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04/09/2012 | FRANCE | N°10/03050

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 04 septembre 2012, 10/03050


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N BAP/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 03050.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 23 Novembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 01626

ARRÊT DU 04 Septembre 2012

APPELANTS :

Monsieur Franck X......49100 ANGERS

représenté par Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d'ANGERS

SARL Y...XAVIER ...49100 ANGERS

représentée par Maître Vincent MAUREL, avocat au barreau d'ANGERS
>COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N BAP/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 03050.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 23 Novembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 01626

ARRÊT DU 04 Septembre 2012

APPELANTS :

Monsieur Franck X......49100 ANGERS

représenté par Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d'ANGERS

SARL Y...XAVIER ...49100 ANGERS

représentée par Maître Vincent MAUREL, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame TIJOU, adjoint administratif faisant fonction de greffier

ARRÊT :

prononcé le 04 Septembre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE

M. Franck X...a été engagé par la société Xavier Y... en qualité d'ébéniste, coefficient hiérarchique AP 41 de la convention collective de l'ameublement, selon contrat de travail à durée indéterminée du 7 mai 2004, à effet au 1er juin 2004, contre une rémunération brute mensuelle de 1 300 euros. Par avenant du même jour, il a été ajouté une clause de secret professionnel.

La société Xavier Y... exerce dans les domaines du design, de la décoration, de l'ébénisterie et de la tapisserie.
M. X...a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement, par lettre du 26 octobre 2009, remise en main propre, avec mise à pied à titre conservatoire. L'entretien préalable s'est tenu le 3 novembre 2009. M. X...a été licencié, pour faute grave, par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 novembre 2009.

Il a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers, le 20 novembre 2009, aux fins que, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, son licenciement étant jugé sans cause réelle et sérieuse, la société Xavier Y... soit condamnée, en sus des dépens, à lui verser : o 917, 85 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire, outre 91, 78 euros de congés payés afférents, o 3 877, 90 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 387, 79 euros de congés payés afférents, o 2 165, 16 euros d'indemnité légale de licenciement, o 379, 17 euros de rappel de prime annuelle de 13ème mois, o 11 634 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, o 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes, par jugement du 23 novembre 2010 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, sous le bénéfice de l'exécution provisoire de l'article 515 du code de procédure civile, a :- dit que le licenciement reposait, non sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse,- en conséquence, fixant la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1 936, 95 euros, condamné la société Xavier Y... aux dépens, ainsi qu'à payer à M. Franck X..., avec " intérêts de droit " à compter de la demande, o 917, 85 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire, outre 91, 78 euros de congés payés afférents, o 3 877, 90 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 387, 79 euros de congés payés afférents, o 2 165, 16 euros d'indemnité légale de licenciement, o 379, 17 euros de rappel de prime annuelle de 13ème mois, o 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Cette décision a été notifiée à M. X...le 4 décembre 2010 et à la société Xavier Y... le 3 décembre 2010. La société Xavier Y... et M. X...en ont relevé régulièrement appel, par courriers recommandés avec accusé de réception, postés l'un comme l'autre le 13 décembre 2010, pour la première général, pour le second limité aux dispositions ayant déclaré que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et rejeté sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

La société Xavier Y... s'est désistée de son appel, par lettre parvenue au greffe de la cour le 5 janvier 2011.
Par ordonnance du 7 mars 2011, le conseiller chargé de l'instruction de l'affaire a ordonné la jonction des dossiers.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 6 mars 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. Franck X...maintient les termes de son appel limité, soulignant par ailleurs que la société Xavier Y... s'est désistée de son propre appel. Il sollicite, dès lors, que le jugement déféré, sauf à le voir confirmé en ses autres dispositions, soit infirmé en ce qu'il a dit son licenciement pourvu d'une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a débouté des dommages et intérêts réclamés à ce titre. Il demande, en conséquence, son licenciement étant déclaré sans cause réelle et sérieuse, que la société Xavier Y... soit condamnée à lui verser 11 634 euros de dommages et intérêts de ce chef, outre les intérêts à compter de la demande, et, au surplus, qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, enfin qu'elle soit tenue aux entiers dépens.
Il fait valoir que :- les griefs invoqués dans la lettre de licenciement ne sont pas établis, ainsi qu'il le démontre ; il n'y a eu aucune violation de sa part de la clause de secret professionnel ; il ne s'agit que d'un prétexte afin de se séparer de lui et, d'ailleurs, il n'a pas été remplacé ;- une pratique connue et acceptée de la direction ne peut être qualifiée de fautive,- au regard de l'ancienneté des faits considérés, ceux-ci sont prescrits,- la société Xavier Y... ne peut, en tout cas, se référer à des comportements qu'il aurait eus, qui ne figurent pas dans la lettre de licenciement.

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Par conclusions déposées le 3 avril 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la société Xavier Y..., qui dit se porter " appelante reconventionnelle " du fait que M. Franck X...a maintenu son appel principal, sollicite l'infirmation du jugement déféré et demande à voir débouté M. X...de l'ensemble de ses demandes et qu'il soit condamné à lui verser 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et supporte les entiers dépens.
Elle réplique que :- le licenciement pour faute grave intervenu est totalement justifié, en ce que M. X...a violé, tant la clause contractuelle qui lui imposait le secret professionnel, que son obligation générale de loyauté et de discrétion vis-à-vis de l'entreprise, de même qu'il s'est rendu coupable d'insubordination,- il est faux de dire qu'elle connaissait les faits de longue date et qu'elle les a acceptés,- la prescription n'est pas non plus acquise, dès lors que la procédure de licenciement a été engagée aussitôt que les faits ont été découverts.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les deux parties ont formé, le 13 décembre 2010, appel principal du jugement rendu par le conseil de prud'hommes.
Aux termes de l'article 401 du code de procédure civile, " Le désistement de l'appel n'a besoin d'être accepté que s'il contient des réserves ou si la partie à l'égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente. ".
Le désistement d'appel formulé sans réserve par la société Xavier Y..., par lettre parvenue au greffe de la cour le 5 janvier 2011, a produit immédiatement son effet extinctif à cette date. Il emporte, en conséquence, acquiescement au jugement déféré de la part de l'employeur, la cour restant seulement saisie de l'appel principal limité formé par M. Franck X..., l'effet dévolutif de cet appel se trouvant restreint aux seules dispositions attaquées, c'est à dire à celles relatives à l'existence, ou non, d'une cause réelle et sérieuse au licenciement, et à la demande indemnitaire y afférente.
L'acquiescement de la société Xavier Y... au jugement entrepris étant irrévocable, elle ne peut plus former appel incident ou, comme elle l'indique " appel reconventionnel ", ses développements consistant, en réalité, à défendre au fond à l'appel formé par M. X...pour s'opposer à ses prétentions, ce qu'elle est parfaitement en droit de faire.
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Conformément à l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge devant lequel un licenciement est contesté doit apprécier tant la régularité de la procédure suivie que le caractère réel et sérieux des motifs énoncés dans le courrier qui notifie la mesure, et qui fixe les limites du litige. Il lui faut aussi rechercher, au-delà de ces motifs, si le salarié le requiert, la véritable cause du licenciement prononcé.

La lettre de licenciement, adressée par la société Xavier Y... à M. Franck X..., le 6 novembre 2009, est libellée en ces termes : " Pour faire suite à l'entretien préalable que nous avons eu ensemble le 3 novembre dernier, je vous informe que j'ai décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave. Cette mesure est motivée par les raisons suivantes. Comme vous le savez, notre société est spécialisée dans la création, la conception et la fabrication de meubles haut de gamme destinés à une clientèle de professionnels (architectes, designers, revendeurs notamment) et de particuliers.

Nous travaillons soit à partir de demandes spécifiques de nos clients qui peuvent, le cas échéant, nous fournir leurs propres plans, soit à partir de notre propre collection de meubles que nous avons mis au point au fil des années et pour laquelle nous disposons de nos propres modèles et plans. Tous ces meubles font l'objet de fiches dans lesquelles nous indiquons toutes les données techniques, ainsi que les croquis et plans cotés nécessaires à leur fabrication. Toutes ces fiches sont soigneusement classées et répertoriées dans plusieurs classeurs, qui sont entreposés dans une armoire installée dans notre atelier. A chaque fois que cela est nécessaire, notre chef d'atelier et moi-même pouvons reprendre ces fiches pour établir nos propositions et nos devis et ces fiches sont accessibles dans l'atelier pour la fabrication. Ces fiches constituent donc le c œ ur et la mémoire de l'entreprise, elles contiennent toutes nos créations, tous nos savoirs-faires et nos secrets de fabrication. Dans notre métier, le plus difficile est d'imaginer, de créer et de concevoir de nouveaux meubles, de nouveaux modèles qui vont séduire la clientèle. Nous sommes donc extrêmement vigilants et nous protégeons bon nombre de ces créations par des dépôts auprès de l'INPI. Dans le passé, nous avons dû à deux reprises engager des procès contre des concurrents qui avaient copiés des modèles originaux de notre collection afin de faire respecter nos droits et préserver la pérennité de l'entreprise. Les contrats de travail de tous nos salariés rappellent l'obligation de respecter le secret professionnel. En ce qui vous concerne, vous avez signé, lors de votre engagement, un avenant spécifique intitulé « clause de secret professionnel » qui prévoit que « vous vous engagez formellement à ne pas divulguer à qui que ce soit aucun des plans, études, conception, projets ou réalisations étudiées ou fabriquées dans l'entreprise ». Vous vous engagez également « à ne pas utiliser pour votre propre compte ou au profit d'un tiers les dossiers, modèles, projet conçus ou réalisés au sein de l'entreprise ». Vous avez délibérément violé cet engagement. Il est bien évident, dans ces conditions, que ces fiches ne doivent jamais sortir de l'entreprise et d'ailleurs jamais personne n'a songé à le faire. Or, le 23 octobre dernier, nous nous sommes aperçus que des fiches manquaient dans les classeurs, alors que nous en cherchions une pour la fabrication. Vous nous avez indiqué que c'était vous qui aviez sorti de l'entreprise la fiche en question. Je vous ai appelé au téléphone pour que vous rapportiez cette fiche. En reprenant les classeurs, j'ai pu constater que, dans de nombreuses fiches, des plans établis de manière informatique avaient été ajoutés aux documents qui y figuraient déjà. Ces plans informatisés reprennent toutes les données techniques précises qui permettent de reproduire nos meubles. L'enquête immédiate, que j'ai menée au sein de l'atelier, m'a appris que vous sortiez régulièrement vos fiches des classeurs pour les emmener chez vous et établir des plans côtés avec votre ordinateur. Nous n'avons aucun logiciel dans l'entreprise permettant d'établir de tels plans. Interrogé à ce sujet, vous avez d'abord nié avoir sorti les fiches de l'entreprise et établir les fiches informatisées. Finalement, lors de l'entretien préalable, en présence de votre conseiller du salarié et de notre chef d'atelier, vous avez reconnu avoir sorti les fiches et avoir établi des duplicatas avec votre ordinateur. Je vous ai demandé de restituer sur une disquette toutes les fiches et les plans dont vous disposez à votre domicile.

Vous avez refusé en prétendant n'avoir aucune disquette, mais il est évident que tout cela est enregistré sur votre disque dur. Ces faits sont d'une gravité exceptionnelle et sont totalement inadmissibles. Si ces fiches et ces plans tombent entre les mains de concurrents, c'est la pérennité même de l'entreprise qui est menacée. Les procès qui durent des années n'empêcheront pas à l'entreprise d'être menacée. Ils rendent impossible votre maintien dans l'entreprise. Cette mesure de licenciement prendra effet dès l'envoi de la présente lettre sans préavis ni indemnité. S'agissant d'un licenciement pour faute grave, vous ne bénéficiez d'aucun droit à DIF. Pour le reste, le courrier que vous avez cru pouvoir m'adresser le 26 octobre n'est que pure affabulation. A aucun moment, je ne vous ai bousculé et fait tomber à terre, je vous ai simplement invité à quitter l'entreprise en raison de la mise à pied conservatoire que j'avais décidé de vous notifier. J'ai dû effectivement insister puisque vous refusiez de quitter les lieux avec une attitude totalement provocante à mon égard. A aucun moment, je n'étais sous l'emprise de l'alcool, il est inadmissible que vous puissiez porter de telles accusations à votre encontre. Plusieurs témoins pourront confirmer, le cas échéant, que vos propos sont mensongers. Je vous invite enfin à restituer, sans délai, à l'entreprise, toutes les fiches, plans, croquis et données techniques que vous avez copiées sur votre ordinateur. En toute hypothèse, compte tenu de la gravité de vos agissements, je me réserve la faculté le déposer plainte auprès de l'autorité judiciaire à votre encontre. Vous recevrez, par courrier séparé, vos documents de fin de contrat et les éléments de votre solde de tout compte ".

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M. X...prétend que les motifs contenus dans ce courrier ne seraient qu'un prétexte afin de mettre fin à son contrat de travail. L'on aurait voulu, du côté de la société Xavier Y..., se " débarrasser de lui " et, la preuve encore de cette volonté serait à trouver dans l'agressivité qu'aurait manifestée le dirigeant de l'entreprise à son égard, à deux reprises.
M. X...ne fournit, toutefois, aucun élément relativement au premier épisode qu'il dénonce. Quant au second, il le situe le 23 octobre 2009 et, le décrit dans une lettre envoyée à son employeur, datée du 26 octobre 2009, selon laquelle : "... Vous êtes arrivé à l'instant où j'ouvrais les classeurs, en m'interdisant de rester à l'atelier et en me menaçant de me frapper. Vous m'avez alors physiquement empêché de consulter les fiches en me bousculant et en me faisant tomber à terre sur le dos. Vous étiez visiblement, et de par votre haleine, sous l'emprise de l'alcool. Je suis alors parti, dépité, sans répondre à votre agression... ".

M. Y... conteste s'être montré agressif envers M. X..., à aucun moment de l'exécution du contrat de travail. Il fait remarquer, avec justesse, que M. X...s'est présenté à la gendarmerie, le 23 octobre 2009, et y a déposé une main-courante concernant un " Litige a/ s droit du travail ", ainsi qu'il est noté sur le récépissé figurant au dossier.

M. X...n'a donc pas dénoncé à la gendarmerie de quelconques violences qu'aurait commises son employeur le 23 octobre 2009, pas plus qu'à une autre date, démarche qui s'imposait pourtant, s'il avait été effectivement victime comme il l'affirme.

Dès lors, en l'absence de tout élément de preuve quant aux faits allégués, nul ne pouvant en tout cas, ainsi qu'il se déduit de l'article 1315 du code civil, se constituer une preuve à lui-même, la cause du licenciement qui résiderait dans le souhait de M. Y... de se séparer d'un salarié indésirable n'apparaît pas établie.
M. X...vient dire, en outre, qu'il n'aurait pas été remplacé. La société Xavier Y... dément ces propos ; elle indique qu'il lui a fallu seulement plus de temps afin de trouver un ébéniste qui convienne, vu la qualité de travail qu'elle attend de ses employés. L'argument de M. X..., d'une éventuelle absence de remplacement, était de toute façon inopérant à prouver que la réelle cause du licenciement serait autre que celle avancée. En effet, qui dit non-remplacement d'un salarié, dit licenciement pour motif économique déguisé, ce que M. X...n'a jamais prétendu.

Dans ces conditions, le moyen tiré de la véritable cause du licenciement ne pourra qu'être rejeté.
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L'article L. 1332-4 du code du travail dispose que : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ". Cependant, l'employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu'un nouveau fait fautif du salarié est constaté. Ceci suppose, néanmoins, que les deux fautes procèdent d'un comportement identique. L'employeur peut aussi prendre en compte un fait fautif antérieur à deux mois, dans la mesure où le comportement du salarié a persisté dans l'intervalle.

Dans la mesure où un fait fautif a été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de ce qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé cet engagement. La connaissance des faits fautifs par l'employeur s'entend de l'information exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.

M. X...soulève la prescription des faits, en ce qu'ils sont antérieurs de plus de deux mois à l'engagement de la procédure de licenciement, et alors que l'employeur en avait connaissance.
La société Xavier Y... affirme, de son côté, qu'elle n'a eu connaissance des faits qu'elle reproche à M. X...qu'en octobre 2009 et, qu'ayant engagé la procédure de licenciement en suivant, il ne peut être question de prescription.

Certes, ainsi qu'il résulte des pièces mêmes de la société Xavier Y..., données à titre d'exemples, les " fiches de débit " informatisées dressées par M. X...ont trait à des travaux d'ébénisterie réalisés en mars 2006, décembre 2007, février 2008, mai 2008, juillet 2008, septembre 2008 et décembre 2008. Elles sont effectivement très antérieures, de plus de deux mois, à la convocation à l'entretien préalable en vue d'un licenciement, remise par la société Xavier Y... à M. X...le 26 octobre 2009.

Ce n'est pas pour autant que la prescription trouve à s'appliquer, puisqu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que la société Xavier Y... ait, au moins avant le 20 octobre 2009 (cf attestation de Mme A...), eu connaissance de l'existence de ces " fiches de débit ". En tout cas, que M. X...indique que, c'était là une pratique ancienne et connue de son employeur, procède de la pure affirmation, en ce qu'elle ne s'accompagne d'un élément au soutien. Et, ce n'est pas la phrase que comporte la lettre de licenciement, " A chaque fois que cela est nécessaire, notre chef d'atelier et moi-même pouvons reprendre ces fiches pour établir nos propositions et nos devis et ces fiches sont accessibles dans l'atelier pour la fabrication ", qui démontre le contraire, sauf à en dénaturer le sens ; l'on peut simplement en déduire que les fiches répertoriées dans les classeurs peuvent donner lieu à consultation, si nécessaire, ce qui ne signifie pas que cette consultation a forcément eu lieu. De même ce n'est pas parce que M. B..., ébéniste et chef d'atelier au sein de la société Xavier Y..., écrit dans son attestation que, " j'ai fini par laisser Mr X...faire selon ses désirs en ce qui concerne les méthodes de fabrication pour qu'il n'y ait pas de problèmes ", qu'il était nécessairement au courant de l'établissement par M. X...de " fiches de débit " informatisées ; lorsque l'on reprend l'ensemble de l'attestation, l'on s'aperçoit que la phrase en question a trait aux méthodes de fabrication en elles-mêmes, à savoir le montage et l'assemblage du meuble, M. B...n'étant pas au fait des dites " fiches de débit " informatisées, indiquant au contraire que c'est M. Y... qui les a découvertes lorsqu'il a feuilleté les classeurs.

Dans ces conditions, le moyen tiré de la prescription ne pourra qu'être rejeté.
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La société Xavier Y... fonde finalement le licenciement de M. X...sur, d'une part, le non-respect de sa part de la clause de secret professionnel prévue par avenant à son contrat de travail et, d'autre part, sur le fait qu'il ait sorti les plans des meubles de l'atelier.
Ce sont là les seuls griefs qui doivent faire l'objet d'un examen en vue de déterminer s'ils constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement. En revanche, n'ont pas à être pris en compte les éléments autres que la société Xavier Y... tente d'introduire aux débats, par le truchement des conclusions écrites ou des attestations qu'elle dépose, en ce que, justement, ils ne sont pas visés par la lettre de licenciement et ne constituent pas l'objet du litige.

La faute du salarié, qui peut donner lieu à sanction disciplinaire de l'employeur, ne peut résulter que d'un fait avéré, acte positif ou abstention, mais de nature volontaire, imputable au salarié, et constituant de sa part une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail. En matière de faute, cause réelle et sérieuse de licenciement, la charge de la preuve ne repose pas spécialement sur l'une ou l'autre des parties ; tout dépend des éléments qui sont soumis à l'appréciation du juge.

Il n'est pas contesté par M. X...que celui-ci a dressé, sur informatique, des " fiches de débit " de meubles qu'il pouvait fabriquer pour la société Xavier Y..., à savoir une fiche descriptive comprenant les cotes et caractéristiques techniques du produit concerné, avec schéma. Il affirme qu'il n'a pas violé en cela la clause de secret professionnel à laquelle il était tenue, de même qu'il n'a pas eu besoin de sortir les plans de meubles de l'atelier afin de les reproduire sur informatique.

Quant à la clause de secret professionnel dont s'agit, celle-ci stipule : " Monsieur X...s'engage formellement à ne pas divulguer à qui que ce soit aucun des plans, études, conceptions, projets ou réalisations étudiés ou fabriqués dans l'entreprise. Par ailleurs, Monsieur X...s'engage à ne pas utiliser pour son compte propre ou au profit d'un tiers, les dessins, modèles, projets conçus ou réalisés au sein de l'entreprise. Cette double obligation de secret professionnel demeurera même après la fin du contrat quelle qu'en soit la cause ". L'on cherche, en vain, dans le dossier des faits de divulgation ou d'utilisation pour son compte ou pour le compte d'un tiers commis par M. X.... Et, la société Xavier Y... ne peut faire écrire que cette utilisation pour son compte résulte de l'informatisation par M. X...des dites " fiches de débit ", du fait que, justement, ce qui est par ailleursacquis aux débats, il n'existe pas dans l'entreprise de matériel informatique propre à la conception des meubles, tout étant réalisé manuellement. Si, sans conteste, M. X...a établi des " fiches de débit " informatisées, il est tout aussi incontestable, et mentionné dans la lettre de licenciement, que ces " fiches de débit " se sont retrouvées dans les classeurs prévus à cet effet, classeurs rangés à la société Xavier Y.... Et si, la société Xavier Y... somme M. X..., au terme de la lettre de licenciement, de " restituer, sans délai, à l'entreprise, toutes les fiches, plans, croquis et données techniques que vous avez copiées sur votre ordinateur ", il lui était aisé, si elle supposait que M. X...avait pu être " indélicat ", d'autant plus vu les intérêts en jeu qu'elle décrit parfaitement, de fabrication de meubles " haut de gamme " qu'elle est obligée de protéger par des dépôts à l'INPI, de saisir la gendarmerie d'une plainte afin qu'une enquête soit menée ; une telle enquête aurait permis, du fait des moyens techniques actuels, et même si M. X...avait tenté de les effacer de son ordinateur, de retrouver trace de fichiers qu'il aurait pu se constituer. Or, elle n'en a rien fait. En tout cas, l'on comprend mal qu'un salarié accusé de violation de secret professionnel est inclus dans les classeurs restant à l'entreprise des documents qui ne pouvaient que le désigner. Dès lors, ce premier grief n'est pas établi.

Sur le second grief, de sortie de l'atelier des plans des meubles, la société Xavier Y... fait écrire qu'il existait une consigne qui interdisait une telle sortie. Or, ce n'est pas ce qui ressort de la lettre de licenciement, qui ne fait pas état d'une telle consigne, mais de ce que, en lien avec le risque de plagiat et la clause de secret professionnel impartie à chaque salarié : " Il est bien évident, dans ces conditions, que ces fiches ne doivent jamais sortir de l'entreprise et d'ailleurs jamais personne n'a songé à le faire ". Sur le débat d'après lequel, les assertions de M. X..., selon lesquelles il pouvait parfaitement établir les " fiches de débit " sur informatique sans avoir besoin des plans manuels, sont inexactes, la société Xavier Y... se contentant de procéder par voie d'affirmation, sans fournir aucun avis technique extérieur, ne permet pas à la cour de trancher en son sens ; M. X...est, tout de même, ébéniste, a priori de valeur, puisqu'elle dit elle-même qu'il n'est pas aisé de recruter un professionnel qui puisse avoir le niveau de connaissances et le savoir-faire qu'exige le travail qu'elle demande à ses salariés ; l'on ne voit donc pas, d'évidence, pourquoi M. X...ne pourrait pas reproduire, de mémoire, les éléments techniques d'un meuble qu'il a fabriqué. Et quant aux attestations que la société Xavier Y... fournit pour dire que M. X...a reconnu avoir sorti ces plans de l'entreprise, elles ne peuvent emporter la conviction. La première est celle de Mme A..., assistante de direction au sein de la société Xavier Y.... Qu'elle soit également la soeur du dirigeant de l'entreprise est une chose, en ce que ce lien peut certes amener des questions sur la parfaite impartialité de son témoignage. Surtout, pour dire que cette attestation n'est pas probante, il est à remarquer que :- alors qu'elle y indique avoir découvert qu'il manquait un plan dans le classeur et avoir interrogé sur ce point M. X..., qui lui aurait répondu que ce plan était à son domicile, fait qu'elle situe le 20 octobre 2009, la société Xavier Y..., en la personne de son dirigeant, précise dans la lettre de licenciement avoir découvert l'absence de ce plan le 23 octobre 2009 ; aucune explication n'est donnée sur cette présentation différente des faits ; il est vrai que la société Xavier Y... aurait été en peine de justifier, si le fait était si grave qu'elle le dit, son silence à l'endroit de M. X...pendant trois jours,- elle y dit aussi que M. Y...a repris les classeurs et " a découvert qu'il manquait des plans manuels " ; là encore si la lettre de licenciement parle, à un moment de " fiches manquantes ", immédiatement après, il n'est plus question que d'une seule fiche, d'ailleurs réclamée est-il indiqué aussitôt à M. X.... La seconde est celle de M. B..., qui n'est pas plus probante que celle de Mme A.... Déjà, il explique qu'un contentieux l'opposait à M. X..., ce qui conduit à s'interroger sur la réelle impartialité de son témoignage. Ensuite, il écrit, " Nous avons découvert que Mr X...emmenait les plans chez lui pour les faire sur informatique ", sans donner de circonstances quelconques sur les conditions de cette découverte. Enfin, il ajoute, " Lorsque Monsieur Xavier Y...a découvert que Mr X...avait emporté le plan d'un meuble Daisy Simon chez lui, il a feuilleté les classeurs et a découvert que Monsieur X...avait reproduit sur informatique d'autres plans de meubles qui étaient dans les classeurs " ; pourtant M. Y... fait cette supposée découverte de la disparition le 23 octobre 2009, de même qu'il appelle M. X...au téléphone afin que celui-ci rapporte cette fiche comme il le note dans la lettre de licenciement ; s'il appelle ainsi M. X..., c'est que cette découverte a lieu alors que ce dernier n'est pas sur son lieu de travail et, pour cause, puisque de l'attestation de M. E..., ébéniste au sein de la société Xavier Y... et qui témoigne pour son employeur, il ressort et, celui-ci parle

bien du 23 octobre 2009, que " l'atelier est fermé le vendredi après-midi " ; d'ailleurs, M. X...ira déposer sa main-courante à la gendarmerie, ce 23 octobre 2009, à 17 heures 29 ; M. B...ne pouvait, dès lors, être présent. L'on ne s'attardera pas, en conséquence, sur le fait qu'il puisse dire que " lors de l'entretien préalable où il était présent, Monsieur X...a finalement reconnu avoir sorti les fiches de l'atelier ". Dès lors, ce second grief n'est pas plus établi que le précédent.

Il en résulte que le licenciement de M. X...est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, qu'il convient d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes sur ce point et en ce qu'il a débouté M. X...de sa demande d'indemnité de ce chef.
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L'effectif salarié de l'entreprise est calculé conformément aux dispositions des articles L. 1111-2 et L. 1111-3 du code du travail. De la copie du registre d'entrées et sorties du personnel de la société Xavier Y..., il résulte que celle-ci employait, au moment du licenciement de M. X..., neuf salariés en contrat de travail à durée indéterminée et deux salariés en contrat de travail à durée déterminée, ces deux derniers étant en CAP d'ébénisterie du 1er juillet 2008 au 30 juin 2010. L'article L. 1111-3 excluant de l'effectif de l'entreprise " les apprentis ", est applicable, en conséquence, au calcul de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à laquelle peut prétendre M. X..., l'article L. 1235-5 du code du travail. L'indemnité est alors calculée en fonction du préjudice que subit nécessairement le salarié et, son étendue est souverainement appréciée par les juges du fond.

M. X...était âgé de 37 ans et comptait cinq ans, cinq mois et six jours d'ancienneté lorsqu'il a été licencié. Son salaire mensuel brut s'élevait à 1 938, 95 euros. Il a été, dans un premier temps, indemnisé par le Pôle emploi, avant de trouver, le 10 février 2010, via une agence d'intérim, un emploi en tant que menuisier, puis en qualité d'ébéniste à compter du 1er mars 2010, dernier emploi dans lequel il a été confirmé par contrat de travail à durée indéterminée. Les ressources qu'il en retire sont ignorées.

La cour trouve dans la cause, au regard de l'âge de M. X..., son ancienneté au sein de la société Xavier Y..., sa capacité à retrouver un emploi, les éléments nécessaires pour fixer à la somme de 11 634 euros, ainsi qu'il le réclame, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui lui sera versée par son ex-employeur. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

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M. X...prospérant en son appel, la société Xavier Y... sera condamnée à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, elle-même étant déboutée de sa demande à ce titre, de même qu'elle supportera les entiers dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Donne acte à la société Xavier Y... de son désistement d'appel et le déclare parfait ;
Dit que ce désistement emporte de sa part acquiescement au jugement déféré et constate le dessaisissement de la cour de toutes les dispositions du jugement non attaquées par l'appel de M. Franck X...;
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de M. Franck X...repose sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité de ce chef,
Statuant à nouveau sur ces points,
Dit le licenciement de M. Franck X...par la société Xavier Y... dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Xavier Y... à verser à M. Franck X...11 634 euros d'indemnité de ce chef, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Condamne la société Xavier Y... à verser à M. Franck X...2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
Déboute la société Xavier Y... de sa demande du même chef,
Condamne la société Xavier Y... aux entiers dépens de l'instance d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/03050
Date de la décision : 04/09/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-09-04;10.03050 ?
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