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24/04/2012 | FRANCE | N°11/00003

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 24 avril 2012, 11/00003


ARRÊT N EP/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00003.
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 06 Décembre 2010, enregistrée sous le no 10/ 00240

ARRÊT DU 24 Avril 2012

APPELANTE :

SARL BRINK'S EVOLUTION BP 36244 35762 SAINT GREGOIRE CEDEX

représentée par Maître Séverine LEBRET, substituant Maître Laure VALLET, avocat au barreau de ROUEN

INTIME :

Monsieur Thierry Y...... 72100 LE MANS

représenté par Monsieur Alain X..., délégué syndical, muni d'un pouvoir

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En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 20...

ARRÊT N EP/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00003.
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 06 Décembre 2010, enregistrée sous le no 10/ 00240

ARRÊT DU 24 Avril 2012

APPELANTE :

SARL BRINK'S EVOLUTION BP 36244 35762 SAINT GREGOIRE CEDEX

représentée par Maître Séverine LEBRET, substituant Maître Laure VALLET, avocat au barreau de ROUEN

INTIME :

Monsieur Thierry Y...... 72100 LE MANS

représenté par Monsieur Alain X..., délégué syndical, muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, conseiller, et Madame Elisabeth PIERRU, vice-présidente placée, chargées d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Elisabeth PIERRU, vice-présidente placée

Greffier lors des débats : Madame LE GALL,

ARRÊT : prononcé le 24 Avril 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE
Thierry Y... a été embauché par la société SPS le 30 septembre 1989 par contrat à durée indéterminée en qualité de convoyeur.
La société SPS a été rachetée par la société Sécuribanque, elle même rachetée en mai 1994 par la Sarl BRINK'S OUEST, elle même absorbée ensuite par la SARL BRINK'S Evolution dont le siège social est à Paris.
La SARL BRINK'S Evolution est divisée en établissement, dont une direction régionale à RENNES.
Thierry Y... était employé par l'agence BRINK ‘ S du Mans.
Le 23 novembre 2009, Thierry Y... a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 3 décembre 2009.
Lors de cet entretien, Thierry Y... a reconnu avoir été condamné le 27 octobre 2009 par le Tribunal Correctionnel du Mans pour recel commis au préjudice de la société Automobile Club de l'Ouest.
Par courrier recommandé du 15 décembre 2009, la Sarl BRINK'S Evolution a notifié à Thierry Y... son licenciement pour faute grave.
Le 21 avril 2010, Thierry Y... a saisi le conseil de prud'hommes du Mans pour faire reconnaître que son licenciement ne repose pas sur un motif disciplinaire ni sur une cause réelle et sérieuse et obtenir diverses indemnités.
Par jugement auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le conseil de prud'hommes du Mans a :
- dit que le licenciement de Thierry Y... relève d'une cause réelle et sérieuse,- condamné la Sarl BRINK'S Evolution à verser à Thierry Y... : *4 389. 30 € à titre d'indemnité de préavis, *438. 93 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis, *9 875. 93 € au titre de l'indemnité de licenciement, *300 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,- dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation,- ordonné l'exécution provisoire du jugement,- débouté la Sarl BRINK'S Evolution de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens.

Thierry Y... et la Sarl BRINK'S Evolution ont reçu notification de ce jugement respectivement le 15 décembre 2010 et à une date non précisée sur l'accusé réception retourné au secrétariat du conseil de prud'hommes le 24 décembre 2010.
La Sarl BRINK'S Evolution a régulièrement interjeté appel par déclaration enregistrée au greffe le 3 janvier 2011.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 30 décembre 2011, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile, la Sarl BRINK'S Evolution demande à la cour :
- de réformer le jugement,- de dire et juger légitime et justifié le licenciement pour faute grave notifié à Thierry Y... et par voie de conséquence de le débouter de toutes ses demandes.- de condamner Thierry Y... à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et de le condamner aux dépens.

La Sarl BRINK'S Evolution fait valoir que c'est à tort que le Conseil des Prud'hommes a écarté la faute grave reprochée à Thierry Y....
Elle rappelle avoir été avertie par son client, l'Automobile Club de l'Ouest des faits de recel reprochés à Thierry Y..., client qui lui demandait de ne plus affecter ce salarié à aucune mission en relation directe ou indirecte avec lui.
Elle souligne que Thierry Y... a reconnu avoir recelé des billets des 24 heures du Mans, précédemment volés par une autre personne, et dont il n'ignorait pas la provenance, dans le but de les revendre ce qui lui permettait un bénéfice de 10 € par billets, faits qui ont conduit le Tribunal Correctionnel du Mans à le condamner pour recel le 27 octobre 2009.
La Sarl BRINK'S Evolution précise que la profession de convoyeur de fonds est strictement réglementée par la loi no83-629 du 12 juillet 1983 dont l'article 6 prévoit que nul ne peut être employé dans cette profession sans avoir fait l'objet d'une déclaration préalable auprès de la préfecture du département ni s'il a fait l'objet, notamment, d'une condamnation à une peine correctionnelle ou criminelle inscrite au bulletin no 2 du casier judiciaire. Elle souligne en conséquence que l'exercice de cette profession nécessite une honnêteté sans faille, ce qui est incompatible avec la condamnation correctionnelle prononcée contre Thierry Y..., dont le licenciement s'imposait.
D'autre part la Sarl BRINK'S Evolution fait valoir que la condamnation pénale prononcée ne peut être considérée comme un fait relevant de la vie privée de Thierry Y... dans la mesure où l'infraction de recel a été commise au préjudice d'un client de l'employeur. Elle estime sans influence sur le litige le courrier de l'Automobile club de l'Ouest qu'aurait reçu Thierry Y... quelques jours après son licenciement l'interrogeant sur son éventuelle participation à la manifestation de 2010, courrier manifestement adressé automatiquement à tout contrôleur ayant déjà participé à celle-ci l'année précédente.
Elle souligne que le comportement de Thierry Y... portait manifestement atteinte au crédit de l'entreprise, les faits reprochés constituant incontestablement une faute grave.
Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 23 janvier 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile, Thierry Y... demande à la cour :
- de recevoir son appel incident, A titre principal :- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes du Mans du 6 décembre 2010 et dire que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,- de condamner la Sarl BRINK'S Evolution à lui payer :- indemnité de préavis4 389. 30 €- congés payés sur préavis 438. 93 €- indemnité de licenciement 9 875. 93 €- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 32 920. 00 €,

A titre subsidiaire,
- de confirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes du Mans du 6 décembre 2010 en ce qu'il a condamné la Sarl BRINK'S Evolution au paiement des sommes suivantes :
- indemnité de préavis4 389. 30 €- congés payés sur préavis 438. 93 €- indemnité de licenciement 9 875. 93 €- article 700 du Code de procédure civile 300. 00 €

- de lui accorder au titre de l'article 700 du Code de procédure civile 1 000. 00 €- de condamner la Sarl BRINK'S Evolution aux paiements des intérêts de droit à compter de la demande en justice et aux dépens y compris les frais et honoraires éventuels d'exécution (frais et totalité des honoraires d'huissier).

Thierry Y... s'oppose aux prétentions de l'appelante et forme appel incident. Il fait valoir que les faits qui lui ont été reprochés ont été commis dans le cadre de sa vie privée et qu'ils ne peuvent donc servir de base légale à son licenciement. Il souligne que la pièce no3 versé aux débats par la Sarl BRINK'S Evolution, c'est à dire le courrier adressé par l'Automobile Club de l'Ouest à l'employeur, a été sollicité par celui-ci et qu'il n'a pas été joint à sa convocation à l'entretien préalable à son licenciement. En outre il fait valoir que l'Automobile Club de l'Ouest était un client occasionnel de la Sarl BRINK'S Evolution.
En conséquence il estime que non seulement la faute grave invoquée contre lui n'a pas à être retenue, mais que le licenciement prononcé est sans cause réelle et sérieuse ce qui justifie de lui allouer, outre les sommes accordées par le Conseil des Prud'hommes, la somme de 32 920 € à titre d'indemnité de licenciement et celle de1 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile devant la cour.
Subsidiairement si la cour estimait devoir retenir l'existence d'une cause réelle et sérieuse Thierry Y... estime que le jugement doit être confirmé.

MOTIFS DE LA DECISION

A la suite de l'entretien du 23 novembre 2009, préalable au licenciement envisagé et auquel il a été régulièrement convoqué, la Sarl BRINK'S Evolution a notifié à Monsieur Y... son licenciement par courrier recommandé avec accusé de réception le 15 décembre 2009 ainsi motivé :
" Nous vous rappelons les faits qui vous sont reprochés :
Le 17 novembre 2009, nous avons reçu un courrier de notre client l'Automobile Club de l'Ouest, nous informant de votre condamnation dans une affaire de recel et de vol de billets d'entrée pour les 24 heures du Mans. Ce client nous indique également qu'il ne souhaite plus vous voir intervenir dans un cadre professionnel au sein de son association.
Au cours de notre entretien, vous nous avez confirmé que vous avez été condamné le 27 octobre 2009 pour recel par le Tribunal de Grande Instance du Mans à une peine d'amende de 500 €.
Vous nous avez également précisé qu'un de vos amis vous avait confié la vente d'une cinquantaine de billets d'entrée aux ACO et que vous perceviez la somme de 10. 00 € par billet vendu. Il s'avère néanmoins que ces billets étaient clairement identifiés comme des billets appartenant au Comité d'Entreprise et qu'il ne pouvait donc s'agir que d'une vente parfaitement illicite ; votre version des faits n'a d'ailleurs pas convaincu les juges puisqu'ils vous ont condamné.
Ces faits commis au préjudice de l'un de nos clients portent gravement atteinte à l'image de notre société. Par ailleurs, ils entraînent une perte de confiance irrémédiable et incompatible avec l'exercice du métier de convoyeur de fonds.
En raison de leurs conséquences, ces faits constituent une faute grave et rendent impossible votre maintien dans notre entreprise même pendant la durée du préavis.
Par conséquent, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave qui prend effet à la date d'envoi de ce courrier ".
Il est établi que, par courrier régulièrement versé aux débats en date du 17 novembre 2009, l'Automobile Club de l'Ouest, client de la Sarl BRINK'S Evolution, a avisé l'employeur de ce que son salarié Thierry Y... s'était rendu coupable d'un délit à son encontre.
Il importe peu que ce courrier ait été adressé à la demande de l'employeur dans la mesure où il résulte clairement de ses termes que cette annonce avait été précédée d'un appel téléphonique et faisait part du désagrément du client qui ne souhaitait plus la poursuite des missions de Thierry Y... auprès de lui.
Aucun texte ne prévoit que l'employeur soit tenu de communiquer au salarié les éléments de preuve dont il entend se prévaloir avant l'entretien préalable au licencient, l'argument du salarié de ce chef est inopérant.
La profession de convoyeur de fonds, régie par les dispositions spécifiques de la loi relative aux activités de sécurité en date du 12 juillet 1983, comporte des obligations tout à fait particulières quant à l'honnêteté et l'intégrité, nécessitant notamment outre une déclaration préalable à l'embauche auprès des autorités préfectorales, l'absence d'interdiction prévue par cette loi, telle la condamnation à une peine correctionnelle ou criminelle inscrite au casier judiciaire no2 (article 6 de la loi).

Le contrat de travail de Thierry Y... comporte d'ailleurs une " clause d'honorabilité " ainsi libellée :

" Compte tenu du caractère particulier de l'activité de la société, votre honorabilité est un préalable absolu à votre engagement définitif, et le maintien de cette honorabilité constitue expressément, et avec votre plein accord, une clause essentielle du contrat de travail : en cas de perte de celle-ci, le contrat se trouvera résilié de plein droit de votre fait. Par la signature du présent contrat, vous déclarez sur l'honneur que vous n'avez jamais fait l'objet de condamnation pour agissements contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs ou pour atteinte à la sécurité des personnes et des biens. Vous vous engagez à prévenir la société (par lettre recommandée avec accusé de réception) de toute procédure pénale qui pourrait être ultérieurement dirigée contre vous et, par le même moyen, de l'informer régulièrement de l'évolution de ladite procédure. "

Thierry Y... a reconnu au cours de l'entretien préalable avoir été condamné par le Tribunal Correctionnel du Mans le 27 octobre 2009 pour des faits de recel commis au préjudice de l'Automobile Club de l'Ouest, cette décision étant d'ailleurs régulièrement versée aux débats par la Sarl BRINK'S Evolution, s'agissant d'une décision de justice rendue en public.
Contrairement à ce que Thierry Y... prétend, cette condamnation ne peut concerner exclusivement sa vie privée dans la mesure où elle est relative à des faits contraires à l'honnêteté et à la probité commis au préjudice d'un client de son employeur, ce qu'il savait parfaitement.
En outre il ne pouvait pas ignorer que cette condamnation, non exclue de l'inscription au bulletin no2 de son casier judiciaire, était également incompatible avec l'exercice de sa profession de convoyeur de fonds.
Il a également manqué de loyauté à l'égard de son employeur en ce qu'il apparaît que, contrairement à l'engagement souscrit aux termes du contrat de travail, il ne l'a pas informé de la procédure pénale engagée à son égard et de son évolution.
Les faits invoqués par l'employeur à l'appui du licenciement sont parfaitement établis et rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La faute grave ainsi caractérisée justifiait le licenciement prononcé à l'encontre de Thierry Y....
La faute grave est privative de l'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que des congés payés afférents à cette somme, et de l'indemnité de licenciement ; par voie d'infirmation du jugement déféré, Thierry Y... sera débouté de toutes ses demandes.
La cour rappelle que le présent arrêt infirmatif, s'agissant des sommes allouées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de congés payés y afférente et de l'indemnité légale de licenciement, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées de ce chef par l'appelante en exécution du jugement. Les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la présente décision.

Sur l'indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Thierry Y... succombant en toutes ses demandes, la cour infirme le jugement ayant condamné la Sarl BRINK'S Evolution à lui payer la somme de 300 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Eu égard aux circonstances de l'espèce et à l'équité il est justifié de condamner Thierry Y... à payer à la Sarl BRINK'S Evolution la somme de 600 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Thierry Y... supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau
Dit que le licenciement de Thierry Y... est fondé sur une faute grave,
En conséquence le déboute de toutes ses demandes,
Condamne Thierry Y... à payer à la Sarl BRINK'S Evolution la somme de 600 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Thierry Y... aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00003
Date de la décision : 24/04/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-04-24;11.00003 ?
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