La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/09/2012 | FRANCE | N°10/02786

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 11 septembre 2012, 10/02786


COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

ARRÊT N
CLM/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/02786
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 21 Octobre 2010, enregistrée sous le no 09/00246

ARRÊT DU 11 Septembre 2012

APPELANTE :
Société Installation Laboratoire du Pays de Retz (I.L.P.R.)Route de PornicZI le Butai44320 ARTHON EN RETZ
représentée par Maître Laetitia PINAULT, avocat au barreau d'ORLEANS

INTIMEE :
Madame Laetitia X......53440 ARON
présente, a

ssistée de Maître Jacques DELAFOND (SCP), avocat au barreau de LAVAL (No du dossier 209313)

COMPOSITION DE...

COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

ARRÊT N
CLM/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/02786
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 21 Octobre 2010, enregistrée sous le no 09/00246

ARRÊT DU 11 Septembre 2012

APPELANTE :
Société Installation Laboratoire du Pays de Retz (I.L.P.R.)Route de PornicZI le Butai44320 ARTHON EN RETZ
représentée par Maître Laetitia PINAULT, avocat au barreau d'ORLEANS

INTIMEE :
Madame Laetitia X......53440 ARON
présente, assistée de Maître Jacques DELAFOND (SCP), avocat au barreau de LAVAL (No du dossier 209313)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 Mai 2012 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, présidentMadame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseurMadame Anne DUFAU, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT :du 11 Septembre 2012, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******

FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 9 octobre 2003, la société Installation Laboratoire du Pays de Retz (ci-après : la société ILPR) a embauché Mme Laëtitia B..., devenue ensuite épouse X..., en qualité de secrétaire sur le site de son établissement de Villaines la Juhel (53).
Mme X... a été placée en arrêt de travail pour maladie du 3 au 11 juillet 2009, puis en congé de maternité du 12 juillet 2009 au 23 janvier 2010.
Après l'avoir convoquée, par courrier du 6 octobre 2009, à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 16 octobre suivant, la société ILPR lui a notifié son licenciement pour faute grave, tenant à des faits qualifiés de vol, par lettre recommandée du 26 octobre 2009.
Par lettre recommandée du 6 novembre 2009, la société ILPR a informé Mme Laëtitia X... de sa décision d'annuler la mesure de licenciement prononcée le 26 octobre précédent, lui précisant qu'elle continuait en conséquence à faire partie des effectifs.
C'est dans ces circonstances que, par lettre postée le 19 novembre 2009, Mme Laëtitia X... a saisi le conseil de prud'hommes pour contester son licenciement, qu'elle entendait voir déclarer nul comme intervenu pendant la période de suspension de son contrat de travail, et pour obtenir diverses indemnités de rupture ainsi que des dommages et intérêts pour préjudice moral.
Par courrier recommandé du 26 janvier 2010, reprenant strictement les termes de la lettre du 26 octobre 2009, la société ILPR a notifié à Mme Laëtitia X... son licenciement pour faute grave.
Par jugement du 21 octobre 2010, auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes de Laval a :- prononcé la nullité du licenciement de Mme Laëtitia X... ;- condamné la société ILPR à lui payer la sommes suivantes :¤ 8 185,14 € à titre de maintien de salaire pendant la période couverte par la nullité, congés payés compris,¤ 4 092,57 € d'indemnité compensatrice de préavis congés payés inclus,¤ 2 232 € d'indemnité de licenciement, ¤ 11 161,56 € de dommages et intérêts pour licenciement nul,¤ 1 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral lié aux circonstances de la rupture, ¤ 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;- rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur les sommes à caractère salarial dans la limite de neuf mois de salaire, calculés sur la moyenne des trois derniers fixée à 1 860,26€ ; - débouté la société ILPR de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.
Mme Laëtitia X... et la société ILPR ont reçu notification de ce jugement respectivement les 23 et 25 octobre 2010. La société HORIZON DÉVELOPPEMENT en a régulièrement relevé appel par lettre postée le 8 novembre 2010.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 23 janvier 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société Installation Laboratoire du Pays de Retz demande à la cour :
- à titre principal, d'infirmer le jugement entrepris et de débouter Mme Laëtitia X... de l'ensemble de ses prétentions au motif que le licenciement n'est pas nul comme fondé sur une faute grave parfaitement constituée et prononcé pendant la période de protection ;
- à titre subsidiaire, si la cour estimait le licenciement nul, de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives au montant de l'indemnité compensatrice de préavis congés payés inclus, de l'indemnité de licenciement et des dommages et intérêts alloués pour licenciement nul, mais de l'infirmer du chef de la somme allouée à la salariée pour la période couverte par la nullité et de lui allouer :¤ soit, au titre de la période du 26 janvier au 23 février 2010, la somme de 1 860,26 € outre 186,02 € de congés payés afférents = 2 046,29 € bruts ;¤ soit, au titre de la période du 26 octobre 2009 au 23 janvier 2010, la somme de 5 580,75 € outre 558,07 € de congés payés afférents = 6 138,82 € bruts ;
- à titre infiniment subsidiaire, de confirmer le jugement déféré également en ses dispositions relatives à la somme allouée pour la période couverte par la nullité mais, en tout état de cause, de rejeter la demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct.
Pour contester la décision de nullité du licenciement, elle fait valoir tout d'abord que Mme Laëtitia X... a bien commis une faute grave, étrangère à sa grossesse, en organisant, à son insu, la fabrication d'une table à langer par ses collègues de travail, certes en dehors de leur temps de travail mais avec les machines et les matériaux de l'entreprise alors que, s'il existe au sein de celle-ci une pratique consistant à ce que les salariés puissent bénéficier de la fabrication de certains éléments réalisés avec des chutes de résine de synthèse, elle implique l'accord de l'employeur et la facturation, au salarié concerné, des chutes utilisées.
Elle ajoute qu'elle a expressément et rapidement rétracté le premier licenciement notifié par erreur le 26 octobre 2009 et que, le fait pour la salariée de n'avoir jamais protesté à la réception des bulletins de salaire qu'elle a continué à lui envoyer constitue de sa part une manifestation claire de son intention d'accepter cette rétractation.Elle précise qu'elle n'avait pas connaissance de la saisine du conseil de prud'hommes dans la mesure où elle n'a pas été touchée par la convocation à comparaître à l'audience de conciliation.
Elle argue enfin de ce qu'en présence d'une faute grave étrangère à la grossesse de Mme X..., elle pouvait parfaitement notifier le licenciement au cours des quatre semaines suivant l'expiration de la période de suspension du contrat de travail, de sorte que le licenciement intervenu le 26 janvier 2010 est régulier tant en la forme qu'au fond.
Aux termes de ses écritures enregistrées au greffe le 13 avril 2012, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, formant appel incident, Mme Laëtitia X... demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le licenciement nul et en ses dispositions relatives aux sommes allouées au titre du préavis, de l'indemnité de licenciement, du maintien de salaire pendant la période couverte par la nullité et de l'indemnité de procédure ; - de l'infirmer s'agissant du montant des indemnités allouées pour licenciement nul et préjudice distinct et de condamner l'appelante à lui payer, de ces chefs, les sommes respectives de 30 000 € et 7 500 € ;- de condamner la société ILPR à lui payer, en cause d'appel, une indemnité de procédure de 2 500 € et à supporter les entiers dépens.
L'intimée, qui conteste avoir accepté la rétractation de la société ILPR et que la preuve d'une telle acceptation soit rapportée, oppose qu'en application des dispositions de l'article L. 1225-4 du code du travail, son licenciement est nul en ce qu'il est intervenu le 26 octobre 2009, soit pendant la période de suspension de son contrat de travail ; qu'elle est donc fondée à réclamer l'ensemble des sommes qu'elle sollicite au titre de la rupture.
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour considérerait qu'elle a accepté la rétractation de l'employeur au titre du premier licenciement, elle soutient que le licenciement intervenu le 26 janvier 2010 devrait être déclaré sans cause réelle et sérieuse au motif qu'il s'est écoulé plus d'un mois entre l'entretien préalable du 16 octobre 2009 et la notification du second licenciement.
Enfin, elle conteste avoir agi à l'insu de son employeur pour faire fabriquer la table à langer, arguant, d'une part, avoir demandé l'autorisation à son supérieur hiérarchique, M. D..., d'autre part, de ce que le matériel litigieux a été fabriqué en dehors des heures de travail, au moyen de chutes de résine de synthèse, au vu et au su de toutes les personnes intervenant dans l'entreprise, enfin qu'elle ignorait les consignes qu'a pu donner le chef d'entreprise au sujet de la fabrication de ce matériel. Elle estime en conséquence que la preuve du vol invoqué n'est pas rapportée et elle fait valoir que ces graves accusations ont été pour elle à l'origine d'un important préjudice moral, alors surtout qu'elles sont intervenues à un moment où elle était très lourdement éprouvée par le récent décès de son fils, âgé de 16 ans, survenu le 2 juillet 2009.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le licenciement :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 1225-4 du code du travail, "Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes.
Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa." ;
Attendu que le licenciement notifié en méconnaissance de ces dispositions est nul;
Attendu qu'il résulte de ce texte que, nonobstant la justification par l'employeur d'une faute grave, le licenciement ne peut pas être valablement notifié ou prendre effet pendant les périodes de suspension du contrat de travail, soit, pendant le congé de maternité ;
Attendu que l'intimée justifie, par la production de l'attestation de paiement des indemnités journalières établie par la CPAM de la Mayenne, avoir été en congé de maladie du 3 au 11 juillet 2009, puis en congé de maternité du 12 juillet 2009 au 23 janvier 2010 ; que la période de protection instituée par le texte susvisé expirait donc le 21 février 2010 à 24 heures ;
Attendu que la société ILPR ne méconnaît pas qu'au moment de l'engagement de la procédure de licenciement par l'envoi, le 6 octobre 2009, de la convocation à l'entretien préalable, et de l'envoi, le 26 octobre suivant, de la première lettre de licenciement, elle avait parfaitement connaissance de la grossesse de Mme Laëtitia X... et de ce qu'elle se trouvait en congé de maternité ; que cette connaissance ressort d'ailleurs des bulletins de salaire qu'elle a établis, notamment en juillet et août 2009, lesquels mentionnent cette situation de congé de maternité ;
Attendu que la société appelante ne conteste pas avoir, aux termes du courrier du 26 octobre 2009 qui sont sans aucune ambiguïté à cet égard, manifesté la volonté de mettre fin au contrat de travail de Mme Laëtitia X... par la voie d'un licenciement pour faute grave, expressément stipulé avec effet immédiat et fondé sur des faits de vol, mais elle soutient que le licenciement prononcé à cette date a été rétracté avec l'accord de la salariée ;
Attendu qu'en application de l'article L 1231-1 du code du travail, la rupture du contrat de travail se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est à dire au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture ;Et attendu qu'un licenciement ne peut être rétracté qu'avec l'accord clair et non équivoque du salarié ;
Attendu que la circonstance que Mme X... n'ait pas réagi à la réception des bulletins de salaire que la société ILPR a continué de lui envoyer postérieurement au 6 novembre 2009, date à laquelle cette dernière a manifesté sa volonté de rétracter le licenciement, ne suffit pas à caractériser de sa part un accord clair et non équivoque d'accepter cette rétractation ; que la saisine du conseil de prud'hommes, intervenue le 19 novembre 2009, avec indication dans la requête que le licenciement était bien effectif au 26 octobre 2009 et que la "tentative" de l'employeur de l'annuler par courrier du 6 novembre suivant était vaine, caractérise au contraire le refus de Mme X... d'accepter cette rétractation, peu important que la société ILPR n'ait pas été touchée par la convocation à se présenter à l'audience de conciliation fixée au 28 janvier 2010 et n'ait eu connaissance de la saisine du conseil de prud'hommes qu'à la faveur de l'assignation qui lui a été délivrée le 3 février 2010 ;
Attendu, la preuve d'un accord clair et non équivoque de Mme X... d'accepter la rétractation du licenciement manifestée par l'employeur le 6 novembre 2009 n'étant pas rapportée, que la rupture du contrat de travail est bien intervenue le 26 octobre 2009, date de la première lettre de licenciement ; qu'en application des dispositions de l'article L. 1225-4 du code du travail, ce licenciement ne peut qu'être déclaré nul pour avoir été notifié pendant la période de suspension du contrat de travail et le jugement entrepris, confirmé sur ce point ;
Attendu que Mme Laëtitia X... a droit, sans déduction des indemnités journalières, au paiement des salaires qu'elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité, c'est à dire, en l'occurrence, du 26 octobre 2009 au 21 février 2010, de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a condamné la société ILPR à lui payer de ce chef la somme de 8 185,14 € bruts congés payés inclus (7 441,04 € outre 744,10 € de congés payés afférents) ;
Attendu que cette dernière est également fondée à solliciter une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité de licenciement dont l'employeur ne discute ni le principe, ni le montant, lequel a été justement apprécié par les premiers juges de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a alloué de ces chefs à l'intimée les sommes respectives de 4 092,57 € (3 720,52 € + 372,05 € de congés payés afférents) et de 2 232 € ;
Que Mme X..., qui ne demande pas sa réintégration, a droit en outre à une indemnité réparant intégralement le préjudice causé, et dont le montant est au moins égal à six mois de salaire ;Attendu que son salaire brut moyen mensuel au sein de la société ILPR s'élevait à la somme de 1 860,26 €, soit un salaire net de 1 405,12 € ; qu'à la fin de son congé de maternité, elle a été inscrite au Pôle emploi à compter du 28 janvier 2010, n'a eu droit à aucune indemnisation jusqu'au 10 avril 2010 (période de carence), date à compter de laquelle elle a perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi pour un montant mensuel de 701,61 €, soit une perte mensuelle de revenus de l'ordre 700 € ; qu'elle justifie avoir retrouvé du travail à compter du 3 janvier 2011, date à laquelle elle a été embauchée en CDI par la société Fonderie Mayennaise en qualité d'agent de planning, moyennant un salaire brut mensuel de 1 900 € ;
Attendu qu'au moment de son licenciement, Mme X... était âgée de 31 ans et comptait six ans d'ancienneté dans l'entreprise ;Attendu qu'au regard de ces éléments, il convient, par voie d'infirmation du jugement déféré, de porter à 15 000 € l'indemnité allouée pour licenciement nul que la société ILPR sera condamnée à lui payer ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct :
Attendu que le licenciement de Mme Laëtitia X... repose sur une accusation de vol énoncée en ces termes dans la lettre de licenciement du 26 octobre 2009 :
" Fin juin, vous avez demandé au chef d'atelier de vous fabriquer une table à langer et des étagères en résine de synthèse pour vos besoins personnels.Le chef d'atelier m'a fait part de votre demande fin juillet avant de partir en congés, après que vous lui avez transmis des plans et alors que vous étiez absente depuis début juillet.A cette époque, j'ai refusé de mettre en fabrication ces éléments pour plusieurs raisons : surcharge de travail dans l'atelier et en préparation, et je ne voulais pas que cette fabrication ait lieu pendant l'absence du chef d'atelier.Par ailleurs, jamais vous ne m'aviez fait la demande directement ni demandé le prix de ces éléments.J'ai donc demandé au chef d'atelier de vous indiquer que votre demande devait être réitérée à la rentrée.J'ai constaté à mon retour de congés le 28 août que tous les éléments avaient été fabriqués pendant les vacances à mon insu et que vous étiez venue les chercher la veille. J'étais présent sur le site à cette date et vous n'êtes pas venue me voir.Puis le chef d'atelier s'est rendu compte à son retour de congé le 31 août que les travaux avaient été faits en dehors du temps de travail des ouvriers avec de la matière prise dans l'atelier; il s'est aperçu que la fiche de travail de ce chantier avait disparu.Après cette enquête nous nous sommes rendus compte que vous aviez délibérément orchestré la mise en fabrication de vos éléments sans l'accord de la direction, que vous aviez fait travaillé les ouvriers en dehors de leur temps de travail sur vos éléments et avec de la marchandise de la société.Nous nous sommes également rendu compte que vous aviez échangé des emails avec la secrétaire de la société pour pouvoir passer prendre la marchandise à un moment où il n'y aurait personne pour le voir.Ces éléments constituent un vol pur et simple de votre part.Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise.Votre licenciement est donc immédiat..." ;
Attendu, comme l'ont relevé les premiers juges, qu'il ressort sans ambiguïté de ce courrier que M. Gilbert E..., gérant de la société ILPR, a bien été informé, au plus tard fin juillet 2009, de la demande présentée par Mme X... au chef d'atelier, M. D..., demande qui s'inscrivait dans une pratique habituelle au sein de l'entreprise de permettre aux salariés d'obtenir la fabrication de certaines pièces au moyen de chutes de résine de synthèse ; attendu qu'aucun élément ne permet d'établir que l'usage aurait commandé à Mme X... de soumettre sa demande directement au chef d'entreprise plutôt qu'au chef d'atelier ; qu'aucun élément ne vient non plus démontrer que ce dernier aurait informé l'intimée, ni même MM. F... et G..., salariés qui ont réalisé le plan/table à langer et les étagères au cours du mois d'août 2009, en dehors de leurs heures de travail, de ce que le chef d'entreprise aurait demandé que cette fabrication soit différée et qu'elle ne soit pas réalisée hors la présence de M. D... ; que MM. G... et F... attestent de ce que celui-ci leur a seulement indiqué qu'ils devaient réaliser cette fabrication en dehors de leur temps de travail et précisent l'avoir exécutée selon les plans et indications qu'il leur a remis avant son départ ; que Mme H..., secrétaire ayant remplacé l'intimée, confirme que M. D... lui a seulement dit que M. E... s'opposait à ce que les éléments demandés par Mme X... soient fabriqués pendant les heures de travail ; que M. Jean-Pierre I..., qui a assisté Mme Laëtitia X... au cours de l'entretien préalable du 16 octobre 2009, énonce que celle-ci a précisé avoir agi selon le processus habituel dans l'entreprise et avoir toujours été disposée à payer le coût des matériaux, et il relate la confusion alors manifestée par M. D..., lequel s'est avéré dans l'incapacité de préciser les circonstances de la mise en fabrication litigieuse et les consignes transmises ou non ; attendu que Mme H... a confirmé que Mme X... avait bien tenté de rencontrer M. Gilbert E... lors de son passage à l'entreprise fin août 2009, mais qu'il lui avait été répondu que ce dernier était en rendez-vous, circonstances que la salariée a rappelées lors de l'entretien préalable ;
Attendu que c'est à juste titre qu'au regard de ces éléments, les premiers juges ont considéré que la preuve du vol invoqué à l'appui du licenciement n'était pas rapportée ;
Attendu que l'intimée justifie, et qu'il n'est pas discuté, que son fils âgé de 16 ans avait trouvé la mort le 2 juillet 2009 dans un accident, une automobiliste lui ayant coupé la route alors qu'il circulait sur un cyclomoteur ;
Attendu que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le licenciement en cause, fondé sur des accusations de vol retenues contre Mme X... sur la seule base des éléments ci-dessus relatés et prononcé à un moment où l'employeur la savait particulièrement éprouvée par le drame lié au décès de son fils aîné, est intervenu dans des conditions vexatoires et douloureuses, à l'origine pour l'intimée d'un préjudice moral justement réparé par l'allocation d'une somme de 1 000 € ; que le jugement déféré sera confirmé de ce chef ;
Sur les dépens et frais irrépétibles :
Attendu, la société ILPR succombant en son recours, qu'elle sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à Mme Laëtitia X..., en cause d'appel, une indemnité de procédure de 2 000 €, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception du montant des dommages et intérêts alloués pour licenciement nul ;
Statuant à nouveau de ce chef, condamne la société Installation Laboratoire du Pays de Retz à payer à Mme Laëtitia X... la somme de 15 000 € (quinze mille euros) ;

Ajoutant au jugement déféré,
Condamne la société Installation Laboratoire du Pays de Retz à payer à Mme Laëtitia X... la somme de 2 000 € (deux mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
La condamne aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALL Catherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02786
Date de la décision : 11/09/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-09-11;10.02786 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award