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26/06/2012 | FRANCE | N°11/03130

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 26 juin 2012, 11/03130


COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

ARRÊT N
CLM/SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/03130

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instanceOrdonnance , origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 08 Décembre 2011, enregistrée sous le no 11/01036

ARRÊT DU 26 Juin 2012

APPELANTE :

SARL ALLIANCE PROTECTION SERVICE5 rue Desrues94290 VILLENEUVE LE ROI

représentée par Maître Bertrand OBADIA, avocat au barreau de PARIS
INTIM

E :
Monsieur David X......44830 BOUAYE

représenté par Maître Mathilde LE HENAFF, avocat au barreau de NANTES
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COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

ARRÊT N
CLM/SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/03130

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instanceOrdonnance , origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 08 Décembre 2011, enregistrée sous le no 11/01036

ARRÊT DU 26 Juin 2012

APPELANTE :

SARL ALLIANCE PROTECTION SERVICE5 rue Desrues94290 VILLENEUVE LE ROI

représentée par Maître Bertrand OBADIA, avocat au barreau de PARIS
INTIME :
Monsieur David X......44830 BOUAYE

représenté par Maître Mathilde LE HENAFF, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 24 Avril 2012 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, présidentMadame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseurMadame Anne DUFAU, assesseurqui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT :du 26 Juin 2012, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Alliance Protection Service est spécialisée dans la sécurité privée. Elle fournit des agents de sécurité principalement aux hypermarchés et aux magasins ainsi que des garde du corps aux particuliers.
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er avril 2009, elle a embauché M. David X... en qualité d'agent de sécurité, le lieu de travail étant initialement fixé à l'entrepôt LOGIDIS de Cholet (49), précision étant mentionnée que ce lieu de travail constituait une simple affectation et le salarié prenant l'engagement d'accepter toute affectation dans une région constituée de neuf départements outre le Maine et Loire.
Par courrier recommandé du 20 juillet 2011 , la société Alliance Protection Service a fait connaître à M. X... qu'en raison de l'attitude ouvertement insultante qu'il avait manifestée à l'égard d'un chauffeur de la société LOGIDIS, elle était contrainte de modifier le lieu de son affectation, celui-ci étant fixé sur le site BABOU à Chauray (79) à compter du 1er août 2011.
Par lettre du 27 septembre suivant, M. David X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur motif pris du non-respect des dispositions légales et conventionnelles en matière de durée du travail et de paiement du salaire, de l'absence de visite médicale d'embauche et de l'absence de visite périodique, de l'application d'une clause de mobilité à titre de sanction et non dans l'intérêt de l'entreprise.
Aux termes de ce courrier, M. X... sollicitait la délivrance des documents suivants : une attestation Pôle emploi mentionnant comme motif de rupture du contrat de travail "prise d'acte de la rupture", un certificat de travail, son bulletin de salaire de septembre 2011, un reçu pour solde de tout compte et la copie des cahiers de pointage du site LOGIDIS à Cholet du 1er avril 2009 au 31 août 2011.
Après divers échanges, les 9 et 24 novembre 2011, il a reçu une partie des documents sollicités, à l'exception d'une attestation d'accident de trajet, du paiement des jours de congés payés d'août 2011, et des cahiers de pointage du site LOGIDIS.
Le 7 novembre 2011, M. David X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers tant en référé, pour obtenir la remise de divers documents, qu'au fond. Par ordonnance du 13 décembre 2011, la formation de référé :- a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Alliance Protection Service ;- a donné acte aux parties de leur accord pour fixer le dernier jour de travail au 27 septembre 2011 ;- a débouté M. X... de sa demande en paiement de 9 jours de congés payés; - a condamné la société Alliance Protection Service à Iui remettre les feuilles d'accident de trajet suite "aux événements survenus les 1er et 21 septembre 2011" et à lui payer la somme de 3 000 € de dommages et intérêts, sans préjudice d'une indemnité de procédure de 1 000 €.

Dans le cadre de sa saisine au fond, M. X... demandait au conseil de prud'hommes de juger que la prise d'acte s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de condamner l'employeur à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire et d'indemnités.
La tentative de conciliation réalisée le 1er décembre 2011 s'est soldée par un échec.
Par ordonnance du 8 décembre 2011, le bureau de conciliation a : - ordonné à la société Alliance Protection Service de remettre à M. David X... les cahiers de main courante du site LOGIDIS de Cholet dans les quinze jours de la notification de la décision, sous peine d'une astreinte de 30 € par jour de retard ; - s'est réservé le droit de liquider l'astreinte et a renvoyé l'affaire à l'audience du bureau de jugement du 15 mars 2012.

Les deux parties ont reçu notification de l'ordonnance le 10 décembre 2011. La société Alliance Protection Service en a relevé appel par lettre recommandée du 22 décembre 2011.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 6 avril 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, et de ses explications orales les précisant, la société Alliance Protection Service demande à la cour :- de déclarer son appel recevable ; - de juger que le bureau de conciliation a excédé ses pouvoirs en lui ordonnant de remettre à M. X... les cahiers de main courante du site LOGIDIS de Cholet en ce qu'il s'agit de documents qu'elle ne détient pas, mais qui appartiennent à une personne morale tierce avec laquelle elle n'a aucun lien juridique, sur laquelle elle n'exerce aucun pouvoir et avec laquelle elle n'entretient plus de relations contractuelles, de sorte qu'elle ne peut pas la contraindre à lui remettre les documents requis ; - en conséquence, d'annuler l'ordonnance du bureau de conciliation.

Elle précise que, contrairement à ce que soutient le salarié, elle-même ne tient pas de registre de main courante et elle conteste que la convention collective applicable lui en fasse l'obligation. Elle fait valoir que les documents "APS" remis par M. X... au bureau de conciliation ont été obtenus sur le site Internet d'une autre société APS concurrente, parfaitement distincte d'elle-même, et qu'ils correspondent aux registres de main courante que tient cette société dont la dénomination complète est : "Agence de Prévention et de Sécurité Privée".
Aux termes de ses conclusions enregistrées au greffe le 23 avril 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. David X... demande à la cour :
- de déclarer irrecevable l'appel formé par la société Alliance Protection Service au motif qu'en l'absence d'excès de pouvoirs, l'ordonnance du 8 décembre 2011 ne pouvait être frappée d'appel qu'en même temps que le jugement au fond et de débouter la société Alliance Protection Service de l'ensemble de ses prétentions ; - de la condamner à lui payer la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une indemnité de procédure de même montant ;- de la condamner aux dépens.

L'intimé expose que, désireux de faire valoir ses droits en matière de temps de travail, il souhaite obtenir la production des copies de cahiers de main courante qu'il remplissait quotidiennement sur le site LOGIDIS pour mentionner ses horaires de travail.Il indique, d'une part, que le chef de la sécurité du site LOGIDIS auquel il a demandé la remise de ces documents lui a répondu que la société Alliance Protection Service les avait récupérés, d'autre part, que cette dernière lui en a refusé la communication en arguant qu'il s'agissait de documents "appartenant de droit à notre société". Il estime qu'il est ainsi établi que l'employeur est bien en mesure d'assurer la communication ordonnée.Il oppose que l'appelante ne caractérise pas l'excès de pouvoirs qu'elle invoque et il soutient que la mesure ordonnée entre parfaitement dans les pouvoirs du bureau de conciliation en ce qu'elle consiste tout à la fois en une mesure d'instruction et de conservation des preuves, mesures prévues aux 3o et 4o de l'article R 1454-14 du code du travail.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'appel :
Attendu qu'aux termes de l'article R. 1454-14 du code du travail, "Le bureau de conciliation peut, en dépit de toute exception de procédure et même si le défendeur ne se présente pas, ordonner :1o La délivrance, le cas échéant, sous peine d'astreinte, de certificats de travail, de bulletins de paie et de toute pièce que l'employeur est tenu légalement de délivrer ;2o Lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable :Le versement de provisions sur les salaires et accessoires du salaire ainsi que les commissions ;Le versement de provisions sur les indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement ;Le versement de l'indemnité compensatrice et de l'indemnité spéciale de licenciement en cas d'inaptitude médicale consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle mentionnée à l'article L 1226-14 ;Le versement de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L 1243-8 et de l'indemnité de fin de mission mentionnée à l'article L 1251-32 ;3o Toutes mesures d'instruction, même d'office ;4o Toutes mesures nécessaires à la conservation des preuves ou des objets litigieux." ;

Attendu qu'en vertu de l'article R. 1454-16 du code du travail , les décisions prises en application du texte susvisé sont provisoires, n'ont pas l'autorité de chose jugée au principal, et ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'en même temps que le jugement sur le fond, sous réserve des règles particulières à l'expertise ;
Que, par exception au principe ainsi posé selon lequel l'appel n'est recevable qu'en même temps que le jugement sur le fond, l'appel immédiat contre une ordonnance du bureau de conciliation est possible sur autorisation du premier président en application de l'article 272 du code de procédure civile relatif à l'expertise ou en cas d'excès de pouvoirs du bureau de conciliation, c'est à dire si ce dernier a statué en dehors des limites fixées par l'article R. 1454-14 ; que l'appel diligenté est alors un appel nullité ;
Attendu qu'aux termes des explications qu'elles ont fournies à la cour, les parties s'accordent pour indiquer que, sur le site LOGIDIS de Cholet, il existait bien un document dénommé "cahiers de main courante" sur lequel les agents de sécurité mentionnaient, pour chaque jour de travail, leurs heures de prise de fonctions et de départ ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que ce document sert également à mentionner, avec précision de l'horaire concerné, tous les événements relevés par l'agent de sécurité, notamment, tous les mouvements, dont les entrées de camions, sur le site LOGIDIS ; attendu que M. X... soutient qu'il s'agit d'un usage dans les entreprises de sécurité et que les cahiers de main courante sont tenus par le prestataire de service, et non par le bénéficiaire de la prestation, l'employeur étant ainsi mis à même d'avoir une vision concrète du temps de travail réalisé par ses salariés ; que la société Alliance Protection Service soutient au contraire que, sur le site LOGIDIS de Cholet, ces cahiers de main courante étaient tenus par la société LOGIDIS, filiale du groupe CARREFOUR, elle-même établissant seulement des plannings de travail qu'elle a d'ailleurs communiqués à nouveau à M. X... ;
Attendu que la société Alliance Protection Service ne produit aucun élément de nature à accréditer sa thèse selon laquelle elle aurait, suite à la requête de M. X..., demandé à la société LOGIDIS de lui communiquer ses cahiers de main courante et aurait essuyé de sa part un refus motif pris du caractère confidentiel de ces documents ;
Attendu, en outre, que les éléments suivants, versés aux débats, permettent de considérer que les cahiers de main courante litigieux, qu'ils aient été tenus sur support papier ou sur support informatique, constituaient bien des documents propres à la société Alliance Protection Service :- au courrier du 27 septembre 2011 que lui a adressé M. David X..., au terme duquel il lui demandait de lui adresser sous huitaine "la copie des cahiers de pointage du site LOGIDIS à Cholet du 1er avril 2009 au 31 août 2011 que vous avez récupérés lorsque je vous ai informé que je refusai d'effectuer des heures supplémentaires non déclarées", la société Alliance Protection Service a répondu le 3 octobre suivant : "Quand à vos demandes concernant la remise de tel ou tel document appartenant de droit à notre société elles resteront bien entendu sans réponse de notre part ..." ; - la mention suivante portée au bas de la fiche intitulée "CONSIGNES POSTE DE SURVEILLANCE LCM CHOLET" éditée par la société LOGIDIS : "Pour l'ensemble de ces prestations, un registre ou main courante, est tenu par la société de gardiennage. Dans ce registre sont notés tous les événements constatés sur le site avec l'heure à laquelle ils sont survenus. Les événements en rapport avec la sécurité du site doivent être notés en rouge.Ce registre est visé plusieurs fois par semaine par le responsable sécurité du site." ;- l'attestation établie par M. Ronald A..., livreur pour la société TRANSPLUS, qui déclare avoir constaté, en tant qu'ancien agent de sécurité, que M. David X... avait, au poste de garde, une main courante revêtue du logo ou tampon "Alliance Protection Service" ;- l'attestation de M. Francis B..., conducteur pour les transports Devay, lequel atteste avoir vu, lorsqu'il opérait des livraisons chez LOGIDIS, M. David X... signer un grand cahier noir lors de son arrivée ou de son départ et déclare confirmer l'existence d'un registre de main courante ;

Attendu que l'attestation adverse, établie le 5 avril 2012 par M. Fabrice C..., salarié de l'appelante, et communiquée la veille de l'audience par celle-ci, ne permet pas de combattre utilement les éléments ci-dessus en ce que le témoin se contente de déclarer qu'à sa connaissance, il n'y a jamais eu de main courante écrite au poste de garde de LOGIDIS, mais seulement un outil informatique "pour la gestion des camions" ;
Attendu qu'il résulte de la nature même des documents dont le bureau de conciliation a ordonné la délivrance qu'il a statué en application du 3o de l'article R 1454-14 du code du travail qui lui donne pouvoir d'ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction, ladite mesure pouvant consister en la remise de documents ; et attendu qu'il est suffisamment établi par les éléments sus-visés qu'il s'agit bien de documents dont la société Alliance Protection Service peut assurer la communication ;
Qu'il s'ensuit que la mesure ordonnée par le bureau de conciliation aux termes de l'ordonnance déférée ne caractérise pas, de sa part, un excès de pouvoir ;
Que l'appel relevé par la société Alliance Protection Service doit en conséquence être déclaré irrecevable ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive: Attendu qu'aucun élément objectif ne permet d'établir que le recours formé par la société Alliance Protection Service procéderait d'une intention purement dilatoire ; que l'intimé, qui ne rapporte pas la preuve de ce que l'employeur aurait manifesté un quelconque comportement fautif, et encore moins abusif, que ce soit dans l'usage même du droit de recours, que dans la conduite de la procédure d'appel, sera dès lors débouté de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Sur les dépens et frais irrépétibles :
Attendu, la société Alliance Protection Service succombant en son recours, qu'elle sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. David X... une indemnité de procédure de 1 000 € ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Déclare irrecevable l'appel formé par la société Alliance Protection Service à l'encontre de l'ordonnance rendue par le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes d'Angers le 8 décembre 2011 ;
Condamne la société Alliance Protection Service à payer à M. David X... la somme de 1000 € (mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALL Catherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/03130
Date de la décision : 26/06/2012
Sens de l'arrêt : Déclare la demande ou le recours irrecevable
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-06-26;11.03130 ?
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