qui a été notifiée le 30 mai 2003 à Mme X...est ainsi libellée :
" Madame,
A la suite de notre entretien en date du 20 mai dernier, nous sommes au regret de vous informer que nous sommes dans l'obligation de poursuivre notre projet de licenciement économique à votre égard.
Les arguments avancés lors de cet entretien à l'appui du projet de licenciement économique sont ceux-là mêmes qui nous amènent à rompre aujourd'hui votre contrat de travail : l'activité du magasin a considérablement périclité depuis plusieurs mois, comme en atteste la baisse du chiffre d'affaires. Les perspectives futures ne laissant pas présager une amélioration de la situation économique de l'entreprise, nous avons pris la décision de cesser l'activité à compter du mois d'août prochain. L'entreprise rencontre des difficultés financières indéniables, auxquelles aucune solution ne peut être apportée étant donnée la baisse de la fréquentation du magasin. Nous faisons donc le choix d'arrêter son exploitation avant d'obérer irrémédiablement la situation financière de l'entreprise. Cette cessation entraîne la disparition de votre emploi. Nous sommes donc contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique puisque nous ne sommes pas en mesure de vous proposer un reclassement dans un autre poste compatible avec votre qualification.
Nous ne pouvons donner suite aux dispositions de l'article L. 321-5 du code du travail nous imposant de vous proposer une convention de conversion compte tenu de la disparition de ce dispositif à compter du 1er juillet 2001 (Circulaire DGEFP no 2002-19, 28 mars 2002).
En revanche, comme nous vous l'avions indiqué au cours de notre entretien, la possibilité vous est offerte d'adhérer au dispositif du PARE anticipé, afin de bénéficier pendant votre préavis des prestations prévues par le Plan d'aide au retour à l'emploi, détaillées dans la documentation que nous vous avons remise. Vous disposez, pour cela, d'un délai de 8 jours à compter de la première présentation de la présente lettre à votre domicile, pour nous faire connaître expressément votre volonté d'adhérer à ce dispositif, et pour vous présenter à l'ASSEDIC de votre domicile avec votre dossier dûment complété et signé. L'absence de réponse dans ce délai de 8 jours sera assimilée à un refus.
La présente lettre constitue la notification de votre licenciement pour motif économique.
La date à laquelle cette lettre vous aura été présentée marquera le point de départ de votre préavis, d'une durée de deux mois.
Dans ce contexte de cessation d'activité, nous ne sommes pas en mesure de vous accorder une priorité de réembauchage au sein de l'entreprise, qui, par définition, a vocation à disparaître en août.....

Monsieur Jean claude Z..."

La lettre de licenciement mentionne une baisse du chiffre d'affaires d'importance et de durée telles que Monsieur Z...a décidé d'arrêter l'exploitation du magasin ; elle annonce une cessation d'activité en août 2003, ce qui a effectivement eu lieu, la radiation au registre du commerce ayant eu lieu en décembre 2003 et les murs ayant été vendus courant 2004 ;
Mme X...soutient que Monsieur Z...a en réalité voulu se débarrasser de sa salariée, et que la baisse du chiffre d'affaires n'est pas avérée ;
Le bilan comptable du magasin est produit par Monsieur Z..., sous la forme d'un document établi et certifié par son expert comptable, et il en ressort que le chiffre d'affaires de son magasin d'Angers a bien, entre l'exercice 2001/ 2002 et l'exercice 2002/ 2003, sur des périodes comparables de 12 mois, baissé de 45 %, peu important que l'exercice 2002/ 2003 clôturé au 31 décembre 2003, soit d'une durée de 18 mois puisqu'il est acquis que le magasin a été fermé dès le 13 juillet 2003 et que l'activité a cessé en août 2003 ;

Monsieur Z...exerçait des activités commerciales diverses, ainsi était-il gérant d'une SCI sise à Angers puis transférée à Laval, ayant pour objet la location et la gestion d'immeubles d'une sarl ayant pour activité le commerce de ventes de marchandises en gros sise ...à Angers, et également était-il gérant de la sarl " Jade ", sise à Pornic et ayant pour activité la vente de vêtements ;

Le bilan produit par Monsieur Z...montre que les résultats de ses commerces de vente de vêtements sont restés globalement bénéficiaires sur l'exercice 2002/ 2003 de 69 101 € ;
La très forte baisse de fréquentation du magasin d'Angers " ..." a néanmoins justifié la cessation d'activité de cet emplacement commercial et il n'appartient pas au juge, hors le cas de fraude, et de légèreté blâmable, non établis par Mme X..., qui n'apporte aucun élément à l'appui de son allégation selon laquelle la fermeture du commerce aurait eu pour seul objet de la licencier de se substituer à l'employeur dans ses choix de gestion ;
Le licenciement ne peut cependant intervenir, aux termes de l'article L321-1 devenu l'article L. 1233-4 du code du travail, que " lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ".
L'employeur ne peut donc procéder à un licenciement économique qu'après avoir mené, en amont, un certain nombre de démarches tendant, justement, à l'éviter, et il appartient au juge de vérifier que l'employeur a rempli cette obligation légale qui est de moyens, avec tout le sérieux et la loyauté requis.
Monsieur Z...ne justifie d'aucune recherche de reclassement de Mme X..., se contentant de constater la fermeture du magasin dans lequel il l'employait alors qu'il est acquis que son commerce de vêtements sis à Pornic a poursuivi son activité, et qu'il ressort des pièces produites qu'un salarié a même été embauché en fin d'année 2003 ;
A défaut de recherche de reclassement de la salariée, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
L'entreprise ayant moins de 11 salariés Mme X...peut prétendre, par application de l'article L122-14-5 du code du travail devenu l'article L1235-5, à une indemnité correspondant au préjudice subi ; son salaire était au moment du licenciement de 2103, 68 € ;
Mme X...avait 47 ans au moment du licenciement et indique n'avoir pas depuis lors retrouvé d'emploi stable ; elle ne décrit pas sa situation financière actuelle ;
La cour trouve à la cause les éléments suffisants, relatifs à la situation personnelle de la salariée, à son âge, sa qualification, son aptitude à retrouver un emploi, et son ancienneté, lui permettant d'évaluer, par voie d'infirmation du jugement, l'indemnité qui lui est due pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 32 000 € ;
Les intérêts calculés au taux légal sont dus à compter du présent arrêt par application de l'article 1153-1 du code civil ;
SUR LA DEMANDE DE REMISE SOUS ASTREINTE DES BULLETINS DE SALAIRE ET DE L'ATTESTATION POLE EMPLOI RECTIFIES :
Monsieur Z...remettra, par voie d'infirmation du jugement, à Mme X...un bulletin de salaire et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt ; aucune circonstance particulière ne justifie le prononcé d'une astreinte ;
SUR LE REMBOURSEMENT DES PRESTATIONS DE CHOMAGE A POLE EMPLOI :
En application de l'article 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur au Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme X...du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
SUR LE HARCELEMENT MORAL ET SEXUEL :
¤ Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l'article L122-49 du code du travail devenu l'article L 1152-1, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
En application de l'article L 122-52 du code du travail devenu l'article L 1154-1, lorsque le salarié établit la matérialité des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ;
Mme X...verse par à l'appui de son allégation de harcèlement moral un courrier qu'elle a adressé à Monsieur Z...le 5 mars 2002, des attestations émanant de stagiaires ayant travaillé avec elle au magasin, et de clientes ayant fréquenté son commerce de longues années, des enregistrements de plaintes de sa part auprès des services de police, susceptibles de provoquer des poursuites pénales contre Monsieur Z..., et des documents médicaux constatant une altération de sa santé psychique ;
Pour y répondre, Monsieur Z...oppose que l'écrit du 5 mars 2002 ne peut, émanant de Mme X...elle-même, avoir de valeur probante qu'il n'a de plus été produit que tardivement, et qu'il a été fabriqué pour la cause, car il ne l'a jamais reçu, que les attestations produites sont de complaisance, et que les médecins ne font que rapporter ce que Mme X...leur a dit, le lien entre son mal-être et un harcèlement par l'employeur n'étant pas établi dans ces conditions ;

Le courrier du 5 mars 2002 est établi par Mme X...elle-même et ne peut être retenu dès lors comme preuve des faits allégués ; Il apparaît quant à l'attestation des clientes du magasin, que celle de Mme F...est très imprécise et reprend les dires de Mme X...elle-même, les deux autres étant relatives à l'allégation de harcèlement sexuel ; Mme Mourisson, commerçante, n'évoque que des propos tenus sur Mme X...par Madame Z..., et non par son mari ; Melle G..., stagiaire fait allusion à un soir, non daté, de l'année 2003, au cours duquel Monsieur Z...s'est emporté verbalement au sujet des réassorts, et il apparaît que la présence au magasin de cette stagiaire n'a été que de deux semaines ; Mme H..., stagiaire, décrit ainsi les scènes de harcèlement dont elle dit avoir été témoin : " quand il (Monsieur Z...) rentrait dans le magasin, il était toujours énervé, agressif, il sifflotait pour déstabiliser Mme X..., il regardait les rayons bizarrement, il poussait les cintres un peu rapidement, très agressif, comme pour passer ses nerfs " ; Mme I..., stagiaire, indique quant à elle que lorsque Mme X...faisait des réclamations à Monsieur Z..., le visage et le comportement de celui-ci changeaient et " devenaient vulgaires " ; le médecin du travail M. P..., atteste qu'il a depuis l'année 2000 constaté une altération de l'état physique et psychique de Mme X...et ajoute : " due à ses dires à ses conditions de travail et ses relations conflictuelles avec son employeur. ". Il précise s'être déplacé, et s'être rendu compte sur place " de l'état d'hygiène des locaux et du mauvais éclairement, qu'il a fait confirmer par le passage du contrôleur de sécurité de la CRAM " ; le docteur J..., psychiatre, atteste avoir suivi Mme X...depuis 1996 pour un état dépressif " réactionnel aux difficultés rencontrées dans son travail vis à vis de son patron ainsi que des manifestations anxieuses générales et spécifiques à type de phobie de déplacement et de phobie sociale très marquées en relation là aussi, dans ce qu'elle exprime, avec des conflits répétitifs vis à vis de cet employeur ;

Il ressort de ces éléments de fait que Monsieur Z...y est décrit en termes de personnalité, comme une personne nerveuse, vulgaire ou agressive, mais qu'aucun comportement ni acte précis ne lui est attribué, qui caractérise un harcèlement à l'égard de sa salariée ;
Ni le docteur J...ni le médecin du travail ne mettent en lien les souffrances psychologiques de Mme X...avec un harcèlement de l'employeur, se contentant de reprendre les dires de l'intéressée qui parle non de harcèlement, mais de " conflits répétitifs " et " relations conflictuelles " ; il est acquis que le 8 avril 2003, lors d'une visite à la médecine du travail, Mme X...a été déclarée apte sans réserve à l'exercice de ses fonctions ;
Il ressort enfin des pièces médicales produites que Mme X...était sujette depuis sa jeunesse à des céphalées chroniques, et connaissait divers malaises, tels des troubles de l'équilibre, la phobie des ponts hauts, qui survenaient aussi en dehors du lieu de travail ;
Le seul avis d'arrêt de travail produit par Mme X...est prescrit du 13 mai au 24 mai 2003, pour une " dépression réactionnelle " qui est en lien direct avec le licenciement, puisque la salariée vient d'être convoquée à l'entretien préalable, et non, par conséquent, avec des faits de harcèlement ;
La main courante déposée le 5 mars 2002 par Mme X...auprès des services de police relate un conflit entre l'employeur et la salariée sur les modalités d'un passage à un horaire de travail à 35 heures par semaine, les bulletins de salaire de 2001 mentionnant un horaire mensuel de 169 heures, et dans la main courante du 27 mai 2005 Mme X...reproche à Monsieur Z...deux agressions verbales très postérieures au licenciement puisqu'elle accuse ce dernier de l'avoir " agressée verbalement " sans autre précision, à Noël 2004, et de lui avoir dit le 27 mai 2005, alors qu'il l'a croisait dans une rue d'Angers " Fabienne viens ici " ; Ces faits, postérieurs à la rupture de la relation de travail, ne peuvent être retenus au titre d'un harcèlement de l'employeur ;

Il ressort de cet ensemble de faits que si les relations existant entre Mme X...et Monsieur Z...ont été conflictuelles, il n'apparaît pas que l'employeur ait commis des agissements répétés ayant pour effet ou pour objet de dégrader ses conditions de travail, de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; il est acquis au contraire que Mme X...a été surclassée au regard des définitions de fonctions de la convention collective, et qu'elle a été rémunérée au dessus du minimum conventionnel de la catégorie constituant un sur classement ; aucune des attestations produites n'établit que Monsieur Z...lui ait de manière répétée, ni même occasionnellement, intimé d'accomplir des tâches ne lui incombant pas, lui ait assigné des objectifs de vente difficiles à réaliser, ou ait tenu à son égard, que ce soit devant des stagiaires ou des clientes, des propos mettant en cause ses compétences professionnelles, les seuls propos de cette nature invoqués étant prêtés à l'épouse de Monsieur Z..., c'est-à-dire à un tiers au litige ;
Les faits de harcèlement moral allégués ne sont par conséquent pas établis ;
¤ Sur le harcèlement sexuel :
Il résulte des dispositions de l'article L122-46 du code du travail devenu l'article L1153-1 que les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits ; il appartient aux termes de l'article L122-52 du code du travail, devenu l'article L1154-1, au salarié d'établir les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et à la partie défenderesse de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Mme X...produit à l'appui de son allégation de harcèlement sexuel deux attestations de clientes, et une attestation émanant de la psychologue qu'elle a consultée à partir de 1995 dans le cadre de l'association " S. O. S. Femmes " ;
Mme K..., cliente explique qu'elle a un jour dans le magasin pris l'initiative de se rapprocher du combiné téléphonique alors que Mme X...recevait un appel, parce qu'elle voyait celle-ci se " décomposer ", et a alors entendu une voix qu'elle a identifiée comme celle de l'employeur, disant : " Fabienne, il faut que je vienne tout de suite, j'ai fait des rêves érotiques à ton sujet... " et Mme L..., autre cliente, atteste qu'un jour Monsieur Z...a dit dans le magasin en sa présence : " avec quoi ce soir je vais pouvoir habiller ma pute " ;
Mme Lacoste-Petit-Jean, psychologue, atteste qu'en 1995 Mme X...lui a relaté que lors d'un voyage en voiture vers Ancenis Monsieur Z...aurait " tenté d'abuser d'elle " puis, au cours d'un voyage en train, qu'il lui aurait proposé d'avoir des relations sexuelles ;
Monsieur Z...oppose aux allégations de Mme X...une dénégation totale, et verse aux débats des attestations d'anciens collaborateurs qui le décrivent comme une personne " qui sait rester à sa place de patron en toutes circonstances ", " honnête, droite et généreuse " ; il produit le témoignage de Mme M..., qu'il a employée dix ans dans son commerce " ..." d'Angers, et emploie encore, après qu'elle ait pendant quelques années tenu sa propre boutique, au magasin de Pornic : celle-ci indique que les années à " ..." ont représenté " les plus belles années de sa vie professionnelle " et qualifie Monsieur Z...de " patron exemplaire " ;
L'attestation de Mme L..., cliente du magasin, est en contradiction avec les affirmations de Mme X...elle-même, qui affirme avoir opposé un refus constant aux propositions de nature sexuelle faites par Monsieur Z...et dont on ne peut dans ces conditions penser qu'elle soit un soir sortie avec celui-ci, qui plus est présentée comme étant sa " pute " ; il faut donc considérer, à retenir les propos de Mme L...comme exacts, qu'ils concernaient l'habillage d'une personne tiers, et non de Mme X...;
L'attestation de Mme N..., autre cliente est empreinte d'une subjectivité qui ne permet pas de la retenir pour preuve d'un harcèlement sexuel : cette cliente indique en effet qu'elle a interprété les émotions de Mme X...sur son visage, qu'elle s'est rapprochée du combiné téléphonique pour écouter, sans dire cependant que Mme X...l'y ait invitée, et qu'elle a identifié la voix de l'appelant, sans même préciser que Mme X...lui ait dit qui l'appelait ;
Si Mme X...a en 1995 relaté à une psychologue que son employeur avait tenté d'abuser d'elle lors d'un déplacement en voiture puis, lors d'un trajet en train lui avait, d'ailleurs paradoxalement, proposé d'avoir une relation sexuelle, elle n'a cependant déposé ni plainte ni même main courante au sujet de ces faits qu'elle situe en 1995, et ne les a évoqués ni devant le psychiatre ni devant le médecin du travail pas plus qu'elle ne le fait dans l'écrit adressé à Monsieur Z...en 2002 ;
La matérialité d'un harcèlement, qui suppose une répétition et l'abus par l'employeur de l'autorité que lui confère son pouvoir de direction, n'est pas établie ;
Par voie de confirmation du jugement Mme X...est déboutée de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et sexuel ;
SUR L'OBLIGATION DE SANTE ET DE SECURITE DE L'EMPLOYEUR
Aux termes de l'article L 230-2 du code du travail devenu l'article L4121-1 l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Il est donc tenu à l'égard de ses salariés d'une obligation de résultat en matière de protection de leur santé et de leur sécurité dans l'entreprise, et il doit en assurer l'effectivité ;
Le code du travail, en son article R232-7-1 résultant du décret du 2 août 1983, en vigueur au moment des faits, devenu l'article R 4223-8, fait obligation à l'employeur de veiller à ce que le dispositif d'éclairage du local de travail protège les travailleurs de la fatigue visuelle et de l'éblouissement et il est aussi fait obligation à celui-ci d'assurer le chauffage des locaux pendant la saison froide, par application de l'article R232-6 du code du travail dans sa rédaction résultant du décret du 1er octobre 1987, devenu l'article R 4223-13 ; l'installation de cabinets d'aisance est obligatoire aux termes de l'article R232-2-5 du code du travail dans sa rédaction résultant du décret du 31 mars 1992, devenu l'article R 4228-11, et ceux ci ne doivent pas communiquer avec les locaux fermés dans lesquels le personnel travaille ;
Il est acquis que le magasin " ..." disposait de toilettes, séparées du local de travail, et qui faisaient l'objet d'un entretien ;
Il résulte des pièces versées aux débats que ce local était à l'intérieur de l'immeuble et qu'il fallait franchir trois portes intérieures pour y accéder ou passer par le hall ; cet état de fait ne constitue pas en soi une impossibilité d'accès, qui résulterait en revanche de ce que Mme X...n'ait pas toujours eu les clés à disposition, ce qu'elle ne démontre pas ; si elle a connu des ennuis de santé de type intestinal, ceux-ci n'apparaissent pas comme liés à un manquement de l'employeur à ses obligations de santé et de sécurité puisque les consultations médicales faites par Mme X...à ce sujet ont eu lieu le 13 octobre 2003 et le 12 janvier 2004, soit plusieurs mois après le licenciement et les hémorragies ayant donné lieu à hospitalisation sont intervenues le 9 janvier 2006, soit plus tardivement encore ;
Le lien entre la pathologie de l'épaule droite et les conditions de travail n'est pas non plus établi ;
Il ressort en revanche des attestations de plusieurs stagiaires et clientes que le local n'était pas suffisamment chauffé en hiver et que la température avoisinait les 15o ;
Monsieur Z...justifie de l'installation de deux convecteurs électriques en février 2002, uniquement, et ne conteste pas l'utilisation, jusqu'à cette date, d'un radiateur mobile et d'appoint, ce qui ne constitue pas un système de chauffage ;
Quant à l'éclairage du local, il a fait l'objet en 2003 d'un signalement à la caisse d'assurance maladie des Pays de la Loire par le médecin du travail, M. P..., qui s'est déplacé sur les lieux : M. R... contrôleur de sécurité, est à son tour venu sur place le 20 mars 2003, et a dressé le constat suivant :
" Il apparaît que la surface de vente est équipée de nombreux luminaires à double tubes fluorescents qui ne comportent pas de grilles de défilement. L'absence de ces systèmes peut favoriser l'éblouissement des opérateurs et participer à l'apparition de la fatigue visuelle, ainsi que des infections de la vue qui en résultent. "

M. R... rappelle à Monsieur Z...dans ce courrier que l'article R232-7-1 du code du travail lui fait obligation de veiller à ce que " l'installation d'éclairage prenne en compte ces risques au travail " ;

Plusieurs stagiaires attestent de ce que cet éclairage était " agressif ", qu'elles avaient les yeux qui " brulent " ou " irrités " et si Mme X...était depuis son âge adulte sujette à épisodes migraineux, il ressort du libellé du certificat médical du Docteur O...que l'intensité lumineuse subie était facteur de déclenchement de ceux-ci ;
Le manquement de Monsieur Z...à son obligation de résultat quant à la protection de la santé et de la sécurité de sa salariée est caractérisé, et s'est prolongé de longues années ; l'éclairage agressif des lieux de travail, l'absence de système de chauffage suffisant jusqu'en 2002, ont constitué des conditions de travail affectant la santé de Mme X...; cette situation justifie, par voie d'infirmation du jugement, la condamnation de Monsieur Z...à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme de 10 000 € ;
SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTERETS POUR PROCEDURE ABUSIVE
Mme X...prospère partiellement en ses demandes et Monsieur Z...est dès lors mal fondé à soutenir que son action est abusive ; il est, par voie de confirmation du jugement, débouté de sa demande de dommages-intérêts ;

SUR LES FRAIS IRREPETIBLES ET LES DEPENS

Les dispositions du jugement afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens sont infirmées ; Il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme X...les frais non compris dans les dépens et engagés dans la première instance et dans l'instance d'appel ; Monsieur Z...est condamné à lui payer, en application des dispositions de l'article 700 de code de procédure civile, la somme de 2000 € à ce titre et doit être débouté de sa propre demande ;
PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit la demande de Mme X...de rappels de salaires pour la période du 1er août 1998 au 30 avril 2000 irrecevable comme étant prescrite, et en ce qu'il a débouté Mme X...de ses demandes pour rappels de salaires, pour rappel d'indemnité compensatrice de préavis, de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, ainsi qu'en ce qu'il a débouté Monsieur Z...de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
L'INFIRME pour le surplus, et y ajoutant,
DIT irrecevable comme étant prescrite la demande de rappels de salaires au titre de la classification comme cadre catégorie D pour la période antérieure au 14 novembre 2000,
DEBOUTE Mme X...de sa demande de dommages-intérêts subsidiaire à sa demande de rappels de salaires prescrits,
DEBOUTE Mme X...de sa demande en dommages-intérêts pour harcèlement sexuel,
CONDAMNE Monsieur Z...à payer à Mme X...la somme de 924, 34 € à titre de rappel d'indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2005,
CONDAMNE Monsieur Z...à payer à Mme X...la somme de 32 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
ORDONNE le remboursement par Monsieur Z...à Pôle Emploi des prestations chômage versées à Mme X...dans la limite de six mois,
ORDONNE à Monsieur Z...de remettre à Mme X...un certificat de travail, un bulletin de salaire et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt,
DEBOUTE Mme X...de sa demande d'astreinte,
CONDAMNE Monsieur Z...à payer à Mme X...la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de protection de la santé et de la sécurité de sa salariée,
CONDAMNE Monsieur Z...à payer à Mme X...la somme de 2000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et le DEBOUTE de sa propre demande à ce titre,
CONDAMNE Monsieur Z...aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00087
Date de la décision : 13/11/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-11-13;11.00087 ?
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