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06/11/2012 | FRANCE | N°10/02679

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 06 novembre 2012, 10/02679


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/02679.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 08 Octobre 2010, enregistrée sous le no F 09/ 00207

ARRÊT DU 06 Novembre 2012

APPELANT :

Monsieur Martial X...... 78450 VILLEPREUX

présent, assisté de Maître Joseph MUEL, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMEE :
S. A. R. L. MENUISERIES ET CHARPENTES DE L'OUEST (M. C. O.) Rue de la Guedonnière 53300 AMBRIERES LES VALLEES

représentée par Maître Jean LANDRY, avocat au barreau de LAVAL, en présence de Monsieur Arnaud DE Y..., gér...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/02679.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 08 Octobre 2010, enregistrée sous le no F 09/ 00207

ARRÊT DU 06 Novembre 2012

APPELANT :

Monsieur Martial X...... 78450 VILLEPREUX

présent, assisté de Maître Joseph MUEL, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMEE :
S. A. R. L. MENUISERIES ET CHARPENTES DE L'OUEST (M. C. O.) Rue de la Guedonnière 53300 AMBRIERES LES VALLEES

représentée par Maître Jean LANDRY, avocat au barreau de LAVAL, en présence de Monsieur Arnaud DE Y..., gérant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Juin 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 06 Novembre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
EXPOSE DU LITIGE

La société Menuiseries charpentes de l'Ouest (M. C. O.) a pour activité la fabrication de meubles en bois et emploie, sur son site d'Ambrières Les Vallées en Mayenne, moins de 11 salariés.

Elle a été fondée en 2006 par M. Raphaël du Z..., qui en est le gérant et elle applique la convention collective du bâtiment.
En 2007 M. du Z... l'a développée, en rachetant des parts dans une entreprise de même nature sise à Alençon, la société Audouin, et a envisagé le rachat d'une autre entreprise, la société L'Archeban. Il a engagé son cousin M. Martial X... avec lequel il avait déjà eu l'occasion de travailler au sein du groupe Lafarge, par contrat à durée indéterminée à temps complet du 17 septembre 2007, en qualité d'adjoint au responsable d'atelier, avec un statut de cadre, la fonction étant la participation à l'encadrement d'une équipe de fabrication et de pose, pour un horaire hebdomadaire de 39 heures, et un salaire mensuel de 2022, 93 €.
En octobre 2007 M. Martial X... a été promu " chargé d'affaires " et son salaire mensuel est passé à 2253, 32 €.
Le 17 mars 2008 une lettre de convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 20 mars 2008 lui a été remise puis, toujours par remise d'une lettre en mains propres, son licenciement pour motif économique lui a été notifié le 28 mars 2008.
Par lettre du 24 avril 2009, M. Martial X... a contesté auprès du nouveau gérant de la société M. C. O. M. De Y..., les conditions de son licenciement, à la fois sur le plan de la procédure suivie et s'agissant du motif de la rupture, en exposant que la lettre du 17 mars 2008 était antidatée et lui avait en réalité été remise après la notification, faite verbalement, du licenciement le 30 avril 2008 ; il a demandé une indemnisation de la rupture, ajoutant qu'à défaut il saisirait la juridiction prud'homale.
Par courrier en réponse de son nouveau gérant, M. de Y..., du 7 mai 2008, la société M. C. O a opposé un refus aux demandes de M. Martial X....

M. Martial X... a saisi le 5 octobre 2009 le conseil de prud'hommes de Laval pour obtenir paiement des sommes suivantes :

-2000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'article R. 1456-1 du code du travail,-2253, 32 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,-22 533, 20 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-4506, 64 € à titre d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauche,-4 506, 64 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-450, 66 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,-3500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. Martial X... a demandé la remise de documents de travail conformes, sous astreinte de 250 € par jour de retard et par document, les intérêts au taux légal et l'exécution provisoire de la décision.

Par jugement du 8 octobre 2010, le conseil de prud'hommes de Laval a :

- débouté M. Martial X... de sa demande de dommages-intérêts pour non respect des dispositions de l'article R. 1456-1 du code du travail,
- dit que le salaire de référence de M. Martial X... est d'un montant mensuel brut de 2 253, 32 €,
- constaté que la lettre de licenciement de M. Martial X... a bien été remise en main propre à ce dernier le 28 mars 2008,
- débouté M. Martial X... de sa demande pour non respect de la procédure de licenciement,
- dit que le Iicenciement de M. Martial X... repose bien sur une cause économique,
- dit que la procédure de reclassement n'a pas été satisfaite par la société M. C. O.,
- dit que le licenciement de M. Martial X... ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
- condamné la société M. C. O. à payer à M. Martial X... les sommes de : ¤ 2000 € à titre de dommages-intérêts, ¤ 1000 € pour non respect de la priorité de réembauche, ¤ 2253, 32 € brut au titre de l'indemnité de préavis et 225, 33 € brut au titre des congés payés afférents à l'indemnité de préavis,

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 1 er décembre 2010 et que les intérêts seront capitalisés en application de l'article 1154 du Code Civil,
- condamné la Société M. C. O. à remettre à M. Martial X... les documents suivants : bulletins de paie conformes pour les mois d'avril et mai 2008, attestation Pôle Emploi correspondante, certificat de travail conforme et portant la mention " Chargé d'affaires ",
- dit que cette remise sera assortie d'une astreinte provisoire de 250 € par document et par jour de retard à compter du 1er décembre 2010 et ce, pendant une durée de deux mois, le conseil se réservant la faculté de liquider ladite astreinte,

- rappelé quel'exécution provisoire est de droit sur les sommes à caractère salarial calculées sur la moyenne des 3 derniers mois, que le Conseil fixe à 2. 253, 32 € ; qu'iI n'y a pas lieu de l'ordonner pour le surplus,

- débouté M. Martial X... de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société M. C. O. aux entiers dépens.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. Martial X... demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 8 novembre 2011 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que l'obligation de reclassement n'avait pas été satisfaite par la société M. C. O. et en ce qu'il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'infirmer sur le surplus et statuant à nouveau, constatant que la société M. C. O. n'a pas respecté la procédure de licenciement, n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, n'a pas respecté l'ordre des licenciements, de condamner la société M. C. O. à lui payer les sommes de :

-2000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'article R. 1456-1 du code du travail,
-2253, 32 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
-22 533, 20 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-4506, 64 € à titre d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauche,
-4 506, 64 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-450, 66 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
-2000 € pour les frais exposés devant le conseil de prud'hommes et 3500 € pour les frais exposés devant la cour, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. Martial X... a demandé la remise de bulletins de paie conformes pour mai, juin, et juillet 2008, d'une attestation Pôle Emploi conforme et d'un certificat de travail conforme, le tout sous astreinte de 250 € par jour de retard et par document, les intérêts au taux légal à compter de la rupture du contrat de travail soit le 7 mai 2008, avec la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil et l'exécution provisoire de la décision.

M. Martial X... soutient :

- qu'il a subi un préjudice du fait du non dépôt au greffe du conseil de prud'hommes de Laval par la société M. C. O. des documents visés par l'article L1235-9 du code du travail,
- qu'il a été licencié verbalement le 30 avril 2008 et que le 7 mai 2008 M. du Z... lui a remis en mains propres une lettre de convocation à un entretien préalable datée du 17 mars 2008, et une lettre de licenciement datée du 28 mars,
- que la procédure de licenciement est irrégulière puisqu'il n'y a pas eu d'entretien préalable au licenciement et que par conséquent aucune proposition de convention de reclassement personnalisé ne lui a été faite, que la lettre qui lui a été remise est antidatée et ne respecte même pas le délai de 15 jours exigé entre l'entretien et la notification du licenciement par l'article L1233-15 du code du travail en matière de licenciement économique, et lorsque le salarié est cadre,
- que la société M. C. O. n'a fait aucune recherche de reclassement avant de le licencier,
- que la lettre de licenciement ne comporte pas de motifs précis, ne fait référence ni à des difficultés économiques ni à des mutations technologiques et n'expose pas l'impact de la cause économique invoquée sur l'emploi du salarié ; que les difficultés économiques de la société M. C. O. n'existaient pas et qu'il s'agissait d'une entreprise en pleine expansion ; que le motif réel du licenciement est d'ordre personnel et que c'est son efficacité dans le travail qui a été critiquée,
- que ce licenciement est intervenu dans des conditions vexatoires puisqu'il n'a pu en connaître les motifs,
- que la société a procédé à des embauches en mai puis août 2008 mais n'a pas mentionné dans la lettre de licenciement la priorité de réembauche,
- que le préavis dû est de deux mois au regard de la convention collective et qu'aucune somme ne lui a été versée, M. de Y... ayant, dans son courrier du 27 mai 2009, reconnu à tout le moins lui devoir un mois de salaire à ce titre.
La société M. C. O. demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 19 juin 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur une cause économique, et en ce qu'il a débouté M. Martial X... de ses demandes au titre de l'article R1456-1 du code du travail, au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement, et au titre des critères d'ordre des licenciements ; de l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau de débouter M. Martial X... de toutes ses demandes, subsidiairement d'en diminuer le montant.
Elle soutient que le licenciement économique de M. Martial X... n'a pas eu de caractère collectif, et qu'il n'y a donc pas lieu à application de l'article R1456-1 du code du travail, ce d'autant plus que les documents visés par ce texte ne concernent selon elle ni le motif économique, ni les critères d'ordre des licenciements, et qu'elle n'avait donc pas à communiquer ces éléments au salarié, lequel au demeurant avait parfaitement connaissance du motif économique de son licenciement ; qu'il n'en est enfin résulté aucun préjudice pour lui.
La société M. C. O. soutient encore qu'elle a bien eu des difficultés économiques liées au rachat des parts de la société Audouin et de la société l'Archeban, et à la survenance de la crise économique et, quant à la forme employée pour licencier M. Martial X..., explique que celui-ci a été d'accord, compte tenu de ses liens familiaux avec M. du Z..., pour ne pas appliquer le formalisme prévu par le code du travail.
Elle affirme que la convocation à l'entretien préalable, et la lettre de licenciement, n'ont pas été antidatées, mais que les deux cousins ont été d'accord pour ne pas procéder par courrier recommandé.
Elle ajoute que les demandes d'indemnisation de M. Martial X..., même si la cour considérait que le licenciement a été sans cause réelle et sérieuse, sont très excessives, puisqu'il a retrouvé du travail au bout de 7 mois, et n'a eu qu'une ancienneté de six mois au sein de l'entreprise.
MOTIFS DE LA DECISION
sur les formalités de dépôt de pièces au greffe du conseil de prud'hommes en matière de licenciement économique collectif :
L'article R516-45 du code du travail devenu l'article R1456-1 énonce qu'en cas de recours portant sur un licenciement pour motif économique l'employeur dépose ou adresse par lettre recommandée avec avis de réception au greffe du conseil les éléments mentionnés à l'article L1235-9 du code du travail ;
L'article L1235-9 du code du travail précise que ces éléments sont ceux qui doivent être fournis par l'employeur aux représentants du personnel ou à défaut de représentants du personnel dans l'entreprise, à l'autorité administrative, en application du chapitre III du dit code ;
Le chapitre III du code du travail a pour titre " le licenciement économique " et l'article L1233-10, qui y est inséré, stipule que l'employeur adresse aux représentants du personnel tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif et notamment la ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement, les catégories professionnelles concernées, et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ;
Cette exigence d'information du salarié qui a engagé une action judiciaire sur le bien fondé de son licenciement économique concerne les licenciements collectifs, et il ressort du libellé du registre du personnel de la société M. C. O. que le licenciement de M. Martial X... s'inscrit bien dans un tel cadre, puisque le départ de M. A..., également salarié de l'entreprise, y est mentionné au 30 avril 2008, au motif d'un licenciement économique également ;

Il ne fait pas débat que la société M. C. O. n'a pas déposé, dans les jours suivant la date de réception par elle de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Laval, les éléments mentionnés à l'article L 1235-9 du code du travail pour être versés au dossier du conseil, soit notamment, la ou les raisons financières ou techniques du licenciement, les catégories professionnelles concernées, et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ;

M. Martial X... ne justifie cependant d'aucun préjudice qui résulterait de cette absence de dépôt initial, alors que les comptes de la société M. C. O., et le registre du personnel, ont été produits lors de la première instance, et à nouveau devant la cour et que le débat judiciaire a eu lieu sur la question des critères d'ordre des licenciements, l'employeur soutenant qu'il s'agit d'un licenciement individuel ;
Par voie de confirmation du jugement, M. Martial X... est en conséquence débouté de sa demande à ce titre ;

Sur le licenciement :

Conformément à l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge devant lequel un licenciement est contesté doit apprécier tant la régularité de la procédure suivie que le caractère réel et sérieux des motifs énoncés dans le courrier qui notifie la mesure et qui fixe les limites du litige et rechercher, si le salarié le requiert, sa véritable cause ;
M. Martial X... affirme que son licenciement a eu un motif personnel et non économique mais n'apporte aucun élément au soutien de cette affirmation, qui puisse établir que l'employeur lui ait reproché une insuffisance professionnelle, ou la commission d'une faute dans l'exécution de son contrat de travail ;
Son licenciement sera par conséquent examiné au regard des prescriptions légales sur le licenciement économique, selon la qualification énoncée dans la lettre de notification du 28 mars 2008 ;
Aux termes des dispositions de l'article L 321-1 du code du travail applicable au moment de la notification du licenciement litigieux, devenu l'article L1233-3, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs, non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusées par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
La jurisprudence a ajouté aux causes légales celle de la réorganisation de l'entreprise destinée à sauvegarder sa compétitivité.
Elle a aussi précisé que la lettre de licenciement devait comporter non seulement l'énonciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la réorganisation de l'entreprise, mais également l'énonciation des incidences de ces éléments sur l'emploi du salarié licencié.
La lettre de licenciement qui a été notifiée le 28 mars 2008 à M. Martial X... est ainsi libellée :
" Lettre remise en main propre
Monsieur,
Vous avez été convoqué le 20 mars 2008 à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement auquel vous vous êtes présenté.
Au cours cet entretien préalable, nous vous avons expliqué les faits suivants :- Votre embauche été liée au rachat de la structure L'Archeban à Grenoble en qualité de chef d'atelier, ce rachat ayant été non concluant, nous ne pouvons nous permettre de garder 2 chefs d'atelier au sein de notre structure pour des raisons économiques. Nous sommes donc contraints de mettre fin à votre contrat de travail, ceci rendant impossible la poursuite de votre activité professionnelle au sein de notre entreprise.

Par la présente, il vous est notifié votre licenciement, sans indemnité de rupture mais avec un préavis de 30 jours.
Vous ne ferez plus partie du personnel de l'entreprise à compter du 30 avril au soir. Votre certificat de travail et votre attestation Assedic seront à votre disposition à compter du 7 mai 2008, ainsi que les salaires et l'indemnité compensatrice de congés payés, qui vous seront dus. "

Il résulte de cet énoncé d'une part qu'il ne fait pas référence à la situation de travail de M. Martial X..., puisque celui-ci a été embauché non comme chef d'atelier sur le site de Moirans, en Isère, après rachat de l'entreprise l'Archeban, mais comme " adjoint responsable atelier " sur le site d'Ambrières les Vallées, en Mayenne, et d'autre part qu'il ne contient aucun des motifs de licenciement économique prévus par la loi et la jurisprudence ;
La lettre présente donc à la fois un caractère erroné dans ses mentions, et une imprécision dans ses motifs, qui s'analyse en une absence de motifs légaux et jurisprudentiels, peu importants les éléments apportés par l'employeur postérieurement dans le cadre du débat judiciaire ;
Les simples " raisons économiques " invoquées, ne permettent pas au juge d'exercer son contrôle sur la réalité de la cause économique du licenciement, puisqu'il s'agit là d'un libellé imprécis et au contenu matériellement invérifiable ; Le licenciement apparaît dès lors, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autre moyens soulevés par M. Martial X..., comme dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ;

Le jugement est confirmé sur ce point ;
Il n'est d'autre part pas contesté par la société M. C. O. que les formes légales du licenciement économique n'ont pas été respectées par elle, peu important sur ce point que le salarié ait " acquiescé " à cette façon de procéder, puisque l'observation de ces règles a un caractère obligatoire pour l'employeur ;
L'absence de toute tenue d'un entretien préalable au licenciement ne fait pas débat, pas plus que l'absence de proposition de convention de reclassement personnalisé ; dès lors, les motifs du licenciement n'ont pas non plus été indiqués à M. Martial X... dont les explications n'ont pas été recueillies, et celui-ci n'a pas bénéficié de l'assistance d'une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise : par voie d'infirmation du jugement, la procédure de licenciement doit être dite irrégulière, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens invoqués sur ce point par M. Martial X... ;
Sur les conséquences du licenciement :
M. Martial X... a eu 6 mois et demi d'ancienneté dans l'entreprise puisque son contrat de travail a pris effet le 17 septembre 2007 et que le licenciement lui a été notifié par lettre remise en mains propres du 28 mars 2008, sur laquelle se trouve écrite la mention, effectuée de sa main, suivante : " reçu le 28 mars 2008, en mains propres Martial X... (et paraphe) "
L'entreprise employant au moment du licenciement moins de onze salariés et l'ancienneté de M. Martial X... étant inférieure à deux années, lui sont applicables les dispositions de l'article L1235-5 du code du travail selon lesquelles le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi ;
Les parties s'accordent pour fixer le salaire de référence à utiliser pour le calcul des indemnités liées à la rupture à la somme de 2253, 32 € ;
M. Martial X... avait 27 ans au moment du licenciement, une formation d'ingénieur obtenue dans une école centrale, il était marié et chargé de famille ; il a le 1er décembre 2008 retrouvé un emploi de cadre à ERDF ; La cour trouve en la cause les éléments suffisants pour condamner la société M. C. O. à lui payer, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, réformant sur ce point le jugement, la somme de 3300 € ;

L'article L1235-2 du code du travail stipule d'autre part que si la procédure de licenciement a été irrégulière le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ; le salarié n'a pas à justifier d'un préjudice, lequel est nécessairement entraîné par le non-respect de la procédure et, en application des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail, cette indemnité est cumulable avec l'indemnité due pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la société M. C. O. est en conséquence, par voie d'infirmation du jugement, condamnée à payer à M. Martial X... la somme de 2253, 32 € à ce titre ;
Le salarié licencié a droit à un préavis qui est, aux termes de l'article 7 de la convention collective du bâtiment, pour les cadres et lorsque l'ancienneté est inférieure à deux ans, de deux mois ;
M. Martial X... a été licencié le 28 mars 2008 et le bulletin de paie qui lui a été remis pour la période allant du 1er au 30 avril 2008 porte mention d'un salaire brut de 1834, 72 € compte tenu de 151, 67 heures travaillées, outre 13, 33 heures supplémentaires majorées à 25 % et une absence paternité de 27heures 20 ; le mois d'avril a par conséquent été travaillé et constitue l'exécution du premier mois de préavis ;
Le gérant de la société M. C. O. a par écrit du 27 mai 2009 expressément reconnu que le second mois de préavis n'avait pas été réglé à M. Martial X... et c'est donc à juste titre que les premiers juges ont condamné l'entreprise à payer au salarié, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 2253, 32 €, outre la somme de 225, 33 € à titre de congés payés y afférents, qui lui a été versée, en exécution du jugement, le 30 novembre 2010 ainsi qu'il en est en justifié ;
Le jugement est en conséquence confirmé sur ce point ;
Sur la priorité de réembauche :
Le salarié licencié pour un motif économique bénéficie, pendant un an à compter de la rupture de son contrat de travail, s'il en fait la demande, d'une priorité de réembauche, droit dont il doit être fait mention par l'employeur, aux termes de l'article L122-14-2 du code du travail, devenu l'article L1233-16, dans la lettre de licenciement ;
La lettre remise en mains propres à M. Martial X... le 28 mars 2008 ne mentionne pas ce droit de réembauche, alors qu'il est acquis aux débats que des embauches ont eu lieu au sein de la société M. C. O. de mai à septembre 2008, dont M. Martial X... n'a pas plus été informé que de sa possibilité à en solliciter le bénéfice prioritaire ;
L'omission de l'indication de la priorité de réembauche dans la lettre de licenciement pour motif économique est une irrégularité qui ouvre droit à indemnité, et qui cause nécessairement au salarié un préjudice, que le juge doit réparer ;
M. Martial X... justifie avoir, du fait de cette omission, été empêché de bénéficier de la priorité légale pour trois postes ayant fait l'objet d'un recrutement en mai, septembre et octobre 2008, et le non respect de celle-ci lui ouvre droit, par application de l'article L 122-14-5 du code du travail devenu l'article L1235-14, compte tenu de ce que son ancienneté est inférieure à deux ans, et l'effectif de l'entreprise inférieur à onze salariés, à une indemnité correspondant au préjudice subi ;
Les trois postes sur lesquels des embauches ont été réalisées par la société M. C. O. sont cependant deux postes de menuisier et un poste d'apprenti, alors que M. Martial X... a une formation supérieure, de nature théorique et non manuelle : par voie d'infirmation du jugement déféré, il convient de ramener à la somme de 500 € le montant de l'indemnité allouée de ce chef par les premiers juges ;

Sur les intérêts :

les intérêts sont dus au taux légal :
- à compter du présent arrêt pour les condamnations de nature indemnitaire,
- à compter du 7 octobre 2009, date de réception par la société M. C. O. de sa convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Laval, s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis et les
congés payés y afférents, avec capitalisation des dits intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil pour ces deux dernières sommes, les conditions de la capitalisation des intérêts étant réunies ;
Sur la remise des documents de fin de contrat sous astreinte :
Il est établi que M. Martial X... a exécuté le premier mois de préavis au cours du mois d'avril 2008, mais que cette mention n'apparaît ni sur le bulletin de salaire d'avril 2008, ni sur l'attestation Pôle Emploi ; le certificat de travail qui lui a été remis indique qu'il a fait partie du personnel de l'entreprise jusqu'au 30 avril 2008 et non comme cela devrait être dit jusqu'au 30 mai 2008 ; La mention de ce qu'il avait la fonction de " chargé d'affaires " est bien portée à la fois sur le certificat de travail et sur l'attestation Pôle Emploi, et sera par conséquent reprise sur les documents rectifiés par ailleurs quant à la date de fin d'exécution du contrat de travail ; l'astreinte est inopportune, M. Martial X... ayant un nouvel emploi et les rectifications étant sans incidence sur celui-ci ;

Sur les frais irrépétibles :
Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société M. C. O. aux dépens et infirmé en ce qu'il a débouté M. Martial X... de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. Martial X... les frais non compris dans les dépens et engagés dans la première instance et l'instance d'appel ; la société M. C. O. est condamnée à lui payer, en application des dispositions de l'article 700 de code de procédure civile, la somme de 1000 € à ce titre et doit être déboutée de sa propre demande ;
La société M. C. O. est condamnée aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté M. Martial X... de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions de l'article R1456-1 du code du travail,
- dit que le licenciement de M. Martial X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société M. C. O. à payer à M. Martial X... la somme de 2253, 32 € brut au titre de l'indemnité de préavis et 225, 33 € brut au titre des congés payés afférents à l'Indemnité de préavis,
- débouté la société M. C. O. de sa demande au titre de l'article 700 code de procédure civile,
- condamné la société M. C. O. aux dépens,
L'INFIRME pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,
- CONDAMNE la société M. C. O. à payer à M. Martial X... la somme de 3300 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- CONDAMNE la société M. C. O. à payer à M. Martial X... la somme de 2253, 32 € à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,
- CONDAMNE la société M. C. O. à payer à M. Martial X... la somme de 500 € pour non-respect de la priorité de réembauche,

- DIT que les intérêts sont dus au taux légal :

- à compter du présent arrêt s'agissant des condamnations de nature indemnitaire,
- à compter du 7 octobre 2009, date de réception par la société M. C. O. de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Laval pour l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents, avec capitalisation des dits intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil pour ces deux dernières sommes,

- CONDAMNE la société M. C. O. à remettre à M. Martial X..., dans les deux mois du présent arrêt, les bulletins de salaire d'avril et mai 2008, l'attestation Pôle Emploi et le certificat de travail conformes aux dispositions du présent arrêt,

- DIT n'y avoir lieu à mesure d'astreinte,
- CONDAMNE la société M. C. O. à payer à M. Martial X... la somme de 1000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- CONDAMNE la société M. C. O. aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02679
Date de la décision : 06/11/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-11-06;10.02679 ?
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