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09/10/2012 | FRANCE | N°10/02654

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 09 octobre 2012, 10/02654


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N CLM/ SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02654.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 24 Septembre 2010, enregistrée sous le no F 09/ 00500

ARRÊT DU 09 Octobre 2012

APPELANT :
Monsieur Sébastien X...... 72230 MONCE EN BELIN
représenté par la SCP CHANTEUX PIEDNOIR DELAHAIE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d'ANGERS-No du dossier 2010608

INTIMEE :
CSF FRANCE (CARREFOUR MARKET CHAMPION) Boulevard d'Es

tienne d'Orves 72044 LE MANS CEDEX 9
représentée par la SCP LE DEUN-PAVET-VILLENEUVE-DAVETTE-BENOIST-...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N CLM/ SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02654.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 24 Septembre 2010, enregistrée sous le no F 09/ 00500

ARRÊT DU 09 Octobre 2012

APPELANT :
Monsieur Sébastien X...... 72230 MONCE EN BELIN
représenté par la SCP CHANTEUX PIEDNOIR DELAHAIE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d'ANGERS-No du dossier 2010608

INTIMEE :
CSF FRANCE (CARREFOUR MARKET CHAMPION) Boulevard d'Estienne d'Orves 72044 LE MANS CEDEX 9
représentée par la SCP LE DEUN-PAVET-VILLENEUVE-DAVETTE-BENOIST-DUPUY, avocats au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Juin 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT : prononcé le 09 Octobre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Brigitte Arnaud Petit, pour le président empêché, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE :
M. Sébastien X... a été embauché le 18 janvier 1995 par la société " Les Comptoirs Modernes ", aux droits et obligations de laquelle se trouve aujourd'hui la société CSF France, en contrat de qualification pour une durée d'un an. A compter du 2 janvier 1996, il a été engagé en contrat de qualification à durée déterminée comme stagiaire-chef de rayon. Après avoir poursuivi sa carrière au sein de cette société en qualité de chef de rayon, puis de chef de secteur, à compter du 1er mars 2003, il est devenu stagiaire directeur de supermarché niveau VII, statut cadre, au sein de la société Champion Supermarchés.
Par avenant du 23 octobre 2003, il a été nommé directeur de supermarché niveau VII, occupant le poste de directeur du magasin de Moncé en Belin (72) puis, ce magasin ayant été vendu à une autre enseigne, à partir du 1er avril 2008, il a été promu directeur de magasin niveau VIII et a assuré la direction d'un magasin situé dans l'agglomération du Mans (Le Mans " Olivier Heuzé ").
Par lettre du 28 avril 2009, remise en main propre, M. X... s'est vu notifier sa mise à pied à titre conservatoire et il a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 11 mai suivant.
Il a été licencié pour faute grave par courrier recommandé du 14 mai 2009.
Le 12 août 2009, M. Sébastien X... a saisi le conseil de prud'hommes pour contester son licenciement et obtenir un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, les indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 24 septembre 2010 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes du Mans a :- dit que le licenciement de M. X... reposait bien sur une faute grave et l'a débouté de l'ensemble de ses prétentions au titre de la rupture ;- condamné la société CSF France à lui payer la somme de 1 000 € de dommages et intérêts pour non respect du droit au DIF outre 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;- débouté l'employeur de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'indemnité de procédure ;- condamné la société CSF France aux dépens.
M. Sébastien X... a régulièrement relevé appel de ce jugement par lettre recommandée postée le 20 octobre 2010.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses conclusions enregistrées au greffe le 23 novembre 2011, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. Sébastien X... demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives au non respect du droit au DIF, aux dépens et aux frais irrépétibles et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société CSF France pour procédure abusive ;- de l'infirmer pour le surplus ;- de juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;- de condamner la société CSF France à lui payer les sommes suivantes : ¤ 1 482, 36 € de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire outre 148, 23 € de congés payés afférents, ¤ 9 150 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 915 € de congés payés afférents, ¤ 20 503, 36 € d'indemnité conventionnelle de licenciement ; ¤ 45 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ¤ 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,- de condamner la société CSF France aux dépens.
L'appelant invoque tout d'abord la prescription des faits qui lui sont reprochés, arguant de ce que l'employeur les situe au cours de la période comprise entre mai 2008 et février 2009, soit plus de deux mois avant l'engagement de la procédure marqué par le courrier de convocation à l'entretien préalable du 28 avril 2009, et de ce qu'il ne démontre pas qu'il n'en aurait eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé cette date. Il soutient qu'eu égard aux étapes de contrôle strictes auxquelles sont soumis les tableaux de bord expédiés, il est impossible qu'il ait commis les fraudes qui lui sont reprochées et qu'elles aient pu échapper à sa hiérarchie.
En second lieu, il oppose que la preuve des faits et manquements invoqués à l'appui du licenciement n'est pas rapportée, et il soutient que cette mesure est en réalité liée à son refus de prendre la direction du magasin de " La Pointe ", proposition qui lui a été faite par téléphone le 20 avril 2009.
Aux termes de ses conclusions enregistrées au greffe le 8 juin 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société CSF France demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions relatives à la rupture du contrat de travail ;- de l'infirmer pour le surplus ;- de débouter M. X... de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, de le condamner à lui payer de ce chef la somme de 1 500 € et à supporter les dépens.
L'employeur fait valoir que la faute grave est parfaitement caractérisée en ce qu'il établit, fait dont la matérialité n'est pas contestée, que le salarié lui a sciemment, et de façon systématique, soumis des tableaux de marge comportant des chiffres inexacts ce qui a eu pour effet de fausser le taux de marge annoncé et, par voie de conséquence, l'image renvoyée du fonctionnement du magasin et de sa rentabilité, et a entraîné le versement de rémunérations injustifiées au personnel du magasin.
Au moyen tiré de la prescription il rétorque, tout d'abord, qu'il s'est agi d'un comportement continu, en second lieu, qu'il ne l'a découvert qu'en mars 2009 à la faveur d'un contrôle aléatoire des tableaux expédiés par M. X... au service centralisé de contrôle de gestion.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le licenciement :
Attendu que la lettre de licenciement adressée à M. Sébastien X... le 14 mai 2009, et qui fixe les termes du litige, est ainsi libellée : " Monsieur, Vous avez été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle décision de licenciement le lundi 11 mai 2009 pour les motifs suivants : Vous avez régulièrement masqué les mauvaises marges des rayons des magasins où vous exercez votre fonction de Directeur de Supermarché, soit à Moncé en Belin et Le Mans Olivier Heuzé. Afin d'éviter que les marges trop faibles des rayons apparaissent sur le tableau de bord, vous vous permettiez d'imputer des charges des rayons dans les frais généraux.
Au magasin du Mans Olivier Heuzé, j'ai découvert :- En mai 2008, vous avez transféré des rayons de la zone marché 1500 euros, dont 500 euros en fourniture, 500 euros en entretien et 500 euros en publicité/ Sponsoring.- En juin 2008, vous avez transféré des rayons de la zone marché 5000 euros, dont 1500 euros en fourniture, 2500 euros en entretien, 500 euros en réception et 500 euros en publicité/ Sponsoring.- En octobre 2008, vous avez transféré des rayons de la zone marché 2500 euros, dont 1500 euros en entretien et 1000 euros en publicité/ sponsoring.- En novembre 2008, vous avez transféré des rayons de la zone marché 1900 euros, dont 600 euros en entretien, 500 en réception formation et 800 euros en nettoyage vêtement.- En décembre 2008, vous avez transféré des rayons de la zone marché 2500 euros, dont 1000 euros en entretien, 500 en réception formation et 1000 euros en publicité/ sponsoring.- En février 2009, vous avez transféré des rayons de la zone marché 1000 euros, soit 1000 euros en entretien.
Face à cette découverte, j'ai alors contrôlé les comptes de votre magasin de Moncé en Belin :- en décembre 2007, vous avez transféré des rayons de la zone marché 6700 euros, dont 1500 euros en fourniture, 1000 euros en entretien, 500 euros en réception, 1700 euros en nettoyage vêtements et 2000 euros en publicité/ sponsoring,- en janvier 2008, vous avez transféré des rayons de la zone marché 2000 euros, soit 2000 euros en publicité/ sponsoring,- en mars 2008, vous avez transféré des rayons de la zone marché 2600 euros, dont 1500 euros en fourniture, 500 euros en entretien, 500 euros en réception et 100 euros en publicité/ sponsoring.
Par ces faits, lors de la cession du magasin de Moncé en Belin à l'enseigne SHOPI, il s'est avéré que les marges du rayon DNP et surgelés étaient catastrophiques. De plus, afin de pouvoir expliquer ce problème de marge, j'ai passé une joumée avec vous et à aucun moment vous avez daigné me dire que ces résultats étaient faussés par vos man œ uvres illicites de transfert.
Non seulement vous utilisiez de manière illicite les transferts, mais de plus aucun transfert justifié inter rayons n'apparaissait ; ex : transfert du rayon charcuterie ou F et L vers le rayon PVP (prise de marchandise pour préparer les sandwichs) ; prise de produits en cas de nécessité pour le magasin. Il s'agit d'une fraude comptable sans possibilité de mettre en place une démarche crédible et optimale de plan d'actions par rayon.
De plus, en agissant de la sorte, vous avez faussé les primes de résultats de vos agents de maîtrise et de vos employés commerciaux de niveau 4, et ce au détriment de l'entreprise, car de ce fait les primes étaient surévaluées. En votre qualité de directeur de magasin, vous dirigez un centre de profit et ce dans le respect des politiques de l'enseigne. Vous vous devez de présenter la réalité des résultats, et mettre en place si nécessaire des plans d'actions correctifs. En masquant les mauvais résultats et ce sciemment et de manière régulière, non seulement vous ne respectez pas les politiques de l'enseigne, mais de plus vous trahissez la confiance de votre hiérarchie. En commettant de tels faits, vous n'assurez pas vos responsabilités et ne respectez pas vos obligations contractuelles. Les explications recueillies au cours de l'entretien du lundi 11 mai 2009 ne m'ont pas permis de modifier mon appréciation des faits. En aucun cas, je ne peux tolérer plus longtemps de tels agissements qui trahissent la confiance que je portais en vous dans le cadre de votre fonction. Aussi, je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute grave.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, ce licenciement prendra effet dès la date d'envoi de cette lettre et votre contrat de travail se terminera à cette date sans préavis ni indemnité. La période non travaillée et constitutive d'une mise à pied conservatoire ne vous sera pas rémunérée. Enfin faisant l'objet d'un licenciement pour faute grave, vous ne bénéficiez d'aucun droit au titre du Droit Individuel à la Formation. " ;
Attendu que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve ;
Attendu que les agissements reprochés à M. X... consistent à avoir, dans les tableaux de bord transmis à l'employeur, faussé les mauvaises marges des rayons des magasins de Moncé en Belin et Le Mans " Olivier Heuzé " dont il a assuré la direction en imputant des charges des rayons dans les frais généraux, ce qui a eu pour effet de masquer les mauvaises marges des rayons, d'empêcher tout plan d'action par rayon et de conduire au versement de primes de résultats surévalués en faveur de ses collaborateurs ;
Attendu que la réalité des imputations des charges des rayons dans les frais généraux, reprochées à M. Sébastien X..., autant que leur montant, sont établis par la production des tableaux de bord que ce dernier a transmis au service centralisé de contrôle de gestion de la société CSF France, tant au titre du magasin de Moncé en Belin que du chef de celui du Mans " Olivier Heuzé " ; attendu que l'appelant ne conteste pas être l'auteur de ces tableaux de bord et ne soutient pas que les sommes qui y sont mentionnées ne correspondraient pas à celles qu'il y a portées ; Attendu, s'agissant des tableaux de bord concernant le magasin du Mans, que le rapprochement de ceux établis par l'ancien directeur jusqu'en avril 2008 et de ceux établis ensuite par M. X... met particulièrement en évidence la pratique d'imputation reprochée à ce dernier, avec le report de sommes dépourvues de cohérence et l'absence de transfert inter-rayons justifié souligné par l'employeur ; que la matérialité des faits reprochés apparaît, dès lors, établie, étant observé que les protestations émises de ce chef par le salarié en cause d'appel procèdent de la pure dénégation sans être étayées par la moindre explication, ni le moindre élément ;
Que d'ailleurs, M. X... a lui-même clairement reconnu la pratique reprochée et qu'il ne livrait pas des données comptables correspondant à la réalité lorsqu'à réception de la lettre de licenciement il a, le 23 mai 2009, écrit en ces termes à son employeur : " Je constate que je suis employé dans votre entreprise depuis le 1er janvier 1995, que vous n'avez formulé aucun reproche à mon encontre jusqu'à la date du 28 avril 2009. Il s'avère en outre que l'erreur qui, de votre point de vue, justifie mon licenciement pour faute grave, n'a pas le caractère que vous lui donnez. En effet cette pratique d'écritures est courante dans bon nombre de magasins. Je l'ai apprise auprès de directeurs de magasins confirmés. Elle ne nuit pas foncièrement aux résultats du magasin puisqu'elle prend d'un compte pour mettre sur un autre compte. Par conséquent, elle ne s'apparente pas à de la malversation frauduleuse puisque ces fichiers de marges mensuelles vous étaient envoyés tous les mois. " ;
Attendu qu'il ressort des débats que les tableaux de bord ainsi établis par les directeurs de 175 magasins sont centralisés vers un service de contrôle de gestion à Rennes et qu'ils sont traités automatiquement, la masse des données fournies rendant matériellement impossible des contrôles systématiques de leur pertinence et l'employeur accordant, par principe, sa confiance aux transmissions opérées par les directeurs de ses magasins qui ont le statut de cadres, étant souligné que, comme tout contrat de travail d'un directeur de magasin, celui signé par M. X... le 1er avril 2008 comporte un article 7 intitulé " La sincérité des documents de gestion " ainsi libellé : " Le Directeur du magasin devra veiller au bon respect des règles applicables pour l'établissement des documents de gestion et notamment s'assurer de la sincérité de ces documents. " ; Attendu que M. Bruno Y..., responsable du contrôle de gestion, atteste de ce que c'est suite à un audit interne qu'il a été décidé de mettre en place, à compter de janvier 2009, un contrôle sur les transferts et les prélèvements de marchandises inter-rayons, et que c'est à la faveur de ce contrôle particulier qu'ont été mises en évidence des valeurs de transferts très importantes pratiquées sur le magasin du Mans " Olivier Heuzé ", anomalies qui ont elles-mêmes conduit par la suite à faire remonter le contrôle aux années 2008 et 2007, tant au titre de la gestion du magasin du Mans, qu'au titre de celle du magasin de Moncé en Belin pour lequel les mêmes anomalies de transferts de charges ont été mises en évidence ;
Attendu que l'appelant ne produit aucun élément à l'appui de ses affirmations selon lesquelles la pratique qui lui est reprochée aurait été courante et lui aurait été enseignée par le directeur régional qui a procédé à son licenciement ; qu'il n'en produit pas plus à l'appui de ses affirmations selon lesquelles les tableaux de bord auraient fait l'objet de contrôles mensuels à trois niveaux, notamment à celui du directeur régional en plus du service de contrôle de gestion de Rennes et du service de traitement des fichiers informatiques de Mondeville ;
Attendu qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que la matérialité des faits reprochés à M. Sébastien X... et leur imputabilité à ce dernier sont bien établies, qu'il s'agit d'agissements qui ont été continus de décembre 2007 à février 2009, dont l'employeur n'a eu la connaissance exacte dans leur réalité, leur nature et leur ampleur, qu'à compter de mars 2009 et du chef desquels il a bien engagé la procédure de licenciement dans le délai de deux mois imparti par la loi, la convocation à l'entretien préalable datant du 28 avril 2009 ; Que le moyen tiré de la prescription est donc mal fondé ;
Attendu que les faits reprochés au salarié constituent un manquement caractérisé à l'obligation de loyauté due à l'employeur et à l'obligation, rappelée dans son contrat de travail, pour un directeur de magasin, de transmettre des documents de gestion établis dans le respect des règles définies par l'employeur et sincères ; que le fait pour M. X..., en sa qualité de directeur de magasin, d'avoir transmis sciemment à sa hiérarchie et au service de contrôle de gestion des documents de gestion dépourvus de fiabilité et de sincérité constitue bien une faute grave qui rendait impossible son maintien dans l'entreprise, la transmission de documents dépourvus de fiabilité rendant impossible le contrôle que l'employeur doit pouvoir exercer sur le fonctionnement du magasin et sa rentabilité ; que le jugement entrepris est donc confirmé en ce qu'il a consacré la faute grave et débouté M. Sébastien X... de l'ensemble de ses prétentions relatives au rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, à l'indemnité compensatrice de préavis, à l'indemnité de licenciement et à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu enfin, la réalité de la faute grave invoquée par l'employeur étant établie, qu'il n'y a pas lieu de s'attacher au moyen tiré d'un licenciement prétendument justifié par le refus de M. X... de prendre la direction du magasin " Champion " situé au Mans " La Pointe " ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour la perte du droit au DIF :
Attendu que, pour allouer à M. Sébastien X... la somme de 1 000 € de dommages et intérêts pour perte du droit au DIF, les premiers juges ont retenu que la lettre de licenciement l'avait induit en erreur en ce que le licenciement pour faute grave n'est pas privatif du droit individuel à la formation ;
Mais attendu que le licenciement de l'appelant est intervenu le 14 mai 2009 ; et attendu que l'article L. 6323-17 du code du travail, en sa rédaction antérieure à la loi no 2009-1437 du 24 novembre 2009 alors applicable, disposait que " Le droit individuel à la formation est transférable en cas de licenciement du salarié, sauf pour faute grave ou pour faute lourde. " ; Et attendu qu'aux termes de l'article L. 6323-18 du code du travail, l'employeur n'est tenu d'informer le salarié de ses droits en matière de DIF dans la lettre de licenciement que " s'il y a lieu " ;
Que le licenciement de M. Sébastien X..., intervenu avant l'entrée en vigueur de la loi susvisée, étant bien fondé sur une faute grave, alors privative du droit au DIF, il ne peut pas être reproché à l'employeur de l'avoir induit en erreur en lui indiquant en conclusion de la lettre de licenciement qu'il ne bénéficiait d'aucun droit au titre du DIF ; que, par voie d'infirmation du jugement déféré, M. X... doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ;

Sur les dépens et frais irrépétibles :
Attendu, l'appelant succombant en son recours et la société CSF France prospérant en son appel incident, que M. X... sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel et, par voie d'infirmation du jugement déféré, débouté de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ; Qu'au regard des situations économiques respectives des parties, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la société CSF France la charge des frais irrépétibles d'appel qu'elle a pu exposer, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande ;

PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux dommages et intérêts alloués à M. Sébastien X... au titre du DIF, en ce qu'il lui a alloué une indemnité de procédure et en ses dispositions relatives aux dépens et le confirme en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement déféré,
Déboute M. Sébastien X... de sa demande de dommages et intérêts formée au titre du DIF et de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société CSF France de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne M. Sébastien X... aux entiers dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02654
Date de la décision : 09/10/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-10-09;10.02654 ?
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