COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00641.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 08 Février 2011, enregistrée sous le no 10/ 00050
ARRÊT DU 28 Août 2012
APPELANTE :
SARL AMDIS B Montplace 49250 BEAUFORT EN VALLEE
représentée par Maître André FOLLEN (BDH AVOCATS), avocat au barreau d'ANGERS, en présence de Monsieur X..., gérant
INTIME :
Monsieur Flavien Y.........
présent, assisté de Maître Christelle GUEMAS, substituant Maître Pascal LAURENT (SELARL AVOCONSEIL) avocat au barreau d'ANGERS (No du dossier 100132)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame TIJOU, adjoint administratif faisant fonction de greffier
ARRÊT : prononcé le 28 Août 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
EXPOSE DU LITIGE
Après avoir été salarié dans la société de menuiserie F..., M. Yves X... a, en 2007, créé à La Menitré, en Maine et Loire, sa propre entreprise de menuiserie, agencement et décoration intérieure, et il a par contrat à durée indéterminée à effet au 3 mars 2008, engagé M. Flavien Y..., avec lequel il avait travaillé au sein de la société F..., comme menuisier, au coefficient 210, niveau III, position I de la convention collective du bâtiment, pour un salaire brut mensuel de 1837, 40 € et une durée de travail fixée à 164, 37heures.
M. X... a notifié le 21 août 2009, puis à nouveau le 11 septembre 2009, deux avertissements écrits à son salarié, qui les a contestés par courriers des 10 et 14 septembre 2009.
Le 18 septembre 2009, le médecin du travail a déclaré M. Y... apte à son poste, sans réserve.
M. Y... a déclaré le 3 novembre 2009 une épicondylite du coude droit au titre de la maladie professionnelle, et il a été placé en arrêt de travail jusqu'au 15 janvier 2010.
Lors de la visite de reprise du 15 janvier 2010, le médecin du travail a rendu l'avis suivant : " apte à la reprise. Eviter port de charges de plus de 50kg seul ".
Le 2 février 2010, M. X... a déposé une plainte pour vol de matériaux à l'encontre de M. Y... auprès de la gendarmerie de Beaufort en Vallée.
Le 10 février 2010 M. Y... a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 22 février 2010, et l'employeur lui a ce jour là remis un troisième écrit d'avertissement daté du 20 février 2010.
Son licenciement pour cause réelle et sérieuse a été notifié à M. Y... par courrier du 25 février 2010, avec un préavis de un mois.
Il était à ce moment là le seul salarié de la société AMDIS-B.
L'employeur a notifié à M. Y... par lettre recommandée reçue le 8 mars 2010 qu'il le dispensait de l'exécution du préavis à compter du 8 mars 2010, mais le lui a intégralement payé.
M. Y... a, le 13 avril 2010, saisi le conseil de prud'hommes de Saumur, auquel il a demandé de :- prononcer l'annulation des avertissements,- condamner la société AMDIS-B à lui payer les sommes de : • 11 025 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect des visites médicales obligatoires auprès du médecin du travail, • 11 025 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, • 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à I'obligation d'exécution loyale du contrat, • 1000 € pour non respect des règles sur la portabilité des garanties de prévoyance santé complémentaire, • 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre reconventionnel, la société AMDIS-B a sollicité la condamnation de M. Y... à lui payer la somme de 2500 € pour non-respect de l'obligation contractuelle de confidentialité, et celle de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 8 février 2011, le Conseil de prud'hommes de Saumur a débouté M. Y... de ses demandes d'annulation de l'avertissement du 21 août 2009, et de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat, mais a annulé les avertissements des 11 septembre 2009 et 20 février 2010, et a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant en conséquence la société AMDIS-B à payer à M. Y... les sommes de :
-1800 € à titre de dommages-intérêts pour non respect des visites médicales obligatoires auprès du médecin du travail,-11 025 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-500 € pour non respect des règles sur la portabilité des garanties de prévoyance santé complémentaire,-750 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le conseil de prud'hommes a débouté la société AMDIS-B de ses demandes reconventionnelles, et l'a condamnée aux dépens.
Le jugement a été notifié le 10 février 2011 à M. Y..., et à la société AMDIS-B, qui en a fait appel par lettre postée le 1er mars 2011.
M. Y... a formé appel incident afin d'obtenir :- l'annulation de l'avertissement du 21 août 2009,-10 000 € à titre de dommages-intérêts pour manquements à l'obligation d'exécution loyale du contrat,-2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société AMDIS-B demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 10 octobre 2011, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :- dire irrecevable et non fondé M. Y... en ses demandes,- la dire recevable et bien fondée en sa demande reconventionnelle,- condamner M. Y... à lui payer la somme de 3000 € pour violation de la clause de confidentialité,- condamner M. Y... à lui payer la somme de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société AMDIS-B admet avoir tardé à faire bénéficier M. Y... d'un examen médical d'embauche, mais soutient qu'il n'en est pas résulté pour lui de préjudice puisqu'il n'a déclaré une maladie professionnelle que postérieurement à la visite médicale du 18 septembre 2009, à l'issue de laquelle le médecin du travail l'a déclaré apte sans aucune réserve ; à titre subsidiaire elle demande à la cour de réduire sensiblement le montant des dommages-intérêts sollicités par M. Y....
Elle soutient que les faits visés dans la lettre d'avertissement du 21 août 2009 sont précis, et non prescrits, puisque la lettre vise en même temps d'autres faits, postérieurs, dont l'employeur a eu connaissance moins de deux mois avant l'engagement de la poursuite disciplinaire ; que de plus ces faits ne relèvent pas d'un comportement fautif mais d'une insuffisance professionnelle pour laquelle la prescription ne s'applique pas ; qu'elle justifie de la matérialité des griefs énoncés dans la lettre d'avertissement sur l'exécution des chantiers OCVV, C... D... E... ; que les multiples erreurs de M. Y... ont provoqué l'insatisfaction de la clientèle l'entreprise s'étant spécialisée dans les travaux de grande qualité, et celle de Mme Z..., l'architecte d'intérieur avec laquelle la société travaille habituellement.
La société AMDIS-B soutient qu'elle établit aussi la matérialité des faits visés dans la lettre d'avertissement du 11 septembre 2009, ce même s'ils sont antérieurs au premier avertissement et, quant à la lettre du 20 février 2010, qu'elle ne doit pas être considérée comme un avertissement, mais comme l'information par l'employeur de l'existence d'un nouvel incident, et qu'il n'y a donc pas lieu à annulation.
Quant au licenciement, la société AMDIS-B soutient :
- qu'elle ne connaît pas de difficultés économiques ; que la cause du licenciement n'a pas été économique, ni liée aux arrêts maladie de M. Y..., mais se trouve dans les faits fautifs reprochés, qui sont des malfaçons dans l'exécution des travaux, du gaspillage de matières premières, des lenteurs dans l'accomplissement des travaux, le refus d'exécuter des consignes de travail données par la direction, et en conséquence la perte de confiance, sur l'exécution des ouvrages selon les règles de l'art.
- qu'il n'y a pas cumul de sanctions avec les avertissements car la lettre de licenciement énonce des griefs nouveaux, n'ayant pas fait l'objet de sanctions disciplinaires antérieures ; qu'en outre, lorsqu'il y a permanence d'un comportement fautif, l'employeur peut prendre en considération les faits fautifs antérieurs, même déjà sanctionnés, au titre du licenciement, qui est une sanction aggravée.
- que peu importe que les faits ne soient pas datés, s'ils sont suffisamment précis et matériellement vérifiables par le juge.
- que la lettre du 20 février 2010 ne pouvant être considérée comme un avertissement, les faits qu'elle vise pouvaient être retenus dans le cadre du licenciement (le chantier OCVV de janvier 2010).
- qu'elle établit la lenteur excessive d'exécution de M. Y... pour l'escalier Gosselin, la négligence du salarié dans le remplissage de ses relevés de temps d'exécution des travaux, sa volonté de tromper l'employeur sur le temps réellement passé, et l'erreur de manipulation de la presse à plaquage, qui aurait pu provoquer un incendie.
- que M. Y... ne justifie pas de son préjudice ;
La société AMDIS-B conteste avoir exécuté avec déloyauté le contrat de travail en déposant plainte pour vol contre son salarié, alors que c'est lui qui a simulé une apparence de vol, ou en le harcelant.
Elle admet avoir omis de proposer à M. Y... le maintien de ses garanties prévoyance et mutuelle, et demande à la cour de réduire le montant alloué par les premiers juges à ce titre.
La société AMDIS-B soutient enfin que M. Y... a violé une clause contractuelle de confidentialité, en faisant consulter différents plans émanant de l'entreprise par des personnes extérieures à celle-ci, qui sont de plus des concurrents directs.
M. Y... demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 17 mai 2011, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :- prononcé l'annulation des avertissements des 11 septembre 2009, et 20 février 2010,- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,- condamné la société AMDIS-B à lui payer les sommes de :
• 1800 € à titre de dommages-intérêts pour non respect des visites médicales obligatoires auprès du médecin du travail, • 11 025 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, • 500 € pour non respect des règles sur la portabilité des garanties de prévoyance santé complémentaires, • 750 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. M. Y... demande encore à la cour d'infirmer le jugement pour le surplus, et, statuant à nouveau de :- prononcer l'annulation de l'avertissement du 21 août 2009,- condamner la société AMDIS-B à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour manquements à l'obligation d'exécution loyale du contrat et celle de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
M. Y... soutient :
- que la société AMDIS-B a manqué à ses obligations en matière de santé du salarié, en le privant pendant un an et demi de visite médicale d'embauche, et que cela lui a nécessairement créé un préjudice.
- qu'il avait droit en application de la convention collective du bâtiment et de l'A. N. I. du 11 janvier 2008 à un régime de portabilité de l'assurance complémentaire et de la mutuelle santé, pendant 9 mois après la rupture du contrat de travail et que la société AMDIS-B a méconnu ses obligations à son égard.
- qu'aucun des trois avertissements qui lui ont été notifiés n'est fondé :
• que la matérialité des faits reprochés dans la lettre d'avertissement du 21 août 2009 n'est pas établie et que s'ils constituent une insuffisance professionnelle non fautive, comme le soutient l'employeur pour échapper à la prescription, alors l'avertissement délivré doit être annulé, puisqu'une insuffisance professionnelle non fautive ne peut justifier une sanction ; qu'ils sont en outre prescrits, puisque les courriers invoqués par l'employeur sont datés du 14 mai 2009, et donc antérieurs de plus de deux mois à la notification de l'avertissement.
• quant à l'avertissement du 11 septembre 2009, qu'il vise un chantier Vitale, sur l'exécution duquel aucune pièce n'est produite, et le chantier B... alors qu'il est établi que pour celui-ci la société AMDIS-B avait connaissance des faits dès le 19 août 2009, et a donc épuisé son pouvoir disciplinaire dans l'avertissement du 21 août 2009.
• que les faits invoqués à l'appui de l'avertissement du 20 février 2010 ne sont pas démontrés dans leur matérialité, et que le doute profite au salarié ; que la lettre notifiée constitue bien un avertissement, puisque seules les observations, restées verbales, de l'employeur, n'en constituent pas un.
- que le licenciement est sans cause, puisqu'un même fait ne peut justifier successivement deux mesures disciplinaires, et que l'employeur en lui remettant au cours de l'entretien préalable du 22 février 2010 la lettre d'avertissement du 20 février 2010 a nécessairement épuisé son pouvoir disciplinaire ; qu'au surplus la matérialité des faits invoqués n'est pas établie ; qu'il a dès le début d'exécution de son contrat de travail alerté l'employeur sur les difficultés de lecture des plans qui lui étaient remis, et que la validation par l'architecte ne concerne pas les cotes de fabrication ; que l'attestation de M. Kessler est éclairante sur ses qualités professionnelles ; que la société AMDIS-B a en réalité eu un motif économique, et non personnel, pour se séparer de son salarié son résultat ayant baissé entre 2008 et 2009 ; qu'elle invoque encore des malfaçons pour des chantiers d'octobre et décembre 2008, et donc prescrites ; qu'aucune rédaction " trompeuse " par le salarié de ses feuilles de temps n'est établie ; que le dysfonctionnement de la presse à plaquage, outre le fait qu'il ne lui est aucunement imputable, n'est pas visé dans la lettre de licenciement qui fixe le litige.
- que le dépôt de plainte pour vol a été abusif, ainsi que la soudaine dispense d'exécution du préavis ; qu'il y a eu une situation de harcèlement, avec des avertissements successifs, et une surveillance malveillante de la part de l'employeur et de sa mère, dont le lieu d'habitation se trouve à côté de l'entreprise, qui caractérise une exécution déloyale du contrat de travail.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la visite médicale d'embauche
Il résulte des dispositions combinées des articles R4624-10, R4624-12, R4624-13, R4624-19 du code du travail que le salarié bénéficie d'un examen médical par le médecin du travail avant l'embauche, ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai, et que cet examen médical doit avoir lieu avant l'embauche pour le salarié soumis à une surveillance médicale renforcée en raison des risques déterminés par les travaux auxquels il est affecté ; que les salariés soumis à une surveillance médicale renforcée ne peuvent être dispensés de la visite médicale d'embauche même si aucune inaptitude n'a été reconnue dans les six derniers mois de leur dernier poste, qui était de nature identique, et alors que le médecin du travail est en possession de la fiche d'aptitude dressée dans l'emploi antérieur.
Il est acquis que M. Y... ne pouvait pas être dispensé de la visite médicale d'embauche, puisque l'activité de menuiserie est classée dans les activités exposant à un risque physique, par la réalisation de travaux exposant aux poussières de bois ;
L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat à l'égard de son salarié, dont il doit assurer l'effectivité, et l'absence de visite médicale d'embauche constitue un manquement à cette obligation qui cause nécessairement un préjudice au salarié ;
La visite médicale du 18 septembre 2009 est intervenue 18 mois après l'embauche de M. Y..., soit très tardivement, sur un poste énoncé par l'article R4624-19 du code du travail comme exposant à un risque physique, et a donc longuement soumis M. Y... à une situation de risque pour sa santé, ainsi qu'empêché l'examen de tout éventuel aménagement de son poste, ce qui justifie la condamnation, par voie de confirmation du jugement déféré, de la société AMDIS-B à payer au salarié à titre de dommages-intérêts une somme que la cour ramène cependant dans son montant, une visite médicale ayant finalement eu lieu, à 1200 €.
Sur les avertissements
Aux termes de l'article L1331-1 du code du travail, " constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ".
Le comportement fautif du salarié doit se manifester par un acte positif, ou une abstention de nature volontaire, fait avéré qui lui est imputable et constitue une violation des obligations du contrat de travail. L'insuffisance professionnelle ne constitue pas une faute professionnelle susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire, tel l'avertissement, sauf si cette insuffisance professionnelle s'accompagne d'un comportement fautif résultant de la volonté délibérée du salarié de mal exécuter sa prestation de travail.
Sur l'avertissement du 21 août 2009
La lettre d'avertissement reçue le 21 août 2009 par M. Y... est ainsi libellée : (le surlignage en gras étant le fait de l'employeur)
" Monsieur Flavien Y...,
Depuis plusieurs mois, j'ai malheureusement constaté une détérioration dans la qualité du travail accompli.
Les finitions ne sont pas toujours satisfaisantes (ce qui nuit a l'image de travail soigné de I'entreprise), les temps passés sur certains chantiers sont souvent supérieurs à ceux prévus, et surtout de nombreuses erreurs coûtent cher à I'entreprise car il faut refaire Ie travail et racheter les matières premières.
Quelques exemples :
Pour Ie Chantier OCVV, les moulures grands cadres sous forme de coquilles que vous avez fabriquées ont été toupillées à l'inverse car vous n'avez pas suffisamment consulté Ie plan fourni. Coût estimé pour l'entreprise : 498 € HT
Pour Ie Chantier C..., Ies cotes données sur Ie plan n'ont pas été respectées pour la fabrication du mobilier de salle de bain. Ce sont les cotes des portes et des tiroirs que vous avez prises au lieu des cotes des séparations. Coût estimé pour l'entreprise : 713 € HT
Pour Ie Chantier D..., il fallait découper des traverses en IPE à une longueur de 1950 mm. Six ont été coupées à 1820 mm, elles n'étaient donc plus utilisables. Coût estimé pour l'entreprise : 336 € HT
Enfin, récemment, pour Ie Chantier E..., tous Ies volets sur mesures que vous avez réalisés avant votre départ en Congés sont à refaire. Le document que je vous avais fourni pour la fabrication indiquait des dimensions précises de 1200 mm en largeur. Lors de la pose, j'ai constaté que pour tous les volets la largeur était de 1178 mm. L'écart est de 22 mm, ce n'est pas acceptable pour Ie client, il faut donc tout refaire. De plus j'avais prévu de terminer ce chantier ce que je n'ai pas pu faire. Coût estime pour l'entreprise : 3142 € HT
De plus, Madame Z..., architecte, qui me permet de réaliser une grande partie de mon Chiffre d'affaires, s'interroge sur la suite à donner à notre collaboration car de plus en plus de ses clients ne sont pas satisfaits du travail effectué (Photocopie du courrier reçu Ie 14 mai 2009 jointe).
Ne pouvant être continuellement présent à l'entreprise car je m'occupe surtout de la pose chez les clients, il est nécessaire que je puisse avoir confiance dans votre travail.
Etant donné votre qualification (et votre rémunération correspondante), il n'est plus possible de continuer ainsi sans remettre en cause la rentabilité de l'entreprise, voir même son existence.
Je vous demande donc de remédier à ces problèmes dans les plus brefs délais sinon je me trouverais contraint de mettre fin a votre contrat de travail. Le Gérant. "
Quant à sa nature, cette lettre a bien le caractère d'une sanction disciplinaire, puisque les faits reprochés sont décrits comme étant une mauvaise exécution du travail demandé (toupillage à l'envers erreur de cote, erreurs de découpe), imputables au salarié en ce qu'il est dit qu'il n'a pas suffisamment consulté les plans fournis, n'a pas respecté les cotes inscrites ou a mal découpé, lors de l'exécution des travaux de menuiserie confiés. Les faits visés s'analysent en conséquence comme des faits fautifs caractérisant une violation par le salarié de l'obligation qui pèse sur lui d'exécuter consciencieusement le travail confié par l'employeur, en se soumettant à ses instructions.
La société AMDIS-B, tout en affirmant avoir délivré un avertissement à son salarié, soutient en cours d'instance que partie des faits invoqués sont des faits d'insuffisance professionnelle : pour justifier la notification d'un avertissement cette insuffisance professionnelle doit cependant être fautive.
La société AMDIS-B s'est donc, dans tous les cas, située le 21 août 2009 sur le terrain disciplinaire, et il faut en premier lieu examiner la prescription des faits, qui est invoquée par M. Y....
Aux termes de l'article L1332-4 du code du travail un avertissement doit être notifié dans le délai de deux mois après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs et il est établi qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà de ce délai, l'employeur ne pouvant invoquer une faute prescrite que lorsqu'un nouveau fait fautif est constaté, et est de nature identique au premier, ou lorsque le comportement du salarié a persisté dans ce délai.
Les faits fautifs visés dans la lettre du 21 août 2009 ne sont pas datés, mais il appartient néanmoins au juge de vérifier s'ils sont ou non prescrits, dans la mesure où ils apparaissent comme matériellement vérifiables.
Il est en effet établi par les pièces versées aux débats que sont invoqués des travaux de menuiserie réalisés par M. Y... pour les clients OCVV, C... D... et E..., et que ces chantiers ont eu lieu aux dates suivantes :
¤ chantier OCVV : il s'agit d'un premier chantier pour ce client, exécuté le 18 janvier 2009, un deuxième ayant été exécuté en janvier 2010 et dont il sera question dans un autre écrit de l'employeur à son salarié.
¤ chantier C... : pour ce chantier l'architecte d'intérieur, Mme Z... ayant commandé les travaux à la société AMDIS-B, a validé les plans le 28 mars 2009, et elle indique dans une lettre à l'entreprise, datée du 14 mai 2009, que M. C... est " avec raison ", mécontent de la prestation, ce qui indique que l'erreur d'exécution est à cette date, réalisée.
¤ chantier E... : il s'agit de volets qui auraient été, selon les affirmations de la société AMDIS-B et ses écritures, faits avec un écart de 22 mm sur la bonne découpe, mais aucune pièce n'est produite par l'employeur au sujet de ces travaux, dont la date d'exécution est inconnue et la prescription ou non par conséquent, invérifiable.
Les malfaçons reprochées à M. Y... sur le chantier OCVV, exécuté le 18 janvier 2009, sur le chantier C..., terminé avant le 14 mai 2009, et sur le chantier E..., de date d'exécution inconnue, ressortaient de faits fautifs prescrits à la date du 21 août 2009 et qui ne pouvaient, de ce fait, justifier l'avertissement alors notifié.
¤ chantier D... : il s'agit d'une mauvaise découpe par M. Y... de six lames de traverse, qu'il a coupées à 1820 mm au lieu de 1950 mm, ce qui les rend inutilisables, et a obligé la société AMDIS-B à commander à nouveau la matière première ; la première livraison des lames par le fabricant a eu lieu le 25 juin 2009 et M. X... a le 1er ou 2 août 2009 au plus tard commandé de nouvelles lames, qui lui ont été livrées, en lot de 30, le 3 août 2009.
L'erreur de découpe de M. Y... a donc eu lieu dans le délai de deux mois avant le 21 août 2009, puisque les premières traverses ont été livrées après le 21 juin 2009, et les faits ne sont donc pas prescrits. Il s'agissait d'une tâche précisément décrite, entrant dans les compétences de M. Y..., et si mal réalisée qu'elle n'a pu être améliorée, mais a entraîné une nouvelle commande de matière première, et une nouvelle découpe ; l'erreur ne peut être tenue pour négligeable alors que M. Y... est un ouvrier expérimenté, qu'il s'agit d'une erreur grossière, et qu'il est avéré par les pièces du dossier que, comme l'expose M. X..., son entreprise a pour spécialité les travaux de menuiserie de qualité, sur commandes d'architectes d'intérieur, pour des clients notamment étrangers ; La délivrance d'un avertissement est justifiée, et proportionnée aux faits commis, et le jugement est confirmé sur ce point.
Sur l'avertissement du 11 septembre 2009
Il est ainsi rédigé :
" Monsieur Flavien Y...,
Suite à ma lettre du 21 août 2009, j'espérais que vous prendriez conscience des problèmes exposés et que nous repartirions sur de bonnes bases dans l'intérêt de tous.
Malheureusement, je constate que depuis votre retour de congés, vous n'avez plus aucune motivation dans votre travail et que les temps de fabrication sont rarement respectés.
De plus, des erreurs (qui nuisent Ie plus à I'entreprise pour Ie bon déroulement des chantiers afin de respecter les coûts et les plannings) sont encore commises.
Par exemple, pour Ie Chantier B... de fin août 2009, je vous ai fourni des plans de fabrication. Le mobilier sur ces plans était conçu avec des fonds en rainures afin d'en faciliter Ie montage. Vous avez réalisé des fonds à visser, ce qui, de plus, nécessite une durée supérieure de fabrication. J'ai donc dû modifier ce mobilier pour mettre des fonds en rainures avant la pose. J'ai dû y consacrer une journée complète avec l'aide de mon apprenti.
Coût estimé de cette modification pour l'entreprise : 444 € HT
Pour Ie Chantier Vitale de septembre 2009, vous aviez à plaquer des portes et des dormants. Vous n'avez pas optimisé l'utilisation de la matière première car vous avez réalisé des chutes importantes inutilisables qui auraient pu être évitées avec une autre découpe. J'ai dû recommander d'autres feuilles pour ce chantier (les feuilles de plaquage ont un coût élevé).
Dans une entreprise, il y a un respect mutuel à avoir. Je ne trouve pas plaisant que vous vous permettiez de critiquer mes méthodes de travail, surtout devant mon apprenti.
Il est évident, malgré toute ma bonne volonté, que nous (ne) puissions continuer ainsi.
J'envisage sérieusement de mettre fin à votre contrat de travail si vous ne tenez pas compte de ces avertissements. Le Gérant. "
Les faits fautifs énoncés dans cette lettre ont eu lieu en août 2009, et en septembre 2009, et par conséquent dans le délai de deux mois avant la notification de la sanction. Les faits ne sont pas prescrits.
¤ Le chantier B... :
M. Pouppard, apprenti, atteste avoir le 19 août 2009 refait les rainures des panneaux de fond du meuble commandé par ce client, alors que malgré les instructions figurant sur les plans M. Y... avait choisi de faire des fonds à visser et il précise avoir, le 19 août 2009, en présence de M. X..., monté le meuble refait chez le client : l'employeur, qui avait donc dès le 19 août 2009 connaissance des faits fautifs, mais ne les a pas évoqués dans la lettre d'avertissement du 21 août 2009, a épuisé son pouvoir disciplinaire à leur sujet, et ne pouvait plus les évoquer utilement le 11 septembre 2009.
¤ le chantier Vitale :
La société AMDIS-B invoque en cours d'instance, pour la réalisation de plaquage de portes et de dormants une mauvaise utilisation par M. Y... de la matière première, ayant entraîné des chutes importantes, et inutilisables, mais ne produit aucune pièce matérialisant ce chantier ; les faits sont dans ces conditions invérifiables et non établis.
Par voie de confirmation du jugement cet avertissement doit par conséquent être annulé, comme injustifié.
Sur l'écrit du 20 février 2010
Il est ainsi rédigé :
" M. onsieur Flavien Y...,
Suite à ma lettre du 11 Septembre 2009 et depuis votre reprise après l'arrêt pour maladie, vous manquez toujours de motivation pour votre travail.
De plus, récemment, pour le Chantier OCVV, il a été nécessaire de refaire une partie du travail car vous n'avez pas suivi les règles de base du métier.
En effet, vous avez réalisé pour ce chantier des persiennes en bois exotique. La pente des lames doit avoir une inclinaison précise qui n'a pas été respectée. Pour la rigidité de ces persiennes, il est nécessaire de concevoir des mortaises et des tenons pour I'assemblage des montants et traverses. Vous n'avez réalisé qu'une barbette de 10 mm de profondeur, ce qui est insuffisant. La conception des persiennes doit suivre ces règles de base du métier.
Pour ce chantier, Ie temps de fabrication n'étant plus respecté, Ie coût final devient supérieur au prix de vente du produit fini pose comprise. Il est évident, malgré toute ma bonne volonté, que nous (ne) puissions continuer ainsi. Le Gérant "
La société AMDIS-B soutient qu'il s'agit cette fois non d'un avertissement mais d'une simple " information " du salarié, par l'employeur, d'un nouvel incident.
Cependant, dès lors qu'il n'y a pas eu de simples observations verbales, mais remise d'un écrit au salarié, ce qui en l'espèce a été fait le 22 février 2010, lors de l'entretien préalable à un éventuel licenciement, il s'agit d'une sanction disciplinaire de même nature que celles notifiées les 21 août, et 11 septembre 2009.
En outre l'employeur énonce dans sa lettre de licenciement du 25 février 2010 qu'elle est adressée " malgré les différents avertissements que nous vous avons notifiés ", ce qui confirme qu'il considère l'écrit du 20 février 2010, ainsi que les précédents, comme un avertissement.
Cet avertissement est donc à examiner, au même titre que les deux précédents, quant à la prescription, et quant à la matérialité des faits invoqués.
Le chantier dont il est question est un deuxième chantier réalisé par la société AMDIS-B pour le client OCVV, cette fois en janvier 2010 : les faits ne sont donc pas prescrits.
Il s'agit de malfaçons commises par M. Y..., qui a réalisé des persiennes en bois exotique sans respecter l'inclinaison de lames demandée, et sans faire de mortaises et tenons.
L'employeur produit l'attestation de M. F..., ancien dirigeant de l'entreprise de menuiserie du même nom, qui sur examen de photos des persiennes, affirme que l'absence de mortaises et tenons est une réalisation non conforme aux règles de l'art.
Il est également acquis que le 8 janvier 2010 OCVV a sur le procès verbal de réception des travaux émis des réserves, et refusé la pose des persiennes pour " malfaçons ".
M. Y..., qui est un ouvrier expérimenté, ainsi qu'il le fait lui-même valoir, a, en omettant de respecter l'inclinaison de lames demandée, ainsi qu'en ne réalisant pas les mortaises et tenons, pourtant indispensables, selon les règles de l'art, à la rigidité des persiennes, commis un manquement à l'obligation qui pèse sur lui d'exécuter consciencieusement le travail confié par l'employeur, en se soumettant à ses instructions.
Cet avertissement, sanction ne nécessitant pas un entretien préalable à sa notification, contrairement au motif retenu par les premiers juges pour en prononcer l'annulation, est justifié, et proportionné aux faits commis, et le jugement est donc infirmé sur ce point.
Sur le licenciement
Le juge devant lequel un licenciement est contesté doit, en application de l'article L. 1235-1 du code du travail, apprécier le caractère réel et sérieux des griefs énoncés dans le courrier qui notifie cette mesure et qui fixe les limites du litige, mais aussi rechercher au-delà de ces motifs, si le salarié le requiert, la véritable cause du licenciement prononcé.
En cas de licenciement disciplinaire, la faute du salarié ne peut résulter que d'un fait avéré, acte positif ou abstention, dans ce dernier cas de nature volontaire, qui lui est imputable et qui constitue de sa part une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.
La lettre de licenciement que la société AMDIS-B a adressée à M. Y... est ainsi libellée :
" La Menitré, Ie 25 février 2010 " :
Monsieur,
Nous vous avons reçu Ie 22 février 2010 pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre.
Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de vous licencier. Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants :
Malgré les différents avertissements que nous vous avons notifiés, nous sommes toujours obligés de constater :- des malfaçons dans l'exécution de vos travaux,- du gaspillage de matière première,
- des lenteurs dans l'accomplissement des travaux,- des refus d'exécuter les méthodes de travail données par la direction,- et pour tous ces motifs, une perte de confiance pour l'exécution des ouvrages selon les règles de I'art.
Nous considérons que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Votre préavis d'une durée d'un mois débutera à la première présentation de la présente lettre.......
Pour la société AMDIS-B Yves X... gérant "
M. Y... soutient que la vraie cause de son licenciement a été économique, mais la société AMDIS-B verse aux débats son bilan clos au 31 mars 2009, qui montre un résultat positif de 8000 €, et elle justifie avoir embauché, après le licenciement de M. Y... pour le remplacer, un autre salarié, en la personne de Melle A....
Il y a lieu par conséquent de vérifier la réalité de la cause personnelle de licenciement, telle qu'énoncée dans la lettre du 25 février 2010.
La lettre de licenciement notifiée à M. Y... contient quatre griefs d'ordre général, non datés, qui sont : des malfaçons, du gaspillage, des lenteurs d'exécution, le non respect des consignes de travail ; la perte de confiance ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Les griefs invoqués n'étant pas datés, il y a lieu de les reprendre par nature, afin de déterminer au regard du dossier à quels travaux de menuiserie confiés à M. Y... ils correspondent :
¤ Les malfaçons
Les erreurs de cotes et les mauvaises découpes réalisées par M. Y... sont invoquées au travers des chantiers OCVV, de janvier 2009, et de janvier 2010, le chantier C..., le chantier E... et le chantier D....
Tous ces faits sont visés soit dans l'avertissement du 21 août 2009, soit dans celui du 20 février 2010, et l'employeur ne justifie d'aucun fait nouveau caractérisant des malfaçons imputables à M. Y..., et qui serait intervenu postérieurement au 22 février 2010, date de notification du dernier avertissement.
¤ le gaspillage de matière première
Ces faits sont ceux concernant un chantier " Vitale " : ils sont déjà visés dans l'avertissement du 11 septembre 2009 et la société AMDIS-B ne produit aucune pièce à leur sujet, se contentant de procéder par affirmation ; Aucun fait de gaspillage de la matière première n'est décrit, ni a fortiori démontré par des pièces, après le 22 février 2010.
¤ des lenteurs dans l'accomplissement des travaux
Un dépassement du temps prévu pour exécuter les travaux est invoqué pour le chantier OCVV de janvier 2010, pour le chantier E..., et pour le chantier B..., mais ce dépassement de temps résulte de la commission de malfaçons et de la nécessité d'effectuer des reprises, et non d'une lenteur dans l'accomplissement des travaux, et il est acquis au demeurant que chacun de ces faits est déjà visé dans un avertissement : celui du 21 août 2009 pour le chantier E..., celui du 11 septembre 2009 pour le
chantier B... (le pouvoir disciplinaire de l'employeur étant d'ailleurs déjà épuisé pour ce chantier au 11 septembre 2009) et celui du 20 février 2010 pour le chantier OCVV de janvier 2010.
La société AMDIS-B produit enfin, au soutien de ce grief, des pièces concernant deux chantiers de création d'un escalier, l'un pour le client Sily et l'autre pour le client Gosselin (ses pièces no14, 15 et 16).
Le tableau récapitulatif des relevés de temps de travail de Flavien Y..., produit par l'employeur (pièce 16) montre cependant que l'un comme l'autre de ces deux chantiers ont été effectués en mai et juin 2009, et que les faits reprochés étaient par conséquent connus de la société AMDIS-B lorsqu'elle a délivré son premier avertissement le 21 août 2009, épuisant dès cette date son pouvoir disciplinaire à leur sujet.
Aucun fait postérieur au 22 février 2010 n'est établi, ni même allégué.
¤ des refus d'exécuter les méthodes de travail données par la direction
Il s'agit là du chantier B..., pour lequel l'employeur reproche à M. Y... de n'avoir pas, volontairement, respecté le plan de fabrication, en faisant des fonds de meubles à visser et non avec rainures.
Ces faits sont déjà évoqués dans l'avertissement du 11 septembre 2009 et aucun autre fait de cette nature n'est démontré, ni même allégué, comme étant survenu après le 22 février 2010.
Il est constamment retenu qu'un même fait ne peut justifier deux mesures disciplinaires successives ; or, tous les faits vérifiables afférents à chacun des griefs visés dans la lettre de licenciement sont déjà visés dans une des lettres d'avertissement antérieures. En outre, la société AMDIS-B ne démontre aucunement que le comportement fautif de M. Y... ait persisté entre le 22 février 2010, date de notification du dernier avertissement délivré au salarié, et le 25 février 2010, date à laquelle elle lui a notifié son licenciement ; entre le 22 et le 25 février 2010 en effet aucun chantier n'est décrit, ni aucune pièce versée, en démontrant l'existence.
Le licenciement du 25 février 2010 est donc sans cause réelle et sérieuse, la société AMDIS-B ayant, à cette date, épuisé son pouvoir disciplinaire pour chacun des griefs notifiés.
Les griefs invoqués par la société AMDIS-B en cours d'instance, tenant aux mauvais relevés d'heures de travail de M. Y..., ou à leur caractère trompeur, ainsi que le grief tenant à l'incident de surchauffe de la presse de plaquage, ne sont pas mentionnés dans la lettre de licenciement, puisqu'il ne peut s'agir là ni de malfaçons, de gaspillage de matière premières, de lenteur d'exécution, ou encore de non respect des méthodes de travail. La lettre de licenciement fixant le litige, la cour n'a par conséquent pas à les examiner.
Par voie de confirmation du jugement, le licenciement est dit sans cause réelle et sérieuse et M. Y... peut dès lors prétendre, dans les termes de l'article L 1235-5 du code du travail applicables puisque l'entreprise avait moins de 11 salariés au moment du licenciement, à l'allocation de dommages-intérêts réparant le préjudice causé par la rupture du contrat de travail.
M. Y... avait, à la rupture du contrat de travail, 39 ans, et il a bénéficié des allocations de chômage à compter d'avril 2010 ; son l'employeur lui a payé le préavis dû d'un mois et une indemnité de licenciement de 759, 12 € ; il n'a pas retrouvé d'emploi.
Son ancienneté dans l'entreprise a été de 2 ans et son salaire mensuel brut moyen, calculé conformément aux dispositions de l'article R1234-4 du code du travail sur les douze derniers mois précédant le licenciement ce qui est plus favorable au salarié que le calcul fait sur les trois derniers mois, s'établit à un montant de 1314, 31 €.
En considération de cette situation personnelle, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer, par voie de réformation du jugement déféré, la réparation due à M. Y... à la somme de 8 000 €.
Sur l'exécution loyale du contrat de travail
M. Y... soutient que son l'employeur a exécuté de manière déloyale le contrat de travail en déposant une plainte pénale pour vol contre lui, qui a provoqué la perquisition de son domicile, et en lui disant d'autre part soudainement, le 5 mars 2010 ; en cours d'exécution du préavis, qu'il le dispensait de l'exécution du délai restant à courir, qu'il y a là la démonstration d'un " harcèlement " à son égard.
Le dépôt de plainte et la dispense d'exécution du préavis alors que celui-ci était en cours, établis et non contestés par l'employeur, laissent présumer une attitude de harcèlement à l'égard du salarié.
Il est cependant acquis, et reconnu par M. Y... devant les enquêteurs, ainsi que les premiers juges l'ont justement relevé, que la plainte pour vol de M. X... a pour origine une mise en scène de M. Y..., qui a simulé un vol, en posant une couverture à l'arrière de son véhicule et en quittant le lieu de travail précipitamment alors que la mère de M. X... lui demandait de montrer ce qu'il dissimulait ainsi, circonstances tout à fait de nature à laisser craindre à l'employeur la commission d'une soustraction d'outils ou d'objets appartenant à l'entreprise.
L'employeur démontre par conséquent que ce dépôt de plainte a été justifié par un élément objectif, qui est la simulation de vol orchestrée par M. Y..., et que, ce faisant, il a simplement exercé les droits que les apparences créées par le salarié lui donnaient ; le dépôt de plainte est dans ces conditions étranger à toute attitude de harcèlement.
Pour les mêmes motifs, le salarié n'est pas fondé à soutenir que le dépôt de plainte légitime, et déclenché par la simulation de vol qu'il a lui-même opérée, caractériserait une attitude déloyale de la part de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail.
Quant à la dispense partielle d'exécution de préavis, il est acquis que celle-ci a donné lieu à paiement et M. Y... n'établit pas qu'elle ait été vexatoire, puisqu'il n'en rapporte pas les termes.
Il était en outre le seul salarié de l'entreprise et la demande de M. X... n'a donc pas eu lieu devant témoin.
Cet agissement isolé, exempt de toute circonstance vexatoire, ne permet pas de caractériser l'attitude de harcèlement invoquée.
Il ne caractérise pas plus une exécution déloyale du contrat de travail.
Par voie de confirmation du jugement, M. Y... est débouté de sa demande en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Sur les règles de portabilité des garanties de prévoyance complémentaires
M. Y... bénéficie, dans les termes de son contrat de travail, et de la convention collective du bâtiment, d'un régime de prévoyance et d'une mutuelle santé complémentaires.
L'accord A. N. I. du 11 janvier 2008 a institué un régime de portabilité des garanties de prévoyance, pendant 9 mois, en cas de rupture du contrat de travail.
La société AMDIS-B reconnaît avoir omis de proposer à M. Y..., comme elle en avait l'obligation, le maintien de ces garanties, et demande uniquement à la cour de réduire l'indemnité allouée par les premiers juges.
La cour dispose cependant des éléments lui permettant de retenir le montant alloué par le conseil de prud'hommes de Saumur, dont le jugement est confirmé sur ce point.
Sur les dommages-intérêts pour violation de la clause de confidentialité
La société AMDIS-B soutien que M. Y... a donné connaissance à des personnes extérieures à l'entreprise, qui de plus sont ses concurrents directs, de " différents plans émanant de l'entreprise " et qu'il a en cela violé la clause de confidentialité figurant au contrat de travail en ces termes : " CONFIDENTIALITE : Flavien Y... s'engage à observer la discrétion la plus stricte sur les informations se rapportant aux activités de l'entreprise auxquelles il aura accès à l'occasion et dans le cadre de ses fonctions " ;
Le salarié est en effet tenu, dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, de ne pas divulguer les informations confidentielles sur les méthodes de travail de l'entreprise, les procédés de fabrication employés, dont il a connaissance dans l'exercice de ses fonctions.
Tel n'est pas le cas ; M. Y... a, dans le cadre de sa défense, en effet montré à d'autres ouvriers en menuiserie, employés de l'entreprise F..., les plans de fabrication du meuble de M. B..., et celui des persiennes commandées en janvier 2010 par OCVV pour que ceux-ci attestent que le délai d'exécution imparti par l'employeur était trop court.
Il ne s'est donc pas agi d'informations confidentielles sur l'entreprise mais de plans de fabrication de meubles, dressés selon les règles de la profession, et dépourvus de tout intérêt pour un concurrent.
La société AMDIS-B a d'ailleurs procédé de la même manière en faisant examiner des photos prises des persiennes OCVV, par l'ancien dirigeant de l'entreprise F..., qui a attesté que le travail de M. Y... ne répondait pas aux règles de l'art et a elle aussi versé aux débats des plans de meubles, pour démontrer que les cotes, que M. Y... n'avait pas respectées, étaient pourtant précises, et validées par l'architecte d'intérieur.
Aucune violation par M. Y... de la clause contractuelle de confidentialité n'est établie.
Par voie de confirmation du jugement, la société AMDIS-B est donc déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. Y... les frais non compris dans les dépens et engagés dans l'instance d'appel ; la société AMDIS-B est condamnée à lui payer, en application des dispositions de l'article 700 de code de procédure civile, la somme de 750 € à ce titre et doit être déboutée de sa propre demande.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement entrepris, sauf :
- en ce qu'il a annulé l'avertissement du 20 février 2010,- sur le montant alloué à M. Y... à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- sur le montant des dommages-intérêts pour non respect des visites médicales obligatoires auprès du médecin du travail,
L'INFIRME sur ces seuls points, et y ajoutant,
DEBOUTE M. Y... de sa demande d'annulation de l'avertissement du 20 février 2010, notifié le 22 février 2010,
CONDAMNE la société AMDIS-B à payer à M. Y... la somme de 8000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société AMDIS-B à payer à M. Y... la somme de 1200 € à titre de dommages-intérêts pour non respect des visites médicales obligatoires auprès du médecin du travail,
CONDAMNE la société AMDIS-B à payer à M. Y... la somme de 750 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des frais irrépetibles d'appel,
CONDAMNE la société AMDIS-B aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL