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11/09/2012 | FRANCE | N°11/00716

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 11 septembre 2012, 11/00716


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N AD/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00716.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 11 Février 2011, enregistrée sous le no 10/ 00112

ARRÊT DU 11 Septembre 2012

APPELANT :

Monsieur Jean-Pierre X......52210 COUR L'EVEQUE

présent, assisté de Maître Jean-Louis BERNARD (SELARL), avocat au barreau de RENNES

INTIMEE :

SAS U6PPP Parc d'Activité de la Libareterie 53410 LA GRAVELLE

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eprésentée par Maître Isabelle BARACHINI-FALLET, avocat au barreau de TARASCON

COMPOSITION DE LA COUR :

En applica...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N AD/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00716.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 11 Février 2011, enregistrée sous le no 10/ 00112

ARRÊT DU 11 Septembre 2012

APPELANT :

Monsieur Jean-Pierre X......52210 COUR L'EVEQUE

présent, assisté de Maître Jean-Louis BERNARD (SELARL), avocat au barreau de RENNES

INTIMEE :

SAS U6PPP Parc d'Activité de la Libareterie 53410 LA GRAVELLE

représentée par Maître Isabelle BARACHINI-FALLET, avocat au barreau de TARASCON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Avril 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT : prononcé le 11 Septembre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
EXPOSE DU LITIGE
La sas U6PPP, dont le siège social est situé à La Gravelle, " parc d'activités de la Libareterie " en Mayenne, fabrique et vend aux professionnels des piscines en coque polyester ; elle est la filiale d'une holding dénommée " Piscines Groupe GA " sise à Gemenos, dans les Bouches-du-Rhône, emploie 25 personnes, et applique la convention collective de la plasturgie.
La sas U6PPP a, selon contrat à durée indéterminée du 31 octobre 2008, à effet au 3 novembre 2008, engagé M. Jean-Pierre X...en qualité de directeur du site de la Gravelle, avec le statut de cadre, au coefficient 920, une rémunération annuelle brute de 50 000 € versée par douzième, et quant au temps de travail, un forfait annuel en jours de 217 jours, en application de l'accord du 17 octobre 2000 relatif à l'organisation et à la durée du temps de travail dans les entreprises relevant de la convention collective nationale de la plasturgie.
Le contrat de travail prévoyait une période d'essai de trois mois, qui n'a pas été renouvelée.
Le 30 novembre 2009, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 9 décembre 2009, et il a été licencié pour faute grave, par courrier du 15 décembre 2009.
Il lui était notamment reproché d'avoir manqué à ses obligations en matière d'hygiène et sécurité du site de La Gravelle et d'avoir laissé un stock de coques de piscines sans entretien.
Contestant les griefs qui lui étaient reprochés, M. X...a, sur autorisation du Président du Tribunal de Grande Instance de Laval, fait effectuer par huissier un état du site et du stock de bassins au 25 mars 2010, puis il a le 14 avril 2010 saisi le conseil de prud'hommes de Laval auquel il a demandé de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la sas U6 PPP à lui payer les sommes suivantes :
-25 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-12 500 € à titre d'indemnité de préavis,-1250 € à titre de congés payés sur préavis,-902, 63 € à titre d'indemnité de licenciement,-2687, 74 € pour congés payés non pris,-2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 11 février 2011 le conseil de prud'hommes de Laval a :
- Dit que Ie licenciement de M. X...repose bien sur une cause réelle et sérieuse motivée par une faute grave, privative des indemnités de licenciement, de I'indemnité de préavis et congés payés sur préavis ;
- débouté M. X...de I'ensemble de ses demandes ;
- débouté la sas U6PPP de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Le jugement a été notifié le 14 février 2011 à la sas U6 PPP et le 26 février 2011 à M. X...qui en a fait appel par lettre postée le 9 mars 2011 ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. X...demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 17 avril 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, d'infirmer Ie jugement rendu par Ie conseil de prud'hommes de Laval Ie 11 février 2011, et de dire que le licenciement pour faute grave du 15 décembre 2009 est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en conséquence, de condamner la sas U6 PPP à lui payer les sommes de :
-25 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-12 500 € à titre d'indemnité de préavis,-1250 € à titre de congés payés sur préavis,-902, 63 € à titre d'indemnité de licenciement,-2687, 74 € au titre des jours travaillés au-delà du forfait-jours prévu au contrat de travail,-2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens comprenant le coût du constat d'huissier du 25 mars 2010.

M. X...soutient, à titre principal, que les fautes invoquées dans la lettre de licenciement sont prescrites, par application de l'article L122-44 du code du travail ; que l'état du site était connu de M. Z..., directeur commercial du Groupe, disposant d'une délégation de pouvoirs de la Direction Générale, et qui avait été directeur du site de La Gravelle par intérim de juillet 2008 au 3 novembre 2008 ; que M. Z...tout au long de l'année 2009 a continué à venir sur le site une semaine sur deux, qu'il avait parfaitement connaissance du stock de produits toxiques, qui était visible, et qu'il avait en octobre 2008 participé à un audit effectué par la société AGF, puis à un plan de prévention dressé en novembre 2008 sur l'organisation humaine de la sécurité incendie et les liquides inflammables ; qu'en sa qualité de Responsable Régional il connaissait le travail de M. X...et était en réalité son supérieur hiérarchique ; que l'état des stocks était connu de l'ensemble des directeurs car M. A..., directeur financier, en faisait une analyse régulière ;
A titre subsidiaire M. X...soutient n'avoir pas commis de faute grave ; reprenant l'argument selon lequel M. Z..., qui représentait la Direction Générale, était constamment sur le site et en connaissait l'état, M. X...oppose à son employeur qu'il ne peut se prévaloir contre lui d'une situation qu'il avait tolérée ; qu'en tout état de cause les griefs ne sont pas fondés, d'une part parce que le salarié n'avait pas bénéficié d'une formation adaptant ses compétences à l'objet de la délégation de pouvoirs, d'autre part parce que le rapport du 10 novembre 2009 n'a pas été annexé à la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, et enfin parce que les défaillances du site avaient déjà en 2007 été relevées par l'inspection du travail et qu'il ne pouvait pas, en une année, rattraper le retard pris en matière de stockage des matières polluantes et des déchets ; qu'il lui aurait fallu beaucoup plus d'une année pour les faire tous disparaître et que le 25 mars 2010, le constat opéré a montré qu'il en restait encore ; que la société cherchait à faire des économies et que le traitement des déchets toxiques est coûteux ; que le personnel manquait ;
En ce qui concerne le respect des consignes de sécurité dans l'atelier M. X...invoque l'attestation de M. E..., employé comme magasinier sur le site de 2007 à 2010, qui affirme que les consignes étaient données et le système de ventilation mis en marche tous les jours ; M. X...ajoute qu'il ne pouvait pas surveiller à chaque instant tous les salariés de l'usine et effectuer en plus le travail administratif ; qu'un chef d'atelier devait être recruté pour l'aider mais que cela n'a finalement jamais été fait ; qu'il a bien réalisé les aménagements de la zone de stockage des piscines comme il l'avait annoncé le 1er octobre 2009 ; qu'il a bien " destocké "
puisqu'il y avait 236 piscines en stock au 1er janvier 2009 et 222 au 31mars 2009, puis 145 au 31 décembre 2009 ; qu'il n'avait pas le personnel nécessaire pour remettre en état tout le stock et que cela n'était fait que pour les piscines vendues ; que le grief de " gestion aléatoire " des dossiers est imprécis ;
Enfin M. X...soutient encore que les griefs qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement ne caractérisent pas des fautes, mais une insuffisance professionnelle, et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse dès lors que l'employeur a choisi de se placer sur le terrain disciplinaire ;
Quant à son préjudice M. X...expose avoir deux crédits mensuels de 337 € et 383 €, qu'il a dû solder car la garantie perte d'emploi ne fonctionnait qu'après 180 jours de travail, et qu'il n'a retrouvé un emploi que le 15 juillet 2010, au sein de la société Pramac, pour 3462 € mensuels bruts ;
En ce qui concerne le nombre des jours travaillés, M. X...soutient n'avoir pas signé les feuilles de présence de novembre et décembre 2009 qui ne reflétaient pas la réalité, mais avoir travaillé 20 jours en novembre, et non 15, et 15 jours en décembre, et non zéro ; qu'il en justifie par un tableau réalisé par la comptable de l'entreprise ;
La sas U6 PPP demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 25 avril 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de confirmer le jugement entrepris et de condamner M. X...à lui payer la somme de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance ;

La sas U6 PPP soutient que les faits ne sont pas prescrits car ils ont été connus de la direction le 6, puis le 10 novembre 2009 ; que M. X...était sous le contrôle hiérarchique de M. C..., Président de la sas, et non sous celui de M. Z..., qui a assuré le direction du site de La Gravelle avant que M. X...ne soit engagé mais plus après ; qu'il avait pour fonction, comme directeur commercial du groupe, de visiter chacun des six sites de production ; qu'il résulte des pièces mêmes de M. X...que dans les premiers jours d'octobre 2009 M. Z...et M. A..., directeur financier, sont venus faire un bilan des actions de M. X...et, après avoir constaté l'état déplorable du site en ont fait dresser constat le 10 novembre 2009 pour pouvoir informer M. C...; que l'état du stock de piscines a été connu par le constat dressé le 6 novembre 2009 par le chef d'atelier d'une autre société de production ; que la note de M. A...du 8 avril 2009 analyse le stock de piscines existant sous un angle économique, mais n'a pas trait à l'état des coques ;

La sas U6 PPP soutient également que la faute grave est caractérisée et que les constats des 6 et 10 novembre 2009 relèvent des carences graves tant dans l'entretien du stock de piscines, dont le vieillissement a ainsi été accéléré, que dans la gestion des produits polluants, ce alors que M. X...était à un des plus hauts positionnements de cadre dans la convention collective de la plasturgie, et alors également que son contrat de travail prévoit qu'il est directeur de site en relation avec la direction générale et qu'il dispose d'une délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité ; que la présence régulière du directeur commercial du groupe n'est corroborée par aucun élément probant, qu'elle n'était qu'épisodique, et tenait à ce que M. X...devait, selon les termes de son contrat de travail, élaborer la politique commerciale d'U6PPP " en parfaite concertation avec la direction générale " ;

La sas U6 PPP soutient encore que M. X...avait accepté le délégation de pouvoir en matière d'hygiène et de sécurité et n'a jamais signalé à son l'employeur qu'il rencontrait des difficultés pour améliorer le site, alors que des mesures avaient déjà été prises en 2007 et que son propre constat du 25 mars 2010 montre que des améliorations avaient été faites depuis son départ de l'entreprise ; que le salarié, titulaire d'une délégation de pouvoirs, qui ne prend pas les mesures nécessaires, commet un faute grave ; que le licenciement est bien fondé sur la faute et non sur l'insuffisance professionnelle, la situation reprochée devant être appréciée au regard de la qualification, du poste et des responsabilités confiées au salarié ;

La sas U6 PPP relève que M. X...a retrouvé un emploi à 3750 € mensuels si on tient compte du treizième mois, avec une prime d'intéressement annuel ; que le préjudice invoqué est donc sur-évalué ;
Quant aux jours de congés payés non pris, la sas U6 PPP fait valoir que c'était M. X...lui-même qui établissait ses fiches individuelles de présence ;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement
Le juge devant lequel un licenciement est contesté doit, en application de l'article L. 1235-1 du code du travail, apprécier le caractère réel et sérieux des griefs énoncés dans le courrier qui notifie cette mesure, et qui fixe les limites du litige, la charge de la preuve de l'existence d'une cause réelle et sérieuse ne pesant spécialement sur aucune des parties ;
En cas de licenciement disciplinaire, la faute du salarié ne peut résulter que d'un fait avéré, acte positif ou abstention, de nature volontaire, qui lui est imputable et qui constitue de sa part une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail ;
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve ;

La lettre de licenciement adressée le 15 décembre 2009 à M. X..., et qui lui notifie son licenciement pour faute grave, est ainsi libellée :

" Monsieur,
A la suite de I'entretien du 09 décembre 2009 au cours duquel ont été évoqués les faits qui vous étaient reprochés, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.
" En effet, un constat d'huissier réalisé Ie 10/ 11/ 2009 a mis en évidence I'état déplorable du site dont vous avez la responsabilité.
Ce constat a permis d ‘ établir :- Un risque de pollution par produits toxiques,- Un défaut de respect des consignes de sécurité dans I'atelier ou travaillent des salariés sans " protections individuelles (masques, gants) et sans protections collectives (ventilation).

Cet état de fait constitue un manquement majeur à vos obligations en matière d'hygiène et de sécurité.
Le même constat a mis en évidence I'insuffisance, voire I'inexistence d'aménagements dont vous vous étiez pourtant prévalu Ie 01/ 10/ 2009, manquant ainsi à votre obligation de loyauté envers votre employeur.
II s'avère également, alors que votre attention avait été tout particulièrement attirée sur la nécessité impérieuse de déstocker, que Ie stock de bassins dont vous avez la charge était peu vendable en raison d'un défaut d'entretien.
Ainsi, nonobstant les demandes qui vous ont été faites, vous ayez laissé ce stock pratiquement à I'abandon, ce qui manifeste Ie non respect de vos fonctions techniques.
Enfin, la gestion plus qu'aléatoire, voire erronée d'un certain nombre de dossiers de distributeurs et de clients particuliers démontre I'accomplissement défectueux de vos fonctions commerciales.
Ces faits mettent en cause la bonne marche de I'entreprise et pour certains portent atteinte à la sécurité des salariés et des tiers.
Lors de I'entretien du 10/ 11/ 2009, vous n'avez pas fourni d'explication, nous permettant de modifier notre appréciation.
Compte tenu de la gravité de vos fautes, votre maintien dans I'entreprise s'avère impossible.
Le licenciement prendra donc effet à la date du présent envoi, soit Ie 16/ 12/ 2009 sans indemnité de préavis ni de licenciement.
Nous n'entendons pas appliquer la clause de non concurrence.
Vous pouvez vous présenter au service du personnel afin de récupérer votre certificat de travail et votre attestation ASSEDIC.
De plus, vous aurez soin de nous restituer les matériels mis a votre disposition par l'entreprise soit : voiture, carte bancaire, téléphone portable, ordinateur portable.
Nous vous informons que vous avez acquis 23, 34 heures au titre du droit individuel à la formation.
Veuillez croire, Monsieur, à I'expression de nos salutations distinguées. Le Président-M. Gérard C...".

Sur la prescription

La lettre de licenciement évoque trois faits fautifs, qui sont, un manquement aux obligations contractuelles en matière d'hygiène et de sécurité, un manquement à l'obligation de loyauté, le défaut d'entretien du stock de coques de piscines (ou bassins) ;
Ces griefs, compte tenu de leur nature fautive, sont soumis aux dispositions de l'article L 1332-4 du code du travail, applicable aux faits, qui stipulent qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;
L'engagement des poursuites disciplinaires a lieu lors de la convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement, soit pour M. X...au 30 novembre 2009 ;

M. X...soutient que M. Z..., directeur commercial du groupe, était son supérieur hiérachique de fait, et venait une semaine sur deux sur le site dont il connaissait pour cette raison parfaitement l'état ; qu'en outre il était membre de la Direction Générale et pouvait par conséquent renseigner l'employeur sur la situation, ce tout au long de l'année 2009 ;

Il est cependant établi au regard de l'organigramme de la sas U6PPP que M. X...ne dépendait que du Président de la société, M. C..., par ailleurs président du conseil d'administration du groupe " piscines groupe GA " ; M. Z...n'apparaît que comme directeur commercial du groupe et membre de la direction générale ; les documents signés par M. Z...et relatifs à l'exploitation du site de la gravelle, versés aux débats par la sas U6 PPP, ne sont pas la preuve d'une immixtion de sa part dans la gestion de l'entreprise puisqu'ils portent sur la période allant de juillet 2008 au 3 novembre 2008, pendant la quelle il a assuré la direction du site par intérim ; le contrat de travail de M. X...d'autre part, vise des délégations de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité du travail, de gestion du personnel, de représentation du personnel, de respect du code de la route et en matière bancaire, qui émanent toutes de M. C...en tant que président de la société, et au sujet desquelles il est écrit que " M. X...devra tenir régulièrement informé M. C..., Président Directeur Général, de la façon dont il exécute sa mission, des difficultés rencontrées ou des moyens qui lui feraient défaut " ;
Il résulte de ces éléments, que M. X...ne justifie pas du lien de subordination allégué à l'égard de M. Z..., ni même d'une immixtion de fait de la part de ce dernier ;
Au soutien de l'affirmation d'une présence permanente, en 2009, de M. Z...sur le site, M. X...verse aux débats deux uniques attestations, qui sont celles de M. F..., ouvrier, et celle de M. E..., magasinier ; les propos de M. E...sont à la fois imprécis puisqu'il dit que le rôle de M. Z...était " ressenti " comme celui d'un patron, et contradictoires, parce qu'il est indiqué dans l'attestation que les secrétaires administratives et commerciales allaient, de ce fait, le voir en priorité, ce qui est conforme à la fois à leurs attributions et à celle de M. Z..., directeur commercial, et qu'il est ajouté qu'elles le faisaient pour des sujets " pas forcément commerciaux ", dont on ne dit pas quels ils étaient ni pourquoi elles s'en seraient préoccupées ; l'attestation de M. F...quant à elle indique que M. Z...venait, non plus une semaine sur deux, mais toutes les deux à trois semaines, et M. F...croit pouvoir affirmer que celui-ci était informé de l'état du site parce qu'il " l'a vu discuter avec M. X...devant le stock de déchets " ;
Les griefs visés dans la lettre de licenciement sont pourtant précis puisqu'il s'agit d'un manquement aux obligations contractuelles en matière d'hygiène, caractérisé par la gestion des déchets et produits toxiques mais aussi par le non respect des consignes de sécurité dans l'atelier de production, et d'un mauvais entretien du stock de bassins ;
Or, seul le procès-verbal de constat du 10 novembre 2009 fait un bilan exhaustif de l'état du site, et notamment des conditions de travail en atelier de production, alors que les fonctions de M. Z...étaient de nature commerciale, et n'impliquaient pas de sa part des inspections de ce secteur ;
L'" audit sur les piscines en stock de l'unité de production de la société U6PPP ", dressé le 6 novembre 2009 par M. G..., chef d'atelier à l'usine U3PPP, mentionne qu'il lui a fallu, pour dresser un bilan utile, se rendre à plusieurs reprises sur le site et prendre " chaque piscine une par une pour en analyser l'état ", ce alors que 81 bassins en stocks étaient à examiner ;
La visite du site, entre le 4 et le 9 octobre 2009, par MM. Z...et A...apparaît donc comme ayant été le simple déclencheur d'investigations complètes sur l'exécution par M. X...de ses attributions, alors que celui-ci, par mel du 1er octobre 2009 répondant à l'annonce de leur venue, disait avoir à son actif le " rangement " et la " réorganisation " des ateliers bassins comme des zones de stockage ;
Il n'est pas démontré par M. X...que la direction générale, ni M. C..., aient eu avant la rédaction du procès verbal d'huissier du 10 novembre 2009 et de l'audit de M. G... du 6 novembre 2009, une connaissance suffisante, précise et complète des faits visés dans la lettre de licenciement ;
La lettre circulaire adressée le 8 avril 2009 par M. A...sur la nécessité de déstocker n'aborde ce sujet que sous l'angle financier, et ne parle aucunement de l'état et de l'entretien des bassins stockés ;
Le niveau de cadre, et les fonctions de directeur de site de M. X..., ne référant de l'exécution de ses tâches qu'à la Direction Générale et plus précisément à M. C...obligeait enfin l'employeur à un recueil précis d'informations avant de pouvoir apprécier la nécessité d'engager des poursuites disciplinaires ; il ne peut par conséquent pas être fait grief à la sas U6 PPP d'avoir procédé à un constat d'huissier, et à un audit du chef d'atelier, après la visite de ses deux directeurs située entre le 4 et le 9 octobre 2009 ;
Les faits reprochés comme fautifs ne sont donc pas prescrits ;

sur les griefs

¤ La gestion des dossiers commerciaux :
La lettre de licenciement évoque en dernier lieu un mauvais traitement commercial de dossiers de clients et de fournisseurs par M. X..., mais l'employeur, qui ne verse aux débats aucune pièce au soutien de ce grief, ne justifie pas de l'existence d'une faute de M. X...à cet égard ;
Ce grief n'est pas caractérisé ;
¤ Le manquement aux obligations en matière d'hygiène et de sécurité :- risque de pollution par produits toxiques,- défaut de respect des consignes de sécurité dans l'atelier où travaillent des salariés sans protections individuelles (masques, gants) et sans protections collectives (ventilation) ;

En ce qui concerne les conditions de travail en atelier de production, le constat d'huissier du 10 novembre 2009, auquel renvoie la lettre de licenciement sans qu'il ait été nécessaire de l'annexer à celle-ci, le grief invoqué étant vérifiable, mentionne :
" Dans l'usine, je constate au niveau d'une cellule de production la présence de trois ouvriers en train de travailler sur une coque de piscine en construction sur laquelle les ouvriers susmentionnés sont en train de projeter de la fibre de verre et de la résine.
Je constate que trois personnes appelées " applicateurs " sont équipés :- pour le 1er ouvrier : un masque et des gants, une cote de couleur blanche, lequel manipule un pistolet en étant sur la coque ;- les deux autres ouvriers qui travaillent également sur la coque qui sont en train d'effectuer un geste pour évacuer les bulles lors de l'application de la résine sur la coque, ne portent pas de masque de protection, ni de gants de protection.

Je constate en outre que le mécanisme de ventilation pour évacuer les gaz ambiants émis par le produit appliqué n'est pas activé.
Au moment où je procède à ces constatations M. X...est bien présent sur le site dans les bureaux de direction. "
M. X...ne conteste pas la réalité de ce constat et argue de l'impossibilité pour lui d'assurer la surveillance permanente de l'atelier en même temps que le suivi des tâches administratives : il s'est cependant contenté d'écrire dans son mel du 1er octobre 2009, évoquant le personnel du site : " le personnel est un peu juste ; pas de souplesse en cas d'absence " ; il ne s'est pas plaint à ce moment là, ni à aucun autre moment, du non recrutement d'un chef d'atelier, et l'importance relative du site de production, employant 25 personnes, ne rendait en tout état de cause pas impossible qu'il fasse observer les consignes de sécurité qu'il lui appartenait de mettre en place ;
Il invoque également une tolérance de l'employeur qui, si elle peut être discutée quant au stockage des produits polluants et toxiques, ne peut pas l'être en ce qui concerne les conditions de travail dans l'atelier de production, puisqu'il n'existe aucun constat sur ce point, autre que celui du 10 novembre 2009 ;
L'acceptation par M. X...d'une délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et sécurité ne porte aucune condition de formation préalable ; la lettre de l'inspection du travail du 29 juillet 2007 précisait à l'entreprise les protections individuelles à fournir aux salariés, et le système de ventilation existait à l'arrivée de M. X..., qui avait à veiller à son seul fonctionnement ;
C'est bien un manquement de M. X...à son obligation contractuelle de sécurité de résultat en matière d'hygiène et de sécurité des ouvriers du site, renforcée par sa délégation de pouvoirs à ce sujet, qui a été constaté le 10 novembre 2009 ;
L'attestation de M. E..., sur ce point, s'avère contraire au constat établi le 10 novembre 2009, et le procès verbal de constatations que M. X...a fait dresser le 25 mars 2010, qui en tout état de cause ne saurait l'exonérer de sa responsabilité, permet de voir qu'à cette date, les ouvriers sont munis de masques, et le système de ventilation est en fonctionnement ;
N'invoquant aucunes difficultés de moyens ou de personnel, comme son contrat de travail lui permettait de le faire, dans le mel du 1er octobre 2009, M. X...a par sa carence quant à la sécurité des ouvriers de l'atelier de production, dont deux d'entre eux travaillaient sans masque de protection, alors que le système de ventilation n'était pas activé et que les produits utilisés sont des résines toxiques, commis une violation des obligations de son contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible son maintien dans l'entreprise ;
La faute grave, est, d'ores et déjà, caractérisée ;
Quant au rangement sur le site des produits polluants et toxiques, et des déchets polluants, le constat du 10 novembre 2009 montre qu'aucun des fûts de résine ou bidons de Butanox M50 utilisés sur le site n'était posé au dessus d'un bac de rétention ou d'un système de captation d'écoulement ;
L'huissier de justice note l'existence d'un espace sur lequel sont entreposés en vrac de nombreux bidons et fûts renversés, dégradés et rouillés, et indique qu'à cet endroit le site " présente un aspect de décharge de produits toxiques à ciel ouvert, soumis aux intempéries " ;
M. X...ne prouve pas qu'il ait existé une tolérance de l'employeur sur ce point en versant aux débats d'une part un courrier de l'inspection du travail de 2007 auquel la sas U6 PPP avait longuement répondu par un écrit du 30 juillet 2007, indiquant les améliorations opérées et celles en cours, dont " la filière de récupération et de traitement des déchets " ; et d'autre part un rapport de visite technique et un plan de prévention AGF dressés fin 2008, à la demande de la société, et portant sur le risque incendie ;
Il apparaît encore dans le constat fait le 25 mars 2010 que les bidons et fûts sont rangés, que la destruction par écrasement des fûts métalliques vides est en cours, que les déchets sont rassemblés dans une benne, et que, hors une zone du site, des bacs de rétention ont été disposés sous les contenants de produits toxiques ; Le manquement par M. X...à ses obligations contractuelles en matière d'hygiène et de sécurité est là encore caractérisé, ainsi qu'à son obligation contractuelle de loyauté puisqu'aucun des aménagements des zones de stockage invoqués dans le mel du 1er octobre 2009 ne s'est avéré réalisé ; La violation établie revêt une importance de nature à rendre impossible le maintien dans l'entreprise du salarié, responsable du site, alors que la responsabilité pénale de la sas U6 PPP aurait pu être engagée ;

¤ Sur le déstockage des bassins et leur entretien :
La lettre de licenciement fait grief à M. X...d'avoir laissé un stock de bassins " pratiquement à l'abandon ", en tout cas de ne l'avoir pas entretenu alors que la situation financière de l'entreprise nécessitait une recherche de trésorerie et que le directeur financier avait en conséquence demandé en avril 2009 de veiller à déstocker avant de produire ;
Le constat du 10 novembre 2009 établit que l'aire de stockage des produits finis et devant être livrés " est extrêmement sommaire et ne mesure qu'une vingtaine de mètres de longueur " ; que seules deux coques sont posées sur cette structure qui en tout état de cause ne permet de poser que six coques alors que 17 bassins sont entreposés sur le site pour livraison ;
Lorsque l'huissier mandaté par M. X...constate, le 25 mars 2010, que " la situation est inchangée " par rapport au 10 novembre 2009 en ce qui concerne le stockage des coques de piscines, il ne fait allusion qu'à la zone de stockage des bassins vendus, et observe que deux coques sont sur la structure prévue à cet effet et neuf autres (au lieu de 17) posées à côté sur des palettes ;
La lettre de licenciement fait cependant grief à M. X...non pas d'avoir mal organisé la zone de stockage des coques de piscine en attente de livraison et vendues, mais d'avoir laissé à l'abandon, sans entretien, des bassins non vendus, et ce sont ces bassins qui ont été examinés un par un par M. G... ;
Celui-ci indique " l'usine possède un stock de bassins assez conséquent, tout à fait vendables, mais pas en l'état ; en effet la majorité présente un aspect extérieur et intérieur très sale et limite délabré " ;
M. G... note que le vieillissement prématuré de ces bassins a été causé par leur mode de stockage et qu'il s'agit de bassins produits en 2006, 2007, et 2008, " et non vendus depuis, qu'il " aurait été opportun de rentrer en atelier, de retaper et de remettre à la vente " ;
Ces faits étant constatés le 6 novembre 2009, l'absence d'entretien, pendant un an, des 81 bassins examinés par M. G... est bien imputable à M. X..., peu important dès lors le nombre de bassins existant en stocks à telle ou telle période de 2009, et la production d'une photo aérienne du site étant indifférente sur ce point, puisqu'il n'est pas non plus fait grief à M. X...d'avoir trop peu déstocké au cours de l'année 2009, mais d'avoir omis d'entretenir des bassins produits depuis une, deux voire trois années et qui se trouvaient bien sur le site, en mauvais état, le 6 novembre 2009 ;
Le grief est établi et caractérise une violation de la part de M. X...de ses obligations contractuelles dans ses fonctions techniques, dont la durée et l'importance rendaient impossible son maintien dans l'entreprise ;
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a dit le licenciement de M. X...causé par une faute grave, et a débouté celui-ci de ses demandes de dommages-intérêts, d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement ;

sur les jours travaillés au-delà du forfait jours

L'article L3121-44 du code du travail fixe à 218 jours maximum le nombre de jours travaillés visés par une convention individuelle de forfait conclue dans les termes prévus par un accord collectif d'entreprise, d'établissement ou une convention collective ou un accord de branche ;
Il ne fait pas débat que M. X...était, ainsi que le permet la convention collective nationale de la plasturgie, et selon les termes de son contrat de travail, cadre au forfait, son temps de travail annuel étant de 217 jours en tenant compte d'un droit intégral à congés payés ;
Son contrat de travail stipule qu'il s'engage sur l'honneur à fournir chaque mois au service du personnel une fiche individuelle de présence mentionnant les jours travaillés ;
Il n'existe aucune fiche individuelle de présence signée par M. X...pour novembre et décembre 2009 ; la fiche individuelle de présence pour novembre 2009 a néanmoins été renseignée par le salarié, même s'il ne l'a pas signée, et elle porte mention de 15 jours, chiffre qu'a retenu l'employeur dans son décompte annuel ;
M. X...soutient avoir travaillé 20 jours et non 15 en novembre 2009, et 15 jours en décembre 2009 ;
Au soutient de sa demande M. X...produit un mel de Mme B..., comptable de la sas U6 PPP, du 17 décembre 2009, mais qui ne porte pas d'objet, ni la trace d'un fichier joint ;
L'employeur a quant à lui établi pour l'année 2009 un tableau récapitulatif mois par mois des jours travaillés par M. X..., sur production des fiches individuelles de présence signées par le salarié, et en tenant compte de celle que M. X...a établie pour novembre 2009, quoique sans la signer ; la sas U6 PPP fixe ainsi le nombre de jours travaillés en 2009 par M. X...à 202 jours ;
M. X...n'étaye par conséquent pas sa demande de jours travaillés au-delà du forfait, alors qu'il lui appartenait de renseigner les fiches individuelles de présence chaque mois, et que la sas U6 PPP produit quant à elle un décompte annuel 2009 exclusivement établi à partir des fiches individuelles de présence existantes, dont elle a tenu compte, sans que M. X...ne démontre ni même n'allègue qu'elle ait modifié ou réduit les chiffres mensuels que le salarié y a portés ;
Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. X...de sa demande en paiement de jours travaillés au-delà du forfait jours annuel ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement est confirmé en ses dispositions afférentes aux frais irrépetibles et infirmé quant à celles afférentes aux dépens ;
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la sas U6 PPP les frais non compris dans les dépens et engagés dans l'instance d'appel ; M. X...est condamné à lui payer en application des dispositions de l'article 700 de code de procédure civile, la somme de 1000 € à ce titre, et doit être débouté de sa propre demande ; M. X...est condamné aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront le coût du constat d'huissier du 25 mars 2010, restant à sa charge ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a laissé à chaque partie la charge de ses dépens,

STATUANT À NOUVEAU sur ce seul point et Y AJOUTANT,
CONDAMNE M. X...à payer à la sas U6 PPP la somme de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;
CONDAMNE M. X...aux dépens de première instance et d'appel, le coût du constat d'huissier du 25 mars 2010 restant par conséquent à sa charge.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00716
Date de la décision : 11/09/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-09-11;11.00716 ?
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