COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N
CLM/ AT
Jonction des instances enrôlées sous les No 11/ 1433 et 11/ 1531
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01433.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, décision attaquée en date du 18 Mai 2011, enregistrée sous le no 21 197
assuré : X...
ARRÊT DU 04 Septembre 2012
APPELANTE :
Société ABALONE TT Le Mans
...
72000 LE MANS
représentée par Maître Antoine MISSOFFE, substituant Maître Renaud GUIDEC, (SELARL AUGUS), avocat au barreau de NANTES
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SARTHE (C. P. A. M.)
178 avenue Bollée
72033 LE MANS CEDEX 09
représentée par Madame Cécile LOHEAC-CHOLET, munie d'un pouvoir
A LA CAUSE :
MISSION NATIONALE DE CONTROLE DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Antenne de Rennes
4 avenue du Bois Labbé-CS 94323
35043 RENNES CEDEX
avisée, absente, sans observations écrites
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mai 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller
Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT :
prononcé le 04 Septembre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE :
Le 13 juillet 2007, la société ABALONE TT Le Mans a souscrit une déclaration d'accident du travail concernant M. X..., embauché en qualité de plombier, de laquelle il ressort que, le 12 juillet 2007, ce dernier a reçu une projection de colle dans l'oeil gauche alors qu'il était en train d'étaler de la colle sur un tuyau en PVC, ce qui a justifié son transport à l'hôpital en ambulance et un arrêt de travail.
Le certificat médical initial établi le 12 juillet 2007 par le médecin du centre hospitalier du Mans mentionne une kératite de l'oeil gauche et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 13 juillet 2007.
Cet accident a donné lieu, de la part de la Caisse primaire d'assurance maladie de La Sarthe (ci-après, CPAM de La Sarthe), à une prise en charge d'emblée au titre de la législation professionnelle.
Aux termes d'un certificat médical établi le 10 septembre 2007 et sur lequel le médecin prescripteur a coché la case : " rechute ", M. X... s'est vu prescrire un nouvel arrêt de travail jusqu'au 13 septembre 2007 en raison d'" une diplopie binoculaire (suite accident du 12/ 07/ 07) ".
Le 4 juin 2009 a été établi le certificat médical final, l'état de M. X... ensuite de l'accident du travail du 12 juillet 2007 ayant été déclaré consolidé avec séquelles le 2 mai 2009.
Le 16 mars 2010, la société ABALONE TT Le Mans a saisi la commission de recours amiable de la CPAM de La Sarthe afin de contester la décision de la caisse refusant de lui déclarer inopposable, pour violation de l'obligation d'information et de respect du contradictoire, la prise en charge des soins prodigués et de l'arrêt de travail prescrit au titre du certificat médical de " rechute " du 10 septembre 2007.
Par décision du 15 avril 2010 notifiée par lettre datée du 19 avril suivant, concluant à l'absence de rechute au sens de l'article L. 443-1 du code de la sécurité sociale, la commission de recours amiable a rejeté le recours de l'employeur et confirmé la décision de la caisse.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 mai 2010, la société ABALONE TT Le Mans a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'un recours contre cette décision.
Par jugement du 18 mai 2011 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans a reçu la société ABALONE TT Le Mans en son recours mais l'en a déboutée et, confirmant la décision de la commission de recours amiable, lui a déclaré opposable la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'arrêt prescrit le 10 septembre 2007.
La société ABALONE TT Le Mans a reçu notification de ce jugement le 23 mai 2011. Elle en a régulièrement relevé appel par lettre recommandée postée le 1er juin 2011. Cette instance a été inscrite au répertoire général sous le no 11/ 1433.
La société ABALONE TT Le Mans a formé à nouveau appel contre ce même jugement par lettre recommandée postée le 10 juin 2011.
Cette instance a été inscrite au répertoire général sous le no 11/ 1531.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 14 juin 2011, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société ABALONE TT Le Mans demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris ;
- de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la rechute du 10 septembre 2007 pour violation par la Caisse de son obligation d'information de l'employeur et de respect du contradictoire.
La société appelante soutient que, même s'il n'y a pas eu de consolidation entre le certificat médical initial et celui établi le 10 septembre 2007, ce dernier certificat a bien trait à une rechute au sens de l'article L. 443-1 du code de la sécurité sociale dans la mesure où, entre les deux certificats, le salarié a repris le travail et où il n'est pas établi qu'il y ait eu une continuation de soins, ce qui caractérise une guérison apparente ; qu'un nouvel arrêt de travail après une telle guérison apparente est constitutif d'une rechute.
Elle en conclut qu'en présence d'une rechute, la CPAM de La Sarthe devait lui envoyer le double de la déclaration de rechute, instruire la demande de prise en charge de la rechute, et respecter à son égard l'obligation d'information et le principe du contradictoire dans les termes de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale en lui adressant le courrier de clôture ; que, faute pour elle de l'avoir fait, la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'arrêt de travail et des soins en lien avec le certificat médical de rechute du 10 septembre 2007, doit lui être déclarée inopposable.
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 16 mai 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la Caisse primaire d'assurance maladie de La Sarthe demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de déclarer opposable à la société ABALONE TT Le Mans la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'arrêt de travail et des soins prescrits aux termes du certificat médical du 10 septembre 2007.
Elle fait valoir qu'en l'absence, à cette date, de consolidation de l'état du salarié victime sur l'accident du travail initial, la lésion constatée le 10 septembre 2007 ne peut pas constituer une rechute au sens de l'article L. 443-1 du code de la sécurité sociale, la reprise du travail par M. X...ne permettant pas, à elle seule, de caractériser une guérison ou une consolidation de son état. Elle ajoute que le fait que le médecin prescripteur ait coché la case " rechute " ne la lie pas et ne suffit pas à caractériser une rechute.
Elle soutient que la lésion, l'arrêt de travail et les soins pris en charge ensuite du certificat médical du 10 septembre 2007 s'inscrivent dans la continuité de la lésion et des soins initiaux et bénéficient comme tels de la présomption d'imputabilité ; qu'en conséquence, il n'y avait pas lieu à mise en oeuvre des dispositions de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale et que le moyen tiré d'un manquement de sa part à l'obligation d'information et de respect du contradictoire vis à vis de l'employeur est en conséquence mal fondé.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu, la société ABALONE TT Le mans ayant relevé appel du même jugement par deux déclarations d'appel distinctes qui tendent aux mêmes fins qu'il convient d'ordonner la jonction de l'affaire inscrite au RG sous le no 11/ 1531 avec celle inscrite au RG sous le no 11/ 1433 et de statuer par un seul et même arrêt.
Attendu que les premiers juges ont, à juste titre, déclaré recevable le recours diligenté par la société ABALONE TT Le Mans contre la décision de la CRA de la CPAM de La Sarthe du 15 avril 2010, notifiée par lettre du 19 avril suivant, en ce qu'il l'a été dans les formes et le délai de deux mois requis par l'article R 142-18 du code de la sécurité sociale ;
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Attendu, comme l'ont exactement rappelé les premiers juges que, selon l'article L. 443-1 du code de la sécurité sociale, la rechute s'entend de " toute modification de l'état de la victime dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure. " ; qu'elle suppose un fait pathologique nouveau, soit l'aggravation de la lésion initiale après sa consolidation, soit l'apparition d'une nouvelle lésion après guérison ;
Qu'en revanche, comme l'a encore exactement indiqué le tribunal, la simple manifestation des séquelles initiales de l'accident ou des complications ultérieures de celui-ci survenant avant la date de guérison apparente ou de consolidation de la lésion initiale ne constituent pas une rechute ;
Attendu qu'en l'espèce, l'état du salarié-victime a été consolidé avec séquelles le 2 mai 2009, soit bien après la constatation, le 10 septembre 2007, d'une diplopie binoculaire consécutive à l'accident du travail initial et au nouvel arrêt de travail prescrit, à cette occasion, jusqu'au 13 septembre 2007 ; attendu que, contrairement à ce que soutient la société appelante, la circonstance que M. X...ait pu reprendre le travail le 14 juillet 2007 ne suffit pas à caractériser une guérison apparente, laquelle est, au contraire radicalement contredite par le fait que l'état du salarié-victime a été consolidé avec séquelles ce qui est exclusif d'une guérison de la lésion initiale ; qu'en outre, il ressort des éléments produits par la Caisse que M. X...a fait l'objet d'un certificat de prolongation d'arrêt de travail le 28 août 2007, de sorte qu'il y a bien eu continuité de soins entre l'accident initial et le 10 septembre 2007 ;
Qu'en l'absence de guérison ou de consolidation intervenue avant cette date, la diplopie binoculaire alors constatée n'est pas constitutive d'un fait pathologique nouveau permettant de caractériser une rechute, et devait bien être traitée comme une complication ou une aggravation de la lésion initiale bénéficiant, comme telle, de la présomption d'imputabilité attachée à l'accident du travail survenu le 12 juillet 2007, présomption que la société ABALONE TT Le Mans ne tente pas même de combattre ;
Attendu, comme l'a encore exactement rappelé le tribunal, qu'en présence d'une simple aggravation et non d'une rechute, la CPAM de La Sarthe n'avait pas à mettre en oeuvre à l'égard de l'employeur la procédure d'information prévue par l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale ; que le moyen tiré de la prétendue violation de cette obligation et du non-respect du contradictoire est donc inopérant et que le jugement entrepris doit être purement et simplement confirmé, sauf à préciser qu'est opposable à la société ABALONE TT Le Mans la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'arrêt de travail prescrit le 10 septembre 2007 et de tous les soins en lien avec le certificat médical établi à cette date ;
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Ordonne la jonction de l'affaire inscrite au RG sous le No 11/ 1531 avec celle inscrite sous le no 11/ 1433, seul subsistant.
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à préciser qu'est opposable à la société ABALONE TT Le Mans la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'arrêt de travail prescrit le 10 septembre 2007 à M. X...et de tous les soins en lien avec le certificat médical établi à cette date ;
Fixe le droit d'appel prévu par l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelante qui succombe au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale et condamne la société ABALONE TT Le Mans au paiement de ce droit ainsi fixé.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL