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28/08/2012 | FRANCE | N°10/02758

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 28 août 2012, 10/02758


ARRÊT N
AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02758
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 12 Octobre 2010, enregistrée sous le no 09/ 01402

ARRÊT DU 28 Août 2012

APPELANTE :

Madame Catherine X...... 22560 TREBEURDEN

représentée par Maître Paul CAO (SCP), avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

SAS ICI FARRE devenue IMAGE COMMUNICATION IMPRESS

IONS (I. C. I.) Boulevard du Cormier 49300 CHOLET

représentée par Maître Hervé QUINIOU (SCP), avocat au barr...

ARRÊT N
AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02758
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 12 Octobre 2010, enregistrée sous le no 09/ 01402

ARRÊT DU 28 Août 2012

APPELANTE :

Madame Catherine X...... 22560 TREBEURDEN

représentée par Maître Paul CAO (SCP), avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

SAS ICI FARRE devenue IMAGE COMMUNICATION IMPRESSIONS (I. C. I.) Boulevard du Cormier 49300 CHOLET

représentée par Maître Hervé QUINIOU (SCP), avocat au barreau d'ANGERS, en présence de Monsieur Y... (dossier 090346)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Avril 2012 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur Madame Anne DUFAU, assesseur

qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT : du 28 Août 2012, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******

EXPOSE DU LITIGE

Mme Catherine X... a été engagée par la sas Farré Audureau par contrat à durée indéterminée à temps complet du 26 mars 2001, à partir du 12 avril 2001, en qualité d'agent technico-commercial.

La sas Farré Audureau exerçait une activité d'imprimerie et a été achetée, à compter du 28 septembre 2008, par la sas ICI Farré, dénommée ensuite société ICI.
Le contrat de travail de Mme X... a été transféré à la société ICI Farré par Ie jeu des dispositions de I'article L 1224-1 du code du travail.
Mme X... a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement économique, fixé au 23 juin 2009, par lettre datée du 12 juin 2009.
La sas ICI Farré a proposé à Mme X... le bénéfice de la convention de reclassement personnalisé, et lui a remis à cette occasion la documentation établie par I'ASSEDIC, en lui indiquant qu'elle disposait d'un délai de 21 jours calendaires pour lui faire connaître sa réponse.
Mme X... a refusé d'adhérer au dispositif de la convention de reclassement personnalisé, et le 3 juillet 2009, la sas ICI Farré lui a adressé une lettre de licenciement pour motif économique.
Mme X... a saisi, Ie 8 octobre 2009, la section industrie du conseil de prud'hommes d'Angers des demandes suivantes :- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 36 000 €,- contrepartie financière à la clause de non concurrence : 36 000 €,- heures supplémentaires : 15 121, 24 €,- congés payés y afférents : 1512, 12 €,- indemnité pour frais irrépetibles : 2 000 €,- remise des bulletins de salaire afférents aux condamnations salariales, sous astreinte de 200 € par jour de retard, à compter de la notification du jugement à intervenir,- intérêts au taux légal,- exécution provisoire.

Par jugement du 12 octobre 2010, Ie conseil de prud'hommes d'Angers a :
- dit que Mme X... n'a été tenue que par une clause dite de clientèle,- débouté Mme X... de sa demande de 36 000 € au titre d'une nullité de clause de non concurrence,- débouté Mme X... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires à hauteur de 17 513, 36 €, congés payés inclus,- dit et jugé que Ie licenciement économique de Mme X... repose sur une cause réelle et sérieuse, et débouté Mme X... de sa demande de 36 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- débouté la sas ICI Farré de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- condamné Mme X... aux entiers dépens.

Le jugement a été notifié le 15 octobre 2010 à la sas Image Communication Impressions (ICI) anciennement dénommée ICI Farre, et le 15 octobre 2010 à Mme X... qui en a fait appel au greffe par son conseil le 05 novembre 2010,

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mme X... demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 24 avril 2011, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de condamner la sas ICI à lui payer les sommes suivantes :
-36 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
-36 000 € à titre de contrepartie financière à la clause de non concurrence, ou à titre de dommages et intérêts, pour nullité de cette même clause,
-15 121, 24 € au titre des heures supplémentaires non rémunérées, outre la somme de 1 512, 12 € au titre des congés payés y afférents,
Mme X... demande encore à la cour :
- d'ordonner à la sas ICI de lui délivrer des bulletins de paie afférents aux condamnations salariales, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,
- de se réserver expressément Ie pouvoir de liquider l'astreinte provisoire,
- d'ordonner la capitalisation des intérêts, au visa de l'article 1154 du code civil,
- de condamner la sas ICI à lui payer la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la sas ICI aux entiers dépens d'appel.

Mme X... soutient :

- qu'elle a accompli de nombreuses heures supplémentaires, qu'elle chiffre à 1201 heures, qui ne lui ont pas été payées ; qu'elle ne pouvait, comme agent technico-commercial, avoir des horaires parfaitement fixes, puisqu'elle était en grande partie à la disposition de ses clients ; qu'elle apporte un décompte précis en ce qu'il tient compte des congés payés, arrêts maladie et événements familiaux ou RTT, mais surtout que la cour doit faire droit à sa demande puisque l'employeur n'apporte aucun élément sur les horaires de sa salariée et viole en cela les dispositions du code du travail selon lesquelles il doit toujours permettre au salarié d'exercer un contrôle effectif sur ses horaires ;
- que la recherche de reclassement n'est pas établie, puisque les correspondances que l'employeur dit avoir envoyées ne sont pas produites ; que, surtout, cette recherche n'a pas été loyale et sincère, puisqu'une proposition de reclassement lui a été faite la veille de la réception de la convocation à l'entretien préalable au licenciement ;
- que la clause figurant au contrat de travail sous l'intitulé clause de non concurrence est bien une clause qui entrave sa liberté de travail, et que la sas ICI doit être condamnée à lui verser la contrepartie financière de cette clause, fixée au montant de la somme prévue au profit de l'employeur si la salariée n'avait pas respecté l'obligation de non concurrence ;

La sas ICI demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 16 avril 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; de condamner Mme X... à lui payer en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2000 € pour les frais exposés par elle en première instance, et la somme de 3000 € pour les frais exposés en cause d'appel ;

La sas ICI soutient :
- que si la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à aucune partie il appartient au salarié d'étayer sa demande, pour permettre à l'employeur d'y répondre ; que l'employeur ne doit justifier des horaires effectivement réalisés qu'au regard de cette demande étayée, et donc suffisamment précise ; que Mme X... part seulement du postulat de ce qu'elle accomplissait 9 heures par jour et non 7 comme le prévoyait le contrat de travail, puis établit une simple multiplication de cet horaire journalier par le nombre de jours ouvrés de chaque mois considéré ; que son calcul est erroné en ce qu'il contient des jours fériés et chômés ;
- que la recherche de reclassement a été faite, en interne, et auprès de l'autre société du groupe ICI, la société ICI Beaupréau et même en externe, auprès des entreprises locales et régionales qui exercent une activité similaire à la sienne ; qu'elle a aussi sollicité l'assistance de la commission paritaire nationale de l'emploi ; qu'on ne peut lui reprocher d'avoir adressé une lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement le lendemain de la proposition de reclassement puisqu'il est de jurisprudence constante que la recherche de reclassement doit s'effectuer jusqu'à la date de notification du licenciement au salarié ; qu'à titre subsidiaire, si le licenciement était jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, il faudrait débouter Mme X... de sa demande en paiement de la somme de 36 000 € en ce qu'elle ne justifie pas de son préjudice ;

- que la clause insérée à l'alinéa 3 de l'article 3 du contrat de travail n'est pas, malgré son intitulé, une clause de non-concurrence, mais une clause de clientèle, et que ce type de clause est licite, sans contrepartie financière, dès lors qu'elle ne porte pas atteinte à la liberté du travail et à la liberté d'entreprendre du salarié ; qu'elle n'a pas été effective puisque son efficacité était subordonnée à l'établissement par l'employeur, au moment du départ de Mme X..., d'une liste comprenant le nom des clients et prospects avec lesquels la salariée était en relation d'affaires pour le compte de la société, et que cette liste n'existe pas, l'employeur ne l'ayant pas dressée ; que Mme X... n'a subi aucune entrave à sa liberté de travail après la rupture du contrat de travail ; qu'il n'existe pas plus pour elle, à l'alinéa 1 de l'article 3 du contrat de travail, qu'à l'alinéa 3, une clause de concurrence post-contractuelle ; qu'à titre subsidiaire si la cour requalifiait la clause litigieuse en une clause de non-concurrence illicite car non assortie d'une contrepartie financière, il y aurait lieu de réduire de manière substantielle le montant des dommages-intérêts réclamés par la salariée, puisqu'elle ne produit aux débats aucun élément justifiant le montant demandé ;
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les heures supplémentaires
La durée légale du travail effectif prévue à l'article L 3121-10 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré, dans les conditions de l'article L 3121-22 du code du travail ;
Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu ces éléments, et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties, et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, et auxquels l'employeur puisse répondre ;
Le contrat de travail signé le 26 mars 2001 par les parties prévoit que Mme X... perçoit une rémunération brute de 13000F par mois sur 13 mois, outre un intéressement de 3 % sur le chiffre d'affaires facturé et réglé, et l'article 6 du contrat dit, quant à la durée du temps de travail : " Mme X... ne sera pas soumise à un horaire précis compte tenu de ses fonctions particulières d'agent technico-commercial qui lui laissent une liberté d'organisation sans contrôle possible de la direction ; elle devra toutefois consacrer tout son temps à la mission qui lui est confiée, et effectuer tous les dépassements d'horaires nécessités par son activité ; tous les dépassements d'horaires et conditions particulières de travail se trouvent rémunérés par l'ensemble de la rémunération ci-avant convenue. "

Aucune convention de forfait n'a cependant été signée par les parties, qui n'en invoquent pas l'existence ;
L'employeur soutient que le temps de travail hebdomadaire contractuel de Mme X... était de 35 heures, ce que celle-ci ne conteste pas ; elle produit à l'appui de sa demande un décompte des heures qu'elle soutient avoir effectuées au-delà de 35 heures, 5 jours par semaine ;
Ce décompte, qui est l'unique pièce apportée aux débats par Mme X... (sa pièce no11), se présente ainsi :
" ICI-Catherine X... Agent Technico-commercial-Echelon IIIA contrat : 35 H. RTT : 24j/ an

HEURES EFFECTUEES SUR 5 ANS 5JOURS/ SEMAINE Moyenne 9H/ JOUR

ANNEE 2005 : janvier : 189, février : 180, mars : 135, avril : 189, mai : 126, juin : 198, juillet : 189, août : 72, septembre : 198, octobre : 189, novembre : 198, décembre : 153 TOTAL : 2O16
ANNEE 2006 : janvier : 198, février : 171, mars : 198, avril : 180, mai : 135, juin : 198, juillet : 189, août : 81, septembre : 189, octobre : 189, novembre : 198, décembre : 189 TOTAL : 2124
ANNEE 2007 : janvier : 207, février : 180, mars : 198, avril : 144, mai : 126, juin : 189, juillet : 198, août : 72, septembre : 180, octobre : 207, novembre : 153, décembre : 189 TOTAL : 2043

ANNEE 2008 : janvier : 207, février : 144, mars : 189, avril : 162, mai : 117, juin : 189, juillet : 207, août : 54, septembre : 198, octobre : 207, novembre : 180, décembre : 207 TOTAL : 2061

ANNEE 2009 : janvier : 198, février : 180, mars : 198, avril : 153, mai : 189, juin : 198,, juillet : 64 + préavis août : préavis septembre : préavis ; TOTAL : 1180

Ont été décomptés de ce tableau, les congés payés, arrêts maladie et/ ou évènements familiaux et/ ou RTT 13 juillet au 6 septembre 2009 : préavis non effectué " ;

Mme X... se contente par conséquent d'affirmer qu'elle travaillait 9 heures " en moyenne " par jour, et procède en cela de manière forfaitaire, en n'indiquant aucune durée journalière de travail précise, correspondant à une date également précisée ;
La même imprécision préside au décompte des congés payés, RTT et " évènements familiaux " dont Mme X... n'indique ni le jour de début, ni le jour de fin ;
Ce faisant elle ne produit pas d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, et n'etaye par conséquent pas sa demande de rappels de salaires pour heures supplémentaires, dont elle doit dès lors, par voie de confirmation du jugement déféré, être déboutée ;
Sur le licenciement
La salariée ne conteste pas la cause économique invoquée par la société ICI dans la lettre de licenciement, qui indique d'autre part sa conséquence sur l'emploi de celle-ci ;

Aux termes de l'article L1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés, et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise, ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient, sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ;

A défaut de recherche de reclassement du salarié préalable au licenciement, celui-ci est privé de cause réelle et sérieuse, et le salarié licencié a droit à des dommages-intérêts ;
Le reclassement doit être recherché d'une part, avant la notification du licenciement, et d'autre part au sein de l'entreprise et, si elle appartient à un groupe, parmi les entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'implantation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;
L'employeur, aucune convention n'existant en ce sens avec des entreprises extérieures, n'est pas tenu de rechercher un reclassement extérieur à l'entreprise ou au groupe dans lequel des permutations d'emploi sont possibles ; c'est à lui de démontrer qu'il a satisfait à son obligation de reclassement, qui est une obligation de moyens, et donc de justifier qu'il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes, ou qu'un reclassement était impossible ;
La société ICI appartient à un groupe comprenant en outre la société ICI Multimédia, et la société ICI Beaupréau ;
La société ICI Multimédia n'a que deux salariés, le directeur et un opérateur, et le registre des entrées et sorties montre qu'aucun poste n'y était disponible, l'opérateur M. Z..., étant en poste depuis l'année 2002 ;

Les sociétés ICI et ICI Beaupréau ont des activités similaires, car il s'agit de deux unités de production en imprimerie, l'une située à Cholet, et l'autre à Beaupréau ; le registre des entrées et sorties de la société ICI montre qu'aucun poste ne s'est libéré depuis avril 2010, et la société ICI Beaupréau, interrogée le 5 juin 2009 sur ses possibilités de reclassement de Mme X..., a répondu le 29 juin 2009 qu'elle n'avait aucun poste disponible ;

Le service commercial, auquel appartient Mme X..., est commun aux deux entreprises, mais les salariés appartiennent à la société ICI anciennement dénommée ICI Farré ;
Celle-ci a le 11 juin 2009 proposé à Mme X... de la reclasser sur un poste de secrétaire commerciale, créé à Paris, lieu de résidence de la salariée, mais qu'elle a refusé en le jugeant sous-qualifié, sans rapport avec ses compétences, et dont elle a observé qu'il réduisait son salaire brut de moitié ;
La société ICI soutient avoir aussi procédé à une recherche de reclassement au niveau local et national, en interrogeant la commission paritaire nationale de l'emploi ainsi que 44 entreprises d'imprimerie, locales et régionales ; si elle n'en justifie que par la production de son journal d'activité téléphonique, une attestation de sa secrétaire, et non par les envois des mels invoqués eux mêmes, il s'agissait en tout état de cause d'une démarche excédant le périmètre de son obligation de recherche de reclassement ;
La société ICI établit par conséquent avoir effectué une recherche de reclassement, avant la notification du licenciement, au sein de l'entreprise et dans le groupe, peu important que la proposition de poste faite à Mme X... lui ait été adressée la veille de la réception par elle de la convocation à l'entretien préalable au licenciement ; elle justifie d'autre part de l'impossibilité de reclassement de la salariée dans les sociétés ICI Multimédia et ICI Beaupréau ;
Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme X... avait une cause réelle et sérieuse et l'a déboutée de sa demande en dommages-intérêts ;

Sur la clause de non-concurrence
Le contrat de travail du 26 mars 2001 stipule :
" Mme X... est tenue à l'égard de la société, pendant toute la durée du présent contrat, à l'obligation de fidélité et de non-concurrence qui lui interdit de s'adresser directement ou indirectement à une entreprise concurrente de la société ou de collaborer sous quelques formes que ce soit à une telle entreprise ;
Elle doit garder une totale discrétion en ce qui concerne les renseignements techniques ou commerciaux qu'elle viendrait à connaître dans l'exercice de ses fonctions ;
En outre, en cas de rupture du contrat de travail, pour quelque cause que ce soit, Mme X... restera tenue par la discrétion prévue à l'alinéa précédent et s'engage à ne pas s'intéresser directement ou indirectement, pendant une durée de 1 an, aux prospects et clients inclus dans une liste constituée par l'entreprise lors de son départ et comprenant le nom des clients et prospects pour lesquels Mme X... était en relation d'affaires pour le compte de la société. Il est prévu que le salarié n'a aucun droit particulier sur les clients, n'a ni secteur déterminé, ni aucune exclusivité ;
Toute violation de la présente clause de non-concurrence rendra automatiquement Mme X... redevable d'une pénalité fixée dès à présent forfaitairement à une somme égale au montant net de son salaire des douze derniers mois d'activité (ou 12 fois son salaire moyen en cas de rupture avant 12 mois) " ;

La société ICI soutient qu'il s'agit d'une clause " de clientèle ", qui est licite, si elle ne porte pas atteinte à la liberté de travailler et d'entreprendre du salarié, même si elle n'est pas limitée dans l'espace, et même si elle ne comporte pas pour l'employeur obligation de verser une contrepartie financière ; qu'il n'y a pas eu d'atteinte à la liberté de travailler de Mme X..., puisque la liste des clients, avec lesquels elle ne pouvait pas travailler après la rupture du contrat de travail, n'a pas été établie ;

Le contrat stipule cependant qu'il est interdit à Mme X... d'exercer une activité concurrente de celle de son ancien employeur avec les clients qui ont été les siens pendant l'exécution du contrat de travail, clients dont les noms sont parfaitement connus de l'employeur et de la salariée, et qu'il n'est pas nécessaire de lister, pour que l'interdiction d'exercice ait une effectivité ;
Cette clause apporte par conséquent une restriction à la liberté de travail de Mme X..., et s'analyse comme une clause de non-concurrence ; elle ne contient aucune contrepartie financière, ainsi qu'aucune limite géographique, ce qui la rend, à ce double titre, illicite ;
En application du principe fondamental du libre exercice d'une activité professionnelle et des dispositions de l'article L1121-1 du code du travail, une clause de non-concurrence n'est en effet licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, tient compte des spécificités de l'emploi du salarié, et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière sérieuse, ces conditions étant cumulatives ; à défaut de limite et/ ou de contrepartie financière, la clause stipulée entre les parties est illicite et le salarié doit être indemnisé du préjudice que le respect de cette clause illicite lui a nécessairement causé ;
La société ICI n'établit pas, ni même n'allègue, que Mme X... ait violé la clause visée au contrat ;
Dans ces conditions, la société ICI doit être condamnée, par voie d'infirmation du jugement déféré, à verser à Mme X..., à titre de dommages-intérêts, la somme correspondant, aux termes du contrat de travail, à la pénalité forfaitaire qui aurait été appliquée à la salariée si elle avait violé ladite clause, soit au montant net du salaire des 12 derniers mois d'activité ;
Celui-ci s'établit à la somme de 39 041, 65 €, Mme X... limitant sa demande à la somme de 36 000 € ;
S'agissant de dommages-intérêts, et non de sommes compensatrices de salaires comme l'aurait été la contrepartie financière à la clause de non-concurrence, il n'y a pas lieu à délivrance par la société ICI d'un bulletin de salaire rectifié, et les conditions de la capitalisation des intérêts, définies par l'article 1154 du code civil, ne sont pas réunies ;
Mme X... doit être déboutée de ses demandes à ces deux titres ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions du jugement afférentes aux frais irrépétibles et celles afférentes aux dépens, sont infirmées, sauf en ce que la société ICI a été déboutée de sa demande au titre des frais irrépetibles ; La société ICI est condamnée à payer à Mme X... la somme de 1000 € pour les frais non compris dans les dépens, et engagés dans la première instance et dans l'instance d'appel ; elle est déboutée de sa propre demande à ce titre ; La société ICI est condamnée aux dépens, de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :- débouté Mme X... de sa demande de 36 000 € à titre de dommages-intérêts pour clause de non-concurrence nulle,- débouté Mme X... de sa demande au titre des frais irrépetibles,- condamné Mme X... aux dépens,

Statuant à nouveau sur ces seuls points, et y ajoutant,

CONDAMNE la société ICI à payer à Mme X... la somme de 36 000 € à titre de dommages-intérêts pour clause de non-concurrence nulle,
DEBOUTE Mme X... de sa demande de remise d'un bulletin de salaire rectifié,
DEBOUTE Mme X... de sa demande de capitalisation d'intérêts,
CONDAMNE en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société ICI à payer à Mme X... la somme de 1000 € au titre des frais non compris dans les dépens et engagés dans la première instance et dans l'instance d'appel,
DEBOUTE la société ICI de sa demande au titre des frais irrépetibles d'appel,
CONDAMNE la société ICI aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02758
Date de la décision : 28/08/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-08-28;10.02758 ?
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