COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N BAP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00642.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 07 Février 2011, enregistrée sous le no 09/ 01426
ARRÊT DU 04 Septembre 2012
APPELANTE :
SARL CAROSSERIE X... JOSEPH ......49070 ST JEAN DE LINIERES
représentée par Maître Hervé QUINIOU, avocat au barreau d'ANGERS, en présence de Monsieur X..., gérant et de Madame X..., salariée de la société en qualité de secrétaire
INTIME :
Monsieur Luc Y......49170 ST MARTIN DU FOUILLOUX
présent, assisté de Maître Françoise de STOPPANI (SCP), avocat au barreau d'ANGERS (No du dossier 851L01)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame TIJOU, adjoint administratif, faisant fonction de greffier
ARRÊT :
prononcé le 04 Septembre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
M. Luc Y...a été engagé par la société Carrosserie X... en qualité de tôlier confirmé, échelon 9 de la convention collective des services de l'automobile, selon contrat de travail à durée déterminée conclu pour la période allant du 13 mars au 14 avril 2006. Il est resté dans l'entreprise, cette fois en tant que carrossier-peintre, échelon 12 de la convention collective des services de l'automobile, contre une rémunération brute mensuelle de 1 668, 37 euros, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 15 avril 2006.
La société Carrosserie X... a pour activité la réparation de carrosseries et leur mise en peinture, la transformation et l'aménagement de véhicules légers, de poids lourds et de bus urbains.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 18 juin 2009, M. Y...a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement, fixé au 22 juin 2009. L'entretien préalable a été remis au 10 juillet 2009, avec nouvelle convocation qui lui a été remise en main propre, contre décharge, le 3 juillet 2009. Par une troisième convocation, remise en main propre, contre décharge, le 10 juillet 2009, l'entretien préalable a été encore repoussé au 20 juillet 2009. M. Y...a été licencié pour motif économique et impossibilité de reclassement, par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 juillet 2009.
Il a signé, le 4 août 2009, la convention de reclassement personnalisé qui lui avait été remise le 20 juillet 2009. Le contrat de travail a été réputé rompu d'un commun accord le 10 août 2009.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 4 août 2009, M. Y...a sollicité auprès de la société Carrosserie X... de connaître les critères d'ordre de licenciement, son employeur lui faisant réponse, dans les mêmes formes, le 20 août 2009.
Après avoir, suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 8 octobre 2009, contesté tant le motif économique de son licenciement, que la régularité de la procédure suivie, que les critères d'ordre de licenciement, M. Y...a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 13 octobre 2009 aux fins que, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :- il soit dit et jugé que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,- il soit dit et jugé que la procédure suivie est irrégulière,- en conséquence, la société Carrosserie X... soit condamnée à lui verser o au visa de l'article L. 1235-3 du code du travail, la somme de 54 080 euros de dommages et intérêts, o 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,- la même soit sommée de communiquer les éléments comptables et financiers de l'exercice au 1er avril 2007-31 mars 2008, le bilan arrêté au 31 mars 2010, ainsi que l'original du registre d'entrées et sorties du personnel.
Par jugement du 7 février 2011 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, le conseil de prud'hommes a :- dit qu'il y a lieu de requalifier le licenciement pour motif économique de M. Y...en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,- en conséquence, condamné la société Carrosserie X... à verser à M. Y...o 15 430 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, o 1 000 euros au titre du défaut de procédure, o 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- débouté la société Carrosserie X... de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné la société Carrosserie X... aux entiers dépens, qui comprendront les éventuels frais d'huissier.
Cette décision a été notifiée à M. Y...et à la société Carrosserie X... le 12 février 2011. La société Carrosserie X... en a formé régulièrement appel, par courrier recommandé avec accusé de réception posté le 1er mars 2011.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
À l'audience, reprenant également oralement les conclusions déposées le 13 mars 2012 ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la société Carrosserie X... sollicite l'infirmation du jugement déféré et, M. Luc Y...étant débouté de l'ensemble de ses demandes, principales, comme subsidiaire, il soit condamné à lui verser deux fois la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel et supporte les entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir, tout en rappelant qu'il s'agit d'une rupture d'un commun accord du contrat de travail en lien avec l'acceptation par M. Y...de la convention de reclassement personnalisé, que :- ainsi que l'indique la lettre de licenciement adressée le 29 juillet 2009 à M. Y...à titre conservatoire, le motif économique invoqué est avéré, en ce qu'elle connaissait effectivement des difficultés économiques ; n'obtenant pas la totalité du marché escompté, celles-ci ne pouvaient que s'aggraver ; elle n'avait donc plus de solution alternative, en vue de sauvegarder sa compétitivité sur son secteur, que de supprimer l'un de ses trois emplois de carrossier-peintre, étant précisé que chacun des carrossiers-peintres de l'entreprise est polyvalent,- de même, en l'absence de toute fonction vacante en son sein, son effectif salarié étant de sept, M. Y...compris, tout reclassement était impossible,- si le licenciement venait à être jugé sans cause réelle et sérieuse, rien ne justifie d'accorder à M. Y...la somme de 38 650 euros qu'il réclame, en sus de celle de 15 430 euros qui lui a été allouée par les premiers juges,- la catégorie professionnelle à prendre en considération, pour définir les critères d'ordre de licenciement, est celle des carrossiers-peintres et non celle des carrossiers, et l'ensemble des critères légaux a été appliqué à l'intérieur de cette catégorie, qui comptait trois emplois, de façon objective, avec la pondération à laquelle il lui était possible de procéder ; de toute façon, M. Y...n'a aucun préjudice, ayant rapidement retrouvé un emploi, la preuve encore de cette absence de préjudice ressortant du fait que, jusqu'à l'audience de la cour, il n'avait formulé aucune demande chiffrée au titre des critères d'ordre,
- la procédure menée est parfaitement régulière, le délai de cinq jours qui doit séparer convocation à l'entretien préalable et entretien préalable étant acquis, puisque n'ayant commencé à courir que le 3 juillet 2009, date à laquelle elle a reporté le dit entretien avec l'accord de M. Y..., pour un entretien qui n'a finalement eu lieu que le 20 juillet suivant puisque M. Y...a sollicité un second report ; pas plus, M. Y...ne peut prétendre à une irrégularité au motif de présences multiples auprès du dirigeant lors de l'entretien préalable, ses affirmations sur ce point étant erronées.
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À l'audience, reprenant également oralement les conclusions déposées le 5 avril 2012 ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. Luc Y...sollicite la confirmation du jugement déféré, hormis, formant appel incident de ce chef, pour ce qui est du montant des dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; il demande que lui soit accordée la différence entre cette somme et celle de 54 080 euros et que, donc, la société Carrosserie X... soit condamnée à lui verser 38 650 euros à ce titre, au visa de l'article L. 1235-3 du code du travail. Y ajoutant, il forme une demande subsidiaire, à savoir que la société Carrosserie X... soit condamnée à lui verser 54 080 euros pour non-respect des critères d'ordre des licenciements, outre qu'il sollicite, en tout état de cause, que la société Carrosserie X... soit condamnée à lui verser 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel. Si la société Carrosserie X... a fourni le registre d'entrées et sorties du personnel, ce qui fait que sa demande de communication de cette pièce, en entier et en original, n'a plus lieu d'être, il n'en émet pas moins les plus grands doutes sur la valeur à accorder au registre ainsi produit.
Il réplique que :- les motifs invoqués dans la lettre de licenciement ne sont ni réels, ni sérieux o l'employeur ne peut asseoir ce licenciement sur la perte d'un marché, qui ne lui a été notifiée que postérieurement à la date qui a été visée, o pas plus, le même ne fournit d'éléments justifiant de ce que, la perte de ce marché entraînerait une baisse significative du chiffre d'affaires et des difficultés économiques comme indiqué pourtant, étant précisé également que ce sont bien ces difficultés, qui seraient actuelles, qui fondent le licenciement et non de possibles difficultés futures,- son poste de carrossier-peintre voiture n'a nullement été supprimé,- il n'y a eu aucune recherche de reclassement et, les seules affirmations de l'employeur ne peuvent suffire à attester du contraire,- la catégorie professionnelle à prendre en compte, pour l'application des critères d'ordre des licenciements, était celle de carrossier ; par ailleurs, il appartient à la société Carrosserie X... d'établir, en quoi ses qualités professionnelles auraient été moindres que celles de ses collègues,- son préjudice a des origines multiples (conditions du licenciement, notamment au plan de l'entretien préalable, perte de son travail et nouvel emploi moins bien rémunéré).
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rupture du contrat de travail
Dans les entreprises de moins de mille salariés, l'employeur doit proposer une convention de reclassement personnalisé à tout salarié dont le licenciement pour motif économique est envisagé (articles L. 1233-65, L. 1233-68 et L. 1235-16 du code du travail). Le salarié dispose d'un délai, à compter de cette proposition, pour accepter ou refuser la convention.
L'employeur peut notifier au salarié son licenciement à titre conservatoire au cours de ce délai de réflexion. Dans ce cas, outre les mentions relatives aux motifs économiques invoqués et leur incidence sur l'emploi, à la priorité de réembauche et à ses conditions de mise en oeuvre, aux heures acquises au titre du droit individuel à la formation, au délai pendant lequel la régularité du licenciement peut être contestée, la lettre de licenciement doit également indiquer le délai de réponse dont dispose l'intéressé et préciser, qu'en cas de refus d'adhésion, elle constitue la notification du licenciement.
L'acceptation par le salarié de la convention de reclassement personnalisé entraîne la rupture de son contrat de travail, réputée être intervenue d'un commun accord. Elle ne le prive pas cependant de contester :- le motif économique du licenciement,- le respect par l'employeur de o l'obligation de reclassement, o l'ordre des licenciements, o la priorité de réembauche.
La société Carrosserie X... a adressé à M. Luc Y..., le 29 juillet 2009, une lettre de licenciement, qui n'avait et n'a qu'un caractère conservatoire, à la suite de l'adhésion du salarié, le 4 août 2009, à la convention de reclassement personnalisé qui lui avait été proposée. Cette lettre est libellée en ces termes : " A la suite de notre entretien du 20 juillet dernier, nous vous informons que nous sommes contraints de vous licencier pour motif économique. En effet, en avril 2009, la Ville d'Angers n'a pas renouvelé auprès de notre société, le marché de rénovation de ses bus que nous avions depuis environ 18 ans. Cette situation entraîne une baisse significative du chiffre d'affaires et des difficultés économiques. Elle nécessite une réorganisation de la Société avec une adaptation de sa masse salariale au volume d'activité de l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité et notamment la suppression d'un poste de carrossier-peintre. En conséquence, nous sommes malheureusement contraints de supprimer votre poste pour raison économique. De plus, malgré nos efforts pour rechercher toutes les solutions possibles pour votre reclassement, celui-ci s'est malheureusement avéré impossible, en raison notamment de la petite taille de l'entreprise.... ".
M. Y...conteste, aussi bien la réalité du motif économique, que la suppression de son poste, que la recherche de reclassement, de même que, subsidiairement, les critères d'ordre des licenciements. Ce sont donc autant de vérifications qu'il appartient au juge de mener.
L'article L. 1233-3 du code du travail indique que " constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ".
Est également reconnu comme motif justificatif d'une telle mesure, la réorganisation décidée par l'employeur afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel cette dernière appartient.
Un tel licenciement ne peut, par ailleurs, intervenir, précise l'article L. 1233-4 du code du travail, que " lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ".
De fait, pour que l'on soit en présence d'un licenciement pour motif économique, celui-ci doit procéder d'une certaine raison économique, qui a elle-même une certaine incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié, sachant que, même si ses
conditions sont réunies, le licenciement ne s'impose qu'en l'absence, en amont, de possibilité de reclassement.
Il est acquis que la société Carrosserie X... est une entité économique qui n'appartient à aucun groupement d'entreprises, pas plus qu'elle n'a signé d'accords avec de quelconques entreprises en vue de permettre un reclassement mutuel. Les possibilités de reclassement ne pouvaient, par voie de conséquence, qu'être recherchées en interne. Aussi, et bien que la tenue du registre d'entrées et sorties du personnel de la société Carrosserie X..., produit devant la cour en original, ne soit pas exempte de critiques au plan de la forme, il résulte de sa consultation que, lorsque le licenciement a été envisagé, l'effectif salarié de l'entreprise était de sept, M. Y...inclus, et que l'ensemble des postes était pourvu. L'obligation de reclassement du dirigeant d'entreprise est une obligation de moyens et, devant un effectif salarié réduit, en l'absence de poste disponible, il n'apparaît pas que la société Carrosserie X... ait fait preuve de carence en la matière.
Si M. Y...affirme que son poste n'a pas été supprimé, c'est qu'il prétexte qu'il était carrossier-peintre véhicules légers et non carrossier-peintre poids lourds et que c'est ce dernier poste qui a disparu. Il s'agit là d'un faux débat, en ce que M. Y...a été recruté au sein de la société Carrosserie X... en tant que carrossier-peintre, sans spécification particulière ; qu'il ait pu, éventuellement, travailler plus sur des véhicules légers que sur des poids lourds ne peut modifier ni sa qualification, ni la nature même de ses fonctions, qui sont celles de carrossier-peintre, poste qui a bien été supprimé. Et, la preuve du contraire n'est pas rapportée au vu d'une embauche par la société Carrosserie X... le 1er septembre 2008, alors que son licenciement intervient quasiment un an plus tard, à un mois près, ou de la simple convention de stage pour un élève en école d'ingénieur s signée par la société Carrosserie X... le 29 avril 2009, et effective du 22 juin au 17 juillet 2009.
Quant au motif économique, la rédaction de l'écrit précité, valant lettre de licenciement, est claire ; la société Carrosserie X... le résume à la perte d'un marché de rénovation de bus avec la ville d'Angers, au mois d'avril 2009, perte à l'origine d'une baisse de son chiffre d'affaires et de difficultés économiques nécessitant une réorganisation de l'entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité. La motivation de ce courrier fixe les limites du litige. Dès lors, les longs développements de la société Carrosserie X... sur la véracité de cette perte de marché et de ses difficultés économiques sont inopérants, en ce que si perte de marché il a pu y avoir, elle est tout à fait postérieure à la date qui a été mentionnée dans cette lettre, valant lettre de licenciement. En effet, la société Carrosserie X... avait soumissionné auprès de la ville d'Angers, dans le cadre d'un appel d'offres portant sur quatre lots de travaux distincts. Si trois lui ont été attribués, le quatrième l'a été à une autre entreprise, notification lui en ayant été faite, pour ce qui est du refus le 28 mai 2009, et pour ce qui est des attributions le 18 juin 2009, par courriers recommandés avec accusé de réception. La société Carrosserie X... a formé un recours contre ce refus, lui-même rejeté par ordonnance du tribunal administratif de Nantes le 17 juin 2009.
De facto, en avril 2009, la société Carrosserie X... n'avait subi aucune perte de marché entamant son chiffre d'affaires et lui créant des difficultés économiques, au point de nécessiter une réorganisation de son entreprise au motif de sauvegarde de sa compétitivité, et un licenciement. La rupture du contrat de travail de M. Y...se trouve ainsi dépourvue de cause et, sauf à reformuler la décision du conseil de prud'hommes qui a parlé de licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle-ci sera confirmée en son principe.
Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail
Le conseil de prud'hommes a octroyé à M. Luc Y...une somme de 15 430 euros en application de l'article L. 1235-5 du code du travail. M. Y...réclame que lui soient alloués 38 650 euros supplémentaires au visa de l'article L. 1235-3 du code du travail.
L'article L. 1235-5 du code du travail permet au salarié, qui a subi un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ici une rupture du contrat de travail non causée, et qui n'a pas plus de deux ans d'ancienneté chez son employeur, et/ ou dont l'employeur compte moins de onze salariés dans l'entreprise, d'obtenir une indemnité. Cette indemnité est calculée en fonction du préjudice que subit nécessairement le salarié et, son étendue est souverainement appréciée par les juges du fond. Si M. Y...avait une ancienneté supérieure à deux années au sein de la société Carrosserie X..., l'effectif de l'entreprise, lors de son " licenciement " était, comme on l'a vu, inférieur à onze salariés. En conséquence, les premiers juges se sont justement référés à l'article L. 1235-5.
M. Y...allait sur ses cinquante ans et comptait trois ans, quatre mois et seize jours d'ancienneté dans l'entreprise lorsqu'il en a été " licencié ". Il a terminé à la société Carrosserie X... carrossier-peintre, statut employé, échelon 12, contre une rémunération brute mensuelle de 2 253, 32 euros. Il a perçu, dès le mois d'août 2009, l'allocation spécifique de reclassement, d'un montant de 1 786, 80 euros brut pour trente jours, avant d'être embauché, le 2 novembre 2009, par la société de Diffusion de véhicules industriels, en contrat de travail à durée indéterminée, en tant que responsable carrosserie, statut agent de maîtrise, échelon 20, contre une rémunération brute mensuelle de 2 300 euros, outre 0, 90 heure supplémentaire et 1 heure 60 de repos compensateur de remplacement. Dans ces conditions, et d'autant que le préjudice moral qu'il invoque par ailleurs n'est pas démontré, l'attestation de son épouse ne faisant que relater des propos injurieux qu'aurait tenus la femme du dirigeant de la société Carrosserie X... non contre lui-même, mais contre un tiers, la décision du conseil de prud'hommes sera confirmée quant au montant de l'indemnité accordée, qui a été exactement appréciée, sauf à préciser qu'il s'agit d'une rupture du contrat de travail dépourvue de cause.
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Dès lors que l'article L. 1235-5 du code du travail est applicable, il est possible de cumuler l'indemnité allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ici une rupture du contrat de travail non causée, avec l'indemnité pour irrégularité de la procédure menée.
En matière de licenciement pour motif économique individuel, l'employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable, conformément aux articles L. 1233-11 et suivants du code du travail. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. Qui dit jours ouvrables signifie que le jour de la notification qui fait courir le délai ne compte pas, que le délai expire normalement le dernier jour à 24 heures et que, le délai qui viendrait à expiration le dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
Les premiers juges ont alloué à M. Luc Y...une somme de 1 000 euros pour " défaut de procédure ". La société Carrosserie X... sollicite l'infirmation de cette décision, au motif que le délai de cinq jours aurait bien été respecté.
L'entretien préalable au licenciement de M. Y...a certes été reporté à deux reprises, la première fois du fait de l'employeur, la seconde fois en réponse à la " demande " du salarié, et, à chaque fois, une nouvelle convocation a été délivrée, le 3 juillet pour le 10 juillet 2009, le 10 juillet pour le 20 juillet 2009. Il n'en demeure pas moins que, la formalité de l'entretien préalable étant prévue dans le seul intérêt du salarié, s'il est admis qu'il puisse être repoussé, le délai légal de cinq jours ouvrables court à compter de la présentation de la lettre recommandée avec accusé de réception ou de la remise en main propre de la lettre initiale de convocation au dit salarié. La société Carrosserie X... a convoqué pour la première fois M. Y...en entretien préalable en vue d'un licenciement, par courrier recommandé avec accusé de réception du 18 juin pour le 22 juin 2009. Manifestement, ce faisant, le délai légal précité n'a pas été respecté, M. Y...ayant disposé de moins de cinq jours pleins afin de préparer sa défense et, peu importe que l'entretien préalable ne se soit finalement tenu que le 20 juillet suivant, tout comme que M. Y...y ait été assisté ; c'est la même procédure de licenciement qui se poursuit et, l'employeur ne peut, par une nouvelle convocation, tenter de couvrir l'irrégularité commise.
S'agissant d'un salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté, mais dans une entreprise dont l'effectif salarié est inférieur à onze, les dispositions de l'article L. 1235-2 du code du travail ne trouvent pas à s'appliquer, comme le prévoit l'article L. 1235-5 du même code. Il reste que l'inobservation des règles de la procédure de licenciement, qui ont abouti ici à une rupture du contrat de travail réputée d'un commun accord, entraîne nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue. En l'état des éléments de la cause, notamment des remises successives de l'entretien préalable, qui sont toutes liées aux manquements de l'employeur, de non-respect du délai légal, puis de non-remise de la convention de reclassement personnalisé, ce qui n'est pas discuté par la société Carrosserie X..., le conseil de prud'hommes a exactement apprécié l'indemnité allouée, qui se verra confirmée.
Sur les frais et dépens
La décision des premiers juges sera confirmée quant aux frais et dépens.
La société Carrosserie X..., qui succombe en son appel, sera condamnée à verser à M. Luc Y...la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, elle-même étant déboutée de sa demande de ce chef. Elle sera également condamnée aux entiers dépens de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris, sauf à préciser qu'il ne s'agit pas d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais d'une rupture du contrat de travail dépourvue de cause,
Y ajoutant,
Condamne la société Carrosserie X... à verser à M. Luc Y...1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
Déboute la société Carrosserie X... de sa demande du même chef,
Condamne la société Carrosserie X... aux entiers dépens de l'instance d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL