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04/09/2012 | FRANCE | N°11/00835

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 04 septembre 2012, 11/00835


COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
BAP/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00835.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 25 Janvier 2011, enregistrée sous le no 10/ 00040

ARRÊT DU 04 Septembre 2012

APPELANTE :

SAS DIRICKX
" Le Bas Rocher "
53800 CONGRIER

représentée par Maître Stéphane RIGOT, avocat au barreau de LAVAL

INTIME :

Monsieur Lionel X...
...
53360 ST SULPICE

présent, as

sisté de Maître Jacques DELAFOND (SCP), avocat au barreau de LAVAL (No du dossier 210045)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des disp...

COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
BAP/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00835.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 25 Janvier 2011, enregistrée sous le no 10/ 00040

ARRÊT DU 04 Septembre 2012

APPELANTE :

SAS DIRICKX
" Le Bas Rocher "
53800 CONGRIER

représentée par Maître Stéphane RIGOT, avocat au barreau de LAVAL

INTIME :

Monsieur Lionel X...
...
53360 ST SULPICE

présent, assisté de Maître Jacques DELAFOND (SCP), avocat au barreau de LAVAL (No du dossier 210045)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller
Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur BOIVINEAU

ARRÊT :
prononcé le 04 Septembre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

M. Lionel X...a été embauché par la société Dirickx le 1er avril 1975.
Suivant avenant du 13 février 1992, à effet au 11, il est devenu agent qualité.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, il occupait le poste de technicien mesure qualité, coefficient 255, niveau 4, 1er échelon, de la convention collective de la métallurgie de la Mayenne, contre une rémunération brute mensuelle de 2 417, 57 euros compte tenu d'un 13ème mois.

Par lettre du 7 janvier 2010, remise en main propre contre décharge, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire.
L'entretien préalable s'est tenu le 14 janvier 2010.
Il a été licencié, pour faute grave, par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 janvier 2010.

Il a saisi le conseil de prud'hommes de Laval, le 24 février 2010, aux fins que, son licenciement étant déclaré sans cause réelle et sérieuse et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la société Dirickx soit condamnée, outre les dépens, à lui verser :
-3 588 euros d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 358, 80 euros de congés payés afférents,
-24 973, 50 euros d'indemnité légale de licenciement,
-90 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-10 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi du fait des conditions de la rupture,
-2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes, dans sa formation de départage, par jugement du 25 février 2011 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, a :
- constaté que le licenciement n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Dirickx à verser
~ à M. Lionel X...
o 3 946, 80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,
o 24 973, 50 euros d'indemnité légale de licenciement,
o 14 500 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
o 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
~ aux organismes concernés, deux mois d'indemnité de chômage, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail,
- débouté M. Lionel X...de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur les sommes à caractère salarial, dans la limite de neuf mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois, fixée à 2 584, 92 euros brut,
- condamné la société Dirickx aux dépens de l'instance.

Cette décision a été notifiée aux parties et, la société Dirickx en a formé régulièrement appel, par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 24 mars 2011.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 25 avril 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé,
la société Dirickx sollicite :
- l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et alloué diverses sommes à ce titre à M. Lionel X...,
- sa confirmation en ce qu'il a débouté M. Lionel X...de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- et, M. Lionel X...étant débouté de l'ensemble de ses demandes, qu'il soit condamné à lui verser 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et supporte l'ensemble des dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que :
- la faute grave de M. X...est manifestement établie, celui-ci ayant agressé M. A...à deux reprises, verbalement puis physiquement, alors que rien n'explique ces violences, qu'en outre, M. X...persiste à nier les faits ; dans un tel contexte, malgré son ancienneté, son maintien dans l'entreprise s'avère impossible ; il est en tout cas indifférent que M. A...ne soit pas le supérieur hiérarchique direct de M. X...,
- le conseil de prud'hommes n'a même pas recherché si les faits invoqués à l'appui du licenciement, à défaut de caractériser une faute grave, constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement,
- la défense de M. X..., tendant à accréditer que, dans une situation économique difficile, elle aurait trouvé ce moyen pour se " débarrasser " d'un salarié qui lui coûtait trop cher, est " grotesque ",
- les assertions de M. X..., afin d'asseoir une condamnation au titre d'un préjudice moral, sont fausses, outre que les faits qu'il évoque, se rattachant à la procédure de licenciement et au licenciement, ne peuvent ouvrir droit à la réparation d'un préjudice distinct.

****

Par conclusions déposées le 12 avril 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. Lionel X...sollicite :
- la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a décidé que son licenciement ne reposait ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il lui a alloué 3 946, 80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi que 24 973, 50 euros d'indemnité légale de licenciement,
- formant appel incident, son infirmation relativement au montant des dommages et intérêts octroyés à ce titre et en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct, demandant, dès lors, de ces deux derniers chefs, respectivement 90 000 et 10 000 euros de dommages et intérêts.
Il sollicite, enfin, que la société Dirickx soit condamnée à lui verser 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel et supporte les dépens de l'instance.

Il réplique que :
- il n'a commis aucune violence physique sur M. A...,
- s'il reconnaît une altercation verbale avec M. A..., c'est ce dernier qui, ne détenant aucun pouvoir hiérarchique à son endroit par ailleurs, l'a provoquée ; en conséquence, cet incident ne peut justifier son brusque licenciement, aussi bien pour faute grave que pour cause réelle et sérieuse, d'autant que la société Dirickx n'a à déplorer aucun incident le concernant en ses trente-cinq années d'activité au sein de l'entreprise,
- la décision de licenciement prise à son encontre trouve son explication dans la situation de la société Dirickx, conduite à réduire ses effectifs au regard de sa masse salariale trop élevée,
- à tout le moins, si du fait des pièces qu'il produit, un doute subsiste, celui-ci doit lui profiter,

- il subit un préjudice moral distinct, malmené et rabaissé comme il a été, au vu et au su de toute l'entreprise, entre le 4 et le 19 janvier 2010, et alors que la société Dirickx se permet de le tutoyer, sans réciprocité de sa part.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Conformément à l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge devant lequel un licenciement est contesté doit apprécier, tant la régularité de la procédure suivie, que le caractère réel et sérieux des motifs énoncés dans le courrier qui notifie la mesure et qui fixe les limites du litige.

La lettre de licenciement, adressée le 19 janvier 2010 par la société Dirickx à M. Lionel X..., est libellée en ces termes :
" Suite à notre entretien du 14/ 1/ 2009 en présence de Lionel B..., je te confirme notre décision de procéder à ton licenciement pour faute grave.
Les raisons en sont les suivantes :
- Le 22 Décembre 2009 vers 15. 00, dans le bureau logistique, tu as d'abord agressé verbalement, en présence de plusieurs témoins, Robert A...(un agent de maîtrise, en charge de l'organisation de l'inventaire, qui te demandait de réaliser l'inventaire d'une nouvelle zone). Tu as répondu, en autre, d'un ton très agressif que tu « n'étais pas d'accord pour faire cette zone merdique », que « vous n'aviez qu'à vous bouger les fesses et le faire vous mêmes », que « si on n'était pas quatre, on ne le ferait pas... ».
- Non content de refuser ce qui t'avait été demandé, tu as retrouvé Robert dans la zone de réception 10 à 15 mn plus tard, pour à nouveau l'agresser verbalement et finalement pour « l'empoigner par le col, lui mettre 2 gifles qui lui ont fait voler les lunettes », en public. Au delà de ces gestes totalement répréhensibles, tu as menacé verbalement Robert que « si tu te plains à la Direction, tu auras affaire à moi... ». Tu as accepté que tu avais proféré cette menace durant notre rencontre du 6 janvier au matin en présence de Karine C....
- Lors de l'entretien formel du 14 janvier 2010 " tu as d'abord nié qu'il y avait eu « empoignade avec Robert » prétextant que des témoins n'avaient rien vu d'une agression physique, pour finalement en fin de rencontre accepter que cette empoignade avait bien eu lieu. Certains des premiers témoins qui m'ont envoyé des attestations « n'avoir rien vu d'agression physique », avaient déclaré devant moi et Jean Luc D...le 6 janvier « qu'ils vous avaient séparés » ! D'autres témoins ont précisément vu l'empoignade comme décrit ci dessus.
- Tu es revenu le 19 Janvier au matin dans l'entreprise alors que tu n'y étais pas invité et refusé d'accuser réception d'un courrier que je t'ai finalement fait parvenir en R + AR. Ce n'est que sous la menace d'appeler la gendarmerie et en te remettant un autre courrier que finalement tu as accepté de quitter les lieux.
- Par conséquent, ton départ de la société est définitif à partir de ce jour. Ton solde de tous comptes te parviendra dans les jours qui suivent. Tu disposes de 120 h de DIF que tu peux utiliser en nous communiquant les types de formation souhaités ".

La faute du salarié, qui peut donner lieu à sanction disciplinaire de l'employeur, ne peut résulter que d'un fait avéré, acte positif ou abstention, celle-ci de nature volontaire, imputable au salarié, et constituant de sa part une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.
Outre de présenter ces caractéristiques, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et, il incombe à l'employeur de l'établir.

**

Il n'est pas contesté que, le 22 décembre 2009, un certain nombre de salariés de la société Dirickx procédaient à l'inventaire de fin d'année et que, dans ce cadre, M. X...et M. E...travaillaient en " binôme ".

M. X...a confirmé par ailleurs, à l'audience, qu'ayant terminé la tâche qui leur avait été confiée, il avait été " voir s'ils pouvaient donner un coup de main ailleurs ".

Il avait été précisé par la société Dirickx que M. A..., agent de maîtrise, avait la responsabilité de cet inventaire, ce que n'a pas dénié M. X...; en conséquence, ses considérations sur le fait que M. A...n'était pas son supérieur hiérarchique sont inopérantes.

M. X...a confirmé encore, à l'audience, qu'il y avait bien eu différend, ce jour-là, entre M. A...et lui-même, différend resté, cependant, selon ses dires, isolé et verbal. Il aurait porté sur le fait que M. A...les avaient affectés, M. E...et lui, sur " une zone complexe ", qui nécessitait plus de deux personnes, et que demandant " du personnel en plus, c'est là que je me suis fait envoyer promener par M. A...et c'est là que j'ai refusé d'exécuter l'ordre ".

La société Dirickx évoque, quant à elle, deux altercations entre M. X...et M. A...le 22 décembre 2009, la première verbale, mais dans d'autres termes que ceux employés par M. X...à l'audience, à savoir agressifs, la seconde, alors que M. A...s'était rendu dans la zone dite de réception, avec, de nouveau, des propos agressifs de M. X...envers M. A..., suivis de violences physiques.

M. A...atteste des faits en ces termes :
" Pendant l'inventaire, le 22 décembre 2009, j'étais responsable de plusieurs équipes d'inventoriste.
Vers 15H00, dans les bureaux Logistique, alors qu'ils venaient juste de finir un secteur, j'ai donné une nouvelle zone à inventorier à Lionel X...et son binome. En prenant connaissance de la zone, Lionel s'est emporté d'un seul coup, en me disant, entre autre, qu'il ne voulait pas faire cette " zone de merde ". Puis ils sont partis, sans prendre les consignes, Lionel est revenu dans le bureau, quelques secondes plus tard et toujours d'un ton agressif, il m'a dit que je n'avais qu'à lever mon " cul " de ma chais et venir le faire moi même et que s'ils n'étaient pas plusieurs équipes à faire la zone, ils ne la feraient pas. Sans attendre, ni même entendre les explications de ma part, il est ressorti du bureau, toujours sans consignes pour inventorier la zone en question.
Environ 10 mn plus tard, ayant besoin d'informations sur une autre zone, je suis partis dans le stock pour voir une autre équipe. En arrivant dans la zone, j'ai apperçu Lionel qui venait à ma rencontre. Il m'a de nouveaux agressé verbalement en me disant, que je n'allais sûrement pas le mener à la baguette et que ce n'est pas " un petit chef à la con " qui allait le commander. Puis il a voulu m'empoigner par le col, je lui ai pris la main pour l'en empêcher. En me poussant contre les bennes de recyclage, il m'a giflé à deux reprises de l'autre main, qui à fait voler mes lunettes. Tout en me menaçant que si je me plaignais, j'aurai à faire à lui. Essayant en vain de dialoguer, je lui ai dit que je n'avais pas besoin de me plaindre, car il y avait suffisament de temoins qui avaient vu l'agression. Puis un temoin s'est approché pour nous séparer ".

Pour conforter ses propos, selon lesquels il n'y a eu qu'un incident unique et verbal entre M. A...et lui-même, M. X...fournit des témoignages écrits, puis des attestations dans les formes de l'article 202 du code de procédure civile, de collègues de travail, à savoir MM. F..., E...(son " binôme), K..., G...et L....
Il ne suffit pas de dire, comme il l'indique, que ces témoignages n'ont été refaits qu'afin d'éviter toute contestation, au prétexte que les premiers étaient sur papier libre.
Ce qui doit être constaté, lorsque l'on reprend l'ensemble de ces écrits, c'est que, d'une part, ils ont été rédigés, les premiers le 12 janvier 2010, les seconds, les 29 avril, 2 et 5 mai 2010 et, les derniers les 8, 9 et 21 septembre 2010, que d'autre part, ils émanent des mêmes personnes, M. F...étant le seul à ne pas avoir à nouveau attesté au mois de septembre 2010, qu'enfin ils sont marqués, à chaque fois, par une nette progression, concomitante, dans le récit des faits décrits.
Ces caractéristiques ne peuvent, de fait, que leur ôter la crédibilité nécessaire à emporter la conviction de la cour.

En effet, les premiers sont extrêmement laconiques sur la description des faits, outre qu'ils sont identiques au mot près, les seconds donnent quelques détails supplémentaires et, il faut attendre les troisièmes pour que la version avancée par M. X...se voit corroborée.

Au contraire, les dires de M. A..., relativement à l'existence des deux incidents et à leur teneur, sont confirmés, par :
- l'attestation de M. H..., responsable réception et stockage, qui précise "... Vers 15h00, Mr A..., Responsable de zones inventaire, a demandé au binôme de Mr X...d'aller aider une autre équipe à terminer un autre secteur d'inventaire. Nous étions alors une dizaine d'administratifs assemblés dans le bureau, c'est alors que M. X...a perdu le contrôle de lui même et a insulté Mr A.... L'ensemble des personnes présentes fût très surpris de ses paroles et étonné de son excitation.
La demande de Mr A...était totalement justifiée, Mr X...ayant terminé son secteur, et devait être réaffecté sur une autre zone... ",
- les témoignages de Mmes I...et J..., salariées de l'entreprise, recueillis par huissier sur sommation interpellative de l'employeur, qui déclarent respectivement, et l'on ne voit pas la contradiction qu'ils contiendraient qui conduirait à les invalider, et quand bien même elles ne reprennent pas exactement le récit de M. A..., aussi ce n'est pas parce qu'ils ont été obtenus par un procédé, certes peu habituel, que cela ôte leur véracité aux propos qui y sont tenus
o " Je me trouvais dans la zone à inventorier. Monsieur X...est arrivé avec son co-équipier, énervé et disant qu'il ne voulait pas inventorier la zone indiquée par Monsieur A.... Dès que Monsieur X...a vu Monsieur A...dans le site de l'inventaire, Monsieur X...a accosté Monsieur A...en lui répétant qu'il refusait d'effectuer l'inventaire. J'ai vu Monsieur X...empoigner et bousculer Monsieur A...qui a essayé de calmer la situation en ne répondant pas à Monsieur X...sur ses propos. Une tierce personne dont j'ignore le nom est intervenue pour calmer les choses et Monsieur A...est reparti vers les bureaux de la logistique ",
o " Je me trouvais dans la zone réception stockage ledit jour 22 DECEMBRE 2009. Monsieur X...qui venait des bureaux logistiques s'est approché de Monsieur A...qui était en comptage dans le local réception. Monsieur X...s'est emporté car il ne voulait pas effectuer l'inventaire d'une zone donnée par Monsieur A.... Monsieur A...a essayé de le calmer. A ce moment Monsieur X...a giflé Monsieur A...qui a essayé de le calmer en le repoussant ".
Il résulte donc bien de ce l'ensemble de ces pièces que, deux altercations ont opposé M. X...et M. A..., ce 22 décembre 2009, la première verbale dans le bureau du département logistique, la seconde verbale, mais également physique, dans la zone dite de réception.

M. X...vient dire que, finalement, il n'est pas entièrement responsable, car ayant été " provoqué " par M. A....
M. X...fournit des attestations, qui peuvent être qualifiées " de moralité ", d'après lesquelles il a toujours fait preuve d'un comportement irréprochable au sein de l'entreprise.
Ces pièces ne sont toutefois en rien déterminantes, relativement aux griefs qui sont faits par la société Dirickx à M. X..., en ce qu'il s'agit de témoignages " généraux ", et en tout cas écrits par des personnes qui n'ont pas assisté aux faits du 22 décembre 2009.
Et, cette éventuelle " provocation " de la part de M. A..., n'apparaît aucunement établie à partir de propos aussi subjectifs que ceux de M. G..., dans sa troisième attestation, qui parle d'un ordre donné par M. A...à M. X..." sur un ton sectaire ".

M. X...n'a donc pas hésité à se montrer agressif verbalement et ensuite physiquement à l'encontre d'un salarié de la société Dirickx qui était, à ce moment-là, en position d'autorité à son égard et, ce devant les autres salariés de l'entreprise.

Le fait de ne pouvoir ainsi se maîtriser dans le lieu clos qu'est le lieu de travail, où par conséquent les divers acteurs sont en constante confrontation, franchissant même un degré dans cette absence de maîtrise, en en passant des paroles aux actes, de plus, non dans une scène unique, mais dans deux scènes successives, justifie le licenciement pour faute grave de M. X...par la société Dirickx, ce même au regard de son ancienneté et de l'absence d'incidents jusqu'alors. Tout au contraire, ce temps déjà passé dans l'entreprise, qui conférait à M. X...une certaine maturité dans les relations de travail, aurait dû lui permettre, même s'il avait pu perdre son calme, à ne pas réitérer, encore moins en aggravant les choses.

M. X...produit, sinon, des éléments quant à la situation économique difficile dans laquelle se trouvait effectivement la société Dirickx, qui l'amenait à prendre des décisions en matière d'effectif salarié ; cela le conduit à prétendre que la véritable cause de son licenciement serait à trouver dans cette conjoncture. Cette coïncidence ne suffit pas, à elle seule, face à la réalité des faits qui viennent d'être rapportés, à démontrer que le licenciement de M. X...serait un licenciement pour motif économique déguisé.

Par voie de conséquence, la décision des premiers juges sera infirmée en ce qu'elle a dit que le licenciement de M. X...n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et, de fait encore moins sur une faute grave et, en ce qu'elle a condamné la société Dirickx à verser :
- à M. Lionel X...
o 3 946, 80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,
o 24 973, 50 euros d'indemnité légale de licenciement,
o 14 500 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- à Pôle emploi, deux mois d'indemnité de chômage.
M. X...sera, tout au contraire, débouté de l'ensemble de ses demandes.

Sur le préjudice distinct

Un salarié, licencié dans des conditions vexatoires ou brutales, peut prétendre à des dommages et intérêts en raison du préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi.

Il importe peu, pour cela, que le licenciement ait ou non une cause réelle et sérieuse.

M. Lionel X...sollicite des dommages et intérêts pour préjudice moral au motif, ainsi qu'il l'indique dans ses écritures, qu'" à compter du 4 janvier et jusqu'à la notification du licenciement du 19 janvier, il aura été malmené et rabaissé au vu et au su de toute l'entreprise ".

Il lui appartient de justifier de ses dires ; or, hormis de procéder par voie d'affirmation, M. X...n'a aucun élément à fournir à l'appui de ses allégations, surtout dans les traitements qui lui auraient été réservés et l'humiliation qu'il aurait subie de la part de la société Dirickx.
Et, comme le fait justement remarquer la société Dirickx, c'est M. X...qui, de sa propre initiative, s'est présenté à l'entreprise, le 19 janvier 2010, alors qu'il était l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire.
La société Dirickx était donc parfaitement en droit de lui demander de quitter les lieux et, là encore, il n'est pas établi qu'elle l'ait fait d'une façon violente ou humiliante, devant les autres salariés de l'entreprise.

Quant au fait que, certes, le tutoiement soit employé dans les courriers de la société Dirickx à M. X...et qu'un tel procédé de langage ne soit pas forcément adapté, ce seul élément ne peut suffire à légitimer la demande de dommages et intérêts formulée.

En conséquence, la décision des premiers juges sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. X...pour préjudice moral distinct.

Sur les frais et dépens

Les dispositions de première instance relatives aux frais et dépens seront infirmées.

Il n'apparaît pas inéquitable vu la situation financière des parties en présence, et ce même si la société Dirickx prospère en son appel, de laisser à sa charge les frais qu'elle a dû exposer et non compris dans les dépens.

M. Lionel X...verra évidement sa demande rejetée au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

Il sera, par ailleurs, condamné tant aux dépens de première instance que d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Lionel X...de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. Lionel X...par la société Dirickx repose sur une faute grave,

Déboute M. Lionel X...de ses demandes en vue de faire reconnaître que son licenciement n'est pas fondé sur une faute grave, pas plus que sur une cause réelle et sérieuse, de même que de ses demandes financières corollaires,

Laisse à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne M. Lionel X...aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00835
Date de la décision : 04/09/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 12 février 2014, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 février 2014, 12-27.302, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-09-04;11.00835 ?
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