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04/09/2012 | FRANCE | N°11/00695

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 04 septembre 2012, 11/00695


COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
BAP/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00695.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 07 Février 2011, enregistrée sous le no F 10/ 00029

ARRÊT DU 04 Septembre 2012

APPELANTE :

Madame Nadia X...
...
...
49000 ANGERS

présente, assistée de Monsieur Jacques Y..., délégué syndical

INTIMEE :

SARL TOMARIS
6 rue Mickaël Faraday
49070 BEAUCOUZE

rep

résentée par Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 d...

COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
BAP/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00695.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 07 Février 2011, enregistrée sous le no F 10/ 00029

ARRÊT DU 04 Septembre 2012

APPELANTE :

Madame Nadia X...
...
...
49000 ANGERS

présente, assistée de Monsieur Jacques Y..., délégué syndical

INTIMEE :

SARL TOMARIS
6 rue Mickaël Faraday
49070 BEAUCOUZE

représentée par Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller
Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame TIJOU, adjoint administratif faisant fonction de greffier

ARRÊT :
prononcé le 04 Septembre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

Mme Nadia X...a été engagée par la société Tomaris, entreprise de nettoyage industriel dont l'effectif salarié est supérieur à onze, en qualité d'agent de propreté, AS, échelon 1, coefficient 150, de la convention collective des entreprises de propreté, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en date du 5 octobre 2007, à effet au 6.
Ce contrat a fait l'objet, de novembre 2007 à mai 2009, de douze avenants successifs portant sur la durée du travail.

Mme X...a été hospitalisée le 14 septembre 2009, un arrêt de travail lui ayant été délivré, puis renouvelé.
Elle a passé une visite de pré-reprise le 4 novembre 2009 et, la visite de reprise en deux examens a eu lieu les 10 et 25 novembre 2009, à l'issue desquels le médecin du travail l'a déclarée " inapte définitif à tout poste dans l'entreprise ".

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 25 novembre 2009, la société Tomaris a informé Mme X..., de ce qu'après recherches, son reclassement dans l'entreprise s'avérait impossible.

Mme X...a été convoquée, par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 novembre 2009, rectifiée le 30, à un entretien préalable en vue d'un licenciement " pour inaptitude non professionnel ".
L'entretien préalable s'est tenu le 8 décembre 2009.
Mme X...a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement, par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 décembre 2009.

Elle a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 14 janvier 2010, aux fins que :
- la société Tomaris soit condamnée à lui verser, avec intérêts au taux légal au jour de la demande
o 15 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
o 1 791, 24 euros d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés inclus,
o 3 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect du délai contractuel de sept jours en matière de modification des horaires,
o 1 843, 34 euros de rappel de salaire, consécutivement à la requalification du contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, à raison de 92 heures par mois, et ce à compter de juillet 2008,
o 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- il soit ordonné à la même de
o modifier tous les documents administratifs, ensuite de la requalification du contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, à savoir attestation Assedic, attestation de salaire pour la sécurité sociale, certificat de travail et bulletins de salaire, sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement,
o rembourser aux organismes concernés la totalité des prestations de chômage qu'ils lui ont versé, du jours de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois,
- la même encore soit condamnée aux entiers dépens.

Le conseil de prud'hommes, par jugement du 7 février 2011 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, a :
- débouté Mme X...de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société Tomaris de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme X...aux dépens.

Cette décision a été notifiée à Mme X...le 14 février 2011 et à la société Tomaris le 16 février 2011.
Mme X...en a formé régulièrement appel, par courrier recommandé avec accusé de réception posté le 8 mars 2011.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 29 février 2011 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé,
Mme Nadia X...sollicite l'infirmation du jugement déféré et, statuant à nouveau et y ajoutant, que :
- la société Tomaris soit condamnée à lui verser, avec intérêts au taux légal au jour de la demande
o 15 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif sans cause réelle et sérieuse,
o 1 791, 24 euros d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés inclus,
o 5 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la durée du travail et de la modification des horaires,
o 3 054, 52 euros de rappel de salaire, congés payés inclus, ensuite de la requalification du contrat de travail à temps partiel, à raison de 94 heures 88 par mois de février à juillet 2008, et de 96 heures 25 par mois de mars à août 2009,
o 2 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral, vexatoire et financier,
o 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- il soit ordonné à la même de rembourser aux organismes concernés la totalité des prestations de chômage qu'ils lui ont versé, du jours de son licenciement au jour du présent, dans la limite de six mois,
- la même encore supporte les entiers dépens.

Elle fait valoir que :
- la société Tomaris, du fait de ses arrêts de travail, n'avait aucune intention de la reclasser ; la simple déclaration de l'employeur en ce sens ne peut suffire à justifier d'une recherche loyale et sérieuse de reclassement, d'autant que, dès l'avis d'inaptitude, et seul doit être pris en compte le second, il a informé sa salariée de son impossibilité à la reclasser et alors, au surplus, qu'informé très avant par la visite de pré-reprise de la difficulté qui allait se poser, il ne s'est pas rapproché du médecin du travail, comme il en avait pourtant l'obligation, en vue de trouver des solutions d'aménagement de son poste de travail,
- du fait que le licenciement est abusif et sans cause réelle et sérieuse, elle ne peut être privée de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,
- la société Tomaris n'avait pas plus l'intention de la garder à son service, ainsi que le prouvent ses comportements à son égard, avant même son licenciement, qui peuvent être qualifiés d'harcelants, d'humiliants et de vexatoires et, justifie l'attribution de dommages et intérêts,
- la comparaison des avenants et des heures réellement rémunérées et l'analyse des documents qu'elle produit par ailleurs démontrent que la société Tomaris s'est affranchie de toutes les règles en matière de fixation et de modification de la durée du travail dans le cadre d'un temps partiel, de même que celles propres au contrat de travail à durée déterminée n'ont pas plus été respectées, ce qui implique que, d'une part, lui soient alloués des dommages et intérêts, d'autre part, des rappels de salaire, son contrat de travail à temps partiel devant être requalifié en vertu de l'article L. 3123-15 du code du travail.

À l'audience, Mme X..., par la voix de son conseil, a précisé que les absences mentionnées sur les bulletins de salaire n'étaient pas des " absences ", mais des " récupérations ", absolument interdites par les textes dans le cadre du temps partiel.

****

Par conclusions déposées le 14 mars 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé,
la société Tomaris sollicite la confirmation du jugement déféré, que Mme Nadia X...soit déboutée de l'ensemble de ses demandes, y compris de ses demandes nouvelles, et condamnée à lui verser 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, de même qu'elle supporte les entiers dépens.

Elle réplique que :
- la recherche de reclassement de Mme X...s'est faite en totale concertation avec le médecin du travail, ce dès le 4 novembre 2009, et Mme X...ne peut, dans ces conditions, prétendre à une quelconque hâte suspecte de sa part ; le reclassement était bien impossible, son poste de travail ne pouvant recevoir aucune adaptation et, sachant que sur les vingt-cinq postes que compte l'entreprise, vingt-deux sont identiques au sien, les trois autres étant des emplois administratifs, d'ores et déjà pourvus,
- le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, à savoir l'inaptitude physique et l'impossibilité de reclassement, il n'y a pas lieu à indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, pas plus qu'à indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en faveur de Mme X...; subsidiairement, la demande formulée de ce dernier chef apparaît totalement " fantaisiste " en son montant, en lien avec son augmentation notoire depuis la saisine initiale et, sans justification d'aucun préjudice subi,
- Mme X...ne peut pas dire non plus qu'elle a été l'objet d'attitudes déloyales de l'entreprise, qui n'avait aucunement l'intention de se séparer d'elle contrairement à qu'elle affirme, alors que c'est elle-même qui souhaitait quitter son emploi d'agent de propreté et se reconvertir dans la coiffure,
- Mme X...ne peut se plaindre des variations de la durée de son temps de travail, et non de modifications de la répartition de son horaire de travail, alors que ces variations ont eu lieu, à chaque fois, avec son accord, ainsi que le prouve la signature des avenants, et à sa demande lorsqu'il s'agissait d'une baisse, ce dont elle ne peut venir se plaindre aujourd'hui ; si effectivement, elle a pu, à l'occasion, effectuer plus d'heures que ce qui était contractuellement arrêté, elle en a toujours été rémunérée ; en toute hypothèse, elle ne peut réclamer de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice dont la nature et l'étendue ne sont ni explicitées, ni établies,
- la requalification que réclame Mme X..., sur la base de l'article L. 3123-15 du code du travail, ne peut être prononcée, pas plus que des rappels de salaire attribués, les conditions pour que cette requalification intervienne n'étant pas remplies ; par ailleurs, le décompte fourni est erroné, n'étant pas tenu compte de toutes les heures payées comme des absences.

À l'audience, la société Tomaris, par la voix de son avocat, a concédé à titre subsidiaire, qu'il y avait certes des irrégularités dans la forme des contrat et avenants souscrits, mais, qu'en l'absence de préjudice démontré à la suite, il ne pouvait être envisagé qu'une condamnation de principe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes touchant au contrat de travail et aux avenants successifs

A) Les dommages et intérêts

Le contrat de travail des salariés à temps partiel, qui peut aussi bien concerner les salariés en contrat de travail à durée indéterminée comme en contrat de travail à durée déterminée, doit être écrit et comporter un certain nombre de mentions obligatoires, ainsi qu'en dispose l'article L. 212-4-3 aujourd'hui L. 3123-14 du code du travail libellé dans les termes suivants :
" Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
Il mentionne :
1o La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et... la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2o Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3o Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié...
4o Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat ".

Mme Nadia X...a été recrutée par la société Tomaris suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel écrit du 5 octobre 2007, à effet au 6, qui s'est poursuivi jusqu'au 14 décembre 2009, date de la rupture de la relation contractuelle. Ce contrat a été modifié par de nombreux avenants, porteurs d'appellations et/ ou de mentions impropres pouvant laisser croire à la conclusion de nouveau (x) contrat (s) de travail, alors qu'une lecture plus attentive montre qu'il n'en est rien.
Sont versés de part et d'autre :
- le contrat de travail initial, pour 6 heures 49 par mois, réparties le samedi à raison de 1 heure 50 par semaine, l'employeur se réservant la possibilité de modifier cette répartition, avec un délai de prévenance du salarié de sept jours, aucune heure complémentaire n'étant prévue,
- un avenant du 2 novembre 2007, à effet au 3, pour 23 heures 82 par mois, réparties le samedi à raison de 5 heures 50 par semaine, l'employeur se réservant la possibilité de modifier cette répartition, avec un délai de prévenance du salarié de sept jours, et le salarié pouvant être amené à effectuer des heures complémentaires dans la limite d'un tiers de la durée contractuelle,
- un avenant du 18 juillet 2008, à effet au 21, qui vise un avenant du 26 novembre 2007 qui n'est pas produit, pour 95 heures 24 par mois, réparties chaque jour de la semaine à raison de 21 heures 98 hebdomadaires,
- un avenant du 3 octobre 2008, à effet au 7, pour 115 heures 92 par mois, réparties chaque jour de la semaine à raison de 26 heures 75 hebdomadaires,
- un avenant du 31 octobre 2008, à effet au 1er novembre, pour 92 heures 08 par mois, réparties les lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, à raison de 21 heures 25 hebdomadaires,
- un avenant du 4 décembre 2008, à effet au 1er novembre, pour 74 heures 75 par mois, réparties les lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, à raison de 17 heures 25 hebdomadaires,

- un avenant du 5 février 2009, à effet au même jour, pour 81 heures 25 par mois, réparties les lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, à raison de 18 heures 75 hebdomadaires,
- un avenant du 24 février 2009, à effet au 27, pour 81 heures 25 par mois, réparties les lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, à raison de 18 heures 75 hebdomadaires,
- des avenants du 25 mars 2009, à effet
o le premier, au 21 juillet 2008, pour 26 heures par mois, réparties les lundi, mardi, jeudi, vendredi, à raison de 6 heures hebdomadaires, étant précisé que ces heures sont effectuées en remplacement, jusqu'au retour de Mlle A...,
o le second, au 5 février, pour 32 heures 50 par mois, réparties les lundi, mardi, jeudi, vendredi, à raison de 7 heures 50 hebdomadaires, étant précisé que ces heures sont effectuées en remplacement, jusqu'au retour de Mlle A...,
o le troisième, au 27 février, pour 48 heures 75 par mois, réparties les lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, à raison de 11 heures 25 hebdomadaires,
- un avenant du 1er mai 2009, à effet au 5, pour 31 heures 03 par mois, réparties les lundi, mardi, jeudi, vendredi, à raison de 7 heures 16 hebdomadaires, étant précisé que ces heures sont effectuées en remplacement, jusqu'au retour de Mlle A....

La société Tomaris invoque, à juste titre, que l'on est face à des modifications, non de la répartition de la durée du travail, mais de la durée du travail elle-même, et que le contrat de travail, de même que les avenants, sont signés de l'employeur et de la salariée.

Le contrat de travail à temps partiel, comme tout contrat de travail, peut effectivement faire l'objet de modifications dans ses modalités d'exécution et, la durée du travail constituant dans un tel contrat une modification d'un élément essentiel du dit contrat, ne peut intervenir qu'avec l'accord du salarié.
Cet accord doit être clair et non équivoque et, l'employeur, même si aucune forme n'est requise, doit informer préalablement le salarié et lui laisser un délai suffisant afin de faire connaître sa position.

Si les avenants dont s'agit comportent bien la signature de Mme X..., la société Tomaris ne verse aucun élément qui permette de penser que cette signature a été recueillie dans les conditions qui viennent d'être rappelées et qu'elle traduit un accord clair et non équivoque de son auteur.
Au contraire, il ne peut visiblement être question d'un tel accord, lorsque l'on voit des avenants qui s'appliquent avec un effet rétroactif conséquent, ainsi :

- celui du 4 décembre 2008, applicable au 1er novembre,
- ceux du 25 mars 2009, applicables, pour le premier au 21 juillet 2008, les deux suivants au 5 et 27 février 2009.
Certes, la société Tomaris pouvait attribuer à Mme X...les heures d'une autre salariée absente. Toutefois, les quatre avenants précités se présentent, de fait, comme des régularisations postérieures, la formalisation de l'accord de Mme X...étant postérieure, de loin même, et non antérieure à leur exécution ; dans ces conditions, la société Tomaris, n'ayant pas respecté les

formalités exigées, ne peut se prévaloir d'un quelconque accord de la salariée, au motif que le contrat de travail se serait poursuivi aux nouvelles conditions sans rencontrer d'opposition de sa part. En tout cas, que les modifications aient été éventuellement faites à la demande de Mme X...est parfaitement indifférent.
La société Tomaris a, en conséquence, manqué à ses obligations en matière de durée du travail.

La société Tomaris n'a pas plus respecté les dispositions légales en matière de durée du travail, lorsque l'on compare les heures arrêtées contractuellement et celles qui ont été finalement rémunérées sur les bulletins de salaire.
Ainsi, il est à noter que Mme X...a effectué :
- en octobre 2007, en l'absence de toute spécification de possibles heures complémentaires et alors que la durée contractuelle de travail était de 6 heures 49 mensuelles, 34 heures 49,
- de novembre 2007 à juillet 2008, alors que la durée contractuelle de travail était de 23 heures 82 mensuelles, pouvant être portée à 31 heures 76 avec les heures complémentaires
o en novembre, 54 heures 82,
o en décembre, 58 heures 38,
o en janvier, 94 heures 88,
o en février, 72 heures 13,
o en mars, 50 heures 88,
o en avril, 50 heures 88 et 3 heures complémentaires,
o en mai, 62 heures 48,
o en juin, 52 heures 38,
o en juillet, 62 heures 13.
Or, à tous ces dépassements, sachant que la durée de travail de Mme X...n'a été augmentée que le 21 juillet 2008, ne correspond aucune pièce traduisant un quelconque accord de la salariée.

Il apparaît des pièces no36-1, 36-2, 36-3, 36-5 et 36-6 produites par Mme X...et dont la société Tomaris n'a pas contesté être l'auteur, que cette dernière pouvait communiquer à sa salariée un planning de chantiers, jours et heures, tous éléments variables, sous forme d'indications manuscrites, sur des feuilles volantes. À défaut cependant de connaître l'année à laquelle ces plannings se rapportent, comme la date à laquelle Mme X...les a eus en sa possession, il n'est pas possible d'affirmer que, outre le non-respect de la durée du travail, patent, la société Tomaris a également enfreint les règles relatives au délai de prévenance du salarié en cas de modification de la répartition fixée dans la semaine ou le mois.

Le jugement déféré ne pourra, par voie de conséquence, qu'être confirmé en ce qu'il a débouté Mme X...de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect par la société Tomaris du délai de prévenance de sept jours.
Les manquements de la société Tomaris en matière de durée du travail sont, en revanche, suffisants pour asseoir une condamnation de cette entreprise au visa de l'article L. 1222-1 du code du travail. L'obligation pour l'employeur d'exécuter le contrat de travail de bonne foi ne peut être que sous-tendue par celle, générale, de respecter la réglementation en vigueur. Dès lors, il sera alloué à Mme X...une somme de 1 500 euros à ce titre, avec intérêts au taux légal à compter du présent.

B) La " requalification " du contrat de travail à temps partiel

Il sera observé, avant tout autre développement, que Mme Nadia X...ne reprend pas en appel la demande qu'elle avait formulée devant le conseil de prud'hommes, qui l'en avait déboutée, soit que lui soient accordés 1 843, 34 euros de rappel de salaire, consécutivement à la requalification du contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, à raison de 92 heures par mois, et ce à compter de juillet 2008.
Il conviendra donc, en l'absence de tout moyen soulevé à l'appui de l'appel de chef, et la société Tomaris concluant à la confirmation, de confirmer la décision des premiers juges sur ce point.
**

L'article L. 212-4-3 aujourd'hui L. 3123-15 du code du travail a connu trois rédactions durant le temps d'emploi de Mme X...au sein de la société Tomaris.
Les règles applicables sont les suivantes, à savoir que :
" Lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d'une période de quinze semaines..., l'horaire moyen réellement accompli par le salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l'équivalent mensuel de cette durée, l'horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d'un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé.
L'horaire modifié est égal à l'horaire antérieurement fixé auquel est ajoutée la différence entre cet horaire et l'horaire moyen accompli ".
Il en ressort que, si les conditions énoncées sont réunies, l'employeur doit procéder à cette modification de l'horaire du contrat de travail, seul le salarié ayant un pouvoir d'appréciation à cet égard.

Mme X...demande, visant cet article, que sa durée de travail soit modifiée par rapport à celle contractuellement fixée et qu'elle soit portée, avec les rappels de salaire corollaires, à :
-94 heures 88 par mois, de février à juillet 2008,
-96 heures 25 par mois, de mars à août 2009.
Ce faisant, elle isole les heures rémunérées au titre des mois de janvier 2008 et 2009, pour en faire la référence horaire mensuelle sur chacune des périodes concernées, raisonnement qui, d'évidence, au regard des dispositions légales ci-dessus rappelées, ne peut prospérer.

Si l'on reprend le contrat de travail de Mme X...et ses avenants, en prenant en compte les heures de remplacement de Mlle A...qui figurent parfois d'ores et déjà dans le planning général et parfois sont à ajouter, la durée mensuelle totale de travail contractuelle de Mme X...s'établit à :
-6 heures 49 en octobre 2007,
-23 heures 82 du 3 novembre 2007 au 20 juillet 2008,
-95 heures 24 du 21 juillet 2008 au 6 octobre 2008,
-115 heures 92 du 7 au 31 octobre 2008,
-74 heures 75 du 1er novembre 2008 au 4 février 2009,
-81 heures 25 du 5 février 2009 au 4 mai 2009,
-79 heures 78 à compter du 5 mai 2009.

Pour ce qui est du 3 novembre 2007 au 20 juillet 2008, première période revendiquée par Mme X..., il est indiscutable que l'horaire moyen mensuel qu'elle a réalisé a largement dépassé, de huit heures au moins sur douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d'une période de quinze semaines, l'horaire contractuellement fixé de 23 heures 82, les heures rémunérées sur les bulletins de salaire étant de :
- en novembre, 54 heures 82,
- en décembre, 58 heures 38,
- en janvier, 94 heures 88,
- en février, 72 heures 13,
- en mars, 50 heures 88,
- en avril, 50 heures 88 (et 3 heures complémentaires),
- en mai, 62 heures 48,
- en juin, 52 heures 38.
Dès lors, et en application de l'article L. 212-4-3 aujourd'hui L. 3123-15, l'horaire modifié pour la période concernée s'établit à 62 heures 10 par mois.
Mme X...est donc en droit d'obtenir un rappel de salaire, à raison de
-en novembre, 7 heures 28 au taux horaire de 8, 44 euros,
- en décembre, 3 heures 72 au taux horaire de 8, 44 euros,
- en mars, 11 heures 22 au taux horaire de 8, 52 euros,
- en avril, 11 heures 22 au taux horaire de 8, 52 euros,
- en juin, 9 heures 72 au taux horaire de 8, 63 euros,
soit un total de 367, 90 euros et 36, 77 euros de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Tomaris de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

Pour ce qui est de mars à août 2009, seconde période revendiquée par Mme X..., une subdivision est à faire, de mars à avril 2009 inclus, et à compter de mai 2009.
Quant à première sous-période, s'agissant de huit semaines consécutives, l'article L. 3123-15 ne peut trouver à s'appliquer.
Quant à la seconde sous-période, l'horaire contractuellement fixé est de 79 heures 78 et, Mme X...a bien été rémunérée de mai à décembre 2009 pour une durée de travail correspondante.
Il n'y a donc lieu, dans les deux cas, ni à modifier l'horaire fixé par contrat, ni à octroyer à Mme X...un quelconque rappel de salaire.

Sur le licenciement

Le salarié peut, au cours de sa vie professionnelle, se retrouver dans l'incapacité physique d'exercer tout ou partie de ses fonctions. Dans ce cas, l'employeur est tenu à une obligation de reclassement à son endroit. Le contrat de travail peut être rompu en cas d'impossibilité de reclassement.
Les règles en la matière sont consacrées aux articles R. 4624-31, L. 1226-2 et L. 1226-3 du code du travail.

Mme Nadia X...a été déclarée définitivement inapte à tout poste dans l'entreprise par le médecin du travail, à l'issue du second examen de la visite de reprise qui a eu lieu le 25 novembre 2009.

La société Tomaris affirme avoir respecté l'obligation qui lui était faite, malgré tout, de tenter de reclasser sa salariée.
Cependant, force est de constater que c'est dès le 25 novembre 2009, soit le jour de l'avis d'inaptitude, que la société Tomaris a notifié à Mme X...l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de la reclasser.
De fait, la société Tomaris ne peut prétendre avoir effectué une quelconque recherche de reclassement sérieuse, ne serait-ce qu'en interrogeant le médecin du travail, alors que celui-ci n'ayant formulé aucune proposition, elle se devait de le questionner, notamment sur d'éventuelles mesures en termes de mutation, transformation de poste de travail ou aménagement du temps de travail.
Et, il est tout à fait inopérant du côté de la société Tomaris d'invoquer des recherches qu'elles auraient pu effectuer en amont et en concertation avec le médecin du travail. En effet, ne peuvent être prises en compte que les démarches qui se situent postérieurement au second avis du médecin du travail lors de la visite de reprise ; cela relève de la simple logique, puisque c'est ce second avis (lorsque le médecin du travail n'a pas visé le danger immédiat) qui signe l'inaptitude du salarié à son poste, de façon définitive.

La société Tomaris a, ensuite, convoqué Mme X...à un entretien préalable en vue d'un licenciement le 27 novembre 2009, entretien qui s'est déroulé le 8 décembre 2009, pour un licenciement prononcé le 14 décembre suivant.
Elle ne justifie pas, et c'est sur elle que repose la charge de la preuve, s'être livrée, dans cet intervalle du 25 novembre au 14 décembre 2009, à aucune recherche afin de tenter de reclasser sa salariée.

Dans ces conditions, et infirmant le jugement déféré qui a débouté Mme X...de sa demande sur ce point, comme de ses demandes financières corollaires, le licenciement de Mme X...par la société Tomaris sera déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.

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Sauf disposition conventionnelle le prévoyant, si le salarié ne peut exécuter son préavis du fait de son état de santé, il ne peut prétendre à aucune indemnité compensatrice à ce titre.
Toutefois, le salarié déclaré physiquement inapte à son emploi est en droit d'obtenir une indemnité compensatrice, s'il a été licencié sans que l'employeur respecte son obligation de reclassement à son endroit.
De fait, la demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents formulée par Mme Nadia X...est justifiée dans son principe.

La convention collective des entreprises de propreté stipule, à son article 9. 08. 2, que lorsque la rupture du contrat de travail s'opère à l'initiative de l'employeur, le préavis est de deux mois pour le personnel agent de propreté dont l'ancienneté est supérieure à deux ans.
En conséquence, il sera accordé à Mme X...au regard de ses derniers salaires bruts horaires mensuels, la somme de 1 431, 98 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 143, 19 euros de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Tomaris de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

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Mme Nadia X..., embauchée le 6 octobre 2007 au sein de la société Tomaris, dont l'effectif salarié est supérieur à onze, qui en a été licenciée le 14 décembre 2009, comptait à cette dernière date plus de deux ans d'ancienneté.
Elle est donc en droit, ne sollicitant pas sa réintégration dans l'entreprise, d'obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dont le montant ne peut être inférieur à ses six derniers mois de salaire brut, conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail.

Mme X...était âgée de 44 ans et avait deux ans, deux mois et huit jours d'ancienneté lors de son départ de l'entreprise.
Elle a justifié de ce qu'elle avait perçu, à compter du 25 décembre 2009, une allocation d'aide au retour à l'emploi de 15, 47 euros net par jour, sans autres précisions relativement à sa situation actuelle.
La cour trouve néanmoins en la cause, les éléments tenant à son âge, son ancienneté au sein de la société Tomaris, sa capacité à retrouver un emploi en lien avec son absence de formation et ses difficultés de santé, lui permettant de fixer l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui lui est due à la somme de 5 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent.

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Il devra, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, être ordonné le remboursement au Pôle emploi par la société Tomaris des allocations de chômage que ces services ont été dans l'obligation de débourser pour Mme Nadia X..., du licenciement à ce jour, dans la limite de six mois.

Sur le préjudice moral et financier distinct

Mme Nadia X...sollicite la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts au motif qu'elle aurait été " victime à plusieurs reprises de comportements abusifs de la part de son employeur tendant à la sanctionner arbitrairement aux fins de lui adresser un 3ème avertissement alors qu'elle lui avait adressé tous ses arrêts de travail dans les délais ".

La société Tomaris a effectivement infligé à Mme X...trois avertissements les 15 mai 2008, 3 septembre 2009 et 23 octobre 2009.
Mais, sauf à affirmer, Mme X...ne démontre pas en quoi il s'agit là de " comportements abusifs " de son employeur, d'autant qu'elle ne demande pas l'annulation des dits avertissements, comme le code du travail le lui permet pourtant en application des articles L. 1333-1 à L. 1333-3.

Dans ces conditions, Mme X...sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts, qui n'est pas justifiée.

Sur les frais et dépens

La décision de première instance sera infirmée pour ce qui est des frais et dépens.

La société Tomaris sera condamnée à verser à Mme Nadia X...la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, elle-même étant déboutée de sa demande du même chef.

La société Tomaris sera également condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme Nadia X...de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect du délai contractuel de sept jours en matière de modification des horaires et de rappel de salaire, consécutivement à la requalification du contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, à raison de 92 heures par mois, et ce à compter de juillet 2008,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Tomaris à verser à Mme Nadia X...1 500 euros de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions en matière de durée du travail, avec intérêts au taux légal à compter du présent,

Dit que l'horaire de travail de Mme Nadia X...s'établit à 62 heures 10 par mois du 3 novembre 2007 au 20 juillet 2008,

Condamne la société Tomaris à verser à Mme Nadia X...au titre de la période susvisée 367, 90 euros de rappel de salaire et 36, 77 euros de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,

Déboute Mme Nadia X...de ses demandes de modification de son horaire de travail et de rappel de salaire et de congés payés afférents pour la période de mars à août 2009,

Dit que le licenciement de Mme Nadia X...par la société Tomaris est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Tomaris à verser à Mme Nadia X...
-1 431, 98 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 143, 19 euros de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,
-5 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent,

Ordonne à la société Tomaris de rembourser au Pôle emploi les allocations de chômage que ces services ont été dans l'obligation de débourser pour Mme Nadia X..., du licenciement à ce jour, dans la limite de six mois,

Déboute Mme Nadia X...de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier distinct,

Condamne la société Tomaris à verser à Mme Nadia X...1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Déboute la société Tomaris de sa demande du même chef,

Condamne la société Tomaris aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00695
Date de la décision : 04/09/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-09-04;11.00695 ?
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