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16/10/2012 | FRANCE | N°11/01128

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 16 octobre 2012, 11/01128


COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

ARRÊT N BAP/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/01128.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 06 Avril 2011, enregistrée sous le no 10/00327

ARRÊT DU 16 Octobre 2012

APPELANT :
Monsieur Alban X......53970 L'HUISSERIE
représenté par Maître Paul CAO, substituant Maître Gérard MAROT, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :
SAS DASRASZA du Moulin Meral53230 COSSE LE VIVIEN
représentée par Maître BURES (SELARL BFC AVOC

ATS), avocat au barreau de LAVAL - No du dossier 761

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des disposit...

COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

ARRÊT N BAP/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/01128.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 06 Avril 2011, enregistrée sous le no 10/00327

ARRÊT DU 16 Octobre 2012

APPELANT :
Monsieur Alban X......53970 L'HUISSERIE
représenté par Maître Paul CAO, substituant Maître Gérard MAROT, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :
SAS DASRASZA du Moulin Meral53230 COSSE LE VIVIEN
représentée par Maître BURES (SELARL BFC AVOCATS), avocat au barreau de LAVAL - No du dossier 761

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL , présidentMadame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT :prononcé le 16 Octobre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL , président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******FAITS ET PROCÉDURE
Le 21 février 2005, M. Alban X... a conclu avec la société Adecco un contrat de mission, allant, du jour même, au 1er avril 2005, en tant que technicien informatique industriel, en remplacement de "Mr Y... Eric technicien de maintenance dans l'attente d'entrée effective d'un CDI", l'entreprise utilisatrice étant la société Z....
Le 31 mars 2005, M. X... a été victime d'un accident du travail, qui a été pris en charge par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne au titre de la législation relative aux risques professionnels, une rente lui étant attribuée à ce titre à compter du 7 novembre 2007, et, pour lequel M. Z..., représentant légal de la société du même nom, a été condamné, le 25 mars 2010, par le tribunal correctionnel de Laval pour blessures involontaires suivies d'une incapacité de plus de trois mois, outre que la faute inexcusable de la société dans l'accident survenu, avec toutes conséquences de droit, a été reconnue par jugement du 1er décembre 2011 du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne, qui a, par ailleurs, ordonné, avant dire droit sur les préjudices subis, une expertise médicale de M. X....
M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Laval, le 6 octobre 2010, aux fins que : - son contrat de travail à durée déterminée soit requalifié en un contrat de travail à durée indéterminée,- il soit dit qu'il a été l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait du non-respect de l'obligation de reclassement,- la société Z... soit condamnée à lui versero 2 000 euros d'indemnité de requalification,o 20 000 euros d'indemnité au visa de l'article L.1226-15 du code du travail,o 2 580 euros d'indemnité égale à l'indemnité compensatrice de préavis,o 2 000 euros pour non-respect de la procédure de licenciement,o 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le conseil de prud'hommes, par jugement du 6 avril 2011 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, a :- requalifié le contrat d'intérim en un contrat de travail à durée indéterminée,- condamné la société Z... à payer à M. Alban X... les sommes suivanteso 1 289,20 euros d'indemnité de requalification,o 1 289,20 euros pour non-respect de la procédure de licenciement,o 297,51 euros d'indemnité compensatrice de préavis,- débouté M. Alban X... de sa demande de "dommages et intérêts",- rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur les sommes à caractère salarial, dans la limite de neuf mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois, fixée à 1 289,20 euros, et dit qu'il n'y avait pas lieu à l'ordonner pour le surplus,- condamné la société Z... à payer à M. Alban X... la somme de 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,- débouté la société Z... de ses demandes,- condamné la société Z... aux entiers dépens.
Cette décision a été notifiée à M. X... et à la société Z... le 8 avril 2011.
M. X... en a formé régulièrement appel le 29 avril 2011, par déclaration au greffe de la cour, le limitant aux dispositions de la décision l'ayant débouté de ses demandes relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse et au non-respect de l'article L.1226-15 du code du travail.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées le 15 février 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé,M. Alban X... sollicite :- la confirmation du jugement déféré, relativement à la requalification du contrat d'intérim en contrat de travail à durée indéterminée et aux sommes allouées du chef de l'indemnité de requalification ainsi que de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,- son infirmation pour le surplus, et, statuant à nouveau, comme y ajoutant, que o il soit dit que l'employeur a contrevenu aux dispositions des articles L.1226-8 ou L.1226-10 du code du travail et s'est exposé au paiement de l'indemnité de l'article L.1226-15 du même code,o subsidiairement, il soit dit que le licenciement, pendant la période de suspension du contrat de travail pour accident du travail, est nul, puisqu'intervenu en violation de l'article L.1226-9 du code du travail,o encore plus subsidiairement, il soit dit que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,o l'employeur soit condamné au paiement ~ d'une indemnité ou de dommages et intérêts à hauteur de 15 470,40 euros,~ d'une indemnité compensatrice de préavis ou égale à l'indemnité compensatrice de préavis de 2 578,40 euros,o l'employeur soit condamné au paiement de la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens d'appel.
Il fait valoir que :- le motif du recours au contrat d'intérim étant "fallacieux", dès le jour de la souscription du dit contrat, la requalification s'impose,- il ne peut lui être opposé l'absence d'avis médical constatant son aptitude ou son inaptitude, sauf à faire bénéficier l'employeur, débiteur de l'obligation de requérir cet avis, de sa propre turpitude ; indépendamment de cet avis médical, il ne peut être que dans l'une des deux situations visées aux articles L.1226-8 ou L.1226-10 du code du travail, c'est à dire soit apte, soit inapte, de sorte que l'employeur a nécessairement contrevenu à l'une ou l'autre de ces dispositions, s'exposant irrévocablement à la sanction indemnitaire de l'article L.1226-15 du même code, - à défaut, du fait de la requalification prononcée, il était en arrêt de travail pour accident du travail le jour du licenciement, et, dès lors, le licenciement prononcé est nul, la sanction étant, au moins, celle prévue à l'article L.1235-3 du code du travail,- à défaut encore, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, ayant pour cause la faute de l'employeur, qui n'a pas rempli son obligation de sécurité de résultat, et celui-ci ne peut bénéficier de sa propre turpitude,- quant à l'indemnité compensatrice de préaviso soit, l'employeur a violé les dispositions des articles L.1226-8 ou L.1226-10 du code du travail, et il est en droit d'obtenir l'indemnité prévue à l'article L.1 226-14 du même code,o soit, le licenciement est nul ou sans cause réelle et sérieuse, et l'employeur doit être considéré comme l'ayant empêché d'exécuter son préavis, ou l'ayant déchargé de son exécution, encourant une condamnation correspondant à la somme réclamée,- les premiers juges n'ont pas fait une juste application du principe d'équité posé par l'article 700 du code de procédure civile.
* * * *
Par conclusions déposées le 31 mai 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la société Z..., formant appel incident, sollicite l'infirmation du jugement déféré et, statuant à nouveau, que :- M. Alban X... soit débouté de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et condamné à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- subsidiairement, si par impossible la cour estimait qu'il devait y avoir lieu à requalificationo le jugement déféré soit confirmé, en ce qu'il a ~ débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts,~ dit que l'indemnité de requalification n'excéderait pas la somme de 1 289,20 euros, correspondant à un mois de salaire,~ dit que l'indemnité compensatrice de préavis n'excéderait pas la somme de 297,51 euros,~ dit que l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement n'excéderait pas la somme de 1 289,20 euros, correspondant à un mois de salaire,o au surplus, M. Alban X... soit débouté de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Elle réplique que :- pour que le contrat de travail à durée déterminée soit requalifiéo il ne suffit pas de prétendre qu'elle n'a pas embauché un nouveau salarié en remplacement du salarié démissionnaire, mais il faut vérifier son intention effective lorsqu'elle a eu recours au contrat d'intérim, et prendre également en considération les faits survenus ensuite, qui ont pu modifier son appréciation sur l'opportunité d'engager un nouveau salarié,o si, dans un premier temps, elle a entendu fonder le recours au contrat d'intérim sur le motif prévu à l'article L.1251-6 1o) e) du code du travail, les circonstances ont conduit à la suppression du poste de technicien de maintenance et à l'externalisation des prestations, o d'ailleurs, l'accord interprofessionnel du 24 mars 1990 le permet,- si le contrat venait à être requalifiéo M. X... ne justifie d'aucune circonstance particulière qui permettrait de lui accorder une somme supérieure à celle prévue à l'article L.1251-41 du code du travail,o au regard de son ancienneté dans l'entreprise, M. X... ne peut prétendre à plus qu'à l'indemnité compensatrice de préavis définie à la convention collective applicable,o que M. X... ait été victime d'un accident du travail n'entraîne pas, de facto, une inaptitude à son poste de travail, étant dit, par ailleurs, que le salarié peut parfaitement provoquer la visite de reprise, et que, de même, M. X... avait d'autres moyens à sa disposition afin d'établir cette éventuelle inaptitude,o M. X... est parfaitement déloyal, n'ayant jamais entendu revendiquer un contrat de travail dans l'entreprise, ayant même refusé l'offre qu'elle lui a fait d'un autre poste, n'intentant son action que dans le but d'obtenir de substantiels dommages et intérêts, plus de cinq ans après son départ de l'entreprise, o si l'article L.1226-15 du code du travail prévoit une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, la jurisprudence est constante selon laquelle une telle indemnité ne peut se cumuler avec les dommages et intérêts octroyés au salarié par ailleurs ; aussi, M. X... ne justifie pas plus des raisons qui feraient que cette indemnité devrait être supérieure à un mois de salaire, o c'est au regard du contexte ainsi décrit, qu'il convient d'en rester à l'indemnité de procédure allouée par les premiers juges.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la requalification du contrat de travail temporaire
Le contrat de travail temporaire est régi par les articles L.124-1 et suivants du code du travail, dans leur version applicable à l'espèce (aujourd'hui L.1251-1 et suivants du code du travail).Ainsi, un utilisateur ne peut faire appel aux salariés des entreprises de travail temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, dénommée mission, et seulement dans les cas énumérés à l'article L.124-2-1.Conformément au 1o de cet article L.124-2-1, un tel recours est possible pour : "Remplacement d'un salarié en cas d'absence, de passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur, de suspension de son contrat de travail, de départ définitif précédant la suppression de son poste de travail ayant fait l'objet d'une saisine du comité d'entreprise, ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe, ou en cas d'attente de l'entrée effective du salarié recruté par un contrat de travail à durée indéterminée appelé à le remplacer". Le travail temporaire se caractérise par des relations triangulaires, entre une entreprise de travail temporaire, une entreprise utilisatrice et un salarié. D'une part, existe un contrat de mission conclu entre l'entreprise de travail temporaire et le salarié et, d'autre part, un contrat de mise à disposition conclu entre l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice.Le contrat de mission doit, comme l'indique l'article L.124-4, notamment comporter "la reproduction des clauses et mentions énumérées à l'article L.124-3", alors que l'article L.124-3, propre au contrat de mise à disposition, précise que ce contrat doit "mentionner le motif pour lequel il est fait appel au salarié temporaire ; cette mention doit être assortie de justifications précises qui, notamment, dans les cas prévus à l'article L.124-2-1 comportent le nom et la qualification de la personne remplacée".En application de l'article L.124-7, "lorsqu'un utilisateur a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en violation caractérisée des dispositions des articles L.124-2 à L.124-2-4, ce salarié peut faire valoir auprès de l'utilisateur les droits afférents à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission".
Il ne fait pas débat que M. Alban X... a été embauché le 21 février 2005 et jusqu'au 1er avril 2005 dans le cadre d'un contrat de travail temporaire, pour être mis à disposition de la société Z..., dès lors entreprise utilisatrice. Il ne fait pas plus débat que le motif du recours à ce contrat était le remplacement de "Mr Y... Eric technicien de maintenance dans l'attente d'entrée effective d'un CDI". M. Y..., technicien de maintenance de la société Z..., avait démissionné le 4 février 2005.
Étant porté au contrat de mission versé aux débats, que M. X... a été engagé dans l'attente de l'entrée effective dans l'entreprise d'un technicien de maintenance recruté en contrat de travail à durée indéterminée, la société Z... ne peut venir dire que ce motif était justifié à l'époque, mais que le fait que le poste de M. Y... a été supprimé, via une externalisation des prestations maintenance, est un motif tout aussi valable au regard des textes applicables, y compris l'accord interprofessionnel du 24 mars 1990.C'est le motif énoncé au moment de la conclusion qui, si l'on peut dire, fixe l'objet du litige, et c'est à partir de ce seul motif, et non de celui que tenterait de lui substituer l'entreprise utilisatrice, que le juge doit apprécier si le recours au contrat de travail temporaire était bien justifié.
En l'état, la société Z... ne justifie pas de la réalité du motif invoqué afin de recourir au travail temporaire et de faire appel à M. X..., à savoir que le poste de M. Y... ait été pourvu par un titulaire, déjà recruté, mais momentanément indisponible.
La lettre du texte ne souffre d'aucune ambiguïté ; l'on ne saurait admettre, sous peine de tourner les dispositions d'ordre public, que l'employeur puisse, par le contrat de travail temporaire, pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, dans l'attente du recrutement du titulaire du poste, recrutement qui d'ailleurs, dans ces conditions, toute latitude étant laissée à l'employeur, pourrait tout aussi bien ne pas intervenir. Également, en décider autrement, serait susceptible de conduire l'employeur à utiliser finalement le contrat de travail temporaire comme une période d'essai, alors que le salarié qui est embauché dans un tel cadre de travail temporaire doit être une personne distincte de celle qui sera titulaire du poste.
Par voie de conséquence, il convient, confirmant la décision des premiers juges de ce chef, de requalifier le contrat de travail temporaire de M. X... en un contrat de travail à durée indéterminée, et ce à compter du 21 février 2005.
Sur les conséquences de la requalification
L'article L.124-7-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, aujourd'hui L.1251-41, dispose :"Si le tribunal le conseil de prud'hommes saisi de la demande de requalification fait droit à la demande du salarié, il doit lui accorder, à la charge de l'utilisateur, une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire, sans préjudice de l'application des dispositions de la section II du chapitre II du titre II du livre 1er du présent code".
Il en résulte que l'attribution au salarié d'une indemnité de requalification, équivalente à au moins un mois de son salaire, le dernier salaire, est de droit. M. Alban X... sollicite la confirmation du jugement querellé, en ce qu'il lui a alloué à ce titre la somme de 1 289,20 euros, qui correspond au salaire porté sur le bulletin de salaire versé aux débats, somme dont le quantum n'est d'ailleurs pas discuté par la société Z....Dès lors, il y a lieu de confirmer la décision de première instance de ce chef, en ce qu'elle a exactement estimé l'indemnité de requalification due à M. X....
Cette indemnité n'est pas la seule conséquence de la requalification d'un contrat de travail temporaire en un contrat de travail à durée indéterminée, les règles régissant la rupture de ce dernier contrat étant également applicables.
Il est acquis aux débats que M. X... a été victime, le 31 mars 2005, d'un accident du travail, alors qu'il était au service de la société Z....
Si M. X... invoque les dispositions des articles L.1226-8 ou L.1226-10 du code du travail afin que la société Z... soit condamnée à lui verser l'indemnité prévue à l'article L.1226-15 du même code, encore faut-il pour que ces dispositions s'appliquent, que M. X... ait été déclaré préalablement apte ou inapte par le médecin du travail à l'occasion de la visite dite de reprise des articles R.4624-21 et R.4624-22, au plus tard dans les huit jours de son retour dans l'entreprise.
Or, il est acquis aux débats que M. X... n'a jamais été soumis à une telle visite, de même qu'il n'a jamais repris le travail au sein de la société Z....
Il est exact qu'il appartient à l'employeur, à l'issue de l'arrêt de travail du salarié, d'organiser cette visite de reprise.Si l'employeur n'en fait rien, il est également exact que le salarié peut lui réclamer cet examen médical, ou le solliciter auprès du médecin du travail après en avoir informé, toutefois, son employeur.
M. X... n'est donc pas fondé à dire que la société Z... ne peut "alléguer de sa propre turpitude", surtout pour en conclure qu'il est en droit de percevoir l'indemnité définie par l'article L.1226-15 du code du travail, qui s'impose en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié déclaré apte, ou en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte.Il le peut d'autant moins que, la sanction du non-respect par l'employeur de son obligation de faire passer à son salarié réintégrant son entreprise à l'issue de son arrêt de travail la visite de reprise se résout en dommages et intérêts de l'article 1382 du code civil, ce non-respect causant nécessairement un préjudice au salarié.
Néanmoins, tant que le salarié victime d'un accident du travail, et en arrêt de travail en suivant, n'a pas passé la visite de reprise, son contrat de travail, qui était suspendu (cf article L.1226-7 du code du travail), reste suspendu. Dans ce cas, il est en principe interdit à l'employeur de rompre le contrat, sauf, ainsi que l'indique l'article L.1226-9 du code du travail, faute grave du salarié ou impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à l'accident.La sanction du non-respect de ces règles de protection spécifiques se trouve à l'article L.1226-13 du code du travail, d'après lequel :"Toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L.1226-9 et L.1226-18 est nulle".
Il n'est pas contestable que, le 1er avril 2005, terme du contrat de travail temporaire (contrat de mission comme de mise à disposition), a également marqué la fin de la relation de travail entre la société Z... et M. X..., et si la société Z... déclare qu'elle a proposé un poste à M. X..., que ce dernier a refusé, elle procède, ce faisant, par voie de pure affirmation. Or, le contrat de travail temporaire de M. X... ayant été requalifié en un contrat de travail à durée indéterminée, il s'ensuit que cette rupture doit s'analyser en une rupture du dit contrat de travail à durée indéterminée, en dehors de tout motif autorisé par la loi et, dès lors, nulle, en application de l'article L.122-32-2 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce.
Le salarié, dont la résiliation du contrat de travail est nulle peut, soit se prévaloir de la poursuite de son contrat et solliciter sa réintégration, soit demander d'être indemnisé du préjudice subi ; dans cette dernière hypothèse, la rupture du contrat, même si elle est nulle, prend effet à la date à laquelle elle est intervenue. M. X... ne formulant pas de demande de réintégration, la rupture de son contrat de travail à durée indéterminée prend, en conséquence, effet au 1er avril 2005.
M. X... est, de fait, en droit de percevoir les indemnités de rupture, ainsi l'indemnité compensatrice de préavis, ce même s'il n'était pas en état de l'exécuter.La convention collective applicable, ici celle de fabrication de l'ameublement du 14 janvier 1986, stipule à l'annexe consacrée aux"agents de production", en son article 11, que :"Passé la période d'essai, en cas de rupture du contrat de travail, sauf pour faute grave, la durée du préavis est de :Après un licenciement :- 1 semaine : pour une ancienneté inférieure à six mois ...".Embauché le 21 février 2005, la période d'essai prévue étant de "3 jours travaillés", et ayant vu son contrat de travail à durée indéterminée rompu le 1er avril 2005, l'indemnité compensatrice de préavis due par la société Z... à M. X... s'élève donc bien, ainsi que les premiers juges l'ont exactement chiffrée, étant confirmés sur ce point, à la somme de 297,51 euros, à laquelle il faut toutefois ajouter les congés payés afférents, soit la somme de 29,75 euros.
Également, M. X... est en droit de percevoir une indemnité au moins égale à six mois de salaire au titre du caractère illicite du licenciement, et ce quelles que soient son ancienneté et la taille de l'entreprise.
Par voie de conséquence, la société Z... sera condamnée à lui verser la somme de 7 735,20 euros correspondante, qui apparaît suffisante à réparer le préjudice subi de ce chef, au regard des éléments de la cause, tenant principalement à sa faible durée d'emploi dans l'entreprise, le jugement déféré étant infirmé de ce chef, par substitution de motifs.
M. X... est, au surplus, en droit, de percevoir, en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice, une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, soit distincte, soit comprise dans l'évaluation globale du préjudice résultant de la nullité du licenciement.L'on en restera à une somme distincte, telle qu'exactement allouée par le jugement déféré qu'il convient de confirmer sur ce point, soit 1 289,20 euros, l'équivalent d'un mois du salaire de M. X..., en l'absence justement de toute procédure de la part de la société Z....
Sur les frais et dépens
M. Alban X... avait exclu des termes de son appel au greffe de la cour les dispositions de la décision de première instance qui lui avaient accordé 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il ne peut donc, devant la cour, venir prétendre à voir revenir sur le montant de cette somme.Il y a donc lieu à confirmation de la décision querellée sur ce point, tout comme pour ce qui est de la condamnation aux dépens de la société Z....
M. X..., prospérant en son appel, se verra allouer au titre de ses frais irrépétibles d'appel une somme de 1 500 euros, la société Z... étant déboutée de sa demande du même chef.La société Z... sera condamnée à supporter les entiers dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M. Alban X... de sa demande d'indemnisation,Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Condamne la société Z... à verser à M. Alban X... les sommes suivantes:- 29,75 euros de congés payés afférents sur l'indemnité compensatrice de préavis,- 7 735,20 euros d'indemnité du fait du caractère illicite du licenciement,- 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
Déboute la société Z... de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Z... aux entiers dépens de l'instance d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALL Catherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01128
Date de la décision : 16/10/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-10-16;11.01128 ?
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