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19/06/2012 | FRANCE | N°11/00472

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 19 juin 2012, 11/00472


COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

ARRÊT N BAP/SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/00472.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 02 Février 2011, enregistrée sous le no 10/00345

ARRÊT DU 19 Juin 2012

APPELANTE :

Madame Corinne X......72600 MAMERS(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle (85 %)numéro 11/002667 du 23/06/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

représentée par maître Philippe RETAILLE, avocat substit

uant Maître Florence GALLOT, avocat au barreau d'ALENCON
INTIMEE :
SARL EMERAUDE VOYAGES MAUGER28 rue Cout...

COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

ARRÊT N BAP/SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/00472.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 02 Février 2011, enregistrée sous le no 10/00345

ARRÊT DU 19 Juin 2012

APPELANTE :

Madame Corinne X......72600 MAMERS(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle (85 %)numéro 11/002667 du 23/06/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

représentée par maître Philippe RETAILLE, avocat substituant Maître Florence GALLOT, avocat au barreau d'ALENCON
INTIMEE :
SARL EMERAUDE VOYAGES MAUGER28 rue Couthardy72000 LE MANS

numéro d'inscription au RCS du Mans : 452 214 695
représentée par maître PALICOT, avocat substituant maître COHEN MORVAN et Maître Anaîck EON ADAM, avocat au barreau de RENNES (société d'avocats CARCREFF)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL , présidentMadame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame TIJOU, adjoint administratif faisant fonction de greffier

ARRÊT :prononcé le 19 Juin 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL , président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE

Mme Corinne D... (X...) a été engagée par la société Emeraude voyages Mauger en qualité d'agent de comptoir vendeur selon contrat de travail à durée déterminée couvrant la période du 26 décembre 2007 au 13 septembre 2008.Les parties ont signé le 8 septembre 2008 un contrat de travail à durée indéterminée, à effet au 15 septembre 2008, selon lequel la relation de travail s'est poursuivie avec Mme D... (X...) en tant qu'agent de comptoir, niveau 2, numéro d'emploi 121, de la convention collective des agents de voyage, contre une rémunération brute mensuelle de 1 335 euros.Suivant avenant en date du 27 octobre 2008, Mme X... a été reclassée en qualité de conseiller voyages, groupe A, sa rémunération brute mensuelle étant portée à 1348 euros.

Mme X... a été mise en demeure, par courrier recommandé avec accusé de réception de son employeur du 1er avril 2010, d'avoir à reprendre son poste, duquel elle était absente depuis le 31 mars 2010 à 14 heures, ce dans un délai de quarante-huit heures.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 avril 2010, elle a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un licenciement.
L'entretien préalable s'est tenu le 14 avril 2010.
Elle a été licenciée pour faute grave, par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 avril 2010.
Elle a saisi le conseil de prud'hommes du Mans le 9 juin 2010 aux fins que, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :- il soit dit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,- la société Emeraude voyages Mauger soit condamnée à lui versero 882,46 euros de rappel de salaire et 88,24 euros de congés payés afférents,o 3 086,37 euros de préavis et 308,86 euros de congés payés afférents,o 831,61 euros d'indemnité de licenciement,avec "intérêts de droit", quant à ces sommes, au jour de la demande, o 18 518 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec "intérêts de droit" du jour de la décision,o 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes par jugement du 2 février 2011, auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, a débouté Mme X... de l'ensemble de ses demandes, aux motifs que le licenciement repose sur des motifs réels et sérieux, que la faute grave est justifiée, a également débouté la société Emeraude voyages Mauger de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et a condamné Mme X... aux entiers dépens.
Cette décision a été notifiée à Mme X... le 5 février 2011 et à la société Emeraude voyages Mauger le 4 février 2011.Mme X... en a formé régulièrement appel, par courrier recommandé avec accusé de réception posté le 16 février 2011.

L'aide juridictionnelle à hauteur de 85% lui a été accordée, par décision en date du 23 juin 2011.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 15 mars 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, Mme Corinne X... sollicite l'infirmation du jugement déféré et que :- il soit dit et jugé que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,- la société Emeraude voyages Mauger soit condamnée à lui versero 882,46 euros de rappel de salaire et 88,24 euros de congés payés afférents,o 3 086,37 euros de préavis et 308,86 euros de congés payés afférents,o 746,01 euros d'indemnité de licenciement,avec "intérêts de droit", quant à ces sommes, au jour de la demande, o 18 518 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec "intérêts de droit" du jour de la décision,outre, 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et, qu'elle supporte les entiers dépens.

Elle fait valoir que :- l'origine de la rupture résulte dans les difficultés qu'elle a rencontrées dans l'exercice de son activité professionnelle, vis à vis desquelles son employeur, bien que dûment averti, est demeuré sans réaction,- il était, dans ces conditions, convenu d'une rupture conventionnelle de contrat, ce qui n'implique pas pour autant qu'elle était prête à abandonner son poste comme il est prétendu, - son employeur va estimer moins coûteuse et tout aussi rapide une procédure de licenciement pour faute grave, qu'il va monter de toutes pièces, ce qui légitime à soi seul que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse,- l'employeur ne peut se prévaloir d'éléments postérieurs au 31 mars 2010, date à laquelle la rupture du contrat de travail a été définitivement consommée,- en tout état de causeo l'abandon de poste n'existe pas, puisque c'est l'employeur qui lui a intimé l'ordre de partir et de ne plus revenir,o contrairement à ce que vient affirmer l'employeur dans la lettre de licenciement, il n'y a eu aucune désorganisation de l'entreprise ce qui, à tout le moins, fait que la faute grave n'est pas caractérisée,- ne pourront pas être retenus, la lettre de licenciement fixant les limites du litigeo les avertissements dont l'employeur se prévaut dans ses écritures,o les griefs que tente désormais de faire accroire l'employeur quant au comportement qui aurait été le sien envers les clients.

* * * *
Par conclusions déposées le 15 mars 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la société Emeraude voyages Mauger sollicite la confirmation du jugement déféré et que Mme Corinne X... soit déboutée de l'intégralité de ses demandes, de même que condamnée à lui payer 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle réplique que :- à titre préliminaire, Mme X... doit être déboutée, puisque ses conclusions ne répondent pas aux prescriptions de l'article 954 du code de procédure civile en ce qu'elles ne sont pas motivées en droit,- à défaut, o Mme X... avait résolu de quitter l'entreprise pour des raisons qui lui sont toutes personnelles, ne souhaitant pas toutefois démissionner,o il avait été envisagé une possible rupture conventionnelle, mais l'entreprise voulait préalablement pourvoir à son remplacement,o de toute évidence "mécontente" que les choses n'aillent pas assez vite, Mme X... va alors user de divers stratagèmes afin de parvenir à ses fins, face auxquels ~ d'une part, elle s'est vue dans l'obligation de réagir,~ d'autre part, elle s'inscrit en faux,- préférant dès lors ne plus conclure de rupture conventionnelle, ce qu'elle lui faisait savoir et qui est son droit, Mme X... a finalement abandonné son poste le 31 mars 2010, alors qu'elle avait déjà été l'objet de deux avertissements pour des motifs identiques les 8 et 19 janvier 2010,- cet abandon de poste n'a été suivi d'aucune contestation de sa part, ce qui est parfaitement contradictoire avec la thèse qu'elle développe, et ce malgré la mise en demeure qui lui a été délivrée le 1er avril 2010 et la convocation à un entretien préalable en vue d'un licenciement, pas plus le licenciement n'a entraîné de réaction, - elle a dû pourvoir à son remplacement à son poste dans l'urgence, modifiant pour ce faire le planning de ses employées d'une autre agence.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'article 954 du code de procédure civile
L'article 954 du code de procédure civile dispose en son premier alinéa :"Les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées...".

Il est à noter que, si cet article 954 fait obligation à l'appelant de formuler expressément les moyens de fait et de droit sur lesquels ses prétentions sont fondées, le non-respect de cette obligation n'est assorti d'aucune sanction.
Outre que le moyen est inopérant en ce que la procédure est orale et que Mme X... a bien développé oralement devant la cour ses prétentions et moyens, il est inexact de soutenir que ses écritures ne répondraient pas aux exigences du texte susvisé dans la mesure où, d'une part, l'appelante y a bien cité les articles du code du travail à l'appui de ses divers développements, et où, d'autre part, la rédaction de ses conclusions ne peut laisser subsister aucune incertitude sur les prétentions qui y sont exposées, comme sur les moyens de fait ou de droit soulevés au soutien.
Il n'y aura donc pas lieu d'accueillir la demande ainsi formulée par la société Emeraude voyages Mauger et, les moyens présentés par Mme X... dans le cadre de son appel seront examinés.

Sur le licenciement verbal

Mme Corinne X... expose avoir été l'objet d'un licenciement verbal de la société Emeraude voyages Mauger le 31 mars 2010, en ce que M. E..., le comptable de l'entreprise, lui a demandé "de quitter son poste et de lui remettre les clés de l'agence" ; que s'étant "inquiétée auprès de l'inspection du travail", elle se présentera à son poste à 14 heures et, M. E... lui "intimera l'ordre de s'en aller, la menaçant d'appeler les services de police". Elle précise que, tout cela s'inscrit dans une construction de son employeur, qui lui a fait croire que seule l'acquisition d'une faute grave à son encontre permettrait l'issue qu'elle désirait de voir mettre un terme rapidement à son contrat de travail.Elle verse, au soutien, deux attestations de commerçants installés dans la même galerie marchande que l'agence de voyages dans laquelle elle travaillait, ainsi qu'un mail de M. Legendre du 31 mars 2010 à 14 heures 23 aux autres personnels de la société.

La société Emeraude voyages Mauger se défend d'avoir adopté les attitudes qui lui sont prêtées et, indique que, tout au contraire, c'est Mme X... qui, ce jour-là, a quitté l'agence pour ne plus y revenir.
La rupture d'un contrat de travail se situe à la date à laquelle l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin. Dès lors qu'un employeur notifie verbalement à son salarié son souhait de ne plus poursuivre la relation de travail, en dehors donc de toute procédure légale obligatoire, le licenciement qui en résulte est, nécessairement, sans cause réelle et sérieuse.Il appartient au salarié, d'autant plus lorsque celui-ci a été l'objet d'une procédure qui a abouti à son licenciement, d'établir la réalité du licenciement verbal qu'il invoque, les éléments de fait et de preuve qui sont soumis relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond.

Si Mme F... écrit, "Le 31 mars à 12h05, Corinne X..., ..., s'est présentée sur mon lieu de travail, ..., pour m'informer qu'on venait de lui demander de remettre ses clefs de son travail et de quitter son poste sur le champ. Un homme de sa hiérarchie a assuré la permanence de l'agence. Lorsque j'ai fermé la charcuterie à 12h30, ce Monsieur était toujours dans l'agence", elle ne fait là que rapporter les propos que lui a tenus Mme X.... Cette attestation, purement référendaire, est en conséquence dépourvue de valeur probante quant à la réalité du licenciement verbal allégué.
Si M. G... écrit, "Le 31 mars 2010 à 14H00, Corinne X...,..., s'est présentée à son poste pour prendre ses fonctions, mais un homme de sa hiérarchie, qui était déjà présent à l'agence, a refusé. Elle est repartie de son lieu de travail à 14H20, cet homme lui ayant refusé l'accès et interdit de revenir", l'absence de toutes explications quant à la manière dont il est entré en possession des dites informations, sachant que ce monsieur n'est pas un collègue de travail de Mme X..., mais ainsi qu'il l'indique lui-même le responsable d'une autre boutique, dont on ignore de plus l'emplacement par rapport à l'agence de voyages, ne permet pas d'accorder une valeur probante à son attestation quant à la réalité du licenciement verbal allégué.
Et que M. E... envoie le 31 mars 2010, à 14 heures 23, un courrier électronique aux personnels de la société, libellé en ces termes "...Je vous informe du départ de Corinne X... ce jour de l'agence de Mamers...", confirme simplement le fait, acquis aux débats, que Mme X... est effectivement partie de l'agence de voyages, ce jour et à cette heure là, sans que puisse être conclu que ce départ a été volontaire comme l'indique la société Emeraude voyages Mauger, ou qui'il fait suite à un licenciement verbal de son employeur comme l'affirme Mme X.... Au surplus, ce mail était d'autant plus compréhensible qu'il tendait à organiser le remplacement de Mme X... ("dans un premier temps, l'agence sera tenue par Marie").
Mme X..., échouant à faire la preuve du licenciement verbal dont elle se prévaut, l'on en passera à la lettre de licenciement que lui a adressée la société Emeraude voyages Mauger.
Sur le licenciement
Conformément à l'article L.1235-1 du code du travail, le juge devant lequel un licenciement est contesté doit apprécier tant la régularité de la procédure suivie que le caractère réel et sérieux des motifs énoncés dans le courrier qui notifie la mesure.
Les termes de cette missive fixant les limites du litige, celle-ci sera reprise ci-après : "Suite à l'entretien que nous avons eu le 14 Avril 2010, et en dépit de vos explications, nous sommes au regret de vous informer que nous avons pris la décision de vous licencier pour faute grave, suite à votre abandon de poste depuis le 31 Mars 2010.Malgré deux courriers recommandés en date du 01 Avril et 07 Avril 2010 vous demandant de reprendre votre poste, vous n'avez jamais jugé utile d'y répondre, manifestant un total désintérêt pour notre société. Lors de l'entretien préalable, vous n'avez pas davantage apporté d'explications valables à votre comportement.De plus, votre abandon de poste a profondément désorganisé l'entreprise ; votre départ soudain a provoqué un dysfonctionnement dans le planning nous contraignant à fermer l'agence, deux jours, soit le temps de réorganiser le planning.Nous considérons que votre attitude constitue une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise.Votre licenciement est donc immédiat ...".

Mme Corinne X... a, de fait, été licenciée par la société Emeraude voyages Mauger pour abandon de poste depuis le 31 mars 2010, persistant malgré la mise en demeure qui lui a été faite d'avoir à le reprendre.Dès lors qu'il n'y est pas fait référence dans la lettre de licenciement, il n'y a pas lieu d'entrer dans le débat relatif aux comportements de Mme X..., aussi bien envers ses collègues de travail qu'envers la clientèle de l'agence, que l'employeur tente d'introduire dans le débat par le biais de la production de diverses pièces.Il n'y a pas plus lieu de s'attarder sur les avertissements qui avaient pu être infligés à Mme X... précédemment à son licenciement, en ce qu'ils n'ont pas été rappelés par l'employeur comme venant au soutien de la faute grave retenue.

La faute du salarié, qui peut donner lieu à sanction disciplinaire de l'employeur, ne peut résulter que d'un fait avéré, acte positif ou abstention, mais alors dans ce dernier cas de nature volontaire, fait qui est imputable au dit salarié et constituant de sa part une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.
Outre ces caractéristiques, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et, il incombe à l'employeur de l'établir.
Mme X..., dès lors que sa demande afin de voir reconnaître un licenciement verbal à son encontre le 31 mars 2010 a été rejetée, ne peut nier qu'elle a quitté son poste de travail ce jour-là.Il est tout aussi incontestable que, bien que mise en demeure par la société Emeraude voyages Mauger d'avoir à regagner son poste sous quarante-huit heures par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er avril 2010, elle n'en a rien fait et est restée taisante vis-à-vis de son employeur. Elle n'a eu, non plus, aucune réaction à la réception du courrier recommandé avec accusé de réception la convoquant à un entretien préalable en vue d'un licenciement au vu justement de cet abandon de poste persistant.

Mme X... entend dire (cf développements supra) que son départ, puis son silence, ne sont dûs qu'au "montage" de son employeur ; celui-ci savait son désir de mettre fin à son contrat de travail et, il lui a fait croire qu'en agissant de la sorte, l'un comme l'autre, elle obtiendrait la rupture rapide qu'elle souhaitait.Cet argument n'est pas recevable, alors que Mme X... a indiqué elle-même que, M. E... l'ayant "mise à la porte" au prétexte que c'était la solution pour mettre fin au contrat de travail, elle s'était renseignée auprès de l'inspection du travail et que les explications que lui avait données cette administration l'avaient conduite à se représenter sur son lieu de travail. M. E..., réitérant selon elle la même attitude et les mêmes propos, il est incompréhensible qu'ayant selon ses dires de nouveau quitté les lieux, elle ne se soit pas à nouveau rapprochée de l'inspection du travail, si ce n'est le jour même, au moins lorsqu'elle a reçu la mise en demeure, et encore bien plus à l'engagement de la procédure de licenciement.

Mme X..., sinon, fait valoir qu'aucune faute, et encore moins une faute grave, ne peut lui être reprochée, alors que sa demande de quitter l'entreprise fait suite au manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat à son égard, et alors qu'elle l'a à plusieurs reprises averti des difficultés rencontrées, sans succès, et d'autant que son état de santé s'en ressentait désormais, ayant été arrêtée par son médecin qui lui a prescrit un antidépresseur du 2 au 5 février 2010, puis du 15 au 28 mars 2010.
La société Emeraude voyages Mauger ne dénie pas que Mme X... ait pu porter à sa connaissance les difficultés dont s'agit, en ce que la galerie marchande était fréquentée par "des jeunes" pouvant y causer des perturbations ; elle conteste, en revanche, que ces difficultés aient pu affecter la sécurité des employés, aussi qu'elle soit restée sans réaction face aux problèmes ainsi dénoncés, encore que ce soit la véritable raison du départ de Mme X..., qui ne faisait aucunement état de craintes personnelles comme elle vient le dire aujourd'hui, mais s'est saisie de ces problèmes car elle désirait, pour des raisons personnelles, voir son contrat de travail rompu au moins avant juin 2010, enfin qu'alors qu'il était question de rupture conventionnelle, dont déjà le processus n'allait pas assez vite pour Mme X..., le fait qu'elle ait fini par refuser de souscrire à cette rupture conventionnelle, a conduit Mme X... à se saisir de ces événements pour justifier de la rupture.
La situation d'insécurité à laquelle étaient confrontés les commerçants travaillant dans la galerie marchande, dont Mme X... qui était seule au sein de l'agence de voyages, ne peut être sérieusement niée. Le maire de la ville de Mamers, suite à la pétition établie le 11 juin 2009 par les dits commerçants, dans un courrier du 6 juillet 2009, tout en indiquant avoir demandé à la police municipale d'y effectuer des passages, renvoyait ces commerçants à "assurer collectivement le respect des lieux". Encore, le 8 mars 2010, il s'avérait nécessaire de procéder à un remplacement de la porte de cette galerie "suite à un acte de vandalisme" (devis).
Face à cela, Mme X... a sollicité une réaction et des mesures de la part de son employeur, par mail du 10 juin 2009, puis par lettres tout aussi circonstanciées des 6 janvier et 2 mars 2010.
La société Emeraude voyages Mauger, afin de démontrer qu'elle a pris les mesures nécessaires, verse les courriers électroniques et manuscrit ainsi que les attestations suivants :- mail le 10 juin 2009 de M. H..., le dirigeant de l'entreprise, en réponse à celui de Mme X..., "Je demande à Josette de faire un courrier au propriétaire afin de l'informer de ces événements et des risques réels liés. Entre autre, le départ des commerçants ou le non paiement des loyers que nous ferions saisir chez un huissier. Nous le questionnerons donc sur les actions qu'il compte mener pour faire cesser ces troubles importants pour nos CA dans cette période très difficile. N'hésitez pas à m'informer et à me téléphoner si besoin", - mail le 8 janvier 2010 de M. H..., en réponse à la lettre de Mme X... du 6 janvier, "Je ne suis pas d'accord avec votre vision des choses, même si j'accepte votre conception des choses. ...Il y a des moments, où si les autorités locales ne peuvent rien faire ou ne font rien, un chef d'entreprise n'a pas beaucoup de pouvoir. De votre côté, vous êtes la première à pouvoir faire quelque chose en acceptant de porter plainte auprès de la gendarmerie. Si vous pensez, comme vous le dites, que vous avez peur pour votre personne, il faut aller porter plainte ou faire une main courante. Je demande à Dominique, Josette et Philippe de faire le point avec vous",- courrier recommandé avec accusé de réception du 9 mars 2010 de M. H..., en réponse à la lettre de Mme X... du 2 mars, "L'état des lieux que vous faites n'est pas juste et manque d'objectivité... J'en profite pour confirmer que je ne suis pas d'accord avec vos différents mails et que notre présence à Mamers est adaptée à la situation, que nos interventions auprès des autorités sont réelles et que nous ne pouvons nous substituer aux autorités",- attestation de Mme E... (Josette), responsable Groupes au sein de la société, "Je certifie être allée avec Corinne à une réunion en mairie de Mamers le 14/09/2009 à partir de 15H, animée par Mr le Maire, les commerçants de la galerie, les responsables de l'agence Lemaître, relative aux problèmes de fréquentation de cette jeunesse errante, afin de trouver ses solutions",- attestation de M. J..., commerçant dans la galerie marchande, "Il est vrai également que nous avons oeuvré à ce que notre galerie devienne plus "sûre" et qu'un résultat commence à se faire sentir ce jour".Cependant, ces pièces démontrent tout au plus que l'un des personnels de la société Emeraude voyages Mauger a pris part à l'une des réunions organisées autour des difficultés qui avaient été dénoncées par Mme X.... D'autres actions, traduisant l'accompagnement de Mme X..., de même que les interventions directes qu'allèguent M. H..., ne sont pas toutefois justifiées, alors que des écrits de ce dirigeant, elles ont eu lieu et, il aurait donc été aisé à la société Emeraude voyages Mauger de produire les pièces correspondantes.Il apparaît que les responsabilités ont tout au contraire, ainsi que celle-ci s'en plaint, été laissées à Mme X... ; d'ailleurs c'est bien à l'agence de voyages dans laquelle celle-ci travaille que le maire répond, et non à la société Emeraude voyages Mauger ; aussi, c'est Mme X... qui se rend à la gendarmerie, le 25 janvier 2010, afin que soit enregistrée une main-courante. Dès lors, en laissant Mme X... sans soutien et réponses réels dans une situation avérée, affectant ses conditions de travail et sa sécurité, voire sa santé, la société Emeraude voyages Mauger a manqué à l'obligation de résultat à laquelle elle est tenue en ce domaine en application des articles L.4121-1 et suivants du code du travail.

Dans ces conditions, il y a lieu de dire que l'abandon de poste qui est reproché à Mme X... par la société Emeraude voyages Mauger ne constitue ni une faute grave, ni une cause réelle et sérieuse de licenciement, infirmant le jugement de première instance.
Sur les conséquences du licenciement
Mme Corinne X..., son licenciement étant jugé sans cause réelle et sérieuse, est en droit d'obtenir ses indemnités de rupture, soit l'indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis.
Elle les chiffre, pour la première à 746,01 euros, pour la seconde à 3 086,37 euros, outre 308,63 euros de congés payés afférents, toutes sommes dont les montants ne sont pas contestés par la société Emeraude voyages Mauger.Étant exactement calculées, la société Emeraude voyages Mauger sera condamnée à s'en acquitter auprès de Mme X....

* * Mme Corinne X... peut également prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'elle chiffre à 18 518 euros.

L'article L.1235-3 du code du travail, applicable en la cause, dispose :"Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise... Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L.1234-9".

C'est la rémunération brute dont bénéficiait le salarié pendant les six derniers mois précédant la rupture de son contrat de travail qui est à considérer comme base d'indemnité minimale. L'éventuel surcroît relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
Mme X..., lorsqu'elle a été licenciée, allait sur ses 38 ans et, comptait deux ans, trois mois et vingt-quatre jours d''ancienneté dans l'entreprise, alors que son salaire s'établissait, des seules pièces au dossier, à la somme de 1 371,14 euros brute.Elle justifie de ce que, ensuite de son licenciement, elle a été prise en charge par Pôle emploi qui lui a versé une allocation d'aide au retour à l'emploi de 39,81 euros bruts par jour, qu'elle a retrouvé le 24 février 2011 un contrat de travail à durée déterminée, en qualité de standardiste au Trigano de Mamers contre une rémunération brute mensuelle de 1 372,61 euros, contrat qui a pris fin toutefois le 23 septembre 2011, sans que d'autres éléments ne soient fournis quant à sa situation postérieure.

Dans ces conditions, la cour trouve en la cause les éléments qui conduiront à fixer l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse due par la société Emeraude voyages Mauger à la somme de 8 500 euros.
* *Il devra, en application de l'article L.1235-4 du code du travail, être ordonné le remboursement au Pôle emploi des allocations de chômage que ce service a été dans l'obligation de débourser pour Mme Corinne X..., du licenciement à ce jour, dans la limite de six mois.

* *Mme Corinne X... forme une demande de rappel de salaire à hauteur de 882,46 euros, outre 88,24 euros de congés payés afférents, représentant la rémunération qui ne lui pas été versée par la société Emeraude voyages Mauger du 31 mars 2010 jusqu'à la date à laquelle son licenciement lui a été notifié par écrit.

Ayant été jugé que le grief "d'abandon de poste" qui lui a été reproché ne peut constituer ni une faute grave, ni une cause réelle et sérieuse de licenciement, la société Emeraude voyages Mauger doit être effectivement condamnée à lui régler les sommes évoquées, qui ont été exactement calculées.
* *Les condamnations prononcées seront assorties des intérêts au taux légal, à compter de la date de réception par la société Emeraude voyages Mauger de sa convocation devant le bureau du conseil de prud'hommes en ce qui concerne les créances salariales et, à compter du présent en ce qui concerne les créances indemnitaires.

Sur les frais et dépens
La société Emeraude voyages Mauger sera condamnée à verser à Mme Corinne X... 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, elle-même étant déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Que Mme X... ait pu obtenir l'aide juridictionnelle pour partie ne lui interdit pas de formuler une demande du chef de ses frais irrépétibles, appartenant à son avocat, s'il souhaite recouvrer la condamnation sur ce point, de faire application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991et 108 du décret du 19 décembre 1991 en matière d'aide juridique.
La société Emeraude voyages Mauger sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions en matière d'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris en son intégralité,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Mme Corinne X... par la société Emeraude voyages Mauger le 19 avril 2010 ne repose pas sur une faute grave et est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Emeraude voyages Mauger à verser à Mme Corinne X... les sommes suivantes :- 746,01 euros d'indemnité de licenciement,- 3 086,37 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 308,63 euros de congés payés afférents,- 8 500 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 882,46 euros de rappel de salaire, outre 88,24 euros de congés payés afférents,
Dit que les condamnations prononcées seront assorties des intérêts au taux légal, à compter de la date de réception par la société Emeraude voyages Mauger de sa convocation devant le bureau du conseil de prud'hommes en ce qui concerne les créances salariales et, à compter du présent en ce qui concerne les créances indemnitaires,
Condamne la société Emeraude voyages Mauger à rembourser au Pôle emploi les allocations de chômage que ce service a été dans l'obligation de débourser pour Mme Corinne X..., du licenciement à ce jour, dans la limite de six mois,
Condamne la société Emeraude voyages Mauger à verser à Mme Corinne X... 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Déboute la société Emeraude voyages Mauger de sa demande du même chef,
Condamne la société Emeraude voyages Mauger aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions en matière d'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALL Catherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00472
Date de la décision : 19/06/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-06-19;11.00472 ?
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