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22/05/2012 | FRANCE | N°10/01701

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 22 mai 2012, 10/01701


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N AD/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01701.
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 15 Juin 2010, enregistrée sous le no 09/ 00147

ARRÊT DU 22 Mai 2012

APPELANTE :

Madame X... Y...... 61000 ALENCON

présente, assistée de Maître Elise BRAND, avocat au barreau de CAEN

INTIME :

Monsieur Jean-Luc Z...... 72610 ST PATERNE

représenté par Maître Elisabeth DE COMMINES, avocat au barreau d'ALENCON

COMPOSITION DE LA COUR :

En applica

tion des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2012 à 14 H 00, en a...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N AD/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01701.
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 15 Juin 2010, enregistrée sous le no 09/ 00147

ARRÊT DU 22 Mai 2012

APPELANTE :

Madame X... Y...... 61000 ALENCON

présente, assistée de Maître Elise BRAND, avocat au barreau de CAEN

INTIME :

Monsieur Jean-Luc Z...... 72610 ST PATERNE

représenté par Maître Elisabeth DE COMMINES, avocat au barreau d'ALENCON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT : prononcé le 22 Mai 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

EXPOSE DU LITIGE

Mme X... épouse Y... a été déclarée par M. Z... à la Caisse de mutualité sociale agricole de la Sarthe, à compter du 2 avril 2007, pour un emploi à temps partiel d'agent de production, sur son exploitation en nom propre de maraîchage de Saint Paterne, spécialisée dans la culture de la tomate.
Aucun contrat de travail n'a été signé par les parties.
Le 2 juillet 2008 Mme Y... a adressé à M. Z... un courrier dans lequel elle a pris acte de la rupture du contrat de travail en la lui imputant, et elle a saisi le conseil de prud'hommes du Mans, le 3 mars 2009, auquel elle a demandé de constater qu'elle avait travaillé dans l'exploitation de M. Z..., de juin à décembre 2005, sans être déclarée, rémunérée en espèces à raison de 5, 80 € de l'heure, puis avait été embauchée, en mars 2007, pour un emploi déclaré comme étant de 80 heures par mois alors qu'elle accomplissait le double, voire le triple, de ce temps de travail.
Mme Y... a demandé au conseil de prud'hommes du Mans de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, de dire que sa rémunération devait être calculée sur la base du salaire minimum interprofessionnel de croissance (smic) pour une durée de travail de 151, 67heures par mois et de condamner M. Z... à lui payer les sommes de :- salaires : 19 468, 17 € outre les congés payés,- heures supplémentaires : 13 578, 16 € outre les congés payés,- repos compensateurs : 2515, 93 € outre les congés payés.

Mme Y... a demandé encore à la juridiction prud'homale :
¤ d'ordonner la remise par M. Z... des bulletins de paie rectifiés, sous astreinte de 150 € par jour de retard passés 15 jours à compter de la notification de la décision le conseil se réservant la faculté de liquider l'astreinte, le versement par M. Z... des charges patronales afférentes à ces bulletins de paie sous astreinte de 150 € par jour de retard passés 15 jours à compter de la notification de la décision, et de constater qu'il y aura lieu de déduire des sommes à lui revenir, calculées sur la base des bulletins de paie dès qu'ils auront été établis, l'ensemble de la rémunération versée par M. Z..., qu'elle soit ou non déclarée.
¤ de requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement et de condamner M. Z... à lui verser les sommes de :- indemnité compensatrice de préavis : 3606, 68 € outre les congés payés,- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 000 €. ¤ de constater que M. Z... s'est rendu coupable de l'infraction de travail dissimulé (sic) et de le condamner à lui verser à titre d'indemnité de travail dissimulé la somme de 10 820, 04 €,

¤ de condamner M. Z... à lui payer la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 15 juin 2010 le conseil de prud'hommes du Mans a statué en ces termes :
DIT qu'il y a lieu de requalifier Ie contrat à temps partiel de Madame X... Y... en temps plein sur la période avril 2007- juillet 2008,
DIT que la rupture du contrat de Madame X... Y... constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
CONDAMNE Monsieur Jean-Luc Z... à verser à Madame X... Y... les sommes suivantes :
-2938 € au titre de l'indemnité de préavis,
-293, 80 € à titre de congés payés afférents,
-8814 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
-1000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause,
-800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE Madame Y... du surplus de ses demandes,
ORDONNE la remise de bulletins de paie correspondant à un emploi à temps complet sur la période avril 2007- juillet 2008 ainsi que Ie versement des charges patronales y afférentes, sans qu'il y ait lieu à astreinte,
CONDAMNE Monsieur Jean-Luc Z... aux entiers dépens.
Le jugement a été notifié le 19 juin 2010 à M. Z... mais l'envoi du greffe prud'homal lui est revenu avec la mention " boîte non identifiable ", et à Mme Y... le 21 juin 2010.
Mme Y... a fait appel de la décision par lettre postée le 29 juin 2010, appel limité au rejet de sa demande relative au paiement des heures supplémentaires et des repos compensateurs, et aux montants alloués à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et travail dissimulé.

OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES

Mme Y... demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 8 septembre 2011, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :- requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, dit que la rupture du contrat de travail constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné M. Z... à lui payer une indemnité pour travail dissimulé, ordonné la remise par M. Z... de bulletins de paie rectifiés et le versement des charges patronales afférentes, condamné M. Z... aux dépens ;

Mme Y... demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de rappels de salaires à titre d'heures supplémentaires, et de repos compensateurs, et de le réformer quant aux montants alloués des autres chefs de demande ;
Elle demande la condamnation de M. Z... à lui payer les sommes suivantes, dues sur l'ensemble de la période travaillée :-19 468, 17 € à titre de rappels de salaires, outre les congés payés, sur l'ensemble de la période travaillée,-13578, 16 € à titre de rappels de salaires pour les heures supplémentaires, outre les congés payés,

Elle demande à la cour d'ordonner la compensation de ces sommes avec les sommes versées en espèces ou par chèques par M. Z... au titre de l'exécution du contrat de travail, et de condamner M. Z..., après compensation, à lui payer un solde de 10 707, 57 €, outre les congés payés ;
Mme Y... demande encore à la cour de condamner M. Z... à lui payer :-2515, 93 € au titre des repos compensateurs outre les congés payés,-3606, 68 €, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés,-20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-10 820 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,-5000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de ses conditions de travail, demande nouvelle, formée devant la cour,-3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle demande à la cour d'ordonner à M. Z... de lui remettre les bulletins de paie correspondant aux heures supplémentaires accomplies, et l'attestation Pôle emploi rectifiée sous astreinte de 150 € par jour de retard, dans les 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir, la cour se réservant la faculté de liquider cette astreinte.
Mme Y... rappelle que M. Z... exerce depuis une vingtaine d'années à Saint Paterne une activité de maraîcher qui existe depuis six générations dans sa famille et qu'il a dans ce cadre recours, depuis au moins seize années, à l'emploi de travailleurs non déclarés ; qu'il recrute ses salariés au C. A. D. A. (centre d'aide des demandeurs d'asile) et les paie en espèces ou en nature, par fourniture de tomates ; qu'elle a pour sa part été recrutée de cette façon, car elle est de nationalité laotienne et est arrivée en France, ainsi que sa petite fille, avec un visa de tourisme, sans bien parler le français ; que M. Z... a été en 1993, 2001, 2002 et 2004 l'objet de procès verbaux de l'inspection du travail n'ayant cependant pas donné lieu à poursuites mais à de simples rappels à l'ordre ;
Mme Y... ajoute que l'inspection du travail s'est présentée à nouveau dans les serres de M. Z... le 20 mai 2008 et a, en l'absence de ce dernier, constaté la présence de cinq salariés de nationalité étrangère, parmi lesquels elle se trouvait, dont trois n'étaient pas déclarés, et les autres partiellement ; que M. Z... a cette fois été condamné par le tribunal correctionnel du Mans, pour dissimulation d'emploi salarié à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis assorti du bénéfice de la mise à l'épreuve pendant deux ans avec obligation d'indemniser les victimes, et à une amende de 1000 €, outre des amendes pour des contraventions connexes au délit de travail dissimulé ; qu'elle s'est constituée partie civile et que M. Z... a été condamné à lui payer la somme de 1500 € à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral ;
Mme Y... soutient à l'appui de ses demandes :
- que le contrat de travail, resté non écrit de juin à décembre 2005, doit être requalifié en contrat à temps plein, puisqu'il y a présomption légale de travail à temps complet dès lors que la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois n'est pas mentionnée par écrit et communiquée au salarié, et que M. Z... ne démontre pas qu'elle ne se tenait pas constamment à sa disposition ;- que de mars 2007 à mai 2008, elle a été employée à temps complet sauf 104heures en décembre 2007, et 88 heures en mai 2008, mais que la requalification du contrat de travail en contrat de travail à temps complet est acquise sur toute la période puisque tout salarié dont le temps de travail est porté même ponctuellement à temps complet ne peut voir ensuite ses heures de travail réduites ;- qu'elle a tenu, en 2005, de juin à décembre, puis en 2007, de la semaine 12 à la semaine 52, une comptabilité des heures supplémentaires qu'elle accomplissait, sur des cahiers sur lesquels elle apprenait d'autre part le français, et qu'elle les a récapitulées sur un document dactylographié ; qu'elle produit des témoignages, recueillis dans le cadre de l'enquête pénale et qui ont conduit l'enquêteur à conclure que les journées de travail au sein de l'entreprise s'échelonnaient entre 10 heures et 15 heures de travail ; qu'elle a calculé les majorations dues au titre des heures supplémentaires conformément à la convention collective des maraîchers de la Sarthe applicable à l'activité de M. Z... ; que M. Z... a finalement établi des bulletins de paie pour la période allant de mars 2007 à juin 2008 et qu'il lui a versé sur la base d'un temps complet la somme de 22 338, 76 € ; que le solde résultant de la différence entre la somme due en brut au titre des salaires par requalification du contrat de travail ainsi qu'au titre des heures supplémentaires et la somme versée, prise en brut, est de 33 046, 33 €-22 338, 76 € soit 10 707, 57 € outre 1070, 75 € à titre de congés payés afférents ;- qu'elle a droit à une indemnité pour les repos compensateurs que l'employeur ne l'a pas mise en mesure de prendre ;- que le manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles est établi, notamment par le prononcé d'une condamnation pénale pour travail dissimulé et que la cour devra confirmer le jugement en ce qu'il a qualifié la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;- que le calcul de l'indemnité compensatrice de préavis doit être fait en tenant compte des heures supplémentaires effectuées ; que M. Z... a versé dans le cadre de l'exécution provisoire la somme de 2938 € outre celle de 293, 80 € pour les congés payés et qu'il reste donc dû la somme de 668, 68 € outre celle de 66, 86 € pour les congés payés afférents ;- qu'elle a, après la rupture du contrat de travail, trouvé un emploi d'auxiliaire de vie dans une maison de retraite et a été indemnisée par Pôle Emploi de juin 2009 à mars 2010 ; qu'elle a ensuite trouvé de juillet à août 2010 un contrat à durée déterminée dans un hôtel restaurant, puis le 30 août 2010, un emploi de femme de chambre à l'eurl Poulet Malassis ; que son préjudice économique est important car Pôle Emploi n'a pu l'indemniser sur la base des heures réellement accomplies ; que des dommages et intérêts de 20 000 €, correspondant à 11 mois de travail, sont justifiés ;- que l'indemnité pour travail dissimulé doit être calculée en tenant compte des heures supplémentaires accomplies au cours des six mois précédant la rupture du contrat de travail ;- que ses conditions de travail ont été inadmissibles, avec des journées dépassant la durée journalière légale, des semaines dépassant la durée légale, l'absence de pause après six heures de travail, la non fourniture d'eau, de vêtements de travail et d'éléments de protection lorsque des produits phytosanitaires étaient utilisés ;- que M. Z... a des actifs très importants, immobiliers, que son entreprise fait un chiffre d'affaires de 450 000 € par an et qu'il a déclaré en 2007 un bénéfice de plus de 100 000 €, sans que soit pris en considération les achats et paiements en espèces ; qu'il est intégralement propriétaire de son exploitation et de son parc de machines agricoles ; que l'actif de son entreprise, sur le bilan clos au 31 décembre 2008, est de près de 2 millions d'euros ;

M. Z... demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 16 janvier 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions le condamnant, de débouter Mme Y... de toutes ses demandes, et de la condamner au paiement des entiers dépens ;
M. Z... expose que son entreprise a un effectif de moins de 11 salariés, et que l'activité consiste à produire des tomates selon des moyens naturels ; qu'il a rencontré Mme Y... à la fête du nouvel an chinois, qu'ils ont sympathisé, et qu'il l'a invitée à l'anniversaire de son fils, puis l'a recrutée comme agent de production à temps partiel sur la base de 80 heures par mois ; qu'elle effectuait un travail à temps plein et parfois des heures supplémentaires, et a été rémunérée en espèces pour les heures réalisées ; qu'elle ne voulait pas être déclarée, car elle souhaitait envoyer de l'argent dans son pays ;
M. Z... soutient :- que Mme Y... réclame le versement de sommes qui lui ont déjà été octroyées par le conseil de prud'hommes d'Alençon, en faisant une demande supplémentaire de 10 707, 57 € ; que ses demandes sont au total de 53 000 € bruts, plus 32 820, 04 € nets, et qu'avec les charges patronales cela représente la somme de presque 100 000 €, dont le règlement conduirait son entreprise au dépôt de bilan ;- que Mme Y... tente de le discréditer en évoquant le cas d'autres salariés pour lesquels il a en effet été condamné par le tribunal correctionnel, et n'a pas à l'être une deuxième fois ;- que Mme Y... tente de justifier des heures supplémentaires alléguées, non par la remise d'un agenda, mais par celle d'un tableau excel fait pour les besoins de la cause ; que le cahier finalement produit devant le conseil de prud'hommes du Mans comporte des surcharges et des ratures, ce qui a amené les juges prud'homaux à le dire non probant,- que Mme Y... a déclaré devant les gendarmes percevoir 569 € en chèque et 900 € en espèces, ce qui représente un salaire de 1469 €, excédant par conséquent le S. M. I. C. (Salaire minimum interprofessionnel de croissance), pour un temps plein, de 441 € ; qu'elle a donc été payée à temps plein même si elle était déclarée à temps partiel ; que ses auditions établissent aussi qu'elle a été payée de toutes les heures supplémentaires réalisées ; que ses demandes en paiement des sommes de 19 468, 17 € et 13 578, 16 € (outre les congés payés) sont donc injustifiées ;- quant au travail dissimulé, qu'il n'y a pas lieu au versement d'une indemnité à Mme Y..., celle n'ayant pas voulu être déclarée pour l'intégralité de ses heures ; qu'à tout le moins la cour devra tenir compte des 1500 € qui lui ont été octroyés par le tribunal correctionnel, à titre de dommages et intérêts, pour travail clandestin ;- quant à la rupture du contrat de travail, qu'il s'est agi d'une démission puisque Mme Y... n'a jamais écrit à M. Z..., avant le 2 juillet 2008, pour lui signifier son désaccord et que ce silence démontre qu'elle était parfaitement satisfaite de la situation ; qu'en accord avec son époux, elle s'abstenait de déclarer les sommes perçues en espèces et qu'elle s'est plainte de cela, devant les gendarmes, uniquement pour ne pas en porter la responsabilité ; qu'elle ne peut alléguer de sa turpitude pour obtenir un dédommagement ;

A titre subsidiaire M. Z... fait valoir que Mme Y... n'apporte pas la preuve de son préjudice, alors que l'entreprise a moins de 11 salariés et qu'aux termes de l'article L1235-5 du code du travail elle doit établir le préjudice subi du fait du licenciement allégué comme étant abusif ;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein
Aux termes de l'article L212-4-2 du code du travail, devenu l'article L3123-1, est considéré comme salarié à temps partiel le salarié dont la durée de travail est inférieure à la durée légale du travail ou lorsque cette durée est inférieure à la durée légale, à la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou à la durée du travail applicable dans l'établissement ;
La convention collective du 25 avril 1974 réglementant les conditions de travail et de rémunération des salariés et apprentis des exploitations maraîchères de la Sarthe renvoie en son article 31 aux dispositions légales, soit à un horaire hebdomadaire de 35 heures ;
L'article L212-4-3 du code du travail, devenu l'article L3123-14, stipule que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit, et qu'il mentionne la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
L'absence d'écrit fait présumer que l'emploi est à temps complet et il appartient à l'employeur, s'il conteste cette présomption, de rapporter la preuve qu'il s'agissait d'un emploi à temps partiel, que le salarié n'était pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur ;
M. Z... produit une unique attestation, qui est celle de Mme Juliette A..., sa compagne, pour établir que Mme Y... ne travaillait pas à temps plein : Mme A... atteste que Mme Y... " ne travaillait jamais des journées complètes ", et ajoute : " elle gérait son temps comme elle voulait " ;
Cependant, et en contradiction avec sa propre pièce, M. Z... a admis devant les premiers juges, et soutient devant la cour, que Mme Y... a effectué dans son entreprise un travail à temps plein et parfois des heures supplémentaires, ce sur l'ensemble de la période de travail, soit de juin à décembre 2005, puis de mars 2007 au 2 juillet 2008, ce qui lui permet ensuite d'affirmer qu'elle a été réglée, quoiqu'en espèces, de l'ensemble des heures effectuées ;
Il a établi, dans le cadre de l'exécution du jugement déféré, les bulletins de paie de Mme Y..., avec un temps complet de 151, 67heures par mois, pour les mois de juillet 2007 à mai 2008 (pièce 24 de Mme Y...), alors qu'il avait initialement établi du 1er avril 2007 au 31 mai 2008 des bulletins de paie de 80 heures (d'avril 2007 à octobre 2007inclus), de 50 heures (décembre 2007, janvier et février 2008) et de 85 heures (mars, avril mai 2008) ; aucun bulletin n'est établi pour novembre 2007 ce qui correspond à l'audition de Mme Y... devant les gendarmes lors du contrôle de l'exploitation de M. Z..., celle-ci ayant précisé que le mois de repos annuel des salariés en 2007 a été novembre ;
Aucun bulletin de paie n'a été établi pour la période allant de juin à décembre 2005 ;
L'enquête conduite en mai 2008 par l'inspection du travail et la gendarmerie, a permis de recueillir les auditions des six salariés présents le jour du contrôle, lesquels ont indiqué (M. B..., Mme Y... M. C... notamment) qu'ils effectuaient des journées de travail de 10 à 11 heures, voire plus ;
En l'absence de contrat de travail écrit, et au regard des éléments de fait versés aux débats, ainsi que des dires même de M. Z... le jugement est confirmé en ce qu'il a requalifié le contrat de travail de Mme Y... de mars 2007 au 30 juin 2008, en contrat de travail à temps complet, la cour, ajoutant au jugement, dit que Mme Y... a été employée dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, pour la période allant de juin à décembre 2005 ;
Sur les demandes en rappel de salaire du fait de la requalification du contrat de travail en contrat à temps plein
¤ Sur la période allant de juin 2005 à décembre 2005 :
Mme Y... a effectué le calcul de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir sur cette période, en étant payée au taux horaire du S. M. I. C. qui a varié de 7, 61 € brut à 8, 03 € brut, soit une somme totale de 8461, 48 € ;
Elle indique néanmoins avoir été payée en espèces à raison de 5, 80 € par heure soit au taux horaire brut de 7 €, ce qui représente sur la période considérée un total de 151, 67heures x 7 € X 7mois = 7431, 83 € ;
La somme restant due à Mme Y... au titre de cette première période de travail est en conséquence de 1029, 65 € outre 102, 96 € à titre de congés payés ;
¤ Sur la période allant de mars 2007 au 2 juillet 2008 :
Mme Y... a effectué le même calcul d'un temps plein rémunéré au taux horaire du S. M. I. C. qu'elle verse aux débats pour les années considérées, soit 2007 et 2008 ; elle a cette fois soustrait les sommes perçues par elle en espèces, soit en 2007 la somme de 5107, 60 € et en 2008 celle de 3012, 35 €, ce qui établit un solde restant dû, après déduction des sommes perçues, de 7590, 14 € + 3416, 55 € soit la somme de 11 006, 69 € outre 1 100, 66 € de congés payés afférents ;

Par voie d'infirmation du jugement déféré, la créance de Mme Y... au titre de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, pour les périodes de juin 2005 à décembre 2005 et de mars 2007 à juillet 2008 s'établit en deniers ou quittances, à la somme de 1029, 65 € + 11006, 69 € = 12 036, 34 € outre la somme de 1203, 63 € à titre de congés payés ;
sur les demandes en rappel de salaire pour heures supplémentaires
Il résulte des dispositions de l'article L212-1- 1du code du travail, devenu l'article L3171-4, que la preuve des heures de travail effectuées, en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail accomplies, n'incombe spécialement à aucune des parties ;
Il appartient toutefois au salarié d'étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires réalisés pour permettre à l'employeur de répondre, en fournissant ses propres éléments, de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;
Mme Y... produit deux cahiers manuscrits (ses pièces 19 et 20) et un récapitulatif des heures supplémentaires qu'elle soutient avoir réalisées (sa pièce 21) ;
Les cahiers, qu'elle a utilisés aussi pour écrire et apprendre des mots et des phrases en français, sont versés aux débats en originaux et attestent de la réalité d'un relevé d'heures effectué au fil des mois, mais qui ne porte pas sur la totalité du récapitulatif, puisqu'on ne trouve pas sur ces documents les mois d'août et septembre 2005, ni les mois de mars à juillet 2007, qui sont repris dans le total revendiqué ;
Ces cahiers ne sont cependant pas raturés ou surchargés dans leurs mentions utiles s'ils ne sont pas complets, et le récapitulatif, sur les périodes communes, est concordant avec leur libellé ;
Ils mentionnent des horaires hebdomadaires excédant très largement les 35 heures légales ou même 39 heures, et qui s'établissent à 50, 55, 63, 67, 69 ou 74 heures par semaine ;
Ces durées de travail hebdomadaires sont conformes à celle décrites par M. B... autre salarié de l'entreprise, lorsqu'il indique le 20 mai 2008 aux militaires de la gendarmerie de Mamers, accompagnant l'inspecteur du travail dans son contrôle, qu'il effectue des journées de 10 à 11 heures, et parfois " part à 4H30 du matin, lorsqu'il faut faire le marché de Versailles par exemple " ;
Mme Y..., lorsqu'elle a été entendue, a parlé de journées pouvant varier de 10 à 15 heures ;

Si certains autres salariés ont indiqué ne pas travailler plus de 50 ou 85 heures par semaine, il apparaît qu'ils avaient des consignes de l'employeur, qui leur demandait aussi de se dire bénévoles, ou rémunérés en tomates, et l'a lui-même soutenu devant les gendarmes avant d'admettre des règlements en espèces ;
Les éléments ainsi produits par Mme Y... étayent sa demande ;
En réponse aux cahiers produits, et au récapitulatif qui est établi par semaines identifiées, avec une durée hebdomadaire de travail précise, M. Z..., ainsi que l'a consigné dans son procès verbal du 20 mai 2008 M. D..., inspecteur du travail, n'a pu fournir au moment du contrôle ni par la suite " aucun relevé d'heures de travail pour les années 2007 et 2008 " et particulièrement s'agissant de Mme Y..., qui travaillait sur l'exploitation lorsque l'inspecteur et les gendarmes s'y sont présentés, munis de réquisitions du Procureur de la République du Mans ;
L'inspecteur du travail a relevé à l'encontre de M. Z... la commission de l'infraction visée à l'article R713-48 du code rural et a indiqué que " l'attention de l'employeur avait déjà été attirée par le passé par notre service sur la nécessité de tenir à jour ces relevés d'heures de travail à défaut desquels tout contrôle par l'inspection du travail de la durée effective du travail est impossible " ;
M. Z... n'apporte par conséquent du fait du choix qu'il avait fait de persister dans une situation infractionnelle, aucune réponse, et ne dispose d'aucune pièce, pour contester utilement les demandes que formule Mme Y... au titre des heures supplémentaires accomplies en 2005, puis en 2007/ 2008 ;

Les premiers juges ont débouté Mme Y... de sa demande en relevant qu'elle avait dans son audition devant les gendarmes expliqué qu'elle percevait pour le travail accompli 569 euros par chèque et environ 900 euros en espèces ce qui correspondait à la rémunération d'un temps plein, congés payés compris, sur la base d'un S. M. I. C. et qu'elle touchait en été jusqu'à 1600 euros au total par mois, ce qui correspondait à une rémunération base de 39 heures par semaine ; qu'elle avait par conséquent été rétribuée pour l'ensemble des heures travaillées, y compris les heures supplémentaires et les congés payés ;

Ces déclarations, effectivement faites par Mme Y..., laissent cependant persister utilement sa demande au titre des heures supplémentaires, accomplies au delà de 39 heures, et relevées selon les documents manuscrits, puis récapitulatifs, auxquels M. Z... n'apporte aucune réponse, ayant même manqué à son obligation légale de tenue d'un registre des heures travaillées par ses salariés ;
Après application du taux horaire du S. M. I. C., ainsi que des majorations, prévues par le code du travail et la convention collective applicable, pour les heures accomplies de 35 à 39 heures, de 39 à 47 heures, et au delà de 47 heures, le total du rappel de salaire correspondant à la période allant de juin 2005 à décembre 2005 puis de mars 2007 au 2 juillet 2008 est de 13 578, 16 € outre 1357, 81 € au titre des congés payés afférents ;
Mme Y..., retenant les bulletins de paie établis finalement par M. Z... pour un temps complet du 1er avril 2007 au 30 juin 2008, admet avoir perçu pour cette période de travail la somme de 22 338, 76 € ;
M. Z..., tout en soutenant que les sommes réclamées font doublon avec des condamnations à paiement prononcées par le conseil de prud'hommes d'Alençon, n'apporte aucune pièce aux débats à l'appui de cette affirmation ;
* * *
Le solde restant dû au titre de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, et des heures supplémentaires, est en conséquence de 12036, 34 € + 13 578, 16 € = 25 614, 50 €-22 338, 76 € = 3275, 74 € outre celle de 327, 57 € au titre des congés payés afférents, somme au paiement de laquelle M. Z... est condamné ;
sur la demande en rappel de salaire pour absence de repos compensateur
L'article L212-5-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, stipule que dans les entreprises de vingt salariés au plus, les heures supplémentaires accomplies au delà du contingent annuel d'heures supplémentaires conventionnel ou réglementaire, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % de chaque heure supplémentaire accomplie au delà du contingent ;
Ce contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé par l'article D 212-25 du code du travail à 220 heures par salarié, pour les ouvriers et les employés ;
Chaque heure supplémentaire effectuée au delà du contingent ouvre droit à un repos compensateur qui est, dans les entreprises de 20 salariés au plus, égal à 50 % du temps effectué en heures supplémentaires, c'est-à-dire à partir de la 36ème heure hebdomadaire ;
Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi, lequel comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant des congés payés afférents ;
Le tableau récapitulatif d ‘ heures supplémentaires produit par Mme Y... établit que le contingent légal d'heures supplémentaires n'a pas été atteint en 2005 ;
Il a été atteint, en 2007, à la semaine 23, avec un total de 248 heures supplémentaires effectuées ;
Un total de 565, 50 heures supplémentaires apparaît sur ce tableau comme ayant été effectuées, de la semaine 24 à la semaine 52 de 2007, au delà du contingent légal de 220 heures ;
Compte tenu des taux du S. M. I. C sur la période considérée, et de la majoration légale de 50 %, la somme due à Mme Y... au titre du repos compensateur pour 2007 s'établit donc à :
(Semaine 24à 26) : 114, 50 heures x 8, 27 x 50 % (semaine 27 à semaine 52) : 451heures x 8, 44 x50 % soit la somme de 473, 45 € + 1903, 22 € = 2376, 67 €

Pour l'année 2008, le contingent d'heures supplémentaires a été atteint à la semaine 16, et les heures supplémentaires accomplies au delà se sont élevées à 33 heures, au cours des semaines 17, 18 et 19 ;
La somme due est de 33heures x 8, 44 x 50 % = 139, 26 €
La somme totale due à Mme Y... au titre du repos compensateur obligatoire est par conséquent, pour la période allant de mars 2007 à juillet 2008, de 2515, 93 € outre celle de 251, 59 € pour les congés payés afférents ;
Par voie d'infirmation du jugement, M. Z... est condamné à payer à Mme Y... au titre du repos compensateur la somme de 2515, 93 € outre celle de 251, 59 € pour les congés payés afférents ;
sur la rupture du contrat de travail
Mme Y... a le 2 juillet 2008 adressé à M. Z... un courrier recommandé avec accusé de réception ainsi libellé :
" objet : prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Monsieur,

Vous m'avez laissé croire depuis le début que vous alliez déclarer toutes les heures de travail effectuées. Cela n'a jamais été suivi de fait.
Je vous reproche notamment les éléments suivants : refus de me déclarer à la caisse de mutualité sociale agricole du Maine et Loire pendant une année et refus de me déclarer à temps complet ensuite dissimulation d'heures de travail non paiement des heures supplémentaires non paiement des charges sociales correspondant à ces heures de travail dissimulées établissement de bulletins de salaire de 85 heures par mois alors que la durée réelle de travail dépassait plutôt les 160 heures une amplitude horaire dépassant souvent les 10 heures par jour des pressions exercées sur moi après découverte des faits par la caisse de mutualité sociale agricole du Maine et Loire et mon audition par la gendarmerie suite à l'enquête ouverte à votre encontre.

Face à votre refus répété de soit déclarer l'ensemble des heures effectuées, soit de travailler uniquement le nombre d'heures déclarées et donc de votre non respect du code du travail, et du fait des manquements énumérés ci-dessus, je prends acte de la rupture du contrat de travail à vos tords.
Je vous informe également que au vu des bulletins de salaire fournis depuis le début j'adresse une demande aux prud'homme pour requalification de mon contrat actuel (non formalisé) en contrat en C. D. I. à taux plein et pour paiement des indemnités qui me sont dues. "
Lorsqu'un salarié prend ainsi acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, ceux d'une démission ;
La démission, dont M. Z... attribue la volonté à sa salariée, est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque à l'employeur sa volonté de mettre fin au contrat de travail ;
Le courrier adressé à M. Z... le 2 juillet 2008 par Mme Y... n'est pas un courrier de démission : Mme Y... n'y exprime pas une volonté claire et non équivoque de mettre fin au contrat mais y mentionne un ensemble de faits fautifs, qu'elle impute à l'employeur dans le cadre de l'exécution du contrat de travail ;
Il est acquis, et non contesté, que M. Z... a en 2005 fait travailler Mme Y... sans la déclarer aux organismes sociaux ni établir de bulletins de salaire, et qu'en 2007/ 2008 il a effectué une déclaration très inférieure à la réalité du temps de travail effectué ; les heures supplémentaires n'ont été ni comptabilisées par l'employeur, ni réglées, les durées journalières de travail n'ont pas été respectées ;
Les faits invoqués sont, non seulement, établis, mais constituent des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur et faire obstacle à la poursuite du contrat de travail ;
La prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme Y..., formalisée par le courrier du 2 juillet 2008, est justifiée et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Mme Y... a droit au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de deux mois dont le montant doit être calculé en prenant en compte les heures supplémentaires effectuées ;
La rémunération moyenne des trois derniers mois s'établissant dès lors à la somme de 1803, 34 €, le montant de l'indemnité compensatrice de préavis est de 3606, 68 € outre 360, 66 € pour les congés payés afférents ;
Par voie d'infirmation du jugement M. Z... est condamné à payer à Mme Y... au titre de l'indemnité compensatrice de préavis la somme de 3606, 68 € outre 360, 66 € pour les congés payés afférents ;
Mme Y... indique, et il lui en est donné acte, que dans le cadre de l'exécution provisoire, M. Z... lui a versé à ce titre la somme de 2938 € outre 293, 80 € pour les congés payés afférents ;
Par application des dispositions de l'article L1235-5 du code du travail, Mme Y... qui a moins de deux ans d'ancienneté dans une entreprise de moins de onze salariés peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail ;
Elle avait 33 ans au moment de celle-ci et a effectué du 2 juillet 2008 au 29 août 2010 une succession de contrats à durée déterminée avant d'obtenir le 30 août 2010 un emploi de femme de chambre dans un hôtel, toujours en contrat à durée déterminée ;
Elle a été indemnisée par Pôle Emploi pour la période comprise entre juin 2009 et mars 2010 mais fait justement valoir que du fait d'une déclaration d'emploi faite par l'employeur pour un temps partiel alors qu'elle a accompli un temps complet, et des heures supplémentaires, elle a obtenu au titre de l'assurance chômage des sommes inférieures à celles qu'elle aurait perçues si M. Z... avait normalement cotisé auprès de cet organisme ; La cour dispose en conséquence des éléments lui permettant, par voie de réformation du jugement sur le quantum alloué, de condamner M. Z... à payer à Mme Y... à titre de dommages et intérêts pour le préjudice causé par la rupture du contrat de travail, la somme de 10 000 € ;

Sur le travail dissimulé
En application de l'article L324-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux faits (recodifié sous le numéro L8221-5), le fait pour l'employeur de se soustraire intentionnellement à la déclaration d'embauche du salarié, ou de se soustraire intentionnellement à la formalité de délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, est réputé travail dissimulé ;
La dissimulation d'emploi salarié n'est donc caractérisée que si l'employeur a de manière intentionnelle mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ;
Il est acquis que M. Z... a été condamné le 30 juillet 2009 par le tribunal correctionnel du Mans, du chef notamment de travail dissimulé par dissimulation d'heures de travail sur le document prévu à cet effet, à l'égard de plusieurs salariés parmi lesquels Mme Y... ce de manière définitive, à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve de deux ans ;
L'inspecteur du travail ayant dressé procès verbal le 20 mai 2008 a d'autre part indiqué :
" L'attention de l'employeur avait déjà été attirée dans le passé par notre service sur la nécessité de tenir à jour ces relevés d'heures de travail à défaut desquels tout contrôle par l'inspection du travail de la durée effective du travail est impossible.
Le fait que l'employeur ait déjà fait l'objet dans le passé de procédures pour travail dissimulé et d'observations sur l'obligation d'enregistrement des heures de travail atteste du caractère intentionnel des infractions de travail dissimulé ci-dessus constatées. "
Il est donc acquis que M. Z... a intentionnellement omis, de juin à décembre 2005, de déclarer l'emploi de Mme Y... aux organismes sociaux, et a omis de lui remettre tout bulletin de paie, puis qu'il a, de mars 2007 à juillet 2008, effectué une déclaration d'emploi pour l'accomplissement d'un temps partiel alors qu'il l'employait à temps complet et délivré à Mme Y... des bulletins de paie mentionnant un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ;
L'article L324-11- 1du code du travail, devenu l'article L8223-1, stipule qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours en dissimulant tout ou partie des heures effectuées, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ;
Cette indemnité peut se cumuler avec l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de congés payés l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et avec l'indemnisation du préjudice lié à la faute de l'employeur dans l'exécution de ses obligations ;
Elle tient compte des heures supplémentaires effectuées par le salarié au cours des six mois précédant la rupture ;
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné M. Z... à payer à Mme Y... une indemnité pour travail dissimulé, mais réformé en ce qu'il a retenu un montant de 8814 € alors que l'indemnité s'établit, après prise en compte des heures supplémentaires accomplies par la salariée au cours des six mois ayant précédé la rupture, à la somme de 1803, 34 € x 6 = 10 820, 04 €, arrondie à 10 820 € conformément à la demande de Mme Y... ;

Sur le préjudice lié aux conditions de travail

Par application des dispositions de l'article L120-4 du code du travail devenu l'article L1222-1, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun, et doit être exécuté de bonne foi ;
Il est établi par les déclarations recueillies par les enquêteurs lors du contrôle de l'exploitation effectuée en mai 2008, et par les pièces versées aux débats par Mme Y..., que le temps de travail journalier ne comportait pas de pause, mais excédait pourtant six heures, et que les durées légale de travail journalier et hebdomadaire n'ont pas été respectées ;
Les autres salariés interrogés n'ont cependant pas fait état de conditions de travail les privant de la possibilité de boire, ou les mettant en contact régulier avec des produits dangereux, et Mme Y... précise dans son audition qu'elle n'avait pas pour tâche de passer de l'engrais sur les plants ; elle a ajouté être munie de gants, même si ceux-ci lui étaient personnels ;
La cour dispose en conséquence des éléments suffisants pour fixer les dommages et intérêts dus à Mme Y... du fait de l'exécution fautive par M. Z... du contrat de travail, à la somme de 1000 € ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions du jugement au titre des frais irrépétibles et des dépens sont confirmées ;
Il parait inéquitable de laisser à la charge de Mme Y... les frais engagés dans l'instance d'appel et non compris dans les dépens : M. Z... est condamné à lui payer, pour l'en indemniser et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1500 euros ;
La demande de M. Z... à ce titre est rejetée ;
M. Z... qui succombe à l'instance d'appel est condamné à en payer les dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes du Mans du 15 juin 2010 en ce qu'il a :

- requalifié le contrat de travail à temps partiel de Mme X... Y... en temps plein sur la période avril 2007- juillet 2008,- dit que la rupture du contrat de travail de Mme X... Y... constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse,- condamné M. Z... à payer à Mme Y... la somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- ordonné la remise de bulletins de paie correspondant à un emploi à temps complet sur la période avril 2007- juillet 2008 ainsi que le versement des charges patronales y afférentes sans qu'il y ait lieu à astreinte,- condamné M. Z... aux dépens,

LE REFORME sur le surplus, notamment sur les montants alloués, statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que Mme Y... a été employée dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein de juin 2005 à décembre 2005,
CONDAMNE M. Z... à payer à Mme Y..., à titre de rappel de salaires, du fait de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, de juin 2005 à décembre 2005 et de mars 2007 à juillet 2008, et au titre des heures supplémentaires, sur les mêmes périodes, déduction faite de la somme de 22 338, 76 € déjà versée par M. Z..., la somme de 3275, 74 € outre 327, 57 € de congés payés afférents,

CONDAMNE M. Z... à payer à Mme Y..., au titre du repos compensateur obligatoire, pour la période allant de mars 2007 à juillet 2008, la somme de 2515, 93 € outre celle de 251, 59 € pour les congés payés afférents,
CONDAMNE, en deniers ou quittances M. Z... à payer à Mme Y... au titre de l'indemnité compensatrice de préavis la somme de 3606, 68 € outre celle de 360, 66 € pour les congés payés afférents,
CONDAMNE M. Z... à payer à Mme Y... la somme de10 820 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
CONDAMNE M. Z... à payer à Mme Y... à titre de dommages et intérêts pour inexécution des obligations liées à l'exécution du contrat de travail la somme de 1000 €,
CONDAMNE M. Z... à payer à Mme Y... la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles d'appel,
DEBOUTE M. Z... de sa demande à ce titre,
CONDAMNE M. Z... aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01701
Date de la décision : 22/05/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-05-22;10.01701 ?
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