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09/10/2012 | FRANCE | N°11/01195

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 09 octobre 2012, 11/01195


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N BAP/ FB
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01195.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 07 Avril 2011, enregistrée sous le no F 10/ 00546

ARRÊT DU 09 Octobre 2012

APPELANT :
Monsieur Sylvain X...... 61000 ALENCON
représenté par Maître Florence GALLOT, avocat au barreau d'ALENCON
INTIMEE :
SARL CAROSSERIE DU POIDS LOURDS (CPL) Route du Mans ZA " La Pommeraie " 72610 BERUS
représentée par Maître Emmanuel BE

AUCOURT (DE), avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des disposition...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N BAP/ FB
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01195.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 07 Avril 2011, enregistrée sous le no F 10/ 00546

ARRÊT DU 09 Octobre 2012

APPELANT :
Monsieur Sylvain X...... 61000 ALENCON
représenté par Maître Florence GALLOT, avocat au barreau d'ALENCON
INTIMEE :
SARL CAROSSERIE DU POIDS LOURDS (CPL) Route du Mans ZA " La Pommeraie " 72610 BERUS
représentée par Maître Emmanuel BEAUCOURT (DE), avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Juin 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 09 Octobre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame ARNAUD-PETIT pour le président empêché, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******

FAITS ET PROCÉDURE
M. Sylvain X... a été engagé par la société Carrosserie du poids lourd (CPL) selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er février 2006, à effet au 1er mars 2006, en qualité de secrétaire-comptable, contre une rémunération brute mensuelle de 1 700 euros pour 169 heures de travail. La convention collective applicable est celle, nationale, du commerce et de la réparation de l'automobile.
Par lettre remise en main propre contre décharge, le 1er septembre 2009, M. X... a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour motif économique, fixé au 9 septembre suivant.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 18 septembre 2009, M. X... a été licencié à titre conservatoire, effectivement pour motif économique.
Par lettre remise en main propre contre décharge, le 28 septembre 2009, M. X... a contesté son licenciement, courrier auquel son employeur a apporté réponse le 8 octobre 2009, en recommandé avec accusé de réception, maintenant la décision prise.

M. X... a saisi le conseil de prud'hommes du Mans le 4 octobre 2010, aux fins que :- il soit dit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et abusif en l'absence de " motifs économiques " et de recherche de reclassement,- la société CPL soit condamnée, en conséquence, à lui verser o avec " intérêts de droit " du jour de la décision à intervenir, la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts, o 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre qu'elle supporte les entiers dépens.
Par jugement du 7 avril 2011 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, le conseil de prud'hommes a :- dit que le licenciement pour motif économique de M. Sylvain X... était justifié, rejetant, en conséquence, l'intégralité de ses demandes,- débouté la société CPL de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné M. X... aux entiers dépens.
Cette décision a été notifiée à M. X... le 15 avril 2011 et à la société CPL le 12 avril 2011. M. X... en a formé régulièrement appel, par courrier recommandé avec accusé de réception posté le 4 mai 2011.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées le 12 mars 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. Sylvain X... sollicite l'infirmation du jugement déféré et, statuant à nouveau, que :- il soit dit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et abusif en l'absence de " motifs économiques " et de recherche de reclassement,- la société CPL soit condamnée à lui verser o avec " intérêts de droit " du jour de la décision à intervenir, la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts, o 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que :- le motif économique invoqué pour le licencier n'est pas fondé o les chiffres invoqués par son employeur sont erronés, et hormis de s'appuyer s'appuyant sur des généralités, celui-ci ne démontre pas en quoi, lors du licenciement, il était confronté à des difficultés économiques, o de plus, si baisse du chiffre d'affaires il y a, elle est liée au choix que celui-ci a fait de supprimer une activité qui était bénéficiaire, choix dont lui-même ne peut pâtir, o par ailleurs, l'existence des difficultés économiques doit s'apprécier au moment du licenciement, o les affirmations de l'employeur, en lien avec un manque de compétitivité, sont tout aussi inexactes,- il n'y a eu aucune recherche réelle de reclassement o il n'est même pas fait état de la proposition qu'il a formulée lors de l'entretien préalable, à savoir que son contrat de travail à temps plein soit transformé en un temps partiel, ce que préconise pourtant, dans une telle situation, la convention collective applicable ; c'était de plus parfaitement envisageable, la société CPL, désormais, refacturant les prestations qu'il aurait pu accomplir dans le cadre de ce temps partiel, o ne peuvent, pas plus, être considérées comme sérieuses les supposées recherches de reclassement au sein du groupe, o d'ailleurs, dès avant même son licenciement, il lui avait été indiqué que tout reclassement était impossible, o au surplus, depuis son licenciement, l'employeur a procédé à une nouvelle embauche,- il justifie du préjudice causé.
Par conclusions déposées le 3 mai 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la société Carrosserie du poids lourd (CPL) sollicite la confirmation du jugement déféré, que M. Sylvain X... soit débouté de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et qu'il soit condamné à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle réplique que :- lors du licenciement, ses difficultés économiques étaient réelles, même si la situation n'était pas catastrophique, et la suite n'a fait que les confirmer ; il était donc nécessaire, au vu de ces difficultés présentes et des perspectives qui étaient sombres, la crise générale retentissant directement sur l'activité, d'arrêter des décisions ; si M. X... analyse les chiffres qu'elle a produits, cette analyse ne prend pas en compte l'ensemble des données du problème, et, en tout cas, les chiffres ne sont pas erronés comme il veut bien le dire,- le poste de M. X... a été supprimé, ses tâches étant désormais effectuées par une salariée d'une autre société du groupe et refacturées,- l'embauche qu'évoque M. X... est celle d'un apprenti carrossier, dont le contrat a débuté en septembre 2011,- les recherches de reclassement ont été effectuées au sein de l'ensemble des sociétés du groupe ; s'agissant de petites structures, elles se sont révélées infructueuses.
* * * *
Il avait été demandé à l'audience à la société CPL de fournir l'organigramme du groupe auquel elle appartient, à la date du licenciement de M. X... ; elle s'est exécutée, par pli parvenu au greffe de la cour le 29 juin 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
Conformément à l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge devant lequel un licenciement est contesté doit apprécier tant la régularité de la procédure suivie que le caractère réel et sérieux des motifs énoncés dans le courrier qui notifie la mesure et qui fixe les limites du litige.
La lettre de licenciement adressée par la société Carrosserie du poids lourd (CPL) à M. Sylvain X... est libellée en ces termes : " Suite à notre entretien du 9 septembre 2009, et à l'impossibilité de vous reclasser au sein de notre société et des autres sociétés du groupe (Alençon VI, Loca-Semi-Remorques) nous vous informons que nous sommes contraints de vous licencier pour le motif économique suivant : Comme nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, afin de sauvegarder notre compétitivité dans un contexte économique très difficile, il est absolument vital de réorganiser notre entreprise. La crise économique que nous vivons depuis plusieurs mois touche de plein fouet le domaine du transport routier, et en particulier notre activité de carrosserie de poids lourd. Les autres sociétés du groupe, Alençon VI (vente de semi-remorques) et Loca Semi-remorques (location de semi-remorques) connaissent des difficultés similaires. Ainsi, pour l'exercice 2008/ 2009, d'une durée de 12 mois, alors que l'exercice précédent avait une durée de 11 mois, la baisse de notre chiffre d'affaires est de 33 % :
- Exercice 1 juin 2007-30 avril 2008 (11 mois) : CA : 1 089 788 euros.- Exercice 1er mai 2008-30 avril 2009 (12 mois) : CA : 719 831 euros. Notre résultat d'exploitation pour cet exercice est d'ailleurs négatif (-13 845 euros). Pour les 4 mois de l'exercice en cours, les chiffres mensuels de l'activité ont été les suivants :- Mai : 23 004 euros-Juin : 46 907 euros-Juillet : 42 315 euros-Août : 36 122 euros Ainsi, on peut s'attendre à une nouvelle baisse du chiffre d'affaires de 30 % sur l'exercice en cours, si la situation ne se détériore pas encore davantage. Notre société se trouve donc en grand péril. Nous sommes donc contraints de procéder à la suppression de votre poste de secrétaire-comptable ; cette tâche sera dorénavant sous-traitée à la société Alençon VI. Comme nous vous l'indiquions dans la lettre de convocation à entretien préalable, aucune solution de reclassement n'a pu être trouvée au sein des sociétés Carrosserie du Poids Lourd, Alençon VI et Loca Semi-Remorques. Nous n'avons donc pas d'autre solution que de prononcer votre licenciement. Nous vous rappelons que vous avez jusqu'au 30 Septembre 2009 pour adhérer à la convention de reclassement personnalisé qui vous a été proposée le 09 Septembre 2009.
Si à la date du 30 Septembre 2009 vous ne nous avez pas fait connaître votre choix, ou si vous refusez la proposition de reclassement personnalisé, la présente lettre constituera la notification de votre licenciement économique. Si au contraire, vous adhérez à la convention de reclassement personnalisé, votre contrat de travail sera automatiquement rompu d'un commun accord, et la présente lettre deviendra sans objet. Votre préavis d'une durée de deux mois débutera à la date de présentation de cette lettre.... Durant l'année qui suivra la fin de votre contrat de travail, vous bénéficierez d'une priorité de ré embauchage à condition que vous nous informiez par courrier de votre désir d'en user. Celle-ci concerne les postes compatibles avec votre qualification et également ceux qui correspondraient à une nouvelle qualification acquise après la rupture de votre contrat de travail. Vous disposerez d'un délai de douze mois à compter de la notification de votre licenciement pour en contester la régularité ou la validité ".
L'article L. 1233-3 du code du travail indique que " constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ". Est également reconnu comme motif justificatif d'une telle mesure, la réorganisation décidée par l'employeur afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel cette dernière appartient, de même que la cessation d'activité de l'entreprise.
Un tel licenciement ne peut, par ailleurs, intervenir, précise l'article L. 1233-4 du code du travail, que " lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ".
La société Carrosserie du poids lourd (CPL), comme les sociétés CPL immobilier, Alençon VI et Loca semi-remorques, toutes sises à Bérus (72), appartenaient à la famille Y.... Par le biais d'une société holding dénommée HLD et ayant son siège social à Boulogne Billancourt (92), M. Z... en a fait l'acquisition, au mois d'avril 2006 pour les deux dernières, et au mois d'avril 2008 pour les deux premières. Hormis la holding, à visée strictement financière, et CPL immobilier destinée à financer l'acquisition du site de CPL, le secteur d'activité des trois autres sociétés est le " service poids lourd ", ainsi que l'écrit la société CPL elle-même dans ses conclusions. Le démontrent d'ailleurs parfaitement, tant la suite des conclusions de la société CPL, que ses procès-verbaux d'assemblée générale ordinaire au titre des exercices 2007-2008, 2008-2009, et même 2009-2010 et 2010-2011, que l'organigramme du groupe à la date du licenciement de M. X... ;
Dans le cadre de ce service poids lourd, le voeu de la société mère était de créer une synergie entre ses trois sociétés filiales, à savoir " se concentrer sur l'aménagement de semi-remorques et remorques vendues par Alençon VI et sur l'activité de réparations de camions, autocars et semi-remorques ". Pour cela, le directeur technique et commercial de CPL a vu son contrat de travail réputé rompu d'un commun accord pour motif économique le 18 juin 2008, " l'encadrement du personnel atelier de CPL étant assuré par le chef d'atelier d'Alençon VI ", le magasin de pièces détachées de CPL a été transféré sur Alençon VI, les ateliers étant de plus mitoyens, et l'activité de location longue durée de remorques et semi-remorques, assurée normalement par Loca semi-remorques, a été réduite quasiment à une coquille vide, ses salariés ayant été mis à la disposition d'Alençon VI, et leur prestation refacturée.
Or, si la réalité de la suppression d'emploi, en l'espèce, est bien examinée au niveau de l'entreprise à laquelle appartient le salarié concerné par le licenciement, en revanche, les " difficultés économiques " prises dans un sens large, incluse la réorganisation motivée, ou non, par des problèmes économiques, doivent l'être au regard du secteur d'activité du groupe dont l'entreprise en question fait partie.
La société CPL y fait d'ailleurs allusion dans la lettre de licenciement, lorsqu'elle indique " La crise économique que nous vivons depuis plusieurs mois touche de plein fouet le domaine du transport routier ", associant les sociétés Alençon VI et Loca semi-remorques dans des difficultés " similaires ".
Pourtant, elle n'évoque et ne verse que des éléments comptables et de fonctionnement sociétal qui lui sont propres, alors que, pour permettre à la cour d'examiner la réalité du motif économique invoqué au plan du secteur d'activité du groupe, il convient d'appréhender aussi la situation des sociétés Alençon VI et Loca semi-remorques. Dès lors, afin de permettre aux parties de conclure sur le point soulevé, la société CPL sera invitée à produire les documents indispensables, type bilans et autres, les demandes formulées, de même que le sort des dépens, étant en l'état réservés, et la réouverture des débats ordonnée.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Avant dire droit,
Ordonne la réouverture des débats à l'audience du jeudi 13 décembre à 14 heures pour permettre aux parties de conclure sur le motif économique invoqué et sa réalité au regard du secteur d'activité du service poids lourds, la société Carrosserie du poids lourd étant invitée à justifier des pièces comptables et autres pour ce qui est des sociétés Alençon VI et Loca semi-remorques,
Dit que le présent vaut convocation des parties et de leurs avocats,
Réserve les dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01195
Date de la décision : 09/10/2012
Sens de l'arrêt : Réouverture des débats
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-10-09;11.01195 ?
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