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16/10/2012 | FRANCE | N°10/02628

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 16 octobre 2012, 10/02628


COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

ARRÊT N BAP/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/02628.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 04 Octobre 2010, enregistrée sous le no 09/01380

ARRÊT DU 16 Octobre 2012

APPELANT :
Maître X..., ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SYNERGIES LOGISTIQUES TRANSPORTS...BP 8050249105 ANGERS CEDEX 2
représenté par Maître Aurélien TOUZET (SCP BDH AVOCATS), avocat au barreau d'ANGERS

INTIMES :


Monsieur Yves Y......49124 ST BARTHELEMY D'ANJOU
représenté par Maître Gérard BERAHYA LAZARUS, avocat...

COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

ARRÊT N BAP/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/02628.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 04 Octobre 2010, enregistrée sous le no 09/01380

ARRÊT DU 16 Octobre 2012

APPELANT :
Maître X..., ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SYNERGIES LOGISTIQUES TRANSPORTS...BP 8050249105 ANGERS CEDEX 2
représenté par Maître Aurélien TOUZET (SCP BDH AVOCATS), avocat au barreau d'ANGERS

INTIMES :
Monsieur Yves Y......49124 ST BARTHELEMY D'ANJOU
représenté par Maître Gérard BERAHYA LAZARUS, avocat au barreau d'ANGERS

L'AGS - CGEA RENNESImmeuble Magister4 cours Raphaël Binet35069 RENNES
représentée par Maître Aurélien TOUZET (SCP BDH AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL , présidentMadame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT :prononcé le 16 Octobre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL , président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCÉDURE
M. Yves Y... a été engagé par la société Transports Jollivet en qualité de conducteur routier, coefficient 138 M, groupe 6, de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport, contre une rémunération brute horaire de 7,85 euros pour 35 heures de travail hebdomadaires, selon contrat de travail à durée déterminée conclu pour la période allant du 18 octobre au 31 décembre 2004.Par avenant en date du 1er janvier 2005, à effet du même jour, le contrat de travail à durée déterminée a été converti en un contrat de travail à durée indéterminée, aux conditions précédemment stipulées.
M. Y... a été l'objet, du 12 janvier 2005 au 5 février 2008, de douze avertissements de la part de son employeur, pour des motifs divers.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 août 2009, M. Y... a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire du même jour.Le dit entretien s'est tenu le 8 septembre 2009.M. Y... a été licencié, pour faute grave, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 septembre 2009.
Contestant notamment cette mesure, M. Y... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 30 septembre 2009, aux fins que :- il soit dit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et que la société Transports Jollivet soit condamnée à lui verser les sommes suivanteso 4 071,92 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 407,19 euros de congés payés afférents,o 1 037,12 euros d'indemnité légale de licenciement,o 35 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral et économique et absence de cause réelle et sérieuse,- la société Transports Jollivet soit également condamnée à lui verser la somme de 931,11 euros au titre de l'intéressement pour les années 2006 et 2007 et lui règle l'année 2009,- il soit ordonné à la société Transports Jollivet de lui remettre les "disques tachigraphiques" pour les années considérées,- la société Transports Jollivet soit enfin condamnée à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le conseil de prud'hommes, par jugement du 4 octobre 2010 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, a :- dit que le licenciement de M. Yves Y... a été prononcé en l'absence de cause réelle et sérieuse,- condamné, en conséquence, la société Transports Jollivet à lui verser les sommes ci-après :o 4 071,92 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 407,19 euros de congés payés afférents,o 1 037,12 euros d'indemnité légale de licenciement,o 15 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au visa de l'article L.1235-3 du code du travail,o 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- rappelé que l'exécution provisoire est de droit s'agissant de salaires, en application des articles R.1454-14 et R.1454-28 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaires calculée sur la moyenne des trois derniers mois, fixée à 2 074,25 euros,- condamné la société Transports Jollivet à rembourser aux Assedic les indemnités de chômage réglées à M. Y..., dans la limite de trois mois,- débouté la société Transports Jollivet de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- débouté les parties de toutes leurs autres demandes considérées comme non fondées ou insuffisamment fondées,- condamné la société Transports Jollivet aux dépens.
Cette décision a été notifiée à M. Y... le 9 octobre 2010 et à la société Transports Jollivet le 11 octobre 2010.Celle-ci en a formé régulièrement appel, par courrier recommandé avec accusé de réception posté le 19 octobre 2010.
La société Transports Jollivet, devenue la société Synergies logistiques transports, a été placée en redressement judiciaire le 8 juin 2011, puis en liquidation judiciaire le 7 décembre 2011. M. X... a été désigné en tant que mandataire liquidateur.
L'audience, initialement fixée au 5 décembre 2011, a dû être renvoyée au 14 juin 2012, pour permettre au greffe de convoquer les organes de la procédure collective et l'AGS.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées le 5 décembre 2011 reprises oralement à l'audience au seul nom de M. X..., ès qualités, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. X..., en tant que mandataire liquidateur de la société Synergies logistiques transports, sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement de M. Yves Y... dénué de cause réelle et sérieuse et, celui-ci étant débouté de l'ensemble de ses demandes, soit condamné à lui verser la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et supporte les entiers dépens .Il justifie, par ailleurs, que la demande de M. Y... du chef de "l'intéressement" est devenue sans objet, la société Transports Jollivet lui ayant réglé le 12 avril 2010 ce qui lui était dû de ce chef.
Il fait valoir que le licenciement pour faute grave est fondé :- M. Y..., ayant lui-même, au cours de l'entretien préalable, reconnu les faits qui lui sont reprochés, faits qui sont de plus corroborés par les témoignages fournis,- ces faits ne pouvant être considérés comme un simple incident, ainsi que les premiers juges l'ont estimé, alors que M. Y... a d'ores et déjà été sanctionné, à plusieurs reprises, pour des faits similaires, sans donc modifier son comportement, et qu'il lui appartient, au visa de l'article L.4122-1 du code du travail, de veiller à la sécurité des personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail,- la société Transports Jollivet a, ainsi qu'il est exigé par la jurisprudence, et il ne faut pas confondre avec le prononcé du licenciement, engagé la procédure de licenciement dans un délai restreint après les dits faits.
Subsidiairement, il indique que M. Y... ne justifie nullement la somme importante qu'il réclame au titre des dommages et intérêts.
* * * *
Par conclusions déposées le 22 mai 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé,M. Yves Y..., acquiesçant au fait que sa demande au titre de "l'intéressement" est devenue sans objet puisqu'ayant été payé à ce titre en cours de procédure, sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse et lui a alloué :- 4 071,92 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 407,19 euros de congés payés afférents,- 1 037,12 euros d'indemnité légale de licenciement,- 15 000 euros de dommages et intérêts,- 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.En revanche, y ajoutant, il demande que M. X..., ès qualités, et l'AGS soient solidairement condamnés à lui verser ces sommes, outre qu'ils soient tenus aux entiers dépens, et que le représentant de l'ex-société Transports Jollivet soit condamné à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il réplique que le licenciement pour faute grave, pas plus que pour cause réelle et sérieuse, n'est fondé :- alors que les faits présumés datant du 25 août 2009, son licenciement n'est intervenu que le 21 septembre suivant ; que pourtant, qui dit faute grave, dit sanction immédiate,- qu'il s'est expliqué sur les dégâts qui lui sont imputés et qui ne peuvent, en eux-mêmes, être une cause de licenciement,- qu'il n'a pas vérifié, lui-même, que des palettes aient été renversées, étant souligné par ailleurs, à supposer que ce soit exact, qu'il n'y a pas eu de dégâts ou infimes, les palettes ayant pu être reconstituées sans difficultés particulières, et leur reconstitution n'ayant pu nécessiter le temps allégué par l'employeur,- que ne peut lui être opposé le "compte rendu" de l'entretien préalable, au vu des conditions dans lesquelles cet entretien s'est déroulé,- que pas plus, ne peuvent être invoqués à son encontre des faits prescrits vu leur date, et de toute façon sans incidence sur l'appréciation des faits de l'espèce, d'autant que son employeur envoyait à ses chauffeurs des avertissements systématiques, afin de dégager sa propre responsabilité.
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Par conclusions déposées le 23 avril 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé,l'association pour la Gestion du régime de garantie des créances des salariés (l'AGS), agissant par le truchement du Centre de gestion et d'études (CGEA) de Rennes, sollicite, au principal, l'infirmation du jugement déféré, et, subsidiairement, si une créance venait à être fixée sur la liquidation judiciaire de la société Synergies logistiques transports au profit de M. Yves Y..., qu'il soit dit et jugé qu'elle ne sera tenue à garantie que dans les limites et plafonds légaux des articles L.3253-8, L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail.
Elle indique se joindre à l'argumentation développée par le mandataire liquidateur de la société Synergies logistiques transports au soutien de l'infirmation du jugement querellé, pour ce qui est, tant du licenciement, que du montant des dommages et intérêts réclamés par M. Y....
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il sera constaté, préalablement, qu'en l'absence, désormais, de toute revendication des parties relativement à l'intéressement sollicité en première instance par M. Yves Y..., il n'y a plus lieu pour la cour de statuer de ce chef.
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Conformément à l'article L.1235-1 du code du travail, le juge devant lequel un licenciement est contesté doit apprécier tant la régularité de la procédure suivie que le caractère réel et sérieux des motifs énoncés dans le courrier qui notifie la mesure et qui fixe les limites du litige.
La lettre de licenciement adressée par la société Transports Jollivet à M. Yves Y... est libellée en ces termes :"Suite à l'entretien du 8 septembre 2009, au cours duquel vous avez choisi d'être accompagné de M. Christophe Z..., j'ai le regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave pour les motifs suivants : Vous avez abîmé votre semi-remorque neuve de manière importante lors d'un transport que vous avez effectué le 25 août 2009. De plus, votre chargement de 3 palettes d'eau s'est renversé ce qui a nécessité la reconstitution de ces 3 palettes.Vous avez d'ailleurs reconnu ces faits. Vous comprenez donc qu'il nous est impossible de continuer notre collaboration dans ces conditions. Aussi, vous cesserez donc de faire partie de notre personnel, sans préavis ni indemnité, à la première présentation de cette lettre. Nous tiendrons à votre disposition votre solde de tout compte, votre certificat de travail et votre attestation ASSEDIC, et vous voudrez bien nous contacter pour fixer un rendez-vous en vue de la remise de ces documents".
Une première observation peut être faite, est que, s'il est insisté au soutien de la faute grave par le mandataire liquidateur de la société Synergies logistiques transports, aujourd'hui, sur le passé disciplinaire de M. Y... dans l'entreprise, et si, du côté de M. Bernard, l'on s'en défend par le recours à la prescription et à l'absence d'incidence de toute façon des avertissements infligés sur les faits reprochés, il n'est pas besoin d'entrer dans ce débat, puisque la lettre de licenciement n'invoque aucun incident disciplinaire antérieur relativement au salarié. Dès lors, à supposer les griefs reprochés établis, le choix du licenciement pour faute grave ne peut être légitimé par une antériorité disciplinaire.
Une seconde observation s'impose, à savoir que si l'employeur entend licencier son salarié pour faute grave, il se doit de mettre en oeuvre la procédure de licenciement à son encontre dans le délai le plus restreint possible après qu'il ait eu connaissance des faits. Or, la lettre de licenciement se réfère à des faits en date du 25 août 2009, la convocation de M. Y... en entretien préalable, avec en sus mise à pied à titre conservatoire, étant intervenue deux jours plus tard. Une fois que l'employeur a entamé la procédure de licenciement dans le délai requis, s'agissant d'un licenciement disciplinaire, conformément à l'article L.1332-2 du code du travail, il dispose d'un mois après la date de l'entretien préalable afin d'envoyer la lettre notifiant le licenciement au salarié. En l'espèce, l'entretien préalable ayant eu lieu le 8 septembre 2009 et la lettre de licenciement ayant été expédiée à M. Y... le 21 septembre suivant, la société Transports Jollivet, à l'époque, était parfaitement dans le délai susvisé, et en droit d'invoquer une faute grave.
Il reste donc à examiner si les faits évoqués dans la lettre de licenciement, qui sont d'avoir dégradé "de manière importante", au cours d'un transport, la semi-remorque neuve qui avait été confiée à M. Y..., ainsi que d'avoir renversé le chargement de trois palettes d'eau nécessitant que celles-ci soient reconstituées, justifient le licenciement pour faute grave, ou, à tout le moins, pour cause réelle et sérieuse de M. Y....
La faute du salarié, qui peut donner lieu à sanction disciplinaire de l'employeur, ne peut résulter que d'un fait avéré, acte positif ou abstention volontaire, imputable au salarié, et constituant de sa part une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.Outre de présenter ces caractéristiques, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, et il incombe à l'employeur de l'établir.
Pour asseoir le licenciement pour faute grave, le mandataire liquidateur de la société Synergies logistiques transports verse trois pièces, soit :- un document manuscrit, signé par le dirigeant de l'entreprise, M. Y... et M. Z... qui s'avère être contremaître dans la société, en date du 8 septembre 2009 à 18 heures 30,- deux attestations, de M. A..., responsable atelier au sein de la société, et de M. Z..., précité.
Le document manuscrit est censé être le compte-rendu de l'entretien préalable au cours duquel M. B... aurait reconnu les faits ; on en donnera la teneur :"...- rappel de la procédure- vient seul puis choisi- semie neuve abîmée- 3 palettes renversées- à accrocher la semi car la police se rendait sur un accident ; et pour les laisser passer ; j'ai serré contre un mur et ai abîmé la semie- le lendemain j'ai chargé l'eau ; je n'ai pas d'explications ; il n'y ces deux mots sont raturés je n'ai pas mis les sangles- je reconnais les faits reprochés".
M. A... atteste : "- Avoir constaté sur la semi-remorque immatriculé AC-754-HS les dégâts causés par Mr Yves Y... lors d'un accrochage -- Dégâts = - Trou sur la bâche du toit- Traverse supérieur tordu -- La réparation de ces dégâts ont nécessité 10 heures de main d'oeuvre -- De plus 3 palettes d'eau etaient renversées à l'interieur de la semi-remorque (palettes non sanglées). Date du sinistre 27-08-2009".
M. Z... atteste : "Constaté le renversement de 3 pals d'eau à l'arrière de la remorque, lors de son arrivée dans la cour des Trs Jollivet le 27/08/09.Ensemble tracteur 674 ADC 49 + remorque AC 754 HS 49 conduit par Yves Y...".
M. Y... a adressé, quant à lui, au dirigeant de l'entreprise la lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 septembre 2009 suivante, fournie également par le mandataire liquidateur de la société Synergies logistiques transports : "Je fais suite à votre courrier me stipulant une mise à pied, pour faute grave et à notre entretien du 8 courant, en présence de M. Christophe Z... au cours duquel je vous ai relaté les circonstances de ce qui m'était reproché, à savoir: Le 25.08.2009, pour une livraison à POMANJOU dans les Pyrénées, j'ai pris la remorque qui m'a été indiquée sans remarquer aucun dégât notoire, n'ayant pas particulièrement vérifié la bâche.
Durant le trajet, en traversant le village de Hasparren, une voiture de police avec gyrophare, lancée à vive allure, m'a fait signe de me ranger pour faciliter son passage à l'aide de sa sirène. C'est peut être à ce moment là que la remorque a pu frotter ou heurter un mur ou un toit. Je ne me suis aperçu de rien et ce n'est qu'en débâchant chez le client (qui m'avait d'ailleurs appelé à 3 reprises pour me presser d'arriver) que je me suis rendu compte des dégâts. J'ai, d'ailleurs tout de suite prévenu le bureau. Depuis 5 ans dans votre entreprise, j'ai toujours mené à bien mes missions et donner preuve de bonne volonté en partant dès qu'on me le demandait et de mon assiduité, ne m'étant jamais absenté, pour quelques raisons que ce soit. Croyez bien que j'accorde la plus grande importance à vos observations, mais sachez que si cette détérioration de matériel m'incombe elle est totalement involontaire. Dans le cadre de mon travail et eu égard au kilométrage effectué chaque année, ce genre d'incident fait partie intégrante des risques de ce métier. Ceci dit, je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments respectueux".
Pour ce qui est des trois palettes d'eau renversées, M. Y... indique, produisant la copie de la page d'agenda correspondante, ne pas l'avoir constaté, puisqu'ayant laissé le semi-remorque sur le parking de l'entreprise, et eu "une petite heure de battement" avant de repartir sur une livraison.
De l'ensemble de ces éléments, il apparaît que :- si des dégradations existent bien sur l'ensemble routier ramené par M. Y..., le mandataire liquidateur de la société Synergies logistiques transports ne démontre pas, et il n'y a pas contradiction entre les propos qui sont prêtés à M. Y... lors de l'entretien préalable et son courrier postérieur, que ces dégradations sont dues à une faute de conduite de sa part, ou à une négligence volontaire dans sa conduite,- si trois palettes d'eau étaient bien renversées à l'arrière du semi-remorque, le fait que M. Y... ne l'ait pas vu n'étant pas suffisant à le démentir puisque n'ayant pas ouvert le camion, et à supposer que cela résulte d'un défaut de "sanglage" des palettes, quoiqu'un doute puisse exister sur ce point vu les deux mots qui ont été biffés dans le "compte rendu" d'entretien préalable qui peuvent laisser place à interprétation, le mandataire liquidateur de la société Synergies logistiques transports ne démontre pas plus que M. B... ait, par action ou omission consciente, omis de procéder au, ou de vérifier le, "sanglage" de son chargement.
Dans ces conditions, la faute grave de M. Y... n'est pas établie, ni non plus la cause réelle et sérieuse qui lui serait imputable et, les premiers juges, qui ont dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, doivent être confirmés dans leur décision de ce chef.
* * * *
Le licenciement qui a été prononcé à l'encontre de M. Yves Y... par la société Transports Jollivet ne reposant ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse, M. Y... est en droit d'obtenir ses indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis et indemnité de licenciement), tout comme de prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le mandataire liquidateur de la société Synergies logistiques transports, de même que l'AGS, ne discutent pas les sommes allouées par les premiers juges à M. Y..., au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi que de l'indemnité de licenciement. Ces sommes ayant été exactement appréciées, il y a lieu de les confirmer, sauf à dire que ces créances seront fixées à la liquidation judiciaire de société Synergies logistiques transports.
Pour ce qui est de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les premiers juges ont fait application, au regard de l'effectif salarié de la société Transports Jollive, à l'époque du licenciement (cf attestation Assedic), ainsi que de l'ancienneté de M. Y... dans l'entreprise, de l'article L.1235-3 du code du travail. Cet article dispose :"Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise... Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L.1234-9". C'est la rémunération brute dont bénéficiait le salarié pendant les six derniers mois précédant la rupture de son contrat de travail qui est à considérer comme base d'indemnité minimale. L'éventuel surcroît relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
Lors de son licenciement, M. Y... était âgé de 55 ans et comptait quasiment cinq ans d'ancienneté, à un mois près, au sein de l'entreprise.La cour trouve ainsi en la cause, étant moins aisé de retrouver un emploi à cet âge, comme au regard du temps passé au service de l'employeur, les éléments qui lui permettent de confirmer l'indemnité allouée par les premiers juges à M. Y... au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui a été exactement appréciée. Il sera dit, toutefois, que cette créance sera fixée à la liquidation judiciaire de société Synergies logistiques transports.
L'AGS sera tenue à garantie, dans les limites et plafonds légaux, pour ce qui est des indemnités de rupture et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Si les premiers juges ont condamné la société Transports Jollivet à rembourser aux Assedic, aujourd'hui Pôle emploi, les indemnités chômage, dans la limite de trois mois, que cet organisme a dû débourser au profit de M. Y..., il ne ressort cependant d'aucune pièce du dossier que M. Y... ait perçu une quelconque allocation chômage.Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer en ces termes, et le jugement déféré doit être infirmé de ce chef.
* * * *
Les dispositions de la décision de première instance relatives aux frais et dépens sont confirmées, sauf à dire que la créance au titre des frais irrépétibles sera fixée à la liquidation judiciaire de la société Synergies logistiques transports et que M. X..., ès qualités, sera condamné aux dépens.
Le mandataire liquidateur de la société Synergies logistiques transports, succombant en son appel, sera débouté de sa demande au titre de ses frais irrépétibles d'appel, tandis qu'il sera condamné, ès qualités, à verser à M. Yves Y... la somme de 1 500 euros du même chef.Il sera, par ailleurs, tenu aux entiers dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société Transports Jollivet à payer à M. Yves Y... les sommes allouées au titre des indemnités de rupture, de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des frais irrépétibles, ainsi qu'à rembourser aux Assedic les indemnités chômage versées à M. Yves Y... dans la limite de trois mois, de même qu'à supporter les dépens,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Fixe la créance de M. Yves Y... sur la liquidation judiciaire de la société Synergies logistiques transports aux sommes suivantes :- 4 071,92 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 407,19 euros de congés payés afférents,- 1 037,12 euros d'indemnité légale de licenciement,- 15 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que l'AGS ne sera tenue à garantie que dans les limites et plafonds légaux des articles L.3253-8, L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur le remboursement à Pôle Emploi,
Déboute M. X..., en qualité de mandataire liquidateur de la société Synergies logistiques transports, de sa demande du chef de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. X... ès qualités, à verser à M. Yves Y... la somme de1 500 euros du même chef, au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne M. X... ès qualités, aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALL Catherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02628
Date de la décision : 16/10/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-10-16;10.02628 ?
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