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12/06/2012 | FRANCE | N°10/02028

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 12 juin 2012, 10/02028


ARRÊT N EP/ SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02028.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 13 Juillet 2010, enregistrée sous le no 09/ 00594

ARRÊT DU 12 Juin 2012

APPELANT :

Monsieur Jacques X......... 49500 NYOISEAU (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro ... du 03/ 01/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

représenté par Maître Bertrand ROBERT LUCIANI, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
SA CHES

NEAU 8 mai 1945 49500 STE GEMMES D'ANDIGNE

représentée par Maître Sylvain LEBIGRE, avocat au barreau de...

ARRÊT N EP/ SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02028.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 13 Juillet 2010, enregistrée sous le no 09/ 00594

ARRÊT DU 12 Juin 2012

APPELANT :

Monsieur Jacques X......... 49500 NYOISEAU (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro ... du 03/ 01/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

représenté par Maître Bertrand ROBERT LUCIANI, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
SA CHESNEAU 8 mai 1945 49500 STE GEMMES D'ANDIGNE

représentée par Maître Sylvain LEBIGRE, avocat au barreau de RENNES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mars 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président et Madame Elisabeth PIERRU, vice-président placé chargé d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Elisabeth PIERRU, vice-président placé

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT : prononcé le 12 Juin 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******
FAITS ET PROCÉDURE
Jacques X... a été engagé par la société CHESNEAU le 1er mars 1985 en qualité de carrossier dans le cadre d'un contrat à durée déterminée qui s'est poursuivi en contrat à durée indéterminée.
Le 23 Novembre 2005 Monsieur X... a été condamné par la Cour d'Assises du Maine et Loire et incarcéré. Il ne s'est plus présenté à son travail à partir du 24 novembre 2005. Son épouse a averti verbalement l'employeur de son incarcération pour plusieurs années sans précision de durée.
Le 27 décembre 2005 la Société CHESNEAU a adressé à son employé un courrier recommandé avec accusé de réception, lui rappelant son absence, s'enquérant de la durée de son indisponibilité " afin que la société puisse prendre les dispositions d'organisation du service de carrosserie qui vont s'imposer du fait de votre absence, ou autres décisions rendues nécessaires. "
Aucune réponse n'était apportée à ce courrier par Jacques X....
Le 27 juillet 2006, la Société CHESNEAU adressait à Jacques X... une nouvelle lettre recommandée ainsi libellée : " vous ne pouvez vous présenter à votre travail depuis le 24 novembre 2005 pour des raisons d'incarcération. Nous avons été amené à prendre les dispositions pour palier à votre absence. Nous considérons votre démission de fait comme étant acquise puisque nous ne pouvons plus compter sur votre présence au sein de la SA CHESNEAU pour remplir la fonction qui est la vôtre.

Veuillez considérer que vous n'êtes plus inscrit à l'effectif de la société, ceci de votre fait depuis le 24 novembre 2005.
Toutefois, lorsque cela sera possible pour vous, prenez contact avec moi afin que nous envisagions toutes les solutions qu'à ce moment venu nous pourrons éventuellement mettre en oeuvre. "
Par courrier du 17 janvier 2007 Jacques X... écrivait à l'employeur en ces termes :
" Pour commencer excusez-moi de ne pas vous avoir écrit plus tôt pour le désordre qu'a pu produire mon affaire et la désorganisation dans le travail de l'atelier.
Je tiens cependant à vous remercier de ne pas m'avoir licencié, cela comptera beaucoup lorsque je serai dans les délais pour demander ma libération conditionnelle à partir de mai 2008 voir plus tôt si je peux bénéficier d'une réduction de peine supplémentaire ".
Par courrier du 16 janvier 2008 il écrivait de nouveau à l'employeur, en ces termes :
" Préparant mon dossier pour ma libération conditionnelle au mois de mai, il me faudrait savoir ce que vous compter faire pour moi, car pour qu'elle soit acceptée il me faut un emploi à ma sortie.
Suivant mes renseignements, n'étant ni licencié ni démissionnaire, je fais toujours partie de l'entreprise, considéré en congé sans solde ".

Par courrier recommandé du 8 février 2008 la Société CHESNEAU adressait à Jacques X... un courrier ainsi libellé :

" Vous ne vous êtes pas présenté à votre travail depuis le 24 novembre 2005. Officiellement nous ne sommes pas informé de la réalité de votre situation.
Dans notre courrier recommandé avec accusé de réception du 27 décembre 2005, nous vous demandions de nous faire savoir par écrit la durée de votre absence. Ce courrier n'a pas eu de réponse. Je ne puis donc pas vous convoquer à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement.
Le fonctionnement de l'entreprise nous amène à des modifications de structure liées à l'activité, et à la mise en place d'une organisation qui s'établit par l'emploi d'un seul collaborateur qualifié dans les deux fonctions carrosserie d'une part et peinture automobile d'autre part, collaborateur recruté par nos soins.
Donc pour clarifier définitivement la situation que vous avez créée par votre absence prolongée et sans retour programmé, nous prononçons votre licenciement en date de ce jour pour le motif de nécessité d'organisation du service de carrosserie peinture.
Nous vous ferons parvenir votre certificat de travail, ainsi que votre solde de tout compte. "
Le 12 mai 2009 Jacques X... a saisi le Conseil des Prud'hommes d ‘ Angers pour obtenir :

-6145. 25 € à titre d'indemnité de licenciement,-1 307. 50 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,-15 690 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- la remise du certificat de travail et l'attestation ASSEDIC sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du jugement,-1 200 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 13 juillet 2010 auquel il est référé pour un plus ample exposé des faits et de la procédure ainsi que pour les motifs, le Conseil des Prud'hommes d ‘ Angers a :- dit que le licenciement de Jacques X... repose sur une cause réelle et sérieuse,- condamné la Société CHESNEAU à verser à Jacques X... les sommes suivantes :

-6 145. 25 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,-10 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure,-100 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,- ordonné à la Société CHESNEAU de remettre à Jacques X... l'attestation ASSEDIC et le certificat de travail sous astreinte de 10 € par jour de retard à compter d'un délai d'un mois après la date du prononcé du jugement,- rappelé que l'exécution provisoire est de droit s'agissant des salaires en application des articles R1454 28 et R 1554. 14 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaire, calculée sur la moyenne des trois derniers mois que le conseil évalue à 1 307. 50 €.

Jacques X... et la Société CHESNEAU ont reçu notification de ce jugement le 23 juillet 2010.
Jacques X... a régulièrement interjeté appel par déclaration enregistrée au greffe le 6 août 2010.

Moyens et prétentions des parties

Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 5 octobre 2011, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile, Jacques X... demande à la cour :
- de le déclarer recevable et fondé en son appel,- d'infirmer partiellement le jugement et statuant à nouveau,- de condamner la Société CHESNEAU à lui verser la somme de 1 307. 50 € pour non respect de la procédure de licenciement,- de condamner la Société CHESNEAU à lui verser la somme de 15 690 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- de condamner la Société CHESNEAU à lui verser la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Jacques X... fait valoir que le Conseil des Prud'hommes n'a pas répondu à son argumentation au terme de laquelle il soutenait que son contrat de travail avait été rompu le 27 juillet 2006, le conseil se bornant à rappeler qu'il avait été licencié par courrier du 8 février 2008 sans dire un mot du courrier du 27 juillet 2006.
Il estime que l'employeur a bien rompu le contrat à cette date en le considérant comme démissionnaire, ce courrier lui ayant été adressé sur son lieu de détention, à Argentan. Cette rupture de contrat s'analyse en licenciement car en effet la démission s'analyse comme une volonté claire et non équivoque de mettre fin au contrat de travail, ce qui n'est pas le cas ici, la démission ne se présumant pas.
Jacques X... rappelle que selon la jurisprudence l'abandon de poste ne caractérise pas la volonté claire et non équivoque de démissionner, pas plus que le défaut de justificatif de l'absence, même prolongée. Dans ces conditions l'employeur ne pouvait déduire de l'absence de son salarié sa volonté de démissionner, la rupture prononcée doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il ajoute que l'intimé ne peut prétendre que son courrier du 27 juillet 2006 avait pour but d'obtenir un éclaircissement sur la situation du salarié puisqu'il est clairement indiqué " Veuillez considérer que vous n'êtes plus inscrit à l'effectif de la société, ceci de votre fait depuis le 24 novembre 2005. "

Jacques X... fait encore valoir que nonobstant les termes des courriers qu'il a pu adresser à son employeur en janvier 2008, ceux-ci ne remettent pas en cause cette rupture, et que l'employeur qui se trompe n'est pas en mesure de rectifier son erreur en procédant à un nouveau licenciement.
La procédure de licenciement n'ayant pas été respectée, Jacques X... estime que l'indemnité prévue par l'article L 1232-2 du code du travail doit lui être versée intégralement soit 1 307. 50 €. Il renouvelle sa demande d'indemnité de 12 mois de salaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, précisant qu'il a désormais 48 ans et se trouve en difficulté pour retrouver un emploi.
Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 1er mars 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile, la Société CHESNEAU demande à la cour :
A titre principal,
- de confirmer le jugement, et de débouter Jacques X... de sa demande de voir juger que le licenciement est intervenu à la date du 27 juillet 2006,- dire et juger que le licenciement du 8 février 2008 procède d'une cause réelle et sérieuse, en conséquence,- débouter Jacques X... de sa demande de dommages et intérêts de 15 690 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Subsidiairement,
- dire et juger que Jacques X... est défaillant dans la démonstration qui lui incombe d'un préjudice d'un montant supérieur aux 6 derniers mois de salaires édictés par l'article L 1235-3 du code de travail et de la responsabilité de l'employeur, en conséquence,- réduire à hauteur des 6 derniers mois de salaires prévus par l'article L 1235-3 du code du travail toute indemnisation pour défaut de cause réelle et sérieuse

Sur le remboursement des allocations de chômage,
à titre principal,
confirmer le jugement, Vu l'article L 1235-4 du code du travail,- dire et juger que le juge ne peut ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié que si le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, en conséquence-dire et juger n'y avoir lieu à remboursement des allocations de chômage,

A titre subsidiaire,
Vu l'article L 1235-4 du code du travail,- dire et juger que les juges du fond apprécient souverainement le montant des allocation de chômage à rembourser dans la limite du plafond légal, et les faits de la cause commandent de limiter ce remboursement à une somme n'excédant pas un mois d'indemnités de chômage,

Sur l'indemnité de licenciement,

- lui décerner acte à qu'elle reconnaît devoir à Jacques X... la somme de 6 145. 25 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
Sur l'indemnité au titre du non respect de la procédure de licenciement
A titre principal,
Vu l'article L1235-2- dire que la cause réelle et sérieuse est confirmée et que l'indemnité pour procédure de licenciement irrégulier est fixée souverainement par le juge dans la limite maximale d'un mois de salaire brut,- dire qu'elle est fondée à s'opposer aux prétentions de Jacques X...,- fixer l'indemnité de ce chef à 10 € et confirmer le jugement,

A titre subsidiaire, si la cour dit que le licenciement contesté est dépourvu de cause réelle et sérieuse,- dire et juger que l'indemnité pour procédure ne se cumule pas avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- débouter Jacques X... de sa demande,- réformer le jugement entrepris,

Sur l'indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- sommer Jacques X... de dire s'il bénéficie de l'aide juridictionnelle et dans ce cas dire et juger qu'il ne peut prétendre à une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile,- à défaut dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,- condamner Jacques X... à lui verser la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens.

La Société CHESNEAU fait valoir que Jacques X... ne l'a jamais avisée officiellement de son incarcération, n'a pas répondu à la lettre de son employeur du 27 décembre 2005 ni à celle du 27 juillet 2006, qu'il s'est mis dans l'impossibilité d'accomplir sa prestation de travail et se trouvait donc dans le cas d'une absence injustifiée, ce qui autorisait parfaitement l'employeur à le licencier, pour les motifs parfaitement clairs exposés dans la lettre de licenciement.
La Société CHESNEAU estime qu'il ne ressort nullement de la lettre du 27 juillet 2006 que l'employeur a pris acte de la rupture du contrat de travail de Jacques X... du fait de son absence, qu'en effet sa volonté était d'employer des termes forts pour provoquer une réaction de son salarié qui n'avait donné aucune nouvelle depuis 8 mois, d'où les termes " veuillez considérer que vous n'êtes plus inscrit à l'effectif de la société ceci de votre fait depuis le 24 novembre 2005. ".
Elle rappelle que le salarié incarcéré a l'obligation d'informer l'employeur des causes précises et de la durée de son absence, et qu'à défaut il commet une faute. Elle soutient de plus que les termes de ce courrier confirment que la relation de travail avait vocation à perdurer puisqu'il était aussi proposé à Jacques X... de reprendre contact avec la société afin d'envisager toutes les solutions à mettre en oeuvre le moment venu.
Selon la Société CHESNEAU le contrat de travail est ainsi resté suspendu, aucun document de rupture n'ayant été adressé au salarié. Elle souligne encore que Jacques X... lui même avait fort bien compris les termes de cette lettre, même si c'est seulement le 17 janvier 2007 qu'il écrivait à son employeur pour le remercier de ne pas l'avoir licencié, ce qu'il confirmait dans le courrier suivant adressé le 16 janvier 2008 où il déclarait " suivant mes renseignements, n'étant ni licencié ni démissionnaire, je fais toujours partie de l'entreprise ".
la Société CHESNEAU ajoute qu'elle n'a d'ailleurs remplacé définitivement Jacques X... qu'à compter de mars 2008, un contrat à durée déterminée ayant été conclu avec Monsieur Z... le 5 janvier 2008, l'employeur ayant été dans l'obligation de remplacer Jacques X... défaillant depuis longtemps.
Elle fait valoir que la rupture du contrat de Jacques X... est bien intervenue le 8 février 2008, pour une cause réelle et sérieuse eu égard aux manquements du salarié.
A titre subsidiaire elle estime que Jacques X... n'établit pas la réalité du préjudice subi puisqu'il ne produit aucun justificatif de sa situation, sa demande d'indemnité à hauteur de 12 mois de salaire est ainsi excessive et il doit être éventuellement fait application de l'article L 1235-3 du code du travail qui prévoit une indemnisation à hauteur de 6 mois de salaire.
Quant à la décharge du remboursement des allocations de chômage, la Société CHESNEAU demande à la cour de confirmer le jugement, puisque c'est le salarié qui s'est mis dans la situation de ne pouvoir remplir ses obligations vis à vis de l'employeur. Elle reprend par ailleurs son argumentation quant à la limitation de l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement et à l'absence de cumul de celle-ci avec les dommages et intérêts dans l'hypothèse où la cour retiendrait l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement..
MOTIFS DE LA DECISION
L'appel régularisé dans les formes et délais prévus par la loi est recevable.
L'appel de Jacques X... est limité aux dispositions du jugement rejetant la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à la fixation de l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement à la somme de 10 €.
Les dispositions du jugement relatives à l'indemnité conventionnelle de licenciement, à la remise du certificat de travail et au document destiné aux ASSEDIC sous astreinte, ne sont pas contestées, la cour confirme le jugement de ces chefs.
sur la rupture du contrat de travail
Le 27 juillet 2006 la Société CHESNEAU écrivait à l'appelant dans les termes suivants : " vous ne pouvez vous présenter à votre travail depuis le 24 novembre 2005 pour des raisons d'incarcération.

Nous avons été amenés à prendre les dispositions pour palier à votre absence. Nous considérons votre démission de fait comme étant acquise puisque nous ne pouvons plus compter sur votre présence au sein de la SA CHESNEAU pour remplir la fonction qui est la vôtre. Veuillez considérer que vous n'êtes plus inscrit à l'effectif de la société, ceci de votre fait depuis le 24 novembre 2005. "

Toutefois, lorsque cela sera possible pour vous, prenez contact avec mois afin que nous envisagions toutes les solutions qu'à ce moment venu nous pourrons éventuellement mettre en oeuvre. ".
Cette lettre contient clairement de la part de l'employeur l'expression d'une volonté claire et non équivoque de considérer le contrat de travail rompu à la date du 27 juillet 2006. Or la Société CHESNEAU ne pouvait considérer Jacques X... comme démissionnaire, son absence physique, de même que son absence de réponse aux interrogations de son employeur, ne pouvant, à elles seules, caractériser sa volonté claire et non équivoque à cette fin.
La phrase " Toutefois, lorsque cela sera possible pour vous, prenez contact avec mois afin que nous envisagions toutes les solutions qu'à ce moment venu nous pourrons éventuellement mettre en oeuvre. " ne contredit pas l'intention exprimée de considérer le contrat de travail rompu et ne peut pas s'analyser comme la volonté de l'employeur de simplement suspendre le contrat de travail, puisqu'il dit le contraire au paragraphe précédent.
Dès lors que l'employeur n'a jamais manifesté son intention de rétracter la rupture du contrat résultant de sa lettre du 25 juillet 2006, les termes des courriers postérieurs envoyés par le salarié sont sans incidence sur la solution du litige.
Nonobstant le nouveau courrier adressé par la société CHESNEAU à Jacques X... le 8 février 2008, le licenciement est bien intervenu par l'envoi du courrier du 27 juillet 2006.
La société Chesneau devait engager une procédure de licenciement envers son salarié en bonne et due forme. À défaut d'y avoir procédé, et dès lors que le courrier du 27 juillet 2006 ne contient aucun motif de licenciement, la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La cour infirme le jugement, et dit que Jacques X... a été licencié sans cause réelle et sérieuse par le courrier du 27 juillet 2006.
Sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
L'article L 1235-3 du code du travail prévoit : " Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L 1234-9. "

Jacques X... n'a pas sollicité sa réintégration.
La base de 1 307. 50 € bruts invoquée par Jacques X... n'est pas contestée.
Pour justifier sa réclamation de 12 mois de salaire à titre de dommages et intérêts, Jacques X... fait valoir qu'il a 48 ans et se trouve dans une tranche d'âge où il est plus difficile de retrouver du travail, qu'il a par ailleurs tenté d'obtenir une libération conditionnelle mais que l'employeur a immédiatement rompu son contrat en lui ôtant toute chance d'obtenir cette libération.
Si effectivement le courrier adressé par Jacques X... à la Société CHESNEAU en janvier 2008 évoquait sa prochaine demande de libération conditionnelle, l'appelant ne justifie par aucune pièce de la présentation effective de cette demande au juge d'application des peines, du rejet de celle-ci, ni non plus de la date de sa libération effective.
Il a bénéficié d'indemnités de pôle emploi dont il ne précise pas le montant, du 4 janvier 2010 au 4 janvier 2011, et justifie d'un emploi en intérim du 21 mars 2011 au 30 janvier 2012.
Au vu de ces éléments la cour trouve en la cause les éléments nécessaires pour fixer à la somme de 10 000 € le montant des dommages et intérêts propres à réparer le préjudice de Jacques X....
Sur l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement
Jacques X... n'ayant pas été convoqué à un entretien préalable au licenciement intervenu le 27 juillet 2006, la procédure est irrégulière.
Cependant, les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail trouvant à s'appliquer, l'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La cour infirme le jugement de ce chef et déboute Jacques X... de sa demande.
Sur l'application de l'article L 1235-4 du code du travail
En application des dispositions de l'article L 1235-4 code du travail il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur au pôle emploi concerné des indemnités de chômage versées à Jacques X... du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite d'un mois d'indemnité de chômage.
Sur l'indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens
La cour confirme le jugement ayant alloué à Jacques X... la somme de 100 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il résulte du dossier de la cour que Jacques X... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans le cadre de la présente procédure d'appel (décision du 3 janvier 2011). Cela ne rend pas irrecevable sa demande d'indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Toutefois Jacques X... ne justifiant pas de frais qu'il aurait exposés pour faire assurer sa défense en appel et qui ne seraient pas couverts par la somme versée au titre de l'aide juridictionnelle, la cour rejette sa demande ainsi que celle de la Société CHESNEAU aux mêmes fins.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare Jacques X... recevable en son appel,
Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré que le licenciement de Jacques X... repose sur une cause réelle et sérieuse et en sa dispositions condamnant la société CHESNEAU à lui payer la somme de 10 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Dit que le licenciement de Jacques X... prononcé le 27 juillet 2006 est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société CHESNEAU à payer à Jacques X... la somme de 10 000 € (DIX MILLE EUROS) à titre de dommages et intérêts,
Condamne la société CHESNEAU à rembourser au pôle emploi concerné les indemnités de chômage versées à Jacques X... du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite d'un mois d'indemnités de chômage,
Déboute Jacques X... de sa demande d'indemnité pour licenciement irrégulier,
Confirme le jugement pour le surplus.
Déboute Jacques X... et la société CHESNEAU de leur demande d'indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la société CHESNEAU aux dépens de première instance et d'appel et constate que Jacques X... bénéficie de l'aide juridictionnelle devant la cour.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02028
Date de la décision : 12/06/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-06-12;10.02028 ?
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