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12/06/2012 | FRANCE | N°11/00078

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 12 juin 2012, 11/00078


COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

ARRÊT N BAP/SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/00078.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 21 Décembre 2010, enregistrée sous le no 09/00736

ARRÊT DU 12 Juin 2012

APPELANT :

Monsieur Patrice X......49170 LA POSSONNIERE

présent, assisté de Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

SARL ABACA ANJOU PARQUET19 avenue Pierre Mendès France49240 AVRILLE

en présence de M.

Z..., gérant, assisté de la SCP SULTAN - SOLTNER - PEDRON - LUCAS, avocats au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

...

COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

ARRÊT N BAP/SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/00078.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 21 Décembre 2010, enregistrée sous le no 09/00736

ARRÊT DU 12 Juin 2012

APPELANT :

Monsieur Patrice X......49170 LA POSSONNIERE

présent, assisté de Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

SARL ABACA ANJOU PARQUET19 avenue Pierre Mendès France49240 AVRILLE

en présence de M. Z..., gérant, assisté de la SCP SULTAN - SOLTNER - PEDRON - LUCAS, avocats au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Février 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL , présidentMadame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT :prononcé le 12 Juin 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL , président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE

M. Patrice X... a été engagé par la société Abaca Anjou parquet, qui a une activité de vente, de pose, de ponçage et de vitrification des parquets et qui relève de la convention collective nationale du bâtiment, selon contrat de travail à durée indéterminée du 6 septembre 2006, à effet au 4 septembre 2006, en qualité de technico-commercial, contre une rémunération brute mensuelle de 1 830,90 euros, outre une prime d'objectif dont le détail devait être fixé en annexe.
Il a été l'objet d'un avertissement par courrier recommandé avec accusé de réception du 2 novembre 2007, qu'il a contesté par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 décembre 2007, sollicitant dans la même missive que la part variable de sa rémunération soit précisée, ainsi que le prévoyait son contrat, lettre à laquelle l'entreprise a répondu par courrier recommandé avec accusé de réception du 8 décembre 2007, hormis quant à la précision souhaitée.
Il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour motif économique par courrier recommandé avec accusé de réception du 23 avril 2009.L'entretien préalable s'est tenu le 6 mai 2009 et une convention de reclassement personnalisé lui a été proposée. Il a été licencié, pour motif économique effectivement, à titre conservatoire, par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mai 2009.Il a adhéré à la convention de reclassement personnalisé le 26 juin 2009 et, le contrat de travail a été considéré comme rompu d'un commun accord à cette dernière date.

Il a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 29 juin 2009 aux fins que, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :- il soit dit que son licenciement n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse,- il soit constaté que la société Abaca Anjou parquet n'a pas respecté les critères d'ordre des licenciements,- en conséquence, la société Abaca Anjou parquet soit condamnée à lui versero 33 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,o subsidiairement, 33 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre,- la société Abaca Anjou parquet soit également condamnée à lui verser o 8 624,55 euros de rappel d'heures supplémentaires, outre 862,45 euros de congés payés afférents,o 15 000 euros d'indemnité au titre de la privation de la rémunération variable,o 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- la société Abaca Anjou parquet soit condamnée enfin aux entiers dépens. Il a fait valoir sa priorité de réembauche par courrier recommandé avec accusé de réception envoyé à la société Abaca Anjou parquet le 7 juillet 2009.

Le conseil de prud'hommes par jugement du 21 décembre 2010, auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, a :- condamné la société Abaca Anjou parquet au paiement de la somme de 1 800 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- débouté M. X... de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, outre l'incidence des congés payés,- condamné la société Abaca Anjou parquet au paiement de la somme de 1 800 euros au titre de la rémunération variable,- débouté M. X... ainsi que la société Abaca Anjou parquet de leur demande du chef de l'article 700 du code de procédure civile,- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile et rappelé que l'exécution provisoire est de droit s'agissant de salaires en application des articles R.1454-28 et R.1454-14 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois, évaluée à la somme de 1 890,30 euros,- condamné la société Abaca Anjou parquet aux entiers dépens de l'instance.

Cette décision a été notifiée à M. X... le 6 janvier 2011 et à la société Abaca Anjou parquet le 6 janvier 2011.M. X... en a formé régulièrement appel par courrier recommandé avec accusé de réception posté le 11 janvier 2011, sauf des dispositions qui ont dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse et ont condamné la société Abaca Anjou parquet à lui verser 1 800 euros de rappel de rémunération variable.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 6 janvier 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. Patrice X... sollicite l'infirmation partielle du jugement déféré et que, la société Abaca Anjou parquet soit condamnée à lui payer, outre les intérêts:- 33 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- la même somme pour non-respect de l'ordre des licenciements,- 8 624,55 euros bruts de rappel d'heures supplémentaires, ainsi que 862,45 euros bruts de congés payés afférents,- 15 000 euros d'indemnité au titre de la privation de rémunération variable. Il demande, au surplus, que la société Abaca Anjou parquet soit condamnée à lui payer 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et supporte les entiers dépens.

Il fait valoir que :- son préjudice au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse est démontré,- son temps de travail était au minimum de 39 heures par semaine au regard de la consigne qu'il avait reçue de respecter les horaires de l'agence, ainsi d'être présent à son ouverture et à sa fermeture, alors qu'il a été rémunéré à raison de 35 heures par semaine,- si le principe d'une rémunération variable a été posé par le contrat de travail, les modalités qui devaient être définies par la même voie ne l'ont jamais été, ce qui constitue un manquement grave de l'employeur à ses obligations contractuelles et, génère un préjudice consécutif.

Sur l'appel incident de la société Abaca Anjou parquet, il indique que :- le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce queo la motivation de la lettre de licenciement était très indigente,o une importante baisse d'activité ne constitue pas, en soi, une cause économique de licenciement,o le motif économique invoqué n'est pas réel au vu des éléments de la cause, d'autant que la société Abaca Anjou parquet faisait partie d'un groupe de sociétés ainsi que les éléments de fait le démontrent (même activité, communauté d'intérêts ne serait-ce qu'au vu du papier à en-tête et du site Internet, communauté d'actionnaires) et, se devait d'apprécier les difficultés économiques au regard du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient,o son poste n'a pas été supprimé,o la société Abaca Anjou parquet n'a effectué aucune recherche de reclassement au sein du groupe auquel elle appartient, alors qu'elle devait y procéder,- subsidiairement, la société Abaca Anjou parquet se devait, du fait de l'existence de deux postes de vendeur dans l'entreprise, d'établir des critères d'ordre des licenciements, obligation à laquelle elle a manqué ; si elle avait effectivement établi ces critères d'ordre, il n'aurait pas été licencié.

* * * *
Par conclusions déposées le 16 février 20112 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la société Abaca Anjou parquet sollicite la confirmation du jugement déféré, hormis, formant appel incident de ces chefs, en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. Patrice X... deux fois 1 800 euros, d'une part de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, d'autre part au titre de la rémunération variable.Sur ces deux points, elle demande que M. X... soit débouté de l'intégralité de ses prétentions.

Elle sollicite, au surplus, que M. X... soit condamné à lui verser 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle réplique que :
- le licenciement pour motif économique est bien fondé o la baisse importante d'activité de l'entreprise, vérifiable par les pièces versées aux débats, est avérée et constitue bien un motif réel et sérieux de licenciement,o la lettre de licenciement est suffisamment motivée,o elle ne fait en rien partie d'un groupe de sociétés, Abaca n'étant qu'une enseigne sous laquelle oeuvrent des sociétés parfaitement autonomes,o en toute hypothèse, les sociétés Abaca Salomé et Abaca Océan connaissaient aussi des difficultés économiques,o les deux autres sociétés citées, à savoir Pao Rosa et Kaertrade, n'ont rien à voir avec elle et, par ailleurs, la première est également confrontée à des difficultés économiques,o le poste de M. X... a bien été supprimé et, le registre d'entrées et de sorties du personnel vient encore le confirmer en ce qu'elle n'a procédé à aucune embauche ultérieure sur ce poste, o en l'absence de tout poste disponible en son sein, il ne peut lui être reproché d'avoir manqué à son obligation de reclassement,o s'il existe deux autres sociétés qui exercent sous l'enseigne Abaca, ce n'est pas pour cela qu'il existe un groupe de sociétés au sens de l'obligation de reclassement ; il n'y a en effet aucune permutation entre les personnels des entreprises,- si le licenciement venait à être reconnu sans cause réelle et sérieuse, son effectif étant inférieur à dix salariés, il revient à M. X... de prouver son préjudice, ce qu'il ne fait pas,- il n'y avait pas lieu d'établir des critères d'ordre des licenciements, M. X... étant seul de sa catégorie professionnelle dans l'entreprise,- M. X... n'apporte aucun élément permettant d'étayer sa demande de rappel d'heures supplémentaires ; à supposer qu'il l'étaye, il ne démontre en rien la véracité de son allégation quant à une consigne de son employeur au niveau de l'ouverture et de la fermeture du magasin et, ses fonctions n'impliquaient pas sa présence au magasin à ces horaires ; il n'a jamais contesté ses bulletins de salaire portant mention de sa durée de travail ; il n'a jamais dressé les rapports d'activité contractuellement requis et ses résultats, médiocres, ne justifient pas le dépassement de cette durée,- il ne peut sérieusement prétendre au paiement de primes, alors que ses résultats ont toujours été "calamiteux", et que l'argent qu'il rapportait à l'entreprise ne permettait même pas de compenser son salaire fixe et les charges induites.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rupture du contrat de travail
Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé, l'employeur doit en énoncer le motif économique, soit dans le document écrit d'information sur la convention de reclassement personnalisé remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposée par les articles L.1233-15 et L.1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié de la proposition de convention, dans tout autre document écrit remis ou adressé à celui-ci au plus tard au moment de son acceptation.
La société Abaca Anjou parquet, après avoir remis à M. Patrice X... lors de l'entretien préalable du 6 mai 2009 la convention de reclassement personnalisé, celui-ci ayant jusqu'au 27 juin suivant afin de l'accepter ou de la refuser, a procédé à son licenciement conservatoire pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mai 2009.
L'acceptation par le salarié de la convention de reclassement personnalisé ne prive pas ce dernier de la possibilité de contester la validité du motif économique invoqué.
Elle ne le prive pas non plus de la possibilité de contester l'exécution par l'employeur de son obligation de reclassement préalable, qui continue à s'imposer au dit employeur, malgré la proposition d'une convention de reclassement personnalisé et l'acceptation par le salarié de la convention.
Dès lors, l'énonciation du motif économique résultant de la lettre de licenciement, ici prise à titre conservatoire, celle-ci sera reproduite ci-après :"A la suite de notre entretien du mercredi 6 mai 2009, nous vous informons que nous sommes contraints de vous licencier pour le motif économique suivant :Suite à une importante baisse d'activité, nous sommes contraints de supprimer votre poste de technico-commercial ...".

L'article L.1233-3 du code du travail indique que "constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques". Est également reconnu comme motif justifiant d'une telle mesure, la réorganisation décidée par l'employeur afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel cette dernière appartient.

Un licenciement pour motif économique ne peut, par ailleurs, intervenir, précise l'article L.1233-4 du code du travail, que "lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient".
Les dispositions combinées de cet article L.1233-3 et de l'article L.1233-16 du même code font obligation à l'employeur de motiver la lettre de licenciement, en ce que celle-ci doit "comporte r l'énoncé du ou des motifs invoqués".
Du libellé de la lettre de licenciement ci-dessus, la société Abaca Anjou parquet a mentionné que la difficulté économique qu'elle rencontrait, légitimant le licenciement pour motif économique de M. Patrice X..., consistait en "une importante baisse d'activité".
M. X... estime qu'il s'agit là d'un motif insuffisamment précis et, devant cette imprécision de motif, qui équivaut en effet à une absence de motifs si cette imprécision est avérée, le licenciement intervenu est sans cause réelle et sérieuse.La société Abaca Anjou parquet s'en défend en indiquant que le motif énoncé est suffisant, en ce qu'il est matériellement vérifiable.

Certes, la lettre de licenciement, pour qu'elle soit considérée comme valable, doit énoncer des faits précis et matériellement vérifiables.Il n'empêche, qu'en l'état, en se contentant d'évoquer comme motif économique pouvant fonder le licenciement de M. X..., une baisse d'activité, sans autres précisions, le qualificatif "important" ne pouvant être jugé comme constituant une telle précision, en l'absence justement de faits venant illustrer cette importance, la lettre par laquelle la société Abaca Anjou parquet a licencié son salarié ne répond pas aux exigences de l'article L.1233-16 tel que rapporté.

Au surplus, les autres moyens développés par M. X... à l'appui de la contestation de son licenciement apparaissent tout aussi fondés en ce que, bien que constituées en sociétés indépendantes, la société Abaca Anjou parquet, la société Abaca Salomé et la société Abaca Océan constituent bien un groupe de sociétés, leur activité étant identique, leur capital étant détenu, pour sa plus grande part, par les mêmes membres, ayant visiblement des relations, pour le moins de partenariat, voire disposant d'une organisation commune (papier à en-tête, site internet, directeur dans une autre structure du groupe, M. B..., délivrant un avertissement à M. X... et répondant à ses contestations ...), ce qui induit que la société Abaca Anjou parquet: - ne pouvait circonscrire l'examen de ses éventuelles difficultés économiques à sa seule structure, mais devait en étendre le périmètre à l'ensemble des sociétés du groupe, - de même que ses recherches de reclassement devaient être menées dans les trois sociétés du groupe, dont les activités, l'organisation, ou le lieu d'exploitation, en l'espèce, Avrillé, Rennes et Vannes, leur permettaient d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel et, peu importe que cette permutation ait déjà, été ou non, exercée dans les faits.

Par voie de conséquence, la rupture du contrat de travail de M. X... est dépourvue de cause, en tant que la lettre de licenciement conservatoire est insuffisamment motivée, que le motif économique avancé n'est pas justifié et que l'obligation de reclassement, préalable, n'a pas été respectée.
La décision des premiers juges devra être confirmée, sauf à dire que ce n'est pas le licenciement qui est dépourvu de cause réelle et sérieuse mais la rupture advenue qui est sans cause.
Sur les conséquences de l'absence de cause de la rupture
La rupture étant privée de cause, M. Patrice X... peut prétendre à une indemnisation de ce chef, qui sera calculée en référence aux dispositions de l'article L.1235-5 du code du travail, la société Abaca Anjou parquet ayant un effectif de moins de onze salariés.
L'article L.1235-5 permet en effet au salarié, qui a subi un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, qui n'a pas plus de deux ans d'ancienneté chez son employeur et/ou, dont l'employeur compte lui-même moins de onze salariés dans l'entreprise, d'obtenir une indemnité. Cette indemnité est calculée en fonction du préjudice que subit nécessairement le salarié et, son étendue est souverainement appréciée par les juges du fond.

M. X..., lorsque son contrat de travail a été rompu avec la société Abaca Anjou parquet, venait d'avoir 41 ans et, comptait deux ans, neuf mois et vingt-deux jours d'ancienneté au service de son employeur.Il justifie de ce qu'il a été pris en charge par le Pôle emploi, d'abord dans le cadre de l'exécution de la convention de reclassement personnalisé puis, à partir de juillet 2010, dans celui d'une allocation d'aide au retour à l'emploi. De ses écritures, il est permis de conclure que, passé le mois de septembre 2010, il a retrouvé un emploi, puisqu'il fixe à cette dernière date l'interruption de ses indemnités de chômage. Il ne verse aucune pièce tant sur le travail dont il s'agit que sur la rémunération qu'il lui procure.

Dans ces conditions, et sur la base d'un salaire mensuel brut de1 830,90 euros la cour fixe l'indemnité due à M. X... pour la rupture sans cause de son contrat de travail à la somme de 12 000 euros, infirmant sur ce point le jugement déféré. Les intérêts au taux légal seront dus à compter du présent arrêt.

Sur les heures supplémentaires
L'article L.3171-4 du code du travail dispose :"En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles...".

La preuve des heures supplémentaires effectuées par le salarié est de fait partagée ; au salarié d'étayer préalablement sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés de façon à ce que l'employeur puisse répondre et, dans ce cas, à l'employeur de fournir ses propres éléments.
En l'espèce, M. Patrice X... revendique d'être payé de 8 624,55 euros bruts de rappel d'heures supplémentaires, à raison de 4 heures hebdomadaires sur tout son temps d'emploi, ainsi que 862,45 euros bruts de congés payés afférents.Néanmoins, il procède là par voie de simple affirmation, ne versant pas le moindre élément à l'appui susceptible d'étayer sa demande.Et, la société Abaca Anjou parquet rappelle exactement que, de par ses fonctions de technico-commercial externe, il ne lui revenait pas d'être présent à l'ouverture comme à la fermeture du magasin, celles-ci étant assurées par le vendeur rattaché au magasin, qui a d'ailleurs attesté en ces termes.

Dans ces conditions, en l'absence de la production par M. X... de tout élément susceptible d'étayer sa demande auquel la société Abaca Anjou parquet puisse répondre utilement, il conviendra de confirmer la décision des premiers juges en ce qu'elle a débouté M. X... de sa demande de ce chef.
Sur la rémunération variable
Le contrat de travail de M. Patrice X... avec la société Abaca Anjou parquet fixait au profit de M. X... une rémunération, pour partie fixe et pour partie variable.Cette dernière, appelée prime d'objectif, était indiquée comme "détaillée en annexe" et devant être versée "sous forme de primes semestrielles et ce à partir de janvier 2007".Il était dit en suivant :"Le droit à commission portera sur tout le chiffre d'affaires réalisé sur le site de Avrillé de la SARL ABACA ANJOU PARQUET.Monsieur X... devra vérifier les décomptes de commissions dans le mois de leur réception. Le défaut d'observation dans ce délai sera considéré comme accord valant arrêté de compte".Les différents cas dans lesquels la société Abaca Anjou parquet se réservait le droit de ne pas verser de commissions à M. X... étaient listés. Les stipulations contractuelles se terminaient par :"La direction se réserve la possibilité de modifier le taux de commission ainsi que la base de ce taux et ce, en accord avec Monsieur X....La rémunération ci-dessus définie revêt, de convention expresse entre les parties, un caractère forfaitaire. Elle est donc liée à l'accomplissement par Monsieur X... de sa fonction de Technico-commercial et demeure indépendante, tant de l'horaire en vigueur dans l'entreprise, que de la durée de son activité personnelle".

Pas plus, M. X... que la société Abaca Anjou parquet ne produisent aux débats cette annexe.
M. X..., par courrier du 3 décembre 2007 à son employeur auquel, sur ce point particulier, la société Abaca Anjou parquet n'a pas répondu, avait émis une réclamation quant à la définition des dits objectifs :"Mon contrat de travail prévoyait également que soit précisé la part variable de ma rémunération, ce qui n'a non plus, jamais été le cas.Peut-être serait-il souhaitable que l'ensemble de ces éléments soit formalisé afin de permettre une poursuite harmonieuse de ma collaboration".

Les bulletins de salaire fournis par M. X..., sur la période de juin 2008 à mai 2009 inclus, ne portent trace que du salaire mensuel de base convenu, de 1 830,90 euros, et d'aucune prime.
La société Abaca Anjou parquet ne conteste pas que M. X... n'ait jamais perçu une quelconque prime, se retranchant derrière ses résultats, qu'elle qualifie de "calamiteux", et ne lui permettant quasiment pas d'assurer la part fixe de la rémunération de son salarié comme de couvrir les charges qu'il entraînait.Elle ne répond pas, ce faisant, à la question posée, qui n'est pas celle du non-versement de la part variable de la rémunération de M. X..., qui apparaît acquis aux débats, mais bien celle de la définition des objectifs sur lesquels devait être calculée la prime.

En effet, le contrat de travail de M. X... prévoyait encore :"... Monsieur X... devra tout mettre en oeuvre pour réaliser les objectifs de chiffre d'affaires discutés et arrêtés d'un commun accord avec la Direction.Ces objectifs, établis sur la base de la valeur du secteur et des réalisations précédentes, seront fixés suivant une périodicité susceptible de varier entre le mois et l'année dans le cadre de l'exercice social de la société. Ils pourront faire l'objet d'un découpage mensuel et seront révisés régulièrement à la fin de chaque période ; ils seront exprimés en chiffre d'affaires hors taxes.La Direction s'engage à confirmer par écrit à Monsieur X... au début de chaque période, les objectifs qui auront été arrêtés d'un commun accord et à lui communiquer régulièrement toutes informations utiles sur la réalisation de ces objectifs, en vue de lui permettre de mener ou de corriger son action commerciale en toute connaissance de cause".

Le salarié dispose d'un droit élémentaire à connaître les bases de calcul de sa rémunération. Il doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération variable a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail. En effet, une clause de contrat de travail peut parfaitement prévoir une variation de la rémunération du salarié, dès lors et seulement si celle-ci est fondée sur des éléments objectifs, indépendants de la volonté de l'employeur, la dite clause au surplus ne faisant pas porter le risque de l'entreprise sur le salarié, pas plus que n'ayant pour effet de réduire sa rémunération au dessous des minima légaux ou conventionnels. Il a d'ailleurs été jugé que, lorsque le contrat de travail prévoit que la rémunération variable dépend d'objectifs fixés annuellement par l'employeur, le défaut de fixation des dits objectifs constitue un manquement justifiant de la prise d'acte de la rupture par le salarié ; c'est dire encore l'importance d'une telle définition des éléments servant de base à la part variable de la rémunération.

Faute pour la société Abaca Anjou parquet d'avoir respecté les stipulations contractuelles, qui prévoyaient que M. X... bénéficierait d'une part variable de rémunération fondée sur des objectifs qui feraient l'objet d'une définition annuelle, le jugement déféré qui a reconnu le principe d'une indemnisation consécutive de M. X... devra être confirmé.
* *
Quant au montant alloué de ce chef par la même décision à M. X..., celui-ci a fait appel des dispositions du jugement du conseil de prud'hommes, "hormis en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné la société Abaca Anjou parquet à 1 800 euros de rappel de rémunération variable".
Dans ses conclusions écrites, reprises oralement à l'audience, il sollicite la confirmation de la décision entreprise sur le principe de la condamnation, mais de l'infirmer quant au montant accordé, devant être porté à 15 000 euros. Au regard des termes de son appel, qui viennent d'être rappelés, il doit être déclaré irrecevable en cette demande.

La société Abaca Anjou parquet avait formé appel incident, tant sur le principe que dans le quantum, de la condamnation ainsi prononcée.
L'on a évoqué les arguments qu'elle avait développés sur cette question de la partie variable de la rémunération de son salarié ; elle n'a rien de plus à opposer relativement au montant fixé par les premiers juges.
Dans ces conditions, il conviendra de confirmer la condamnation entreprise, qui a été exactement appréciée.

Sur les frais et dépens

Les dispositions du jugement déféré relativement aux frais et dépens seront confirmées.
La société Abaca Anjou parquet sera condamnée à verser à M. Patrice X... 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, elle-même étant déboutée de sa demande à ce titre.
La société Abaca Anjou parquet sera condamnée aux entiers dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare M. Patrice X... irrecevable en sa demande tendant à voir porter à 15 000 euros le montant accordé au titre de la partie variable de sa rémunération,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a parlé de licenciement et non de rupture du contrat de travail et quant au montant de l'indemnité allouée de ce chef,
Statuant à nouveau sur ces points,
Dit que la rupture du contrat de travail de M. Patrice X... est dépourvue de cause,
Condamne la société Abaca Anjou parquet à verser à M. Patrice X... 12 000 euros d'indemnité pour rupture du contrat de travail sans cause, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Y ajoutant,
Condamne la société Abaca Anjou parquet à verser à M. Patrice X... 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
Déboute la société Abaca Anjou parquet de sa demande du même chef,
Condamne la société Abaca Anjou parquet aux entiers dépens de l'instance d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALL Catherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00078
Date de la décision : 12/06/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-06-12;11.00078 ?
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