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09/10/2012 | FRANCE | N°10/02437

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 09 octobre 2012, 10/02437


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N
AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02437
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 09 Septembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 00099

ARRÊT DU 09 Octobre 2012

APPELANTE :

S. A. R. L. PERFORMANCE ENVIRONNEMENT La Bosse 49400 SAUMUR,

représentée par Maître Arnaud BARBÉ, substituant Maître Bruno ROPARS (A. C. R.), avocat au barreau d'ANGERS
INTIMÉ :
Monsieur Laurent X...... 49400 SAINT LAMB

ERT DES LEVEES

présent, assisté de Maître Paul CAO (SCP), avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA ...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N
AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02437
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 09 Septembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 00099

ARRÊT DU 09 Octobre 2012

APPELANTE :

S. A. R. L. PERFORMANCE ENVIRONNEMENT La Bosse 49400 SAUMUR,

représentée par Maître Arnaud BARBÉ, substituant Maître Bruno ROPARS (A. C. R.), avocat au barreau d'ANGERS
INTIMÉ :
Monsieur Laurent X...... 49400 SAINT LAMBERT DES LEVEES

présent, assisté de Maître Paul CAO (SCP), avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Juin 2012 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur Madame Anne DUFAU, assesseur

qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT : du 09 Octobre 2012, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par madame ARNAUD PETIT, pour le président empêché, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******

EXPOSE DU LITIGE

M. Laurent X..., qui rencontrait des difficultés sociales et professionnelles, a obtenu en juin 2006 un agrément de l'ANPE, dont le terme était fixé au 4 juin 2008, pour l'obtention de missions d'insertion.
Le 1er juin 2006, il a été mis à la disposition de la société Log Europe Distribution comme chauffeur pour la collecte des bennes de déchets dans le cadre de contrats de travail temporaire conclus avec la société ID'EES Intérim, entreprise de travail temporaire d'insertion.
La relation de travail s'est poursuivie, au travers de contrats d'intérim, jusqu'au 2 janvier 2007, date à laquelle M. X... a signé avec la société Log Europe Distribution un contrat à durée indéterminée pour un emploi de conducteur de collecte de déchets, coefficient 160 de la convention collective de la récupération de déchets, pour un salaire mensuel de 1559, 09 € et un horaire mensuel de travail de 169 heures.
Le contrat de travail a été transféré à la société Performance Environnement le 5 décembre 2007.
Le 10 juillet 2008, l'employeur a adressé à M. X... une mise en garde écrite, puis le 21 novembre 2008, le salarié a été mis à pied à titre disciplinaire pendant trois jours.
Le 2 mars 2009, la société Castel, client de la société Performance Environnement, s'est plainte du comportement de M. X... lors de l'enlèvement d'une benne de déchets effectué le 20 février 2009.
M. X... a été convoqué le 9 mars 2009 à un entretien préalable au licenciement fixé au 17 mars 2009, et il a été licencié pour faute grave le 20 mars 2009.
Le 22 juillet 2009, il a saisi le conseil de prud'hommes de Saumur pour voir requalifier ses contrats de travail temporaire en un contrat à durée indéterminée, annuler les sanctions disciplinaires des 10 juillet et 21 novembre 2008, et dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 9 septembre 2010, le conseil de prud'hommes de Saumur, écartant la faute grave, a condamné la société Performance Environnement à payer à M. X... les sommes de :-50 € pour l'irrégularité de la procédure de licenciement,-3537, 75 € au titre de l'indemnité de préavis congés payés inclus,-675, 39 € au titre de l'indemnité légale de licenciement, et débouté M. X... du surplus de ses demandes.

Le conseil de prud'hommes a ordonné la remise du bulletin de salaire relatif au préavis et à l'indemnité légale de licenciement, sous astreinte de 10 € par jour, passé un délai de 15 jours après notification du jugement, et condamné la sarl Performance Environnement à payer à M. X... la somme de 400 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des dépens.
Le jugement a été notifié le 14 septembre 2010 à M. X... et à la sarl Performance Environnement, qui en a fait appel par lettre postée le 30 septembre 2010.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La sarl Performance Environnement demande à la cour, par observations orales à l'audience, reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 4 novembre 2011, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de :- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande en requalification des contrats de travail temporaire en contrat à durée indéterminée et de sa demande en annulation des sanctions disciplinaires du 10 juillet 2008 et du 21 novembre 2008,- réduire à l'euro symbolique les dommages-intérêts alloués pour irrégularité de la procédure de licenciement,- infirmer le jugement en ce qu'il a écarté la faute grave, et statuant à nouveau, dire que le licenciement est fondé sur une faute grave, débouter M. X... de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La sarl Performance Environnement soutient :
- que la loi en matière de travail temporaire prévoit un motif spécifique qui est l'insertion par l'activité économique des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières ; que c'est ce motif qui est visé dans les contrats de mission de M. X... et que celui-ci a été agréé par l'ANPE pour pouvoir bénéficier de telles mesures ; que la durée du recours (7mois) s'inscrit dans le cadre légal puisque la durée maximale de recours à ce type de contrat est de 24 mois ; qu'une telle durée n'indique pas qu'il se soit agi de pourvoir un emploi permanent de l'entreprise.
- que la mise en garde du 10 juillet 2008 est parfaitement justifiée et que la mise à pied du 21 novembre 2008 a été précédée d'un entretien, dont la lettre remise au salarié fait mention ; que cette mise à pied est proportionnée aux faits car M. X... avait fait l'objet de plusieurs recadrages et réprimandes depuis 2007.
- que l'irrégularité de la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement est sans conséquences et peut être réparée par l'octroi d'un euro symbolique.
- que les griefs retenus au soutien de la faute grave sont établis et constituent des manquements aux règles de sécurité ; qu'ils se sont ajoutés aux incidents antérieurs.
M. X... demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 5 janvier 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de :- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'absence de faute grave et lui a alloué la somme de 50 € à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, la somme de 3537, 75 € au titre de l'indemnité de préavis congés payés inclus, et la somme de 675, 39 au titre de l'indemnité de licenciement et en ce qu'il a ordonné la remise du bulletin de salaire relatif au préavis et à l'indemnité légale de licenciement sous astreinte de 10 € par jour passé un délai de 15 jours après la notification du jugement,

Formant appel incident, M. X... demande à la cour de statuer à nouveau sur le surplus, et de condamner la sarl Performance Environnement à lui payer les sommes de : ¤ 25 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ¤ 2000 € à titre d'indemnité de requalification des contrats de travail temporaire en contrats de travail à durée indéterminée, ¤ 1000 € à titre de dommages-intérêts pour annulation de sanctions disciplinaires injustifiées, ¤ 282, 43 € au titre de la mise à pied du 21 novembre 2008 congés payés incluse, ¤ 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. X... soutient :
- que le motif d'insertion d'une personne agréée par l'ANPE est fictif et qu'il s'agit en réalité d'une période d'essai ; que M. X... a occupé un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et que dès lors les contrats de travail de missions doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée.
- que la mise en garde du 10 juillet 2008 n'est pas justifiée et que la mise à pied du 21 novembre 2008 est irrégulière puisqu'elle n'a pas été précédée d'un entretien préalable ; qu'au surplus il conteste la matérialité des faits reprochés,
- que la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l'employeur et qu'il n'en démontre pas l'existence,
- que l'absence de l'adresse de la mairie sur la convocation à l'entretien préalable cause nécessairement un préjudice au salarié,
M. X... demande à la cour de dire que les intérêts courront au taux légal sur les rappels de salaire, les congés payés, l'indemnité de préavis, l'indemnité de licenciement, à compter de la demande en justice, et à compter du prononcé de l'arrêt sur les condamnations indemnitaires, le tout avec capitalisation des intérêts.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les sanctions disciplinaires
En application de l'article L1333-2 du code du travail le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme, ou injustifiée, ou disproportionnée à la faute commise ;
Sur la mise en garde du 10 juillet 2008
La mise en garde adressée par écrit à M. X... le 10 juillet 2008, qui en tant qu'elle est écrite est bien une sanction disciplinaire, lui fait reproche d'avoir une attitude irrespectueuse avec ses supérieurs hiérachiques, de pratiquer le " chiffonnage ", c'est-à-dire la revente pour son compte personnel de matériaux collectés comme déchets chez les clients de l'entreprise, de conduire le camion de l'entreprise sans en prendre soin, trop rapidement, et en mettant la sécurité des usagers de la route en danger ;
Le grief d'attitude irrespectueuse n'est soutenu par la production d'aucune attestation ni pièce ; il est acquis quant au " chiffonnage " que la sarl Performance Environnement avait par note du 28 mai 2008 rappelé à ses salariés l'interdiction des actes de " chiffonnage " ainsi que les raisons de cette interdiction ; la seule attestation produite sur ce grief émane de M. Y..., contremaître, sans que celui-ci ne précise ni les dates ou périodes pendant lesquelles il aurait vu M. X... se livrer à du chiffonnage ni le type de matériel que le salarié emportait ; le grief n'est pas établi ; quant à l'usage du camion, il est rappelé à M. X... qu'il doit le confier à l'atelier de mécanique pour la réparation et l'entretien courant, qu'il doit avoir une conduite " raisonnée " sur les voies secondaires et plus " coulée ", afin de moins consommer d'essence ; il apparaît que M. X... a bien remis le camion à l'atelier de mécanique le 22 mars 2008 pour son entretien courant, et que M. Z..., mécanicien, a uniquement attesté avoir constaté que les freins arrière étaient usés et que cela était " probablement dû à une mauvaise conduite du chauffeur " ; aucun procès-verbal d'infraction au code de la route n'est produit, qui établirait la réalité d'une conduite effectuée à une vitesse excessive ;
Le grief n'est pas là non plus établi ; la mise en garde doit donc, par voie d'infirmation du jugement, être dite injustifiée, et être annulée ;
Sur la mise à pied du 21 novembre 2008
La mise à pied notifiée le 21 novembre à M. X... vise un unique motif, qui est : " menaces verbales à l'encontre de M. Y... " ;
Aux termes des articles L1332- 1et L1332-2 du code du travail, le salarié ne peut pas être sanctionné sans que l'employeur l'ait informé par écrit des griefs retenus contre lui et dès lors que la sanction n'est pas un avertissement, le salarié contre lequel une sanction est envisagée doit être convoqué à un entretien préalable au cours duquel l'employeur lui indique le motif de la sanction envisagée et recueille ses explications ; lors de son audition le salarié peut se faire assister d'une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ;
La mise à pied de trois jours notifiée à M. X... le 21 novembre 2008 n'a fait l'objet d'aucun entretien préalable auquel il ait été convoqué au moyen d'un écrit exposant les griefs retenus contre lui : " l'entretien de ce jour " auquel fait référence le courrier de sanction adressé au salarié, en l'absence d'éléments extérieurs objectifs venant accréditer que M. X... a été convoqué dans les formes légales, ne peut être considéré que comme un échange informel avec l'employeur, ne répondant pas aux prescriptions du code du travail : la mise à pied prononcée le 21 novembre 2008 est irrégulière ;
En outre et au surplus elle n'est pas justifiée, en ce que la réalité des faits reprochés n'est pas établie ; M. Y... est contremaître, et M. X... travaille sous sa direction ; il atteste avoir reçu de la part de M. X..., le 20 novembre 2008 au soir, des menaces qu'il décrit ainsi : " du style : un jour je te casserai les dents en dehors de l'entreprise " ; une seconde attestation est produite par l'employeur, qui est celle de M. A..., agent de tri ; celui-ci indique que " le jeudi 20 novembre 2008 M. Y... s'est fait agressé verbalement par M. X... Laurent avec une promesse d'agression physique en dehors de l'entreprise " ; Il apparaît donc que M. Y... ne peut restituer exactement les propos qui lui auraient été tenus par M. X..., et le libellé de l'attestation de M. A... ne permet pas d'affirmer qu'il ait été témoin direct des faits allégués ; le grief n'est pas établi ;

La mise à pied prononcée le 21 novembre 2008, irrégulière et non fondée est en conséquence annulée et la sarl Performance Environnement est condamnée à payer à M. X... au titre du rappel de salaire correspondant aux trois jours de mise à pied la somme de 282, 43 €, qui ne lui a pas été versée du fait de la sanction ; le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande en annulation des sanctions disciplinaires et de sa demande en rappel de salaire ;
M. X... ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice, financier ou moral, qui ne serait pas réparé par le prononcé par la cour de l'annulation des deux sanctions disciplinaires des 10 juillet et 21 novembre 2008 : il est, par voie de confirmation du jugement entrepris, débouté de sa demande en dommages-intérêts ;
Sur la demande en requalification des contrats de travail temporaire en contrat à durée indéterminée
Aux termes de l'article L322-4-16 I du code du travail devenu l'article L5132-1 l'insertion par l'activité économique a pour objet de permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion professionnelle ;
L'Etat peut conclure des conventions avec des employeurs dont l'activité a spécifiquement pour objet l'insertion par l'activité économique ;
Quatre catégories de structures d'insertion par l'activité économique sont définies par la loi : les entreprises d'insertion, les associations intermédiaires, les entreprises de travail temporaire d'insertion, les ateliers et chantiers d'insertion ;
Les entreprises de travail temporaire dont l'activité exclusive consiste à faciliter l'insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières concluent avec ces personnes des contrats de mission qui sont soumis à l'ensemble des règles légales du travail temporaire, la durée du contrat de mission pouvant être néanmoins portée à 24 mois ;
Il ne fait pas débat que la société ID'EES INTERIM est une entreprise de travail temporaire d'insertion et qu'elle a conclu du 1er juin 2006 au 2 janvier 2007 avec M. X... des contrats de mission s'inscrivant dans le cadre de la réalisation du parcours d'insertion de 24 mois pour lequel celui-ci avait reçu un agrément de l'Agence Nationale pour l'emploi d'Angers ;
Ces contrats, au nombre de 10, ont été souscrits pour la mise à disposition de M. X... à la société Log Europe Distribution, sur un poste de chauffeur, la tâche à accomplir étant mentionnée comme étant " l'enlèvement des bennes dans les déchetteries manutention-entretien " ;
Le motif du recours au contrat de travail temporaire a été libellé ainsi " recours insertion personne agrée par l'ANPE, salariée par une ETTI, défini dans les articles L322-4-16 I et L322-4-16-2 du code du travail " ;
L'article L 124-2 du code du travail devenu l'article L1251-5 prévoit que le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.
Cette règle s'applique aux contrats de mission de travail temporaire conclus dans le cadre d'un parcours d'insertion et l'entreprise utilisatrice, la société Log Europe Distribution devenue la sarl Performance Environnement doit par conséquent établir la réalité d'une tâche précise et temporaire justifiant le recours à un salarié intérimaire ; à défaut le salarié, aux termes de l'article L124-7 du code du travail devenu l'article L1251-40 peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondants à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de la première mission irrégulière ;
Il résulte du libellé des contrats de mission conclus par ID'EES Intérim pour la mise à la disposition de la société Log Europe Distribution de M. X... que la tâche du salarié est " l'enlèvement des bennes dans les déchetteries-manutention-entretien ", et il apparaît d'autre part que M. X... a été engagé par contrat à durée indéterminée le 2 janvier 2007 comme " chauffeur de bennes et manutentionnaire ", pour le " ramassage de bennes de déchets " ;
Le libellé des contrats de mission a été invariablement " l'enlèvement des bennes dans les déchetteries-manutention-entretien ", l'horaire de travail hebdomadaire est resté constamment de 39 heures et le taux horaire de 9 € ;
Engagé à compter du 1er juin 2006, les missions de M. X... se sont renouvelées sans interruption jusqu'au 5 janvier 2007, pour se terminer par une embauche en contrat de travail à durée indéterminée sur le même poste, avec le même horaire hebdomadaire, et le même taux horaire ;
Cette activité de collecte de déchets et enlèvements de bennes de dépôt est l'activité permanente de la société Log Europe Distribution devenue la société Performance Environnement et M. X... a par conséquent été employé, au moyen de contrats de mission, pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ;
Les contrats de mission doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée ce à compter du 1er juin 2006 ;
Lorsque le juge fait droit à la demande de requalification d'un contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée il accorde au salarié, en application de l'article L124-7-1 du code du travail devenu l'article L1251-41, une indemnité à la charge de l'entreprise utilisatrice qui ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction ;
Il y a lieu, par voie d'infirmation du jugement, de condamner la sas Performance Environnement à payer à M. X... la somme de 1640 €, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de la sarl Performance Environnement devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Saumur ;
Les conditions de la capitalisation des intérêts, telles qu'énoncées à l'article 1154 du code civil, étant réunies, celle-ci doit être ordonnée ;
Sur le licenciement
sur l'irrégularité de la procédure
La lettre de convocation à l'entretien préalable indique, aux termes de l'article R1232-1 du code du travail la date, l'heure et le lieu de l'entretien et que le salarié peut se faire assister pour l'entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller extérieur à l'entreprise ; dans ce cas la lettre doit contenir l'adresse des services où la liste des conseillers est tenue à la dispositions des salariés, soit l'adresse de la direction départementale du travail et de l'emploi, et l'adresse de la mairie du domicile ;
Il est établi, et non discuté par la sarl Performance Environnement, que l'adresse de la mairie du domicile de M. X... ne figure pas sur la lettre de convocation à l'entretien préalable ; l'absence de cette mention crée nécessairement au salarié un préjudice qui sera justement réparé par l'allocation à titre de dommages-intérêts de la somme de 50 €, confirmant en cela la décision des premiers juges ;
Sur la faute grave
En cas de licenciement disciplinaire, la faute du salarié ne peut résulter que d'un fait avéré, acte positif ou abstention, de nature volontaire, qui lui est imputable et qui constitue de sa part une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.
La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve ;
La lettre de licenciement adressée à M. X... est ainsi libellée :
" Monsieur, Je fais suite à l'entretien préalable que nous avons eu le 17 mars dernier et vous informe que j'ai décidé de vous licencier pour faute grave. Cette décision est motivée par les faits suivants : Le 20 février dernier il vous a été demandé de vous rendre sur le parking de notre client : la société Castel afin de procéder au transport d'une benne vers nos centres de tri. Vous avez pénétré sur le site de l'entreprise sans vous signaler auprès d'un membre du personnel, ce qui est pourtant impérativement exigé par le client. Vous avez ensuite procédé au chargement de la benne sans vérifier au préalable le verrouillage de ses portes et sans faire procéder à l'enlèvement de cadenas apposé par le client pour éviter tout dépôt intempestif de déchets par les tiers. Vous n'avez donc pas rédigé de fiche signalétique afin d'informer le client du dysfonctionnement constaté. A l'arrivée à notre centre de tri les salariés qui devaient assurer le déchargement ont été contraints de couper le cadenas pour vider la benne. Lorsque vous avez ramené la benne vide sur le site de la société Castel, vous vous êtes vanté auprès des magasiniers d'avoir cassé le cadenas de ladite benne. Le client n'a pas manqué de réagir à vos débordements en nous adressant un courrier le 26 février 2009 qui précisait ce qui suit : " Je trouve inadmissible qu'une personne se permette de venir enlever du matériel sans se signaler. Je pense que venir se vanter d'avoir commis un méfait sur du matériel appartenant à un tiers ne présage pas de certaines qualités morales Vous savez que nous devons absolument verrouiller toute les portes de votre benne sous peine d'y découvrir des immondices " ; Je ne peux que déplorer votre comportement qui nuit gravement à la société et à son fonctionnement. Comme vous le savez tout chauffeur doit impérativement vérifier le verrouillage des portes des bennes préalablement à leur transport et déchargement sous peine de porter atteinte à la sécurité d'autrui ou la vôtre. En ne respectant l'obligation de sécurité qui vous incombe vous avez manqué à vos obligations contractuelles ; (art 3 et 4 de votre contrat de travail) Lors de notre entretien du 17 mars dernier et en présence de témoins, vous avez reconnu l'intégralité des faits qui vous sont reprochés, à savoir :- que vous n'avez pas vérifié la fermeture des portes de la benne chez le client avant son transport et son déchargement-que vous n'avez pas rédigé de fiche signalétique d'anomalie indiquant la présence d'un cadenas que vous auriez dû remettre au client-que vous vous êtes vanté auprès des magasiniers de la société Castel d'avoir cassé le cadenas assurant la fermeture des portes de la benne. Par ailleurs averti sur la sanction disciplinaire que j'allais prononcer à votre encontre vous vous êtes rendu, sur votre temps de travail, auprès d'une entreprise cliente de la société (Maison et Reflet) afin d'obtenir une attestation sur votre travail sans m'en avertir et sans autorisation préalable de ma part. La cliente n'a d'ailleurs pas manqué de se plaindre de votre comportement auprès de notre société. Vos négligences ont donc des conséquences néfastes pour la société et les relations commerciales que nous entretenons avec nos clients. Ces faits d'une extrême gravité font suite à un ensemble de reproches qui vous ont été notifiés par le passé par écrit ; Le 28 août 2006, il vous a été signifié une mise à pied disciplinaire de 3 jours pour avoir endommagé à plusieurs reprises le véhicule que vous conduisez et dont vous aviez la responsabilité. Par la suite, je vous ai adressé le 10 juillet 2008 un rappel à l'ordre écrit en raison de votre attitude vis-à-vis de M. B... et de vos collègues. Malgré ces différentes mises en garde, votre comportement au sein de l'entreprise et la qualité de votre travail ne se sont pas améliorés. Ainsi le 21 novembre 2008, je pris une nouvelle sanction disciplinaire à votre encontre en vous mettant à pied pour une durée de trois jours pour avoir menacé verbalement un de vos collègues. Dans ce contexte, votre comportement n'est plus tolérable et rend impossible votre maintien dans l'entreprise. C'est la raison pour laquelle, je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute grave. Votre licenciement prend donc effet immédiatement à la date d'envoi de cette lettre, sans indemnité de préavis, ni de licenciement. Enfin, compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, je vous précise que vous ne bénéficiez d'aucun droit au titre du droit individuel à la formation. "

La lettre de licenciement énonce donc deux griefs à l'encontre de M. X..., auquel il est reproché d'une part, le 20 février 2009, d'avoir procédé à l'enlèvement d'une benne de déchets chez le client Castel, en méconnaissance de ses obligations contractuelles, et d'avoir, entre le 17 et le 20 mars 2009, sans autorisation, et pendant son temps de travail, sollicité une attestation auprès d'une entreprise cliente ;
L'employeur rappelle en outre des sanctions disciplinaires antérieures aux faits nouveaux ; qui pour les deux dernières toutefois ont été annulées par la cour ;
La matérialité de l'enlèvement de la benne chez Castel par M. X... le 20 février 2009 est acquise aux débats, et il est également établi, par le planning de travail du salarié, que celui-ci intervenait régulièrement chez ce client, la société Castel ; le salarié ne dément pas l'exigence dudit client de se signaler lors de toute intervention dans l'entreprise ;
Le contrat de travail de M. X... stipule qu'il devra " assurer l'arrimage et la préservation des marchandises transportées " ;
Cette stipulation est liée au fait, démontré par l'employeur, qu'une benne de collecte de déchets pèse trois tonnes, une porte quant à elle 500 kilos et que la pression des déchets fait naître un risque d'ouverture des portes lors de l'enlèvement, si le système de fermeture n'a pas été vérifié ;
L'omission de M. X... sur ce point était de nature à créer un risque important pour la sécurité des personnes et des biens puisque le camion chargeur de bennes était conduit par les voies de circulation secondaires à un centre de tri ;
Il est également établi par deux courriers successifs de la société Castel que celle-ci avait fait confectionner cinq cadenas à même clé, qu'elle posait sur les bennes, afin d'éviter qu'aux heures de fermeture de l'entreprise des déchets ne soient déposés de manière clandestine par les particuliers ;
M. X..., en enlevant la benne sans effectuer aucune vérification quant à la fermeture des portes, n'a pas observé la présence de ce cadenas, qui a dû être détruit au moment du déchargement des déchets ;
M. X... ne conteste pas, à son retour chez le client Castel pour la réalisation d'un autre enlèvement de benne, avoir omis de remplir une fiche signalétique d'incident ;
Il est par conséquent établi par la sarl Performance Environnement que M. X... a le 20 février 2009 manqué aux obligations stipulées par le contrat du 2 janvier 2007 et qui exigeaient du salarié qu'il ait " le triple souci de la sécurité des personnes et des biens, de l'efficacité des gestes ou des méthodes et de la satisfaction de la clientèle " ;
Le fait que M. X... ait à la fois omis de signaler sa présence sur le site de la société Castel au moment de l'enlèvement de la benne, n'ait fait aucune vérification des fermetures de portes avant de partir, ait omis ensuite de faire une fiche signalant la destruction du cadenas, constitue un comportement global de manquement aux obligations contractuelles particulières qui lui étaient imparties, et à l'obligation générale de loyauté du salarié, caractérisant une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise ;
Sans qu'il soit nécessaire d'examiner le second grief reproché, pas plus que de se référer à la sanction disciplinaire remontant au mois d'août 2006, et par voie d'infirmation du jugement, il y a lieu de dire le licenciement de M. X... pour faute grave justifié, et de le débouter de l'intégralité de ses demandes à ce titre ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions du jugement afférentes aux dépens et aux frais irrépétibles sont infirmées ;
Il ne paraît pas inéquitable, chaque partie succombant partiellement au procès, de laisser à chacune d'entre elles la charge de ses frais irrépétibles et la charge de ses dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la sarl Performance Environnement à payer à M. X... la somme de 50 € à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, et en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande en dommages-intérêts pour annulation de sanctions disciplinaires injustifiées,
L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,
ANNULE la mise en garde du 10 juillet 2008, et la mise à pied du 21 novembre 2008,
CONDAMNE la sarl Performance Environnement à payer à M. X... la somme de 282, 43 € au titre du rappel de salaire correspondant aux trois jours de mise à pied disciplinaire, incidence congés payés incluse,
REQUALIFIE à compter du 1er juin 2006 en contrat à durée indéterminée les contrats de mission conclus par la société ID'EES Intérim pour la mise à la disposition de la société Log Europe Distribution, devenue la sas performance environnement, de M. X...,
CONDAMNE la sarl Performance Environnement à payer à titre d'indemnité de requalification à M. X... la somme de 1640 €, avec intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de la sarl Performance Environnement devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, et capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière,
DIT le licenciement de M. X... justifié par une faute grave,
DEBOUTE M. X... de ses demandes afférentes au licenciement,
LAISSE à chaque partie la charge des frais irrépétibles engagés dans la première instance et dans l'instance d'appel,
LAISSE à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02437
Date de la décision : 09/10/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-10-09;10.02437 ?
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