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06/11/2012 | FRANCE | N°10/01719

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 06 novembre 2012, 10/01719


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N BAP/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01719.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 04 Juin 2010, enregistrée sous le no 09/ 00077

ARRÊT DU 06 Novembre 2012

APPELANT :

Monsieur Freddy X... ...72000 LE MANS

présent, assisté de Maître Christine JULIENNE, avocat au barreau de NANTES

INTIMEE :

ASSOCIATION D'HYGIENE SOCIALE DE LA SARTHE 92-94 rue Molière 72000 LE MANS

représenté

e par Maître François GAUTIER, avocat au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions d...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N BAP/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01719.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 04 Juin 2010, enregistrée sous le no 09/ 00077

ARRÊT DU 06 Novembre 2012

APPELANT :

Monsieur Freddy X... ...72000 LE MANS

présent, assisté de Maître Christine JULIENNE, avocat au barreau de NANTES

INTIMEE :

ASSOCIATION D'HYGIENE SOCIALE DE LA SARTHE 92-94 rue Molière 72000 LE MANS

représentée par Maître François GAUTIER, avocat au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juillet 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT : prononcé le 06 Novembre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCÉDURE
M. Freddy X... a été engagé par l'association d'Hygiène sociale de la Sarthe, ci-après l'AHSS, selon contrat de travail à durée déterminée du 8 janvier 2008, pour la période allant du 14 janvier 2008 au 13 janvier 2010, en qualité d'assistant généraliste, 5ème année, de la convention collective F. E. H. A. P., contre une rémunération brute mensuelle de 2 811, 23 euros pour 151 heures 67 de travail, outre 173, 32 euros en cas de garde de nuit et du dimanche. Il a été affecté au Centre médical F. Gallouédec, plus particulièrement sur l'unité de soins palliatifs dite Langevin du service de cancérologie, étant stipulé qu'il se trouvait " sous la responsabilité du Médecin-Chef d'Etablissement ". À compter du 1er juillet 2008 et jusqu'au 8 septembre 2008, il a exercé sur l'unité de soins de suite dite Hardy, faisant partie également du service de cancérologie du Centre médical F. Gallouédec, outre la coordination du service d'hospitalisation à domicile également géré par l'AHSS.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 juillet 2008, l'AHSS lui a délivré un avertissement.
Par courrier remis en main propre le 24 septembre 2008, il a été convoqué à un entretien préalable " en vue d'un licenciement ", avec mise à pied à titre conservatoire du même jour.
Ensuite de sa demande, l'entretien préalable qui était fixé au 2 octobre 2008, a été repoussé au lendemain, 3 octobre.
Il a été " licencié " pour faute grave, par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 octobre 2008.
Il a saisi le conseil de prud'hommes du Mans le 2 février 2009 aux fins que, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :- l'AHSS soit condamnée à lui verser o 53 100 euros de dommages et intérêts pour " licenciement abusif ", o 20 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral, o 342, 53 euros d'indemnité de précarité, o 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- il soit indemnisé de la mise à pied conservatoire,- l'avertissement qui lui a été notifié soit annulé,- les " documents sociaux " soient modifiés, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir.

Le conseil de prud'hommes, statuant en formation de départage, par jugement du 4 juin 2010 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, a dit que chaque partie conserverait la charge de ses frais irrépétibles, et l'a condamné aux entiers dépens.
Cette décision lui a été notifiée le 8 juin 2010, de même qu'à l'AHSS.
Il en a formé régulièrement appel, par courrier recommandé avec accusé de réception posté le 2 juillet 2010.
L'évocation de l'affaire avait été fixée au 9 janvier 2012. L'intimée ayant reçu tardivement les conclusions de l'appelant a demandé un renvoi, qui lui a été accordé sur l'audience du 2 juillet 2012.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions enregistrées au greffe le 29 décembre 2011, reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. Freddy X... sollicite l'infirmation du jugement déféré et, en outre y ajoutant, que :- la sanction disciplinaire infligée au mois de juillet 2008 soit annulée,- il soit dit et jugé que " son licenciement est irrégulier, abusif et injustifié ",- en conséquence, fixant la moyenne de ses salaires à la somme brute de 3 425, 37 euros, l'association d'Hygiène sociale de la Sarthe soit condamnée à lui verser o 3 425, 37 euros pour " irrégularité de la procédure de licenciement ", o 53 100 euros de dommages et intérêts pour " licenciement abusif ", o 20 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral, o 342, 53 euros d'indemnité de précarité, o le rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire du 24 septembre au 9 octobre 2008, outre les congés payés afférents, o 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- il soit ordonné la modification du certificat de travail, de l'attestation Assedic, ainsi que des bulletins de salaire de septembre et octobre 2008, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,- il soit dit et jugé que l'ensemble des condamnations sera assorti des intérêts au taux légal capitalisés.

Il fait valoir que : 1. Sur l'annulation de l'avertissement-la formulation de la lettre de notification est générale, sans que les faits à l'appui ne soient de plus datés, de sorte qu'il est en droit d'invoquer leur prescription, tout comme les écrits visés n'étant toujours pas fournis, ou tout autre document venant en attester, le doute doit au moins lui profiter,- également, les faits évoqués ayant d'ores et déjà donné lieu à une affectation/ sanction, modification de son contrat de travail à titre disciplinaire qui ne lui a jamais été notifiée et qui ne pouvait donc lui être imposée, il ne pouvait y avoir nouvelle sanction des mêmes chefs,- au surplus, la preuve est rapportée de ce que les faits n'étaient de toute façon pas fondés, d'autant que son changement de service s'est accompagné d'un accroissement de sa charge de travail et de ses responsabilités, 2. Sur " le licenciement "- la procédure est affectée de deux irrégularités de forme, en ce que o Mme Y..., directrice du Centre médical F. Gallouédec, qui a mené l'entretien préalable sur délégation du président du conseil d'administration de l'association et qui l'a rapporté au dit président, a, ce faisant, n'étant pas médecin de même que le président, manifestement violé le secret médical, et le fait que le docteur Z...ait été présent, comme le fait que lui-même ait été assisté par le docteur A..., ne sont pas de nature à couvrir cette irrégularité, o " la lettre de licenciement " n'est pas conforme à l'entretien préalable, les griefs énoncés n'ayant pas été discutés contradictoirement au cours de cet entretien,- la prescription doit trouver à s'appliquer aux faits invoqués qui ne sont ni détaillés, ni datés, et il ne peut être question d'aucune réitération des faits susceptible de s'y opposer, alors que l'avertissement auquel il est fait référence est annulé,- de facto, les faits que couvrent " la lettre de licenciement " ont déjà été sanctionnés, au surplus par deux fois, ce qui rend ce " licenciement " des mêmes chefs impossible,- le " licenciement " n'est pas fondé, en l'absence de tout fait objectif sérieux à son encontre et alors que l'employeur, sans aucune explication préalable, ni accompagnement adapté, l'a réintégré dans le service où il était censé avoir posé problème ; est à souligner par ailleurs que, ni des difficultés relationnelles, ni une

mésentente, ni une perte de confiance, ne peuvent constituer " des causes réelles et sérieuses de licenciement ", pas plus qu'une quelconque incompétence professionnelle ne peut constituer, en soi, une faute grave ; en toute hypothèse, n'ont pas valeur probante les attestations de personnes qui, outre d'être dans le cadre d'un lien de subordination avec l'AHSS, sont o pour une part, dans l'incapacité professionnelle de contester la qualité de ses prescriptions et à l'origine d'une cabale à son encontre, quasi dès son engagement, o pour une autre part, n'avaient pas sa connaissance des patients, ne montraient généralement aucun esprit de concertation ou de collaboration, et dont il n'est pas établi que l'analyse médicale se soit avérée meilleure que la sienne, o enfin, sont juge et partie, ayant toute connaissance de ses compétences puisqu'ayant procédé à son embauche, refusant au contraire qu'il s'absente du service, l'utilisant donc, sans aucunement alors le déjuger ni le réprimander, mais exerçant aussi sur lui une pression, s'apparentant à du harcèlement, pour qu'il démissionne, o à tout le moins, le doute doit lui profiter, 3. Sur le préjudice moral complémentaire, celui-ci est justifié, en lien avec l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail par l'employeur, à la limite du harcèlement moral, 4. Sur les demandes financières, la rémunération à prendre en compte ne peut être limitée à son salaire de base ; il convient d'y ajouter les gardes et les astreintes qu'il effectuait régulièrement.

****

Par conclusions déposées le 2 juillet 2012, reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, l'association d'Hygiène sociale de la Sarthe sollicite la confirmation du jugement déféré et, y ajoutant, que M. Freddy X... soit condamné à lui verser 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel outre qu'il supporte les entiers dépens de l'instance.

Elle réplique que :- la " procédure de licenciement " est parfaitement régulière, en tant que o Mme Y..., directrice du Centre médical F. Gallouédec, a assuré la conduite de l'entretien préalable en présence du docteur Z..., médecin-chef de l'établissement, et du docteur A...qui assistait M. X..., et que les demandes de M. X... du chef de la présence de ces médecins étant remplies, il ne peut invoquer une quelconque violation du secret médical, o les griefs repris dans " la lettre de licenciement " sont strictement ceux discutés lors de cet entretien, et M. X... n'apporte aucune preuve du contraire,- les faits ayant donné lieu au " licenciement " ne sont pas prescrits, puisque datant de moins de deux mois lors de l'engagement de la procédure,- il n'y pas double sanction, les faits ayant entraîné " le licenciement " étant postérieurs à l'avertissement infligé en juillet 2008 ; les faits ont été réitérés depuis la sanction initiale,- " le licenciement " est bien fondé en ce que o les attestations produites ne peuvent être écartées, alors que les griefs qui sont faits à M. X... concernant le personnel infirmier et sa hiérarchie, eux seuls peuvent par voie de conséquence en témoigner, o la mesure prise ne repose pas sur d'éventuelles erreurs médicales de M. X..., dont l'appréciation relèverait du Conseil de l'ordre des médecins, mais sur l'impact de ses divers comportements sur le bon fonctionnement du service, qui nécessite qu'existe un lien de confiance entre les différents membres du personnel

soignant ; or, M. X... a mis à mal ce fonctionnement par ses attitudes, lorsqu'il était confronté à ses erreurs, dans les transmissions qu'il pouvait faire, et son supérieur hiérarchique est parfaitement en droit d'attester, en dehors de tout manquement à une quelconque confraternité, o il ne peut être question d'un " complot " ou d'un acharnement, alors que justement elle avait choisi, après que les premiers incidents aient été rapportés, de conserver M. X... à son service, se contentant d'un simple avertissement et d'un changement d'affectation, o M. X... ayant été ré-affecté, pour des raisons d'organisation interne, dans son unité d'origine, la gravité des manquements constatés, alliée à leur réitération, rendaient impossible tout maintien de son contrat de travail,- subsidiairement, les dommages et intérêts réclamés pour préjudice moral font manifestement double emploi avec ceux relatifs au " licenciement ".

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'annulation de l'avertissement
L'avertissement délivré par l'association d'Hygiène sociale de la Sarthe à M. Freddy X..., le 28 juillet 2008, est rédigé en ces termes : " A la suite d'une plainte écrite de salariés du Centre Médical F. Gallouédec en date du 4 juin 2008 ainsi que d'un courrier circonstancié de la surveillante générale de l'établissement en date du 9 Juillet 2008, vous avez été reçu et entendu au Centre Médical Gallouédec le 23 Juillet 2008, en présence du Docteur A...qui vous assistait, pour recueillir vos explications quant à votre comportement manifestement inadapté, vis-à-vis des salariés et vis-à-vis de certaines familles de patients. Les faits reprochés vous ont été dûment explicités lors de cet entretien. Je vous rappelle que votre fonction de praticien adjoint contractuel, et de surcroît de praticien attaché à un service de soins palliatifs, vous fait obligation de respecter et de faire respecter les principes fondamentaux indispensables à la bonne marche des services. En conséquence de votre comportement inadapté ayant conduit la direction de l'établissement à vous affecter à un autre service, nous vous adressons cet avertissement afin que vous adoptiez une attitude plus respectueuse de la personnalité de vos collaborateurs et des familles en détresse, et par conséquent plus favorable à l'harmonie indispensable dans l'exercice de vos fonctions au sein de l'Etablissement ".

L'avertissement est, sans conteste, une sanction disciplinaire au sens de l'article L. 1331-1 du code du travail, selon lequel : " Constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ".
À ce titre, il est soumis au contrôle du juge, conformément aux articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du même code qui disposent tour à tour :- L. 1333-1, " En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié ",- L. 1333-2, " Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise ".

Le juge doit donc, en premier lieu, vérifier la régularité de la procédure ayant abouti à l'avertissement, et notamment que les faits qui le fondent ne sont pas prescrits, et ce en application de l'article L. 1332-4 du code du travail, d'après lequel : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ". Cependant, l'employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu'un nouveau fait fautif du salarié est constaté, ceci supposant, néanmoins, que les deux fautes procèdent d'un comportement identique. L'employeur peut aussi prendre en compte un fait fautif antérieur à deux mois, dans la mesure où le comportement du salarié a persisté dans l'intervalle. Par ailleurs, un même fait fautif ne peut être sanctionné deux fois. En revanche, l'existence de nouveaux griefs autorise l'employeur à retenir des fautes antérieures même déjà sanctionnées pour apprécier la gravité des faits reprochés au salarié, à condition que la sanction alors invoquée ne soit pas antérieure de plus de trois ans à l'engagement des nouvelles poursuites disciplinaires (cf article L. 1332-5 du code du travail). De même, des faits distincts ne peuvent pas non plus faire l'objet de deux sanctions successives, et ce dès lors que l'employeur avait connaissance de l'ensemble de ces faits lors du prononcé de la première sanction. Enfin, dans la mesure où un fait fautif a été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de ce qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites, et cette connaissance s'entend de l'information exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.

M. X... vient dire que les faits ayant fondé l'avertissement qui lui a été infligé sont prescrits. Toutefois, il ressort du dit avertissement que celui-ci a été prononcé à la suite d'une " plainte " écrite de salariés du Centre médical F. Gallouédec en date du 4 juin 2008, outre un courrier indiqué comme " circonstancié " de la surveillante générale du même établissement en date du 9 juillet 2008, éléments ayant donné lieu, avant sanction, ce qu'il ne conteste pas, à son audition le 23 juillet 2008, outre qu'il y était assisté. Dans ces conditions, les faits dont il est question ayant été dénoncés à l'AHSS, simplement le 4 juin 2008, celle-ci ayant ensuite réagi dans les deux mois, l'exception de prescription opposée par M. X... ne peut prospérer.

M. X... vient dire que les faits ayant fondé l'avertissement qui lui a été infligé, ayant d'ores et déjà été sanctionnés, ne pouvaient, dès lors fonder une nouvelle sanction. La rédaction de l'avertissement précité est sans ambiguïté, en ce que les comportements fautifs imputés à M. X... envers d'autres salariés ou des familles de patients, de l'ordre d'un défaut de respect d'autrui, ont donné lieu, préalablement au dit avertissement, à une décision de l'AHSS à son endroit, en ce qu'il s'est vu affecter dans un autre service (" En conséquence de votre comportement inadapté ayant conduit la direction de l'établissement à vous affecter à un autre service "). Effectivement, M. X... qui était en charge, depuis son entrée à l'AHSS le 14 janvier 2008, et plus spécifiquement au Centre médical F. Gallouédec, de l'unité de soins palliatifs, dite Langevin L0- L1, a été re-dirigé, en début juillet 2008, sur l'unité de soins de suite, dite Hardy 1 et 3, outre qu'il s'est occupé de l'hospitalisation à domicile, autre structure relevant également de l'AHSS. Ces nouvelles affectations étant dictées par des faits prêtés à M. X... que son employeur considéraient fautifs, constituaient donc bien une sanction disciplinaire au sens de L. 1331-1 susvisé, bien que l'ASSH ait tenté ensuite, dans son courrier du 19 septembre 2008 et encore dans ses conclusions reprises oralement à l'audience, d'évoquer pour les justifier des contraintes de réorganisation de service exemptes de toute appréciation disciplinaire.

L'AHSS ayant motivé ces ré-affectations par, strictement, les mêmes faits que ceux qui ont valu à M. X... son avertissement ultérieur, elle avait, par là-même, épuisé son pouvoir disciplinaire envers M. X....
Enfin, comme indiqué par l'article L. 1331-1 précité, il appartenait à l'AHSS de produire les éléments qui l'ont conduite à sanctionner M. X... par cet avertissement. Or, alors qu'elle les cite au soutien, la " plainte " des salariés du 4 juin 2008, le courrier " circonstancié " de la surveillante générale du 9 juillet 2008, elle ne les fournit pas, pas plus d'ailleurs que la moindre doléance de la part de familles de patients dont il est pourtant également fait état. Dans ces conditions, l'AHSS ne met pas le juge en mesure d'exercer son contrôle, aussi bien sur l'existence des faits ainsi reprochés, que sur leur caractère fautif.

Par voie de conséquence, aussi bien pour des raisons de forme que de fond, il conviendra, infirmant de ce chef la décision des premiers juges, de prononcer l'annulation de l'avertissement délivré par l'AHSS à M. X... le 28 juillet 2008.
Sur la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée
La cessation du contrat de travail à durée déterminée obéit à des règles qui lui sont propres. Une fois la période d'essai achevée, dans le cas de M. Freddy X... elle était d'un mois à compter du 14 janvier 2008, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'arrivée de son terme, ici le 13 janvier 2010, qu'en cas, exclusivement, d'accord des parties, de faute grave, de force majeure, ou si le salarié justifie d'une embauche en contrat de travail à durée indéterminée.

L'association d'Hygiène sociale de la Sarthe, pour mettre fin au contrat de travail à durée déterminée conclu avec M. X... avant l'arrivée du terme, a retenu, à son encontre, la faute grave.
La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée s'analysant en une sanction, l'AHSS se devait de respecter la procédure disciplinaire des articles L. 1332-1 à L. 1332-3 du code du travail, dans ses dispositions applicables aux sanctions autres que le licenciement, qui seront reprises ci-après :- L. 1332-1, " Aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui ",- L. 1332-2, " Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié. La sanction ne peut intervenir moins d'un jour ouvrable (rédaction en vigueur) ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé ",- L. 1233-3, " Lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L. 1332-2 ait été respectée ".

M. X... invoque, à titre d'irrégularité de la procédure suivie, le fait, d'une part, qu'il y ait eu violation du secret médical, d'autre part, que les griefs repris dans la lettre de rupture ne sont pas ceux évoqués au cours de l'entretien préalable.

Sur la première critique, M. X... étant embauché par l'ASSH, il était au contraire impératif, pour la validité de l'entretien préalable tenu, tout comme de la rupture ultérieure, que cet entretien soit mené par son employeur ou la personne qu'il a déléguée à cet effet, faisant partie du personnel de l'association, ce qui est bien le cas de Mme Y..., directrice du Centre médical F. Gallouédec et expressément mandatée à cette fin par le président du conseil d'administration de l'ASSH (cf délégation du 24 septembre 2008). Assistaient également à cet entretien, le docteur Z..., en sa double qualité de praticien et de supérieur hiérarchique de M. X..., ainsi que le docteur A..., en tant que conseiller du salarié. M. X... ne peut, en conséquence, se prévaloir d'aucune irrégularité de procédure à ce titre. Pas plus, M. X... ne peut parler d'irrégularité de procédure, au motif que les griefs retenus ne sont pas ceux qui auraient été soumis à la contradiction de l'entretien préalable. Il n'a, en effet, aucune pièce venant corroborer ses dires, et son propre courrier du 14 octobre 2008, qui déjà n'est pas recevable à faire preuve en tant qu'il s'agit d'une preuve qu'il se constitue à lui-même, contraire donc aux règles de l'article 1315 du code civil, n'est, de toute façon, que la contestation de sa part des dits griefs, quant à leur réalité et leur véracité, ce qui est une question de fond et non de forme. Dans ces conditions, il y a lieu de débouter M. X... de sa demande d'indemnisation au titre d'un non-respect de la procédure.

M. X... excipe, par ailleurs, de la prescription des faits dont s'agit. Or, lorsque l'on reprend les termes de la lettre de rupture, certes les griefs contenus ne font pas l'objet d'une datation, mais celle-ci est néanmoins possible à partir de leur relation matérielle. Dès lors, se reportant aux pièces versées par l'AHSS afin d'en justifier, hormis l'attestation de Mme B..., surveillante générale sur l'unité de soins palliatifs Langevin, trop générale et de fait imprécise, et qui ne peut donc faire preuve, il s'avère que les griefs évoqués se rapportent à la période postérieure au 8 septembre 2008. Dans ces conditions, M. X... ayant été, le 24 septembre 2008, mis à pied à titre conservatoire et convoqué pour entretien préalable en vue d'un " licenciement ", de fait dans les deux mois requis par le code du travail, la prescription n'est pas acquise.

De même, M. X... ne peut parler de double, voire de triple sanction, pour les mêmes faits, par là-même prohibée, alors que les faits énoncés dans la lettre de rupture de son contrat sont différents de ceux qui lui ont valu de connaître un changement d'affectation et de se voir infliger un avertissement. Pas plus, M. X... ne peut tirer argument en ce sens du libellé de la lettre de rupture, en ce qu'il y est fait mention de son " comportement, déjà sanctionné ". Visiblement, l'ASSH ne fait là que faire allusion à l'avertissement précédemment délivré, auquel un employeur peut effectivement se référer, en matière de licenciement, afin de justifier du fait qu'il a retenu une faute grave à l'encontre de son salarié.

Il convient à présent d'apprécier si, effectivement, la faute grave dont se prévaut l'ASSH envers M. X..., qui est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et dont l'employeur a la charge de la preuve, est ou non caractérisée. L'on reprendra, à cette fin, la lettre de rupture qui lui a été adressée le 9 octobre 2008, qualifiée de façon erronée de lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige : " Conformément à la réglementation applicable à notre établissement, nous vous avons convoqué le 24 septembre 2008, par courrier remis en mains propres, à un entretien préalable à votre licenciement fixé le 2 octobre 2008, à 11 H00. Compte-tenu de la gravité des faits reprochés, nous vous avons notifié par même courrier votre mise à pied à titre conservatoire. Par fax du 29 septembre 2008, vous nous avez demandé le report de cet entretien du 2 au 3 octobre 2008, à 11H00, ce que nous avons accepté par courrier du 30 septembre 2008. Lors de l'entretien du 3 octobre 2008, vous étiez accompagné de Monsieur le Docteur A....

Pour le Centre Gallouedec, Madame Y..., directeur, vous a proposé d'être accompagné de Monsieur le Docteur BRUGGEMAN, ce que vous avez accepté. Après avoir rappelé la procédure, Madame Y...vous a exposé les faits reprochés, afin que vous apportiez vos explications. De cet entretien, il ressort que vous avez travesti la vérité (exemple : négation de la proposition de traitement d'un patient que vous avez faite auprès de l'IDE, qui elle-même interpellée, en a parlé au médecin senior du service ; qui plus est, devant l'équipe médicale en réunion plénière, vous avez tenté de faire croire que le médecin senior avait lui-même proposé le traitement incriminé). Vous ne reconnaissez pas vos erreurs indiquant que c'est à cause de l'informatique qu'une transcription est erronée. Vos transmissions, tant écrites que verbales, sont insuffisantes à l'égard de l'ensemble de l'équipe du service, médecin et IDE, sur les traitements, leur évolution, les contacts pris avec les spécialistes ; or la communication entre tous les membres de l'équipe est fondamentale pour une prise en charge correcte des patients. Votre comportement, déjà sanctionné, a entraîné une perte de confiance totale et définitive du médecin sous la responsabilité duquel vous exercez, ainsi que du personnel infirmier, rendant impossible notre collaboration. Nous sommes donc au regret de vous informer que nous avons pris la décision de vous licencier pour faute grave. Compte-tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l'établissement s'avère impossible. Le licenciement prend donc effet à la date du 9 octobre 2008, sans indemnité de préavis, ni de licenciement. Nous vous rappelons que vous avez fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire, par conséquent, la période non travaillée du 25/ 09/ 08 au 9 octobre 2008, nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement ne sera pas rémunérée. Votre solde de tout compte, ainsi que les documents liés à la fin de votre contrat de travail, vous seront adressés prochainement ".

À double titre, en ce qu'il s'agit d'une faute grave et en ce que l'article L. 1333-1 du code du travail déjà cité le requiert, il appartient à l'AHSS de démontrer la réalité des faits sur lesquels elle fonde la rupture anticipée du contrat de travail de M. X..., à savoir :- qu'il travestit la vérité,- qu'il ne reconnaît pas ses erreurs,- que ses transmissions, tant orales qu'écrites, sont insuffisantes, ce en direction tant du médecin que des infirmières du service, entraînant de la part de ses personnels une perte de confiance telle qu'elle rend impossible le maintien de la relation de travail.

Les griefs étant ainsi circonscrits, l'on n'examinera pas ce qui dans les témoignages et/ ou attestations produits par l'AHSS s'en écartent, voire se rapportent à des éléments déjà sanctionnés.
La perte de confiance de l'employeur ne peut jamais, de par son caractère subjectif, être considérée comme une cause réelle et sérieuse de licenciement, le même principe devant s'appliquer, pour un motif identique, à la rupture avant échéance du contrat de travail à durée déterminée ; en revanche, si elle repose sur des éléments objectifs, ces derniers peuvent constituer la faute du salarié légitimant la cessation du contrat de travail.
L'ASSH verse au soutien :- une lettre du 19 septembre 2008 du docteur C..., médecin en titre de l'unité de soins palliatifs Langevin, adressée à Mme Y..., directrice du Centre médical F. Gallouédec, qu'elle a confirmée dans une attestation ultérieure,- un rapport du docteur Z...du 23 septembre 2008, médecin-chef du Centre médical F. Gallouédec et responsable direct de M. X..., qui s'avère finalement la reprise quasi-intégrale des incidents prêtés par les infirmières de l'unité de soins palliatifs Langevin à M. X..., dont elles ont également attesté,

- les attestations, par voie de conséquence, de Mmes D..., E..., F...et G..., infirmières sur cette unité de soins palliatifs. Mme E...écrit que M. X... a prescrit, le 8 septembre 2008, " 100 ml de SSI sur 12h ", qu'une telle quantité étant insuffisante pour le temps indiqué, elle a revu les choses avec lui, celui-ci ayant dit " Ah 100 ml ne fait pas 1l ", corrigeant ensuite sa prescription sur informatique. Mme F...mentionne que, le 11 septembre 2008, M. X..., auquel elle indique qu'un patient a la diarrhée, lui répond de lui donner un sachet de smecta ; alors qu'elle le rappelle plus tard, afin qu'il officialise cette prescription, il lui déclare " vous avez dû mal me comprendre..., je ne vous ai jamais dis de donner du smecta ". Mme C...déclare être intervenue, le 11 septembre 2008, sur demande de Mme E..., qui s'interrogeait sur la pertinence d'une prescription de M. X... en ces termes " Après avoir pris du recul, des questions éthiques m'ont interpelé : pourquoi du lasilix IV ? poser un cathlon chez une patiente en fin de vie dont le capital veineux était faible, n'était-ce pas un acharnement ? devant cet état général de Mme... n'était-il pas préférable de poser un scopoderm pour diminuer l'encombrement ? démarche habituelle que nous pratiquons ", auprès d'une patiente qui avait été vue antérieurement par M. X... ; souhaitant reparler ensuite de cette situation avec M. X..., celui-ci a nié avoir fait une telle prescription, soutenant après coup devant l'équipe médicale que c'était elle qui avait proposé ce traitement. Mme D...précise que, le 12 septembre 2008, M. X... au vu des " résultats de laboratoire " d'une patiente, les trouvant " très bas ", lui demande de faire annuler la chimiothérapie prévue trois jours plus tard ; elle appelle le service concerné auquel elle faxe, sur sollicitation, les résultats, qui maintient le rendez-vous " les résultats n'étant pas catastrophiques ". Une patiente, qui avait été transférée au service ORL à la suite d'une infection buccale, en revient le 16 septembre 2008 avec une ordonnance d'augmentin et d'alodont, soit un antibiotique et un bain de bouche antiseptique ; le 17 septembre 2008, " l'IDE ", selon le docteur Z..., interroge M. X... en ce qu'elle ne voit pas qu'il ait prescrit le bain de bouche, celui-ci lui répondant que " le bicarbonate suffit ". Toujours selon le docteur Z..., le 18 septembre 2009, " l'DE constate, sur la demande de la famille, la non-poursuite de la perfusion d'hydratation, alors qu'il ne figure aucun élément justifiant cette interruption dans le dossier ". Mme F...indique, pour ce qui est du 19 septembre 2008, o avoir signalé à M. X... que le service de chimiothérapie décalait de 48 heures la date de rendez-vous prévue et le bilan sanguin d'une patiente ; alors qu'elle lui demande de le noter sur le dossier de l'intéressée, elle constate, reprenant par la suite les dossiers, que celui-ci s'était trompé de patiente, et le fait constater tant à la surveillante qu'à M. X..., o " une prescription de solumédrol IV chez Mme.... qui n'a pas été renouvellée donc arrêt du traitement " ; le docteur Z...précise qui'il y a eu interruption de 24 heures. Mme G...déclare que, le 22 septembre 2008 à 19 heures 30, elle signale à M. X... que le " préviscam " d'un patient " n'est pas prescrit ; il lui " fait alors la prescription suivante : " préviscam 1/ 4 de cp à 18H, préviscam 1/ 2 cp à 20H ". Toujours selon le docteur Z..., le 23 septembre 2008, sur un espace de 12 heures avant rectification, il y a eu passage d'un traitement " anti-thrombotique " prescrit à titre préventif à l'égard d'une patiente, à un traitement à des doses curatives. Mme E...écrit que, le 24 septembre 2008, ils devaient revoir avec M. X... une " prescription des morphiniques avant midi " pour un patient ; lorsqu'elle le lui rappelle, il lui rétorque " mais je ne vous ai jamais dit cela ".

L'AHSS se défend d'avoir sanctionné une quelconque insuffisance professionnelle de M. X....
Pourtant, l'analyse des éléments qui viennent d'être énumérés conduit à conclure que c'est bien un tel supposé manque de compétences qui est à l'origine, finalement, de l'éviction de M. X..., différemment retranscrit afin de pouvoir caractériser la faute grave, une insuffisance professionnelle ne pouvant être fautive que si l'employeur démontre qu'elle est liée à une abstention volontaire ou à une mauvaise volonté délibérée du salarié. Or, à supposer que les éléments rapportés soient exacts, hormis des comportements de M. X... qui seraient destinés à tenter de masquer sa carence ou son erreur, a posteriori donc, rien ne vient établir que le supposé manque de compétences, en amont, soit dû à des abstentions volontaires ou à une mauvaise volonté délibérée de sa part.

Trois écrits amènent, à plus forte raison, à dire que c'est bien la compétence de M. X... qui posait problème aux membres de l'unité de soins palliatifs Langevin, qui ne souhaitaient pas son retour. Il n'est pas contestable que M. X... a dû quitter cette unité sur la plainte de salariés et le rapport circonstancié de la surveillante (cf supra), pièces que l'AHSS n'a jamais produites d'ailleurs. De même, il résulte de la lettre et de l'attestation confirmative du docteur C..., seul médecin dans cette unité de soins palliatifs, et encore à temps partiel, qu'à la suite de ces événements, " il était prévu que le docteur X... ne revienne pas travailler dans le service ". Pourtant, celui-ci y est réintégré le 8 septembre 2008, décision qui donne lieu à deux " alertes " écrites, le 10 septembre 2008 de l'ensemble des infirmières de la dite unité, dont celles qui ont témoigné, ainsi que le 12 septembre 2008 des délégués du personnel, courriers qui seront reproduits ci-après :- lettre du 10 septembre, " Nous vous adressons ce courrier suite à la décision effective, du lundi matin 08/ 09/ 08 de réintégrer le Dr N'KlLUA au L0. Nous allons à nouveau travailler dans un climat d'insécurité et de stress permanent. Nous vous demandons donc d'établir une procédure écrite basée sur les questions suivantes :- Y a-t-il du nouveau sur les conditions d'exercice de Mr N'KlLUA ; est il inscrit à l'ordre des médecins ?- S'il n'y a eu aucun changement, Quel est le médecin référent ?- Nous voulons un médecin que l'infirmière puisse contacter en cas d'interrogation sur les prescriptions, les prises en charge et l'accompagnement des patients et des familles. Cette procédure servira de référence aux infirmières du L0 L1. Nous tenons à vous alerter à nouveau, sur la prise en charge des patients et sur nos conditions de travail. Nous vous avons déjà exprimé toutes ces difficultés lors des précédentes réunions et dans notre courrier du 04/ 06/ 08. Nous espérons que vous prendrez en considération ce courrier et nous vous prions... ",- lettre du 12 septembre, " Lundi 8 septembre, le Dr Z...a accompagné le Dr X... dans le service L0- L1 à 10h. Le Dr X... a repris ce service après une absence de deux mois. Le Dr Z...a demandé si le personnel infirmier avait des questions et informé d'une réunion prochaine avec Mme Y...et le service infirmier. En l'absence de questions, le Dr Z...est reparti. Nous sommes surpris de cette nouvelle décision médicale pour l'organisation des soins au L0- L1. Après les différentes réunions entre le médecin chef, la direction et l'équipe infirmière (en mai, en juin, en août), le courrier collectif des infirmières en juin, des décisions ont été prises. Le Dr X...n'a plus travaillé dans ce service depuis début juillet. Des difficultés importantes tant au niveau des prescriptions médicales, que du comportement et des relations avec les patients et les familles avaient été exprimées. Un avertissement a été donné à ce médecin par rapport à son comportement. Des engagements oraux avaient été pris envers l'équipe.

Nous utilisons le droit d'alerte des délégués du personnel car nous estimons que la sécurité du personnel infirmier n'est pas assurée. Cette situation les met en danger dans l'exercice de leur profession et pour remplir leur mission auprès des patients. Cette décision entraîne une souffrance importante du personnel infirmier. Nous tenons à signaler que cette décision n'a pas été annoncée au préalable et qu'aucune organisation particulière n'a été mise en place autour de cette décision ". À cela, Mme Y..., directrice du Centre médical F. Gallouédec, répond, le 19 septembre 2008, dans les termes suivants : "... Monsieur le Docteur X... a été réaffecté dans le service L0- L1, ainsi que le prévoit l'organisation médicale telle qu'arrêtée par la CME et validée par le Conseil d'Administration. Concernant le courrier du 4 juin 2008 des infirmières du service L0- L1, l'ensemble des points a été traité :- Concernant les prescriptions médicales, une enquête a été réalisée, à la demande du Bureau du Conseil d'Administration par trois personnels médicaux de l'établissement : ces personnes n'ont pas trouvé d'élément probant relevant de la faute médicale et n'ont pas non plus retrouvé les éléments cités de nature à les inquiéter,- Concernant son comportement, le Docteur X... a été sanctionné proportionnellement aux faits reprochés. A ce jour, et depuis le 4 juin 2008, aucun dysfonctionnement nouveau ne m'a été soumis, aucune fiche d'événement indésirable ne m'est parvenue. Au cours de la rencontre du 10 septembre 2008 avec le médecin-chef, la surveillante générale et les infirmières du service L0- L1, j'ai rappelé à chacun l'importance de se conduire en professionnel et les recours disponibles, en cas de besoin, auprès de la surveillante générale et/ ou du médecin-chef d'établissement ". Dès lors, faute de prouver, ainsi qu'on l'a déjà dit, que les possibles erreurs ou manquements qui ont été imputés à M. X... seraient la résultante d'abstentions volontaires ou de mauvaise volonté délibérée de sa part, la faute grave ne peut être considérée comme caractérisée à son encontre.

Au surplus, l'existence même de ces possibles erreurs ou manquements de M. X... interroge, et sans même recourir aux attestations des précédents établissements dans lesquels il a exercé, il convient de remarquer, reprenant en cela les propos de la directrice du Centre médical F. Gallouédec, que, malgré l'enquête approfondie menée au sein de l'unité de soins palliatifs, aucun élément prouvant de tels erreurs ou manquements n'avait été découvert, outre, qu'alors que M. X... a continué à exercer, notamment au sein de l'unité soins de suite Hardy, et non pas uniquement en tant que coordinateur du service d'hospitalisation à domicile ainsi que l'affirme l'AFSS en contradiction avec les plannings versés par M. X..., aucun incident n'a été déploré au sein de cette unité soins de suite.
Dans ces conditions, l'existence de possibles erreurs ou manquements de M. X... étant loin d'être avérée, alors qu'ils sous-tendaient la perte du lien de confiance selon la lettre de rupture, le doute, au minimum, conformément à l'article L. 1333-1 précité, doit bénéficier à M. X..., doute d'autant plus prégnant que M. X... n'était pas le " bienvenu " dans l'unité de soins palliatifs où il a été malgré tout réintégré, et en toute connaissance de cause, par l'AHSS, qui a ensuite rompu son contrat de travail plus que rapidement ; en effet, revenu dans cette unité le 8 septembre 2008, la procédure disciplinaire à son encontre est engagée moins de trois semaines plus tard, soit le 24 septembre suivant, au motif de faute grave, sans même envisager, d'ailleurs, de le " reclasser ", comme il avait déjà pu l'être, dans un autre service. L'attestation qu'a établie le docteur Z..., en sus de son rapport, vient encore le confirmer, en ce qu'en tant que médecin-chef de l'établissement et supérieur hiérarchique de M. X..., il a oeuvré rapidement afin d'obtenir le départ de son

subordonné : " Très tôt, j'ai voulu lui épargner l'humiliation d'un " rejet " et je lui ai conseillé de prendre ses dispositions pour nous quitter " dignement " dans un délai lui laissant le temps de rechercher un poste dans un autre établissement. Plutôt que de comprendre, il a exprimé un comportement ambigu à savoir une opposition farouche à toute recherche d'un nouveau poste par rapport aux conseils de sa hiérarchie et d'autre part un comportement de " victime " vis à vis de ses collègues ". C'est pourtant le même médecin et responsable qui, tout en recherchant le départ de M. X..., " certifie que le Dr X... ne pourra se rendre à sa formation les 24 et 25 avril 2008 sur les cancers digestifs pour des raisons de continuité de soins dans l'établissement ", pas plus qu'il n'a d'opposition au planning d'été des médecins, duquel il ressort que M. X... n'est pas simplement affecté au service d'hospitalisation à domicile, mais aussi à l'unité de soins de suite du Centre médical F. Gallouédec dans laquelle il se retrouve en charge de trente-trois lits pour vingt-deux sur l'unité de soins palliatifs (mail du 18 juillet 2008 objet planning des médecins et tableaux associés).

Même si l'AHSS ne pouvait, en l'absence de faute grave de son salarié, rompre avant son échéance le contrat de travail à durée déterminée qui l'unissait à M. X..., une telle absence de motif de la rupture ne se résout pas par l'annulation de la sanction prononcée, mais par des compensations financières qui seront traitées ci-après. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes, tant dans le principe que sur les suites financières.

Sur les conséquences de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée
L'employeur, à défaut d'avoir rompu de manière anticipée le contrat de travail à durée déterminée de son salarié suivant l'une des formes requises par la loi, est tenu aux obligations consécutives à cette rupture.
Ainsi, le salarié a droit à :- des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, s'agissant là d'une réparation forfaitaire minimale qui ne peut subir aucune réduction, conformément à l'article L. 1243-4, alinéa 1er, du code du travail,- l'indemnité de fin de contrat, au visa de l'article L. 1243-8 du code du travail.

La rémunération dont il convient de tenir compte afin de fixer les dommages et intérêts prévus à l'article L. 1243-4 est la rémunération brute dont bénéficiait le salarié, soit pour ce qui est de M. Freddy X..., le salaire mensuel de base à raison de 2 811, 23 euros, outre l'indemnité qualifiée sur ses bulletins de salaire d'indemnité de garde, qui correspond à un temps de travail effectif, pour173, 32 euros par garde, soit un total de 2 984, 55 euros mensuel. Si M. X... demande que la base de calcul retenue s'élève à 3 425, 37 euros par mois, il s'agit là d'une moyenne, et non de la rémunération sur laquelle il était en droit de compter chaque mois ; en effet, il apparaît de la consultation des dits bulletins de salaire que le nombre de gardes qu'il effectuait dans le mois était variable, avec répercussion donc sur l'indemnité correspondante, le seul élément stable et certain étant qu'il faisait au moins une garde par mois. Par voie de conséquence, l'association d'Hygiène sociale de la Sarthe sera condamnée à lui verser, à ce titre, la somme de 45 166, 19 euros qui représente l'indemnité forfaitaire minimale légale, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et sans qu'il y ait lieu à capitalisation, les conditions de l'article 1154 code civil n'étant, de fait, pas remplies.

Quant à l'indemnité de fin de contrat, M. X... réclame la somme de 342, 53 euros, soit 10 % de la rémunération brute de 3 425, 37 euros par mois qu'il veut voir appliquer.

Cette rémunération brute mensuelle a été fixée à 2 984, 55 euros. Pour le reste, la cour ne pouvant aller au-delà de la demande formulée, l'AHSS sera condamnée à verser à M. X... la somme de 298, 45 euros qui, ayant la nature d'un salaire, sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'AHSS devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, la capitalisation étant par ailleurs ordonnée, les conditions de l'article 1154 code civil étant, de fait, remplies.

M. X... ayant par ailleurs été mis à pied à titre conservatoire, du 24 septembre au 9 octobre 2008, mesure qui, en lien avec les développements précédents, n'est pas justifiée, il peut prétendre au rappel de salaire correspondant, soit au regard des bulletins de salaire qui ont été établis, la somme de 1 470, 48 euros, outre 147, 04 euros de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'AHSS devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, la capitalisation étant par ailleurs ordonnée, les conditions de l'article 1154 code civil étant, de fait, remplies.
L'AHSS devra remettre à M. X... les documents de fin de contrat, certificat de travail et attestation Pôle emploi, rectifiés conformément à l'arrêt rendu, de même qu'un bulletin de salaire correspondant aux condamnations prononcées. Il n'y a pas lieu, en l'absence d'élément avancés en justifiant, d'assortir cette remise d'une astreinte.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral
M. Freddy X... sollicite que l'association d'Hygiène sociale de la Sarthe soit condamnée à lui verser la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail contraire à l'article L. 1222-1 du code du travail.
Il a été relaté les conditions dans lesquelles M. X... avait été, d'une part, soumis aux " pressions/ recommandations " de son supérieur hiérarchique afin qu'il quitte son emploi, d'autre part, réintégré dans un milieu de travail qui était pour le moins peu enclin à l'accueillir favorablement, sans préparation et accompagnement réel de son employeur.
M. X..., dont le diplôme de docteur en médecine obtenu à Kinshasa (RDC) en janvier 1997 avait été reconnu, le 6 octobre 2004, " comme de valeur scientifique équivalente au diplôme français " par le Ministère de l'éducation nationale, enseignement supérieur et recherche, qui avait été l'objet d'observations pouvant être élogieuses de précédents établissements dans lesquels il avait exercé (Centre hospitalier de Juvisy, Centre hospitalier intercommunal de Créteil) de même que du chef de service en hématologie du Centre hospitalier du Mans et de l'infirmière coordinatrice du service d'hospitalisation à domicile, qui suivait un certain nombre de formations qui pour certaines ont donné lieu à diplôme, ainsi en carcinologie clinique, en a été affecté, comme en témoigne encore l'attestation du docteur H....
Ces éléments justifient l'invocation de sa part d'un préjudice moral distinct de celui lié à la perte de son emploi, pour lequel il lui sera alloué la somme de 2 000 euros, par voie d'infirmation de la décision des premiers juges, condamnant l'association d'Hygiène sociale de la Sarthe de ce chef, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et sans qu'il y ait lieu à capitalisation, les conditions de l'article 1154 code civil n'étant, de fait, pas remplies.
Sur les frais et dépens
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a laissé à l'association d'Hygiène sociale de la Sarthe la charge de ses frais irrépétibles.
Il sera, pour le surplus infirmé, et M. Freddy X... sera reçu en sa demande de se voir accorder 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'association d'Hygiène sociale de la Sarthe étant déboutée de sa demande du même chef, et condamnée à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris, hormis en ce qu'il laissé à l'association d'Hygiène sociale de la Sarthe la charge de ses frais irrépétibles,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Annule l'avertissement délivré par l'association d'Hygiène sociale de la Sarthe à M. Freddy X... le 28 juillet 2008,
Dit que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée de M. Freddy X... par l'association d'Hygiène sociale de la Sarthe n'est pas fondée,
En conséquence, condamne l'association d'Hygiène sociale de la Sarthe à verser à M. Freddy X... les sommes suivantes o 45 166, 19 euros de dommages et intérêts au visa de l'article L. 1243-4 du code du travail, o 298, 45 euros d'indemnité de fin de contrat, o 1 470, 48 euros, outre 147, 04 euros de congés payés afférents pour le temps de mise à pied à titre conservatoire,

Condamne l'association d'Hygiène sociale de la Sarthe à verser à M. Freddy X... la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,
Déboute M. Freddy X... de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée,
Dit que les créances de nature salariale seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'AHSS devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, soit le 09 février 2009, ordonnant la capitalisation prévue à l'article 1154 du code civil,
Dit que les créances de nature indemnitaire seront assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et rejette la demande de capitalisation prévue à l'article 1154 du code civil,
Ordonne à l'association d'Hygiène sociale de la Sarthe de remettre à M. Freddy X... un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt,
Déboute l'association d'Hygiène sociale de la Sarthe de sa demande au titre l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'association d'Hygiène sociale de la Sarthe à verser à M. Freddy X... la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne l'association d'Hygiène sociale de la Sarthe aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01719
Date de la décision : 06/11/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-11-06;10.01719 ?
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