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02/10/2012 | FRANCE | N°11/01206

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 02 octobre 2012, 11/01206


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01206.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 12 Avril 2011, enregistrée sous le no 10/ 00010

ARRÊT DU 02 Octobre 2012

APPELANT :
Monsieur Jean-Yves X...... 49400 SOUZAY CHAMPIGNY
représenté par Maître Jacques MONIER substituant Maître Meriem BABA-MONIER, (SCP) avocat au barreau d'ANGERS

INTIME :
Monsieur Nicolas Y...... 49680 NEUILLE
représenté par Maît

re Etienne BONNIN, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01206.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 12 Avril 2011, enregistrée sous le no 10/ 00010

ARRÊT DU 02 Octobre 2012

APPELANT :
Monsieur Jean-Yves X...... 49400 SOUZAY CHAMPIGNY
représenté par Maître Jacques MONIER substituant Maître Meriem BABA-MONIER, (SCP) avocat au barreau d'ANGERS

INTIME :
Monsieur Nicolas Y...... 49680 NEUILLE
représenté par Maître Etienne BONNIN, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Juin 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT : prononcé le 02 Octobre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

EXPOSE DU LITIGE
M. Nicolas Y... a été engagé par M. Jean-Yves X... le 1er septembre 2000 en qualité de maçon niveau 2, coefficient 185, en contrat à durée indéterminée.
L'entreprise individuelle de maçonnerie dirigée par M. X... applique la convention collective bâtiments-ouvriers-entreprise afférente aux effectifs de moins de 10 salariés.
Le 24 juillet 2009 M. Y... a présenté par écrit sa démission à M. X....
Le 1er décembre 2009 la caisse des congés payés du bâtiment a informé M. Y... de ce que M. X... n'étant pas à jour de ses cotisations, elle ne pouvait effectuer le versement réclamé du solde de congés payés acquis par lui pendant l'exécution du contrat de travail.
M. Y... a, le 14 janvier 2010, saisi le conseil de prud'hommes de Saumur auquel il a demandé de condamner M. X... à lui payer les sommes de :-1403 € à titre de solde des congés payés acquis,-795, 52 € de dommages-intérêts pour son préjudice financier lié au retard de paiement des salaires,-9273 € (neuf mille deux cent soixante-treize euros) de dommages-intérêts pour prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur,-1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 12 avril 2011 le conseil de prud'hommes de Saumur a :- donné acte à M. X... du paiement de l'indemnité de congés payés,- dit que la rupture du contrat de travail est imputable à M. X..., et que cette rupture est abusive,- condamné M. X... à verser à M. Y... la somme de 9270 € (neuf mille deux cent soixante-dix euros) de dommages-intérêts pour prise d'acte de la rupture aux torts de M. X...,-500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement a été notifié le 16 avril 2011 à M. Y... et à M. X..., lequel en a régulièrement relevé appel par lettre postée le 6 mai 2011.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. X... demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 12 juin 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de dire que la rupture du contrat de travail est une démission non équivoque de M. Y... ; subsidiairement, si la cour requalifiait la rupture du contrat de travail en licenciement, d'infirmer le jugement en ce qu'il le condamne à payer à M. Y... la somme de 9270 € correspondant à six mois de salaires bruts, de débouter M. Y... de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié au retard des paiements de salaires, et de condamner M. Y... à lui payer la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X... rappelle qu'il a payé en cours d'instance la somme de 1403 € due au titre des congés payés ; il soutient que les retards de paiement des salaires qui ont eu lieu étaient compensés par des avances en début de mois suivant, qu'il avait des difficultés économiques et payait en premier lieu ses fournisseurs pour éviter des incidents de paiement qui auraient bloqué son compte et eu des conséquences encore plus négatives pour ses salariés ; que M. Y... a démissionné pour " motifs personnels " après lui avoir dit qu'il souhaitait intégrer l'entreprise de maçonnerie de M. Z... qui se trouvait plus près de son domicile ; qu'il n'a saisi la juridiction prud'homale que six mois plus tard et que sa démission est donc non équivoque.
A titre subsidiaire, M. X... soutient que l'article L1235-5 du code du travail est applicable au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, puisque son entreprise a toujours eu moins de 11 salariés et que la dite indemnité doit donc correspondre au préjudice subi ; que M. Y... n'a eu aucun préjudice car il n'a pas eu en réalité de frais bancaires liés aux retards dans le paiement des salaires, et qu'il a tout de suite trouvé un emploi équivalent à celui qu'il avait chez lui.
M. Y... demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 8 juin 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de confirmer le jugement entrepris et de condamner M. X... à lui payer la somme de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Y... soutient qu'il n'a jamais, en 2008 puis en 2009, été payé de son salaire à date fixe ; que le retard de paiement a été de 8 à 21 jours, ainsi que le montrent ses extraits de compte bancaire ; que le paiement mensuel du salaire, et sa périodicité stricte, sont des obligations d'ordre public à la charge de l'employeur ; que M. X... ne fait pas la démonstration de ses difficultés économiques puisqu'il ne produit aucune pièce comptable, et qu'au demeurant cette explication est indifférente puisqu'à supposer ces difficultés avérées, il appartenait à M. X... de solliciter l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ; que la rupture du contrat de travail doit s'analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse en réparation duquel il est fondé à solliciter compte tenu de son ancienneté, une indemnité équivalente à 6 mois de rémunération.
M. Y... indique ne pas former appel incident sur la disposition du jugement le déboutant de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier lié au retard de paiement des salaires, car il lui est impossible de faire la part entre les frais financiers supportés du fait du comportement de son employeur et ceux qui auraient une autre origine ; qu'il a cependant nécessairement subi un préjudice.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rupture du contrat de travail
La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque à l'employeur sa volonté de mettre fin au contrat de travail ;
Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission, qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission ;
Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur ;
La lettre adressée par M. Y... à M. X... est ainsi libellée : " Monsieur X..., J'ai l'honneur de vous présenter par la présente ma lettre de démission pour mon poste de maçon pour des motifs personnels. Votre entreprise étant en congés à compter du 27 juillet 2009 ma démission prendra effet 15 jours avant comme vous me l'avez stipulé au téléphone. Mon préavis prendra donc effet à partir du vendredi 10 juillet au matin et prendra fin le vendredi 24 juillet au soir. Veuillez avoir l'obligeance de préparer pour cette date mon solde de tout compte ainsi que mon certificat de travail et mon attestation de congés payés si elle ne vous ai pas parvenu avant. Je vous prie d'agréer Monsieur l'expression de mes salutations distinguées. "
M. Y... évoque dans son écrit de démission des " motifs personnels " et ne mentionne aucun grief à l'égard de son employeur.
Pour soutenir que sa démission était équivoque et doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il fait valoir que ses salaires lui étaient payés en permanence avec retard, en 2008, et en 2009, et que cela a provoqué des frais financiers pour lui ;
M. Y... produit à l'appui de ses affirmations ses extraits de compte bancaire, de janvier 2008 à août 2009 ;
Il y apparaît pour 2008 que les salaires étaient versés entre le 15 et le 21 du mois, mais surtout que la régularité mensuelle légale n'est pas respectée puisque dès janvier, jusqu'en novembre et à cinq reprises au cours de l'année, le versement du salaire mensuel intervient plus d'un mois après le versement précédent, les retards étant de 7 jours, 9 jours, 14 jours, 4 jours et 9 jours ;
En 2009 cette situation perdure, et s'aggrave, puisque le salaire dû pour décembre 2008 est versé en deux fois, les 15 et 22 janvier 2009 ; le salaire de janvier 2009 est versé les 6 et 17 février 2009 ; le salaire de mai est versé avec un retard de 9 jours et celui de juillet avec un retard de 21 jours ; la démission de M. Y... apparaît d'ailleurs motivée, à la fois, par le paiement très tardif du salaire de juillet 2009, et par un solde de retards de paiement cumulés : M. Y... rappelle en effet dans sa lettre du 24 juillet 2009 que l'entreprise va fermer pour les congés d'été le 27 du même mois, et son relevé bancaire mentionne, au 24 juillet 2009, un versement de 1205, 88 €, libellé " salaire juillet démission ", et à la même date, un second versement d'un montant de 1452, 11 € qui ne peut correspondre, s'agissant d'une démission et les parties ayant convenu d'effectuer le préavis du 10 au 24 juillet, qu'à un solde cumulé de retards de salaires ;
La comparaison entre les relevés bancaires et les bulletins de paie produits par M. Y... montre qu'en effet le salaire " net à payer " du mois n'était pas, de façon chronique, le montant versé, M. X... se livrant, non pas ainsi qu'il le soutient à des versements d'acomptes, qui auraient dû, si tel avait été le cas, d'une part être sollicités par le salarié, et d'autre part apparaître sur les bulletins de salaire, mais à des rattrapages, de montants définis par lui : le salaire de mai 2009 est ainsi sur le bulletin de paie de 939, 23 € mais la somme de 1528, 91 € est versée le 19 mai, celle de 1200 € le 3 juin et celle de 309, 84 € le 9 juin ; la somme de 1452, 11 €, mentionnée sur le bulletin de paie de juin 2009, correspond au second versement du 24 juillet 2009 et non pas à la somme versée pour le " salaire juillet démission " ;
Il ne fait pas débat que M. Y... bénéficiait de la mensualisation de sa rémunération ainsi qu'en témoignent ses bulletins de paie ;
M. X... a, par conséquent, en procédant ainsi qu'il vient d'être relevé quant au versement des salaires de son salarié, c'est à dire avec une périodicité supérieure à un mois, et au surplus au moyen de montants variables, violé les prescriptions de l'article L3242-1 du code du travail qui stipulent : " La rémunération des salariés est mensuelle et indépendante, pour un horaire de travail effectif déterminé, du nombre de jours travaillés dans le mois... Le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois. Un acompte correspondant, pour une quinzaine, à la moitié de la rémunération mensuelle, est versé au salarié qui en fait la demande. " ;
M. Y... justifie par conséquent de l'existence de circonstances, antérieures ainsi que contemporaines à sa démission, caractérisant un manquement par l'employeur à ses obligations contractuelles, mais également légales, ce qui la rend équivoque, peu important que M. Y... ait saisi le conseil de prud'hommes de cette situation six mois plus tard ;
Les manquements de l'employeur à son obligation essentielle de payer la contrepartie du travail fourni ont été persistants sur deux années, sont intervenus de manière répétée et non pas occasionnelle, et se sont aggravés au moment où la lettre de démission lui a été adressée ; celle-ci doit dès lors s'analyser en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié aux torts de l'employeur, et qui, par voie de conséquence, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Il est établi que l'entreprise de M. X... employait moins de 11 salariés, de façon constante, et que M. Y... a eu 9 ans d'ancienneté en son sein ;
Les dispositions de l'article L1235-5 sont applicables au salarié qui peut prétendre au versement d'une indemnité correspondant au préjudice subi ;
Le montant de cette indemnité est donc à l'appréciation du juge : il apparaît que M. Y..., né en 1981, avait 28 ans au moment de la rupture du contrat de travail et il est acquis qu'il a retrouvé aussitôt un emploi de nature similaire ; il payait chaque mois un remboursement d'emprunt de 512 €, et les versements retardés, et partiels, de son salaire ont contribué à rendre son compte bancaire débiteur, ce qui a provoqué le paiement de frais ; la cour trouve dans la cause les éléments nécessaires pour confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. X... à payer à M. Y... la somme de 9270 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement afférentes aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées ; Il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. Y... les frais non compris dans les dépens et engagés dans l'instance d'appel ; M. X... est condamné à lui payer, en application des dispositions de l'article 700 de code de procédure civile, la somme de 1500 €, et doit être débouté de sa propre demande à ce titre ;
M. X... qui succombe à l'instance est condamné au paiement des dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Saumur du 12 avril 2011 en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
CONDAMNE M. X... à payer à M. Y... la somme de 1500 €, pour ses frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. X... aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01206
Date de la décision : 02/10/2012
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-10-02;11.01206 ?
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