COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale
ARRÊT N BAP/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/01665.
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 16 Juin 2010, enregistrée sous le no 09/00516
ARRÊT DU 24 Avril 2012
APPELANT :
Monsieur Jean-Patrick X......72000 LE MANS
présent, assisté de Maître Yves PETIT, avocat au barreau du MANS
INTIMÉE :
SOCIETÉ FIRST TRANSPORT AFFRETEMENTSLe MesleretSaint Georges des Groseillers BP 10561102 FLERS CEDEX
représentée par Maître Serge DESDOITS, avocat au barreau d'ARGENTAN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Janvier 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL , présidentMadame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT :prononcé le 24 Avril 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL , président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
M. Jean-Patrick X... a été engagé par la société First transports affrètements en qualité de conducteur qualifié poids lourds le 3 décembre 2007.La convention collective applicable est celle, nationale, des transports et activités annexes.
Il a été victime d'un accident du travail le 27 mars 2008, qui a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe, à l'issue duquel il a été placé en arrêt de travail et déclaré consolidé le 15 juillet 2009.
Il a été l'objet d'une visite de pré-reprise le 9 juillet 2009.
À l'occasion de la visite de reprise en deux examens, le médecin du travail l'a déclaré :- le 16 juillet 2009, "apte avec restrictions, pas de manutention répétée, pas de chargement/déchargement des camions",- le 30 juillet 2009, "apte avec restrictions, pas de manutention répétée, pas de chargement/déchargement des camions, serait apte à un poste de chauffeur sans manutention ou tout autre poste sans manutention comme par exemple un poste administratif, un poste de contrôle, etc...".
Il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement "pour inaptitude totale à votre poste de conducteur PL", par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 3 août 2009, qui a été présenté le 4 août 2009 et qu'il a retiré le 5 août 2009.
L'entretien préalable s'est tenu le 11 août 2009.
Il a été licencié, par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 août 2009 pour "inaptitude aux manutentions répétées, chargement/déchargement et ... impossibilité de vous reclasser dans l'entreprise ainsi que dans le GROUPE LEVERRIER".
Contestant cette mesure, il a saisi le conseil de prud'hommes du Mans le 31 août 2009 aux fins que, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :- soit dit et jugée abusive la rupture de son contrat de travail, la société First transports affrètements ayant l'obligation de le conserver ou de le reclasser,- la société First transports affrètements soit condamnée à lui versero 1 800 euros d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,o 12 000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive,o 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- la société First transports affrètements soit condamnée aux entiers dépens.
Par jugement du 16 juin 2010 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, le conseil de prud'hommes l'a débouté de l'intégralité de ses demandes, l'a condamné aux entiers dépens, a débouté la société First transports affrètements de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La décision lui a été notifiée le 19 juin 2010 et à la société First transports affrètements le 18 juin 2010.Il en a formé régulièrement appel, par courrier recommandé avec accusé de réception posté le 28 juin 2010.
L'audience était fixée au 16 juin 2011, en conseiller rapporteur. Ensuite de l'empêchement du magistrat, elle a dû être reportée au 26 janvier 2012.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
À l'audience, reprenant oralement ses conclusions écrites déposées le 9 janvier 2012 ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. Jean-Patrick X... sollicite l'infirmation du jugement déféré et que :- il soit dit et jugé que la procédure de licenciement n'a pas été respectée,- il soit dit et jugé qu'il y a rupture abusive de son contrat de travail, la société First transports affrètements ayant failli à son obligation de reclassement,- en conséquence, celle-ci soit condamnée à lui versero 1 800 euros au titre du non-respect de la procédure,o à titre incident, 20 000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, - en outre, la société First transports affrètements soit condamnée à lui verser2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, ainsi qu'à supporter les entiers dépens d'appel.
Il fait valoir que :- sur le non-respect de la procédure de licenciement au regard de l'article L.1232-2 alinéa 3 du code du travail, n'étant entré en possession du courrier de convocation à l'entretien préalable non le 4 août 2009, mais le 5 août 2009, et l'entretien préalable étant le 11 août 2009, il ne s'est écoulé que quatre jours ouvrables, soit les jeudi 6, vendredi 7, samedi 8 et lundi 10, entre la dite convocation et l'entretien préalable lui-même,- sur le licenciement, et au visa de l'article L.1226-2 du code du travail, la société First transports affrètements n'a pas respecté son obligation de reclassement à son égardo étant rappelé qu'il n'a pas été déclaré inapte, mais apte avec restrictions,o de fait, l'obligation de l'employeur s'en trouve renforcée en ce que celui-ci devait non seulement rechercher, mais aussi trouver un poste adapté à ses capacités physiques,o la recherche de postes dont se prévaut la société First transports affrètements a été effectuée avant même qu'il ne soit déclaré inapte puisque dès le 15 juillet 2009, et non le 9 août 2009 comme l'énonce le conseil de prud'hommes, il lui est indiqué que les postes existants au sein de l'entreprise permettant son reclassement ont été recherchés et, qu'il n'en existe aucun ; or le premier examen dans le cadre de la visite de reprise date du 16 juillet 2009, o de même, c'est lors d'une réunion du 27 juillet 2009 qu'est constatée l'absence de poste disponible lui correspondant au sein du groupe Leverrier auquel appartient la société First transports affrètements, alors que son inaptitude définitive n'est constatée que le 30 juillet 2009, o dans ces conditions, les recherches de reclassement sont nulles et non avenues, que ce soit au sein de la société First transports affrètements, comme au sein du groupe Leverrier,o la société First transports affrètements est, par ailleurs, dans l'impossibilité de justifier de recherches de reclassement, tant internes qu'externes, postérieurement aux avis d'inaptitude de la médecine du travail et en considération de ces avis,o de même, la société First transports affrètements affirme que ces recherches ont été menées, sans cependant apporter la moindre preuve à ce sujet et, alors qu'il n'a été l'objet d'aucunes propositions écrites concernant un quelconque emploi,o il est curieux qu'au sein d'un groupe de l'importance du groupe Leverrier, il n'existe aucun poste de chauffeur sans manutention, sachant qu'il est titulaire des permis A, B, C et D,o il est à souligner qu'en matière de reclassement, toutes les possibilités doivent être explorées et, il existe au sein du groupe des entreprises qui, apparemment, n'ont pas été contactées,o aussi, dans l'optique d'une formation qui aurait pu lui être proposée conformément aux dispositions légales, existe une convention d'objectif entre l'Etat et l'Agefiph, organisme qui par le biais d'aides aux entreprises permet à celles-ci de recruter ou de maintenir dans leur emploi des travailleurs handicapés ou victimes d'accident du travail, convention qui n'a pas été mise en oeuvre par la société First transports affrètements,o la société First transports affrètements avait décidé voire prémédité, bien avant qu'il ne soit déclaré inapte, de ne pas le reclasser, une preuve encore de sa mauvaise foi étant à trouver quant à des faits délictueux qu'elle invoque à son encontre, d'une part couverts par la présomption d'innocence, d'autre part qui n'ont rien à voir avec les débats de la présente affaire,o son préjudice est amplement démontré.
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À l'audience, reprenant oralement ses conclusions écrites déposées le 15 juin 2011 ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la société First transports affrètements sollicite :- au principal, la confirmation du jugement déféré et que M. Jean-Patrick X... soit débouté de l'ensemble de ses demandes, fins, conclusions,- infiniment subsidiairement, que la demande indemnitaire présentée au titre de la rupture abusive du contrat de travail soit réduite dans de plus justes proportions,- en outre que M. Jean-Patrick X... soit condamné à lui verser 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, de même qu'il soit condamné aux entiers dépens.
Elle réplique que :- sur la procédure de licenciement, o celle-ci a été parfaitement respectée en ce que. M. X... a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 août 2009,. ce courrier a été présenté au domicile de M. X... dès le 4 août 2009, ce qui fait qu'il y a bien cinq jours ouvrables entre cette convocation et l'entretien préalable,. si M. X... n'est venu chercher ce courrier à la Poste que le 5 août 2009, elle ne peut être tenue responsable de son absence de son domicile, comme d'ailleurs des éventuels retards de distribution de la Poste,o de toute façon, les indemnités pour irrégularité de forme et irrégularité de fond ne sont pas cumulables en application de l'article L.1235-2 du code du travail, - sur le licenciement, il est bien réel et sérieux o contrairement à ce qu'allègue M. X..., celui-ci a été déclaré inapte à son poste de chauffeur-livreur, dans la mesure où ce poste consiste non seulement au transport des marchandises, mais également à la manutention de ces marchandises au départ et à l'arrivée ; le médecin du travail l'a bien déclaré inapte à ces tâches ; l'article L.1226-2 du code du travail définit l'inaptitude au regard de "l'emploi que le salarié occupait précédemment", o elle a respecté l'obligation de reclassement à laquelle elle est tenue, étant précisé qu'il ne s'agit que d'une obligation de moyens. elle n'a pas l'obligation de trouver un poste adapté, simplement de "rechercher éventuellement par mutation, aménagement, etc ..." un poste,. elle n'est tenue de faire des propositions écrites que si elle dispose d'un poste disponible et compatible, . elle a bien cherché à reclasser M. X... au sein de sa propre structure mais tous les postes nécessitaient une manutention, de même que la société holding du groupe Leverrier qu'elle a sollicitée et qui a contacté l'ensemble des sociétés du groupe, lui a fait une réponse négative, aucun poste disponible ou à pourvoir à court terme n'étant compatible,. aussi, aucun aménagement de poste n'était possible, dans la mesure où il imposait une modification ou la création d'un poste supplémentaire dans l'entreprise,. il ne peut lui être reproché d'avoir tout tenté afin de reclasser son salarié, commençant les recherches dès qu'elle a été contactée téléphoniquement par le médecin du travail, le 9 juillet 2009, à l'issue de la visite de pré-reprise, rien ne le lui interdisant de plus, ces recherches ne s'étant pas démenties tout au long et s'étant poursuivies au-delà de l'avis d'inaptitude définitif délivré par le médecin du travail,o subsidiairement, sur le préjudice, c'est à M. X... d'en rapporter la preuve, ce qu'il ne fait pas, et étant souligné . qu'embauché le 3 décembre 2007 et s'étant retrouvé en arrêt de travail dès le 27 mars 2008, travail qu'il n'a jamais repris, son temps de travail effectif dans l'entreprise n'est que d'à peine trois mois,. que, alors qu'il était en arrêt de travail, interdit de sortie sauf entre 11 heures et 14 heures et toujours lié à la concluante, il a été incarcéré pour un trafic de tabac et d'alcool entre l'Espagne, l'Andorre et la France en 2008,. qu'il n'a été titulaire de son permis E qu'en mai 2009, alors que son embauche remonte au 3 décembre 2007.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il doit être observé préalablement que l'arrêt de travail qui a été dispensé à M. Jean-Patrick X... le 27 mars 2008 et la visite de reprise en deux examens des 16 et 30 juillet 2009 dont celui-ci a été l'objet, mettant fin à la suspension de son contrat de travail, font suite à un accident du travail. Dès lors, c'est sur le fondement des règles protectrices spécifiques des victimes d'accident du travail des articles L.1226-6 et suivants du code du travail qu'il convient d'examiner et de régler le litige, et non en vertu des règles relatives à une inaptitude d'origine non professionnelle invoquées par M. X....D'ailleurs, la société First transports affrètements a bien fait application de ces règles spéciales lorsqu'elle a procédé au licenciement de M. X..., puisqu'elle a consulté le délégué du personnel de l'entreprise conformément à l'article L.1226-10, alinéa 2, du code du travail.
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Ensuite, la société First transports affrètements a licencié M. X... le 17 août 2009 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.Or, les avis délivrés par le médecin du travail, le 16, puis le 30 juillet 2009, sont non des avis d'inaptitude, mais des avis d'aptitude à son poste de chauffeur, certes sous certaines restrictions.Si M. X... a indiqué, qu'effectivement, il était à l'issue de l'avis définitif du médecin du travail apte, et non inapte, il n'en a pas tiré les conséquences légales à savoir que sont par voie de conséquence applicables, d'autant que l'on est dans le cadre des règles relatives aux accidents du travail, les articles L. 1226-8, L.1226-15 et L.1226-16 du code du travail.
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Il convient en conséquence, avant dire droit sur l'ensemble des demandes, d'inviter les parties à présenter leurs prétentions et moyens et à s'expliquer au regard des dispositions protectrices spécifiques et d'ordre public applicables en l'espèce et, plus particulièrement les articles L. 1226-8, L.1226-15 et L.1226-16 précités, le sort des dépens et des frais irrépétibles étant réservé.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Avant dire droit sur l'ensemble des demandes, invite les parties à présenter leurs prétentions et moyens et à s'expliquer au regard des dispositions protectrices spécifiques et d'ordre public applicables en l'espèce et, plus particulièrement des articles L. 1226-8, L.1226-15 et L.1226-16 du code du travail, et ordonne à cette fin la réouverture des débats à l'audience du 08 Septembre 2012 à 14 heures,
Dit que le présent vaut convocation des parties et de leur avocat,
Réserve les frais irrépétibles et les dépens.