La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2012 | FRANCE | N°10/02644

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 26 juin 2012, 10/02644


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 26 Juin 2012
ARRÊT N
CLM/ SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02644

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 11 Octobre 2010, enregistrée sous le no 09/ 01898

APPELANT :
Monsieur Philippe X... ... 49100 ANGERS (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle-55 %- numéro 2011/ 010045 du 02/ 01/ 2012 accordée par le burea

u d'aide juridictionnelle de ANGERS)
présent, assisté de Maître Paul CAO, avocat au barreau...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 26 Juin 2012
ARRÊT N
CLM/ SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02644

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 11 Octobre 2010, enregistrée sous le no 09/ 01898

APPELANT :
Monsieur Philippe X... ... 49100 ANGERS (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle-55 %- numéro 2011/ 010045 du 02/ 01/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)
présent, assisté de Maître Paul CAO, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :
LA STE ZIEGLER FRANCE VIENT AUX DROITS de la Société ROCHAIS BONNET Avenue Konrad Adenauer cit 59435 RONCQ
représentée par Maître MAGNAVAL, avocat substituant Maître Thierry MONOD, avocat au barreau de LYON-No du dossier 1070141 02 Janvier 2012

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 24 Avril 2012 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur Madame Anne DUFAU, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT : du 26 Juin 2012, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant jugement du 2 avril 1997, le tribunal de commerce de Nantes a adopté le plan de redressement judiciaire de la société Drouin Transports, par voie de cession partielle de ses actifs au profit du groupe Ziegler.

Dans le cadre de cette cession, et par application des dispositions de l'article L 122-12 ancien du code du travail alors applicable, le contrat de travail à durée indéterminée précédemment conclu entre M. Philippe X... et la société Drouin Transports s'est poursuivi de plein droit avec la société Rochais-Bonnet, filiale du groupe Ziegler, laquelle développait une activité de transport de marchandises par le biais d'agences réparties sur le territoire national.
Par acte du 30 juin 1997 ayant pour objet de rappeler et préciser les obligations respectives des parties, il a été convenu que la société Rochais-Bonnet " engageait " M. Philippe X... à compter du 4 avril 1997 en qualité de manutentionnaire-ouvrier sédentaire, avec reprise de son ancienneté acquise au sein de la société Drouin Transports depuis le 17 mars 1992. M. X... était affecté à l'établissement de Saint-Barthélémy d'Anjou.
Le 21 octobre 2004, M. Philippe X... a été élu membre titulaire du comité d'entreprise sur la liste présentée par le syndicat CGT et délégué du personnel suppléant.
Par courrier du 2 octobre 2006, la société Rochais-Bonnet a convoqué M. Philippe X... à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement économique, pour le 10 octobre suivant.
Par lettre du 3 octobre 2006, l'employeur a informé M. X... de ce qu'il sollicitait l'avis du comité d'entreprise lors de sa réunion fixée au 10 octobre suivant et il l'invitait à se présenter à cette date devant le comité d'entreprise afin qu'il puisse procéder à son audition.
Sur demande de l'employeur du 11 octobre 2006, reçue le 13 octobre suivant, par décision du 26 octobre 2006, l'inspectrice du travail des transports a autorisé le licenciement de M. Philippe X.... Celui-ci s'est vu notifier son licenciement pour motif économique par lettre du 27 octobre 2006.
Le 29 décembre 2006, M. X... a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une requête en annulation de la décision de l'inspectrice du travail des transports du 26 octobre précédent.
Le 7 février 2007, M. Philippe X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers à fin de voir prononcer la nullité de son licenciement et d'obtenir le paiement, outre de rappels de salaire, d'un reliquat d'indemnité de licenciement.
Par décision du 23 février 2007, l'inspectrice du travail des transports a retiré la décision attaquée et pris une nouvelle décision identique sur le fond mais différente en la forme.

Par jugement du 10 avril 2008, le tribunal administratif de Nantes a :- dit n'y avoir lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision de l'inspectrice du travail des transports du 26 octobre 2006 ;- annulé la décision de l'inspectrice du travail des transports du 23 février 2007- condamné la société Rochais Bonnet à payer à M. Philippe X... la somme de 1 200 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté sa propre demande formée de ce chef.
Par arrêt du 5 février 2009, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de la société Ziegler France, venant aux droits de la société Rochais-Bonnet, en annulation du jugement du tribunal administratif du 10 avril 2008 et l'a condamnée à payer au conseil de M. Philippe X... la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Ces recours administratifs ayant été vidés, par jugement du 11 octobre 2010 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes d'Angers a débouté M. Philippe X... tant de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice matériel subi entre la notification de la rupture du contrat de travail et la date à laquelle la décision d'annulation de l'autorisation administrative de licenciement est devenue définitive, que de sa demande d'indemnité pour licenciement nul, en tout cas dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le conseil a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile et laissé à chaque partie la charge de ses dépens.
M. X... et l'employeur ont reçu notification de cette décision respectivement le 16 et le 18 octobre 2010 ; le premier en a relevé appel par déclaration formée au greffe le 22 octobre suivant.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 20 décembre 2011, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. Philippe X... demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner la société Ziegler France à lui payer les sommes suivantes :
-12 000 € de dommages et intérêts pour l'indemnisation du préjudice, tant matériel que moral, subi entre la notification de la rupture du contrat de travail et la date à laquelle l'annulation de l'autorisation de licenciement est devenue définitive ;-20 000 € de dommages et intérêts pour licenciement nul, à tout le moins, dépourvu de cause réelle et sérieuse ;-5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sans préjudice des entiers dépens.
M. X... sollicite en outre la capitalisation des intérêts.
L'appelant soutient tout d'abord qu'en application de l'article L. 2422-4 du code du travail, il est en droit de solliciter une indemnité représentant le montant de la perte de salaire qu'il a subie entre le 1er novembre 2006, date de son licenciement, et le 5 avril 2009, soit deux mois après la date de l'arrêt de la cour administrative d'appel, perte qui s'établit à la somme de 7 078, 88 €, à laquelle doit s'ajouter l'indemnité propre à réparer le préjudice moral qu'il a subi, d'où une demande portée à 12 000 €. M. X... conteste les propos de l'employeur selon lesquels il aurait suggéré à l'inspecteur du travail d'autoriser son licenciement au plus vite afin de lui permettre d'intégrer son nouvel emploi.
En second lieu, il s'estime fondé à réclamer une indemnité pour licenciement nul, à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il fait valoir que, dès lors que le juge administratif a définitivement jugé que l'employeur avait violé l'obligation de reclassement qui s'imposait à lui, et donc annulé l'autorisation de licenciement, notamment pour un motif de fond, les premiers juges ne pouvaient pas, comme ils l'ont fait, considérer son licenciement bien fondé.
Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 19 avril 2012, soutenues oralement à l'audience devant la cour, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société Ziegler France demande à la cour :- de débouter M. X... de son appel et de l'ensemble de ses prétentions ; de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;- subsidiairement, de ramener les prétentions formulées à de plus justes proportions ;- de condamner M. Philippe X... à lui payer la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l'instance.
L'intimée rétorque tout d'abord que, le jugement du tribunal administratif étant exécutoire par provision, la période à prendre en considération pour apprécier l'étendue du préjudice du salarié est celle qui s'est écoulée du 27 décembre 2006, date d'effet du licenciement, au 10 avril 2008, date du jugement, à l'exclusion de celle qui a couru jusqu'à l'arrêt de la cour administrative d'appel. Pour conclure au débouté, elle oppose que l'appelant, qui n'a subi aucune perte de salaire au cours de cette période, ne justifie d'aucun préjudice matériel. Soutenant en outre qu'il avait retrouvé du travail au sein de l'entreprise Graveleau et que, pour cette raison, il a insisté auprès de l'inspecteur du travail pour que l'autorisation administrative de licenciement soit délivrée au plus vite, elle conteste le préjudice moral allégué.
En second lieu, elle argue de ce que, compte tenu des circonstances très particulières expliquant l'irrégularité et tenant à l'impatience du salarié de voir délivrer l'autorisation administrative de licenciement, l'annulation de cette décision ne suffit pas à priver cette mesure de tout fondement et à rendre la rupture dépourvue de cause réelle et sérieuse.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande d'indemnité pour annulation de l'autorisation administrative de licenciement :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 2422-4 du code du travail, " Lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration. Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire. " ;
Attendu que l'indemnité prévue par ce texte doit être calculée sur la base du salaire net, dès lors que, constituant un complément de salaire aux termes de l'article L 2422-4, son paiement doit s'accompagner du versement des cotisations afférentes ; que son montant doit en outre être apprécié en tenant compte des sommes que le salarié a pu percevoir pendant la période litigieuse au titre d'une activité professionnelle ou des allocations de chômage ;
Attendu, M. Philippe X... n'ayant pas sollicité sa réintégration, qu'il a droit, en raison de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement le concernant, à une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi depuis son licenciement jusqu'à l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de la décision d'annulation emportant droit à réintégration ;
Attendu qu'à défaut de sursis à exécution ordonné dans le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 avril 2008, c'est bien cette décision, et non l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 5 février 2009, qui ouvrait droit pour M. Philippe X... à réintégration ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que le jugement du tribunal administratif a été notifié le 7 mai 2008 ; que la période d'indemnisation à laquelle peut prétendre l'appelant s'étend donc du 27 octobre 2006, date de notification du licenciement au 7 juillet 2008 inclus, date d'expiration du délai de deux mois pour solliciter la réintégration ;
Attendu que M. X... a retrouvé du travail au sein des sociétés Graveleau et Décorative Ouest et a, dans un premier temps, cumulé ces emplois que, comme il le reconnaît lui-même, il résulte des pièces versées aux débats qu'il n'a subi aucune perte de rémunération du 27 octobre 2006 au 31 décembre 2007 ;
Attendu que le montant total de la rémunération nette qu'il a perçue au sein de la société Décorative Ouest du 1er janvier au 7 juillet 2008 s'établit à la somme de 6 814, 50 € à laquelle il convient d'ajouter celle de 1 420, 51 € représentant l'allocation de retour à l'emploi qu'il a perçue du 5 mai au 3 juillet 2008, soit un montant total de 8 235, 01 € ; qu'il ressort des pièces versées aux débats qu'au sein de la société Rochais-Bonnet, il aurait perçu pour la durée considérée une rémunération nette d'un montant global de 10 499, 82 €, d'où un perte de rémunération d'un montant de 2 264, 81 € ;
Attendu que, s'il résulte des pièces versées aux débats que M. Philippe X... a, ensuite de son licenciement notifié le 27 octobre 2006, été embauché en contrat de travail à durée déterminée au sein de l'entreprise Graveleau à compter du 31 octobre 2006, puis en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 26 janvier 2007, et qu'il a été dispensé de son obligation de fournir sa prestation de travail au sein de la société Rochais-Bonnet à compter du 18 octobre 2006, aucun élément objectif ne permet d'accréditer la thèse de l'intimée selon laquelle il serait intervenu auprès de l'inspection du travail " afin qu'aucune diligence particulière ne soit mise en oeuvre " et aurait insisté pour obtenir au plus vite l'autorisation administrative de licenciement ;
Attendu qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, la cour trouve dans la cause les éléments nécessaires pour évaluer à 3 000 € le montant de l'indemnité que, par voie d'infirmation du jugement entrepris, la société Ziegler France sera condamnée à payer à M. Philippe X... en application de l'article L. 2422-4 du code du travail ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse :
Attendu qu'à la différence du licenciement opéré sans autorisation administrative, en cas d'annulation de cette autorisation, le licenciement n'était pas illicite lorsqu'il a été prononcé ; qu'en outre, cette annulation n'a pas pour effet de priver, ipso facto, le licenciement de cause réelle et sérieuse ;
Qu'il s'ensuit que le salarié protégé, licencié en vertu d'une autorisation administrative ultérieurement annulée peut, lorsqu'il n'est pas réintégré dans son emploi, prétendre, en plus de l'indemnité prévue par l'article L. 2422-4 du code du travail, au paiement des indemnités de rupture sous réserve qu'il remplisse les conditions nécessaires, ainsi qu'à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse s'il est établi que son licenciement était, au moment où il a été prononcé, dépourvu de cause réelle et sérieuse, et sous réserve que les motifs d'annulation retenus par la juridiction administrative ne s'opposent pas à une appréciation différente quant à la légitimité du licenciement ;
Attendu que, même justifié par une cause économique avérée, le licenciement d'un salarié ne peut être légitimement prononcé que si l'employeur a préalablement satisfait à son obligation générale de reclassement, dont le périmètre s'étend au-delà de l'entreprise à toutes les sociétés du groupe auquel elle appartient, même situées à l'étranger (sauf à ce que la législation locale s'oppose à l'engagement de salariés étrangers), dont l'activité, la localisation et l'organisation permettent la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'il appartient à l'employeur de justifier par des éléments objectifs des recherches entreprises, éventuellement étendues aux sociétés du groupe, et de l'impossibilité de reclassement à laquelle il s'est trouvé confronté ; Que l'employeur est ainsi tenu à l'égard de chaque salarié dont le licenciement est envisagé d'une obligation individuelle et personnalisée de reclassement qui lui impose de rechercher, en considération de la situation particulière de l'intéressé, toutes les possibilités de reclassement envisageables au sein de l'entreprise ou du groupe, et qu'il lui appartient de justifier, par des éléments objectifs, des recherches qu'il a conduites à cette fin et de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de procéder au reclassement du salarié dans un emploi équivalent, de même catégorie, voire de catégorie inférieure ;
Attendu qu'en l'espèce, il a été définitivement jugé par la juridiction administrative, tant en première instance qu'en cause d'appel, que la société Rochais-Bonnet avait failli à son obligation de reclassement à l'égard de M. Philippe X... faute de lui avoir présenté des propositions personnalisées d'emplois et d'avoir procédé à un examen spécifique des possibilités de reclassement le concernant ; que les juges administratifs ont donc retenu que l'inspecteur du travail des transports avait commis une erreur de droit en considérant que l'employeur avait satisfait à l'obligation de reclassement qui lui incombait à l'égard du salarié et c'est pour ce motif pris de l'erreur de droit qu'ils ont annulé la décision d'autorisation administrative de licenciement prise le 23 février 2007 ;
Attendu que cette décision définitive du juge administratif se prononçant sur l'obligation de reclassement, soit sur un moyen de fond, s'oppose à ce que le juge judiciaire apprécie différemment les mêmes éléments produits par l'employeur à l'appui des recherches de reclassement dont il se prévaut ;
Qu'en tout état de cause, la société Ziegler France ne justifie d'aucune recherche sérieuse, loyale et individualisée de reclassement à l'égard de M. Philippe X... en ce que, dans le cadre de la présente instance, elle se contente de produire une liste d'emplois récapitulés sur un document intitulé " Bourse emploi " " annexe plan de sauvegarde de l'emploi du 25/ 09/ 2006- propositions de reclassement du 27/ 09/ 2006 " (sa pièce no 6) et un courrier adressé à M. X... le 6 octobre 2006 (sa pièce no 4), faisant suite à une lettre du 27 septembre 2006 et lui demandant sa position sur les différentes propositions de reclassement susceptibles de lui convenir ; attendu que l'intimée ne produit pas, dans le cadre de la présente instance, ce courrier du 27 septembre 2006 dont le juge administratif a dit qu'il ne répondait pas aux exigences de recherches de reclassement individualisées imposées à l'employeur en ce qu'il consistait seulement à tenir M. X... informé des emplois disponibles au sein de ses autres établissements et des sociétés du groupe, et ce, en lui livrant en annexe la liste " Bourse emploi " incluant nombre d'emplois ne correspondant pas à ses qualifications ;
Attendu que le manquement ainsi caractérisé de l'employeur à son obligation de reclassement rend, à lui seul, le licenciement de M. Philippe X... dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Attendu, M. Philippe X... bénéficiant, au moment de son licenciement, d'une ancienneté de plus de deux ans (en l'occurrence, 14 ans et 7, 5 mois) dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, que trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail lui ouvrant à une indemnité d'un montant au moins égal à celui des salaires des six derniers mois, lesquels s'établissent à la somme de 12 473, 12 € ;
Attendu que M. X... était âgé de 43 ans au moment de son licenciement ; que, s'il a retrouvé rapidement un emploi un CDD et a pu, pendant un an, maintenir le niveau de rémunération dont il bénéficiait au sein de la société Rochais-Bonnet en cumulant deux emplois, il a connu ensuite une baisse de salaire non négligeable ; qu'en considération de ces éléments, de son ancienneté au moment de la rupture, de sa capacité à retrouver un emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour condamner, par voie d'infirmation du jugement déféré, la société Ziegler France à lui payer une indemnité de 18 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme à caractère indemnitaire portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 1235-4 du code du travail dans la mesure où il apparaît que M. Philippe X... n'a pas bénéficié d'indemnités de chômage ensuite du licenciement litigieux ;

Sur la demande de capitalisation des intérêts :
Attendu qu'aux termes de la saisine du conseil de prud'hommes intervenue le 7 février 2007, M. Philippe X... sollicitait seulement des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 122-14-4 ancien du code du travail, devenu l'article L. 1235-3 du même code ;
Que la demande en paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 2422-4 du code du travail a été formée pour la première fois devant le conseil de prud'hommes lors de l'audience de plaidoirie du 5 juillet 2010 ;
Attendu, l'indemnité allouée de ce chef à M. Philippe X... ayant la nature d'un complément de salaire, qu'elle porte intérêts au taux légal à compter de la demande, soit en conséquence à compter du 5 juillet 2010 ;
Attendu, les conditions de l'article 1154 du code civil étant remplies, qu'il convient de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts, le point de départ des intérêts capitalisés devant être fixé au 24 avril 2012, date de l'audience devant la cour lors de laquelle la demande de capitalisation a été formée pour la première fois ;
Sur les dépens et frais irrépétibles :
Attendu, M. Philippe X... prospérant en son recours, que, par voie d'infirmation du jugement déféré, la société Ziegler France sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, et à payer à l'appelant une indemnité de procédure de 1 500 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, tandis qu'elle conservera la charge de l'ensemble des frais qu'elle a pu exposer de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Rochais-Bonnet, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Ziegler France, de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement déféré,
Déclare le licenciement de M. Philippe X... dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Ziegler France à lui payer les sommes suivantes :
-3. 000 € (trois mille euros) en application de l'article L. 2422-4 du code du travail et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2010 ;-18. 000 € (dix-huit mille euros) pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;-1. 500 € (mille cinq cents euros) au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Dit n'y avoir à application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail ;
Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil et fixe le point de départ des intérêts capitalisés au 24 avril 2012 ;
Déboute la société Ziegler France de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02644
Date de la décision : 26/06/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-06-26;10.02644 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award