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15/05/2012 | FRANCE | N°10/03189

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 15 mai 2012, 10/03189


COUR D'APPEL

D'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N

BAP/SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/03189.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 26 Novembre 2010, enregistrée sous le no F 10/00004

ARRÊT DU 15 Mai 2012

APPELANTE :

SOCIETE ONET SERVICES

36, Boulevard de l'Océan

CS 20208

13258 MARSEILLE CEDEX 09

représentée par Maître Jean-Claude PÉRIÉ, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE :

Madame Ann

ick X...

...

72000 LE MANS

présente, assistée de la SCP LE DEUN - PAVET - VILLENEUVE - DAVETTE - BENOIST - DUPUY, avocats au barreau du MANS

COMPOSI...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N

BAP/SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/03189.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 26 Novembre 2010, enregistrée sous le no F 10/00004

ARRÊT DU 15 Mai 2012

APPELANTE :

SOCIETE ONET SERVICES

36, Boulevard de l'Océan

CS 20208

13258 MARSEILLE CEDEX 09

représentée par Maître Jean-Claude PÉRIÉ, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE :

Madame Annick X...

...

72000 LE MANS

présente, assistée de la SCP LE DEUN - PAVET - VILLENEUVE - DAVETTE - BENOIST - DUPUY, avocats au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Février 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL , président

Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller

Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT :

prononcé le 15 Mai 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL , président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme Annick X... a été engagée par la société Perfect services le 14 janvier 1971. Elle y a occupé la fonction de secrétaire.

Son transfert à la société Perfect services holding le 1er janvier 1993 a donné lieu à l'établissement d'un nouveau contrat de travail, en tant que secrétaire de direction. Revenue au sein de la société Perfect services, dont la société Onet services a pris le contrôle ainsi que de la holding courant octobre 1998, un avenant du 1er juillet 1999 est venu modifier sa rémunération.

Elle a été confirmée au poste d'assistante de direction dans le cadre de l'agence du Mans par acte du 3 juillet 2000, à effet au 1er juillet 2000.

Un avenant intervenu le 1er mars 2001 l'a nommée cadre administratif.

Ensuite de la fusion absorption de la société Perfect services par la société Onet services, elle a été reprise à compter du 1er juillet 2002 par la société Onet services, agence Le Mans, en qualité d'assistant de département, suivant avenant régularisé le même jour.

Un nouvel avenant du 1er janvier 2004 l'a notamment nommée responsable administratif, toujours au sein de l'établissement du Mans, et, le 1er janvier 2004 encore, elle a signé de nouvelles annexes à son contrat de travail venant annuler et remplacer les précédentes.

Elle a été mise à la retraite par la société Onet services au mois de novembre 2007.

La convention collective applicable est celle, nationale, des entreprises de propreté.

Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes du Mans le 7 janvier 2010 aux fins que, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la société Onet services, outre les dépens, soit condamnée à lui verser :

- 12 642 euros de rappel d'indemnité de départ en retraite,

- 20 000 euros de rappel de contrat de capitalisation,

- 3 550, 82 euros de rappel de contrepartie financière de la clause de non-concurrence,

- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 26 novembre 2010 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, le conseil de prud'hommes a :

- dit que Mme X... n'avait pas été entièrement remplie de ses droits,

- condamné la société Onet services à lui verser,

o 7 192 euros de rappel d'indemnité de départ en retraite,

o 11 000 euros de rappel sur le contrat de capitalisation,

o 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme X... de sa demande de rappel de contrepartie financière de la clause de non-concurrence,

- dit que les créances indemnitaires porteraient intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent,

- condamné la société Onet services aux entiers dépens.

Cette décision a été notifiée à Mme X... le 1er décembre 2010 et à la société Onet services le 7 décembre 2010.

La société Onet services en a formé régulièrement appel par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 27 décembre 2010 , limitant celui-ci aux dispositions du jugement qui l'ont condamnée au paiement d'un rappel d'indemnité de mise à la retraite ainsi qu'à une indemnité de procédure du chef de l'article 700 du code de procédure civile.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 11 octobre 2011 reprises oralement à l'audience,

ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la société Onet services maintient les termes de son appel limité, sollicitant que le jugement déféré soit confirmé pour le surplus, outre que Mme Annick X... soit condamnée aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.

Elle fait valoir que :

- en application de la convention collective des entreprises de propreté, elle est tenue en cas de mise à la retraite de son salarié de verser à ce dernier une indemnité égale à l'indemnité de licenciement conventionnelle,

- le contrat de travail de Mme X... prévoit certes une indemnité de licenciement plus favorable que celle fixée par la convention collective,

- cependant, en l'absence de stipulation par ce contrat du versement en cas de mise à la retraite de l'indemnité de licenciement qu'il définit, donc à défaut d'avantage supérieur à celui arrêté par la convention collective, seule cette dernière doit recevoir application.

Mme X... ayant formé appel incident des autres chefs de la décision, elle répond que :

- si elle reconnaît avoir mis fin unilatéralement au contrat de capitalisation qui avait été contractuellement prévu, il n'y a pas lieu d'aller au-delà de l'indemnisation allouée par les premiers juges, en ce qu'il a été versé à Mme X... à titre d'indemnité de départ en retraite une somme globale de 41 000 euros alors que n'auraient du lui être réglés que 35 646 euros ; le complément de 5 354 euros fait suite aux négociations intervenues et était destiné à compenser le préjudice qu'elle avait pu subir en lien avec l'interruption du contrat de capitalisation ; de plus, Mme X... en démontre pas la réalité de son préjudice, les bases de calcul qu'elle adopte n'étant pas justifiées ou erronées,

- le contrat de travail de Mme X... contenait une clause de non-concurrence; si sa mise à la retraite ne la prive pas de la contrepartie financière de cette clause, encore faut-il pour que celle-ci soit versée que Mme X... ait respecté la clause, ce qui suppose nécessairement qu'elle en rapporte la preuve, à savoir de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée d'exercer son activité pendant la période considérée dans le secteur visé ; au surplus, Mme X... ayant été mise à la retraite, ceci laisse supposer par principe l'absence d'une reprise d'activité, sauf à justifier d'une recherche en ce sens ; en outre, Mme X... n'a pas respecté les dispositions contractuelles, selon lesquelles la contrepartie financière de la clause de non-concurrence n'est due que si, dans les quinze jours qui suivent la fin de chaque trimestre, elle en demande le paiement par courrier recommandé avec accusé de réception, fournissant à l'appui une attestation de présence de son nouvel employeur ou de l'ANPE justifiant de son non emploi.

* * * *

Par conclusions déposées le 3 février 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, Mme Annick X... sollicite que la société Onet services soit déclarée mal fondée en son appel et, formant appel incident, que cette société soit condamnée à lui verser :

- 12 642 euros à titre de rappel d'indemnité de départ en retraite, la dite somme portant intérêts de droit à compter du jour de la saisine du conseil de prud'hommes,

- 20 000 euros de dommages et intérêts pour le manque à gagner au titre du contrat de capitalisation, la dite somme portant intérêts de droit à compter du jour de la saisine du conseil de prud'hommes,

- 3 550,82 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.

Elle demande en outre que la société Onet services soit condamnée à lui verser 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles d'appel et qu'elle soit tenue aux entiers dépens.

Elle réplique que :

- sa mise à la retraite est équivalente à un licenciement puisqu'il ne s'agit pas d'une décision volontaire de sa part mais d'une décision qui lui a été imposée ; il serait dès lors parfaitement anormal de considérer que la société Onet services pourrait faire l'économie de l'indemnité de licenciement expressément prévue à l'article 11 de l'annexe à son contrat de travail en cas de retraite ou de licenciement majorée par rapport à l'indemnité conventionnelle ; le contrat de travail fait la loi des parties ; si le raisonnement du conseil de prud'hommes est adéquat quant à l'assiette de calcul, en revanche n'avaient pas à venir en déduction les 5 354 euros de bonus qui n'avaient pas le même objet que l'indemnité de départ en retraite, car versés afin d'éviter la computation d'un certain nombre de charges sociales et patronales,

- la société Onet services ayant unilatéralement mis fin au contrat de capitalisation qui avait été convenu contractuellement, le principe d'une indemnisation est acquis ; si la société Onet services tente d'introduire la confusion à plusieurs niveaux, notamment sur une négociation qui n'a jamais existé, son préjudice n'a rien de virtuel ou d'hypothétique mais est fondé sur un calcul tout à fait justifié, ainsi quant au taux de revalorisation,

- son contrat de travail comporte une clause de non-concurrence que la société Onet services a omis de lever lors de sa mise à la retraite, qui est bien un des motifs de rupture du contrat au sens de cette clause ; elle a respecté de fait la clause, ayant effectivement cessé toute activité professionnelle à la suite de cette mise à la retraite; par ailleurs, cette clause mettait à sa charge des obligations parfaitement irréalisables, en ce qu'elle ne pouvait fournir ni une attestation Assedic puisque ne cotisant pas à Pôle emploi en tant que chômeur, ni une attestation de présence auprès d'un quelconque employeur ; la contrepartie financière de la clause de non-concurrence est parfaitement chiffrable.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'indemnité de mise à la retraite

La convention collective nationale des entreprises de propreté, sous son article 9.09 intitulé "départ en retraite", distingue deux situations, celle du "départ volontaire du salarié" et celle du "départ à la retraite à l'initiative de l'employeur".

Il est acquis aux débats que Mme Annick X... n'est pas partie d'elle-même à la retraite mais y a été mise par la société Onet services.

L'article 9.09 susvisé prévoit à ce titre que :

"L'employeur peut procéder à la mise à la retraite du salarié conformément aux dispositions légales, sans que cette décision s'analyse en un licenciement, lorsque le salarié peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein (c'est-à-dire avoir le nombre de trimestres requis de cotisations et au moins 60 ans, ou être âgé d'au moins 65 ans).

L'employeur doit respecter le préavis fixé à l'article 9.08.2.

Le salarié faisant l'objet d'une décision de mise à la re traite bénéficie d'une indemnité égale à l'indemnité de licenciement fixée à l'article 9.08.3".

L'article 9.08.3 qui définit l'indemnité de licenciement stipule quant à lui :

"Tout salarié licencié bénéficiera, sauf cas de faute grave ou lourde, d'une indemnité de licenciement égale à :

De deux ans à cinq ans révolus d'ancienneté : 1/10 ème de mois par année d'ancienneté.

De six ans à dix ans révolus d'ancienneté :

. 1/10 ème de mois par année d'ancienneté pour la fraction des cinq premières années,

. 1/6 ème de mois par année d'ancienneté pour la fraction de six ans à dix ans révolus.

A partir de 11 ans d'ancienneté :

. 1/10 ème de mois par année d'ancienneté pour la fraction des 5 premières années,

. 1/6 ème de mois par année d'ancienneté pour la fraction de 6 ans à 10 ans révolus,

. 1/5 ème de mois pour chaque année au delà de 10 ans révolus.

La rémunération moyenne des 12 derniers mois de travail effectif ou selon la formule la plus avantageuse des 3 derniers mois sera prise en considération pour le calcul de cette indemnité (étant entendu que toute prime ou gratification de caractère annuel qui aurait été versée au salarié pendant cette période de 3 mois ne sera prise en compte que prorata temporis)".

Le contrat de travail de Mme X..., dans ses annexes applicables signées par les parties le 1er janvier 2004, comporte un article XI dont le titre est "fin de carrière et départ à la retraite" et dont les dispositions sont les suivantes :

"Le personnel "Cadres 4, 4 bis et Article 36" qui prendra sa retraite, percevra une indemnité de fin de carrière dont le montant ne pourra être inférieur à :

1/10ème de mois de salaire par année si le retraité compte de 2 à 10 ans d'ancienneté,

2 mois de salaire si le retraité compte au moins 10 ans d'ancienneté,

3 mois de salaire si le retraité compte au moins 15 ans d'ancienneté.

4 mois de salaire si le retraité compte au moins 20 ans d'ancienneté,

6 mois de salaire si le retraité compte au moins 25 ans d'ancienneté,

. 8 mois de salaire après 30 ans d'ancienneté,

10 mois de salaire après 35 ans d'ancienneté,

. 12 mois de salaire plus de 38 ans d'ancienneté.

Ces indemnités ne se cumulent pas.

Dans les deux cas, retraite ou licenciement, l'assiette de calcul des indemnités sera constituée par la rémunération brute moyenne des douze derniers mois de travail effectif (ou si plus avantageux, des trois derniers mois).

Les indemnités prévues aux articles X et XI ne sauraient se cumuler avec celles prévues par la Convention Collective éventuellement applicable".

Il résulte de la rédaction de cet article XI que, hormis de fixer une indemnité de départ à la retraite minimale en fonction de l'ancienneté du salarié, les parties ont entendu renvoyer la liquidation de l'indemnité en la matière à la convention collective qui, on l'a vu, se réfère à l'indemnité de licenciement.

La société Onet services indique que, par conséquent, Mme X... a été remplie de ses droits puisque c'est sur cette base conventionnelle qu'a été effectivement chiffrée l'indemnité qui lui était due.

Néanmoins, Mme X... veut voir son indemnité de mise à la retraite calculée, non sur la base de l'article 9.08.3 de la convention collective précitée, mais sur celle de l'article X des annexes à son contrat de travail qui indique au titre de l' "indemnité de congédiement" :

"Le personnel "Cadre 4, 4 bis et Article 36" bénéficiera, sauf cas de faute grave ou lourde, déjà privative de l'indemnité de préavis, et après deux ans d'ancienneté, d'une indemnité de congédiement égale à :

De 2 à 5 ans d'ancienneté: 1 mois de salaire,

De 6 à 10 ans d'ancienneté: 3 mois de salaire,

De 11 à 15 ans d' ancienneté: 5 mois de salaire,

Plus de 15 ans d'ancienneté: ajout d'l mois de salaire par 3 années pleines d'ancienneté,

Plus de 21 ans d'ancienneté: ajout de 2 mois par 3 années pleines d'ancienneté.

Ces indemnités ne se cumulent pas. Elle; ne sont pas soumises à cotisations.

Le montant de ces indemnités est plafonné à douze mois de salaire brut".

Conformément à l'article L.135-2 devenu L.2254-1 du code du travail, lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord collectif, celles-ci s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf dispositions plus favorables.

Il en résulte que, si l'indemnité de licenciement ou de congédiement qui sert de base à la liquidation des droits du salarié mis à la retraite s'avère plus favorable au plan contractuel qu'au plan conventionnel, c'est la première qui doit être retenue.

Ce sont donc bien les dispositions contractuelles de l'article X et non les dispositions conventionnelles de l'article 9.08.3 qui devaient être appliquées par la société Onet services au calcul de l'indemnité de mise à la retraite de Mme X... et, la décision des premiers juges devra être confirmée en son principe.

Quant au quantum du solde de l'indemnité de mise à la retraite du à Mme X..., il conviendra au contraire d'infirmer le jugement déféré.

En effet, selon le calcul de Mme X..., qui n'a pas été contesté dans son montant par la société Onet services, devaient lui revenir à ce titre 48 192 euros.

Les premiers juges ont octroyé à Mme X... un reliquat de 7 192 euros au motif qu'ils avaient constaté, au vu du bulletin de salaire de janvier 2008, que celle-ci avait d'ores et déjà perçu 41 000 euros.

Si cette somme figure bien sur la fiche de paie précitée comme indemnité de mise à la retraite, la société Onet services a expliqué qu'elle ne représentait l'indemnité de mise à la retraite due que pour 35 646 euros, le restant correspondant à un dédommagement lié à la cessation unilatérale du contrat de capitalisation sur lequel l'on reviendra infra.

Dès lors, la société Onet services devra être condamnée à verser à Mme X... 12 546 euros pour solde d'indemnité de mise à la retraite.

Ladite somme portera intérêts de droit à compter du présent arrêt.

Sur le contrat de capitalisation

Le contrat de travail conclu le 1er janvier 1993 entre la société Perfect service holding et Mme Annick X... décompose, en son article 2, la rémunération de la salariée en a) un fixe et en b) un contrat d'assurance.

À ce propos, il est convenu que :

"Il sera souscrit un contrat d'assurance "CAPITALISATION" sur la base d'une cotisation annuelle de 6.500 Francs, premier versement au 31 Décembre 1993.

La révision annuelle sera effectuées suivant les résultats".

Cette clause a effectivement été ramenée à exécution, un contrat "Capi Ressources" ayant été souscrit le 1er janvier 1994 par l'entreprise auprès de la société Prospérité, filiale de la société d'Assurances Banque Populaire vie.

Il n'est pas contesté, qu'alors que les avenants ultérieurs n'avaient pas rapporté ou modifié cette clause contractuelle, la société Onet services, sans en aviser Mme X... et sans recevoir son accord, a résilié ce contrat, la société Prospérité ayant accusé réception de sa demande en ce sens le 8 août 2002. Ce n'est que lorsque Mme X..., à sa mise à la retraite, a demandé à bénéficier de la rente viagère que lui assurait ce contrat qu'elle a connu cet état de fait.

Le manque à gagner de Mme X... est, par voie de conséquence, patent puisque le contrat "Capi Ressources" consiste pour l'employeur à offrir au salarié, pour lequel il conclut un tel contrat, un revenu complémentaire de retraite. La cotisation est fixée en pourcentage d'une ou plusieurs tranches de salaire et, cette cotisation, nette de frais, alimente le compte de l'assuré. L'épargne retraite s'accroît grâce à la cotisation ainsi versée et aux intérêts capitalisés. Un rendement minimum de 4,50 % l'an est garanti, Prospérité s'engageant également à distribuer 100 % de ses résultats techniques et financier. Les droits portés au compte de chaque assuré sont définitivement acquis à ce dernier, même si le compte vient à ne plus être alimenté, sur la base alors du capital porté en compte, en cas de décès pendant la période d'activité comme en cas de départ à la retraite.

Mme X... réclame 20 000 euros en réparation de ce manque à gagner, sur la base du calcul suivant :

- si la société Onet services avait poursuivi le versement des cotisations jusqu'à son départ en retraite, le capital-rente aurait été de 30 810 euros, soit une "rente mensuelle de 122 euros", au lieu des 62,77 euros perçus,

- ainsi, "sa perte annuelle peut être fixée à une somme représentant le différentiel entre ces deux sommes, soit 59,23 euros x 12 = 710,76 euros",

- "compte tenu de la revalorisation de 4 % prévue contractuellement et en se basant sur une espérance de vie moyenne de 20 ans, son manque à gagner se situe aux environs de 20 000 euros".

Au soutien, elle verse aux débats :

- le montant des cotisations que la société Onet services aurait dû verser pour alimenter son compte "Capi Ressources", de la date de résiliation à celle de sa mise à la retraite, soit un total de 9 350,60 euros,

- le cumul des cotisations versées nettes qui s'élève à 9 909,61 euros pour une valeur capital-rente au 29 février 2008 de 15 852,17 euros,

- l'attestation du 8 avril 2008 comme quoi la rente qui lui est versée, en contrepartie de ce capital, se monte à 62,77 euros par trimestre,

- les rendements du dit contrat de 1995 à 2007.

La société Onet services ne conteste pas le montant des cotisations versées et celui à devoir, de même que l'impact en termes de capital-rente, n'ayant d'ailleurs pas relevé appel de la condamnation prononcée de ce chef par les premiers juges.

Elle a deux objections sur le bien-fondé de l'appel incident de Mme X... relatif au quantum octroyé, d'une part que celle-ci a d'ores et déjà dédommagée au titre de la perte financière subie ainsi que le reflète le montant de l'indemnité de mise à la retraite allouée de 5 354 euros supérieur à l'indemnité conventionnelle de mise à la retraite, d'autre part que la même ne démontre pas la réalité du préjudice qu'elle invoque, son calcul s'avérant au surplus non explicite.

Ces objections ne peuvent toutefois prospérer dans leur intégralité, la société Onet services ne justifiant pas que le versement de la somme de 5354 euros corresponde au dédommagement de Mme X... de la perte financière causée par l'arrêt unilatéral du contrat de capitalisation, cette dernière venant le démentir, de même que n'apparaissent pas sujet à critiques :

- tant l'espérance de vie retenue, qui est un peu en deçà de celle moyenne pour une femme qui, comme Mme X..., était âgée de 64 ans lors de sa mise en retraite en 2007,

- que le taux de revalorisation de 4% adopté, qui n'est en rien excessif au regard des rendements constatés, souvent bien supérieurs à 4 %, voire même à 4,50 % annuel qui constitue le taux minimum garanti.

En revanche, la société Onet services fait remarquer avec justesse que la rente dont s'agit est trimestrielle et non pas mensuelle, ce qui ne peut que diminuer dans des proportions notables la somme qui est demandée.

Dans ces conditions, l'on en restera à l'estimation des premiers juges du préjudice subi par Mme X... , à hauteur de11 000 euros, qui apparaît adaptée, la décision étant confirmée de ce chef.

Ladite somme portera intérêts de droit à compter du jugement déféré.

Sur la clause de non-concurrence

Les annexes au contrat de travail de Mme Annick X... comportent une clause de non-concurrence rédigée en ces termes :

"Sauf dispositions particulières relatives aux départements de la Moselle, du Haut Rhin et du Bas Rhin, compte tenu de la nature de ses fonctions, l'intéressé(e) s'engage, en cas de rupture de son contrat de travail pour quelque cause que ce soit à ne pas directement ou indirectement :

. Entrer au service d'une société concurrente ou d'une filiale ou entité d'un groupe directement concurrent de la Société.

. S'intéresser à toute fabrication activité ou commerce pouvant concurrencer celle de la Société.

. Créer, gérer, exploiter ou administrer une entreprise similaire ou concurrente.

Cette clause s'applique au sein du(des) départements du secteur géographique où il exerce ses activités ainsi que sur les départements limitrophes.

Cette interdiction de concurrence est applicable pendant une durée d'un an. En cas de rupture du contrat pour motif économique ou pendant la période d'essai, la clause ne s'appliquera que pour une durée de 6 mois.

En contrepartie de cette clause, l'intéressé (e) percevra à compter de la cessation de son activité au sein de l'entreprise, une indemnité spéciale forfaitaire égale à 10 % de la moyenne mensuelle des salaires perçus au cours des douze derniers mois de présence dans la Société. L'indemnité de non concurrence sera versée à l'intéressé(e) à compter de la cessation définitive de son activité. Cette indemnité sera versée trimestriellement sous réserve que l'intéressé(e) fournisse par lettre recommandée avec accusé de réception dans les 15 jours qui suivent la fin de chaque trimestre, une demande de paiement ainsi qu'une attestation de présence de son nouvel employeur ou une attestation de l'ANPE justifiant sa situation de non emploi. Cette indemnité ayant le caractère de salaire est soumise aux cotisations sociales.

La Société se réserve la possibilité de libérer partiellement ou totalement dans le temps et ou dans l'espace l'intéressé(e) de l'interdiction de concurrence et par là même de se dégager du paiement de l'indemnité prévue en contrepartie, à l'occasion de la rupture du contrat de travail, sous réserve de notifier sa décision par écrit (recommandé avec AR ou remise en main propre) dans un délai d'un mois à compter de la notification de la rupture.

La Société se réserve le droit de poursuivre l'intéressé(e) en justice en réparation du préjudice effectivement subi et de demander l'exécution forcée de l'obligation de non-concurrence".

Il ne fait pas débat que la société Onet services n'a pas libéré Mme X... de cette clause de non-concurrence à l'occasion de la mise en retraite de cette dernière dans le délai qui lui était imparti.

La société Onet services prétend cependant qu'elle ne doit pas la contrepartie financière à Mme X....

Toutefois, l'obligation au paiement de l'indemnité compensatrice de non-concurrence est liée à la cessation d'activité du salarié, au respect de la clause de non-concurrence et à l'absence de renonciation de l'employeur ; elle ne peut être affectée par les circonstances de la rupture du contrat de travail et la possibilité ou non pour le salarié de reprendre une activité concurrentielle.

Dès lors, le fait que Mme X... ait été mise à la retraite ne dispense pas la société Onet services de son obligation à paiement.

Mme X... n'a pas non plus à faire la preuve de l'existence d'un préjudice en lien. Il appartient à l'employeur, pour pouvoir être dispensé de son obligation à paiement, de justifier que le salarié a violé son obligation de non-concurrence pour les activités, lieux et période considérés. La clause contractuelle qui stipulerait du contraire est inopérante.

La société Onet services ne peut se soustraire à son obligation à paiement en excipant de ce que les annexes du contrat de travail avaient imparti à Mme X..., afin d'obtenir le paiement de la contrepartie financière prévue, d'en faire la demande chaque fin de trimestre accompagnée d'une attestation de son nouvel employeur ou de Pôle emploi aujourd'hui. Une telle clause qui revient à renverser la charge de la preuve du respect de la clause de non-concurrence, en ce qu'elle fait reposer cette dernière sur la salariée, est illicite et ne peut lui être opposée.

Par voie de conséquence, il conviendra d'infirmer le jugement déféré sur ce point et, la société Onet services sera condamnée à verser à Mme X... 3 550,82 euros, somme dont le montant n'est pas contesté.

Sur les frais et dépens

La décision des premiers juges sera confirmée dans ses dispositions relatives aux frais et dépens.

La société Onet services sera condamnée à verser à Mme Annick X... 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

La société Onet services sera condamnée aux entiers dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu le principe d'un solde d'indemnité de mise à la retraite en faveur de Mme Annick X..., en ce qu'il lui a alloué 11 000 euros de dommages et intérêts au titre du contrat de capitalisation avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision, ainsi que 1 000 euros d'indemnité de procédure, et en ce qu'il a condamné la société Onet services aux dépens de

première instance,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne la société Onet services à verser à Mme X... :

- 12 546 euros au titre du solde d'indemnité de mise à la retraite, ladite somme portant intérêts de droit à compter du présent arrêt,

- 3 550,82 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,

Y ajoutant,

Condamne la société Onet services à verser à Mme X... 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

Condamne la société Onet services aux entiers dépens de l'instance d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALL Catherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/03189
Date de la décision : 15/05/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-05-15;10.03189 ?
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