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17/04/2012 | FRANCE | N°10/02814

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 17 avril 2012, 10/02814


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 17 Avril 2012
ARRÊT N BAP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02814.
Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, du 11 Octobre 2010, enregistrée sous le no 08/ 00647

APPELANT :
Monsieur Régis X...... 85520 ST VINCENT SUR JARD
représenté par Maître Christelle GODEAU, substituant Maître Patrick BARRET, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMÉS :
Maître Eric Z..., ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SYNERGIES LOGISTIQUES TRANSPORTS selon jugement d

u 07/ 12/ 11... ... 49105 ANGERS CEDEX 2
représenté par Maître Aurélien TOUZET (SCP BDH AVOCATS), ...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 17 Avril 2012
ARRÊT N BAP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02814.
Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, du 11 Octobre 2010, enregistrée sous le no 08/ 00647

APPELANT :
Monsieur Régis X...... 85520 ST VINCENT SUR JARD
représenté par Maître Christelle GODEAU, substituant Maître Patrick BARRET, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMÉS :
Maître Eric Z..., ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SYNERGIES LOGISTIQUES TRANSPORTS selon jugement du 07/ 12/ 11... ... 49105 ANGERS CEDEX 2
représenté par Maître Aurélien TOUZET (SCP BDH AVOCATS), avocat au barreau d'ANGERS
L'AGS-CGEA DE RENNES Immeuble Le Magister 4 cours Raphaël Binet 35069 RENNES CEDEX
représentée par Maître Aurélien TOUZET, substituant Maître Bertrand CREN (SCP BDH AVOCATS), avocats au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL,

ARRÊT : prononcé le 17 Avril 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE
M. Régis X... a été engagé par la société Jollivet Saumur en qualité de conducteur routier, groupe 6, coefficient 138 M, de l'annexe ouvriers de la convention collective nationale des transports, selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 11 octobre 2001.
La société Jollivet Saumur est devenue par la suite la société Transports Jollivet.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 juin 2008, M. X... a démissionné, avec une fin de contrat, compte tenu du préavis conventionnel, au 13 juin 2008.
M. X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 4 novembre 2008 aux fins que :- au principal, outre les entiers dépens, la société Transports Jollivet soit condamnée à lui verser o 529, 98 euros retenus indûment, o 64 962, 04 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires non payées accomplies au cours des cinq dernières années, o 12 754, 15 euros d'indemnité pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, o 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- subsidiairement, avant dire droit, soit ordonnée une expertise portant sur les disques chronotachygraphes, aux frais avancés de société Transports Jollivet, afin de déterminer les heures supplémentaires par lui réalisées.
Par jugement du 11 octobre 2010 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, le conseil de prud'hommes a :- condamné la société Transports Jollivet à payer la somme de 529, 98 euros au titre de la restitution de la retenue de salaire faite sur le solde de tout compte de M. X...,- dit que M. X... était redevable de la somme de 529, 98 euros à la société Transports Jollivet,- débouté M. X... de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé,- débouté M. X... de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné M. X... à verser à la société Transports Jollivet la somme de 100 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,- laissé les dépens à la charge de M. X....
Cette décision a été notifiée à M. X... le 25 octobre 2010 et à la société Transports Jollivet le 26 octobre 2010. M. X... en a formé régulièrement appel, par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 9 novembre 2010.
La société Transports Jollivet devenue la société Synergies logistiques transports a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Angers en date du 8 juin 2011. M. B... et M. Z... ont été désignés respectivement administrateur et mandataire judiciaires. Le 12 août 2011, un plan de cession a été adopté. Le 7 décembre 2011, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire et, M. Z... a été désigné mandataire liquidateur.
M. Z..., ès qualités, et l'association pour la Gestion du régime de garantie des créances des salariés (l'AGS) ont été appelés à la cause.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
À l'audience, développant oralement ses conclusions écrites déposées le même jour ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. Régis X... sollicite l'infirmation du jugement déféré et statuant à nouveau et y ajoutant, que :- au principal, soit ordonnée l'inscription au passif de la société Synergies logistiques transports venant aux droits de la société Transports Jollivet des sommes suivantes o 529, 98 euros à titre de restitution de la somme indûment retenue sur le solde de tout compte, o 64 962, 04 euros à titre de rappel de salaire du fait des heures supplémentaires non payées accomplies au cours des cinq dernières années, et 6 496, 20 euros au titre des congés payés afférents, o 12 754, 15 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, o 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- subsidiairement, si la cour s'estimait insuffisamment informée, o soit ordonnée, avant dire droit, une expertise portant sur les disques chronotachygraphes afin de déterminer les heures supplémentaires par lui réalisées, o soit dit et jugé que cette expertise sera réalisée aux frais du mandataire liquidateur de la société Synergies logistiques transports, ès qualités,- en tout état de cause, l'arrêt à intervenir soit dit commun et opposable au CGEA AGS. Il fait valoir que :- sur la somme de 529, 98 euros réclamée o alors que son dernier bulletin de salaire mentionnait que lui étaient dûs 3 794, 40 euros, ne lui ont été finalement versés, avec son reçu pour solde de tout compte et ses documents de fin de contrat, que 3 264, 41 euros, o l'employeur justifie cette différence par une facture établie a posteriori, soit le 25 juillet 2008, au prétexte de trajets qu'il aurait effectués le 13 juin 2008 à destination de son domicile sans avoir respecté les conditions générales de fonctionnement des véhicules pris par le personnel pour une utilisation à titre personnel ; cependant. il a toujours formellement contesté avoir utilisé le camion de l'entreprise à des fins personnelles, d'autant qu'il est établi par le listing des livraisons que le 13 juin 2008 il livrait en Loire-Atlantique,. aucun règlement intérieur ne définit précisément les conditions d'utilisation des véhicules de l'entreprise,. le contrat de prêt versé par l'employeur, étant un document vierge, ne peut lui être opposé ; la preuve n'est pas rapportée en effet de ce qu'il a expressément accepté les termes du dit contrat,. à supposer que les conditions générales avancées lui soient opposables, il n'en demeure pas moins que leur non-respect ne peut se traduire par ce qui s'analyse en une sanction pécuniaire, o en le condamnant à s'acquitter de la prétendue facture de 529, 98 euros, le conseil de prud'hommes a, de toute évidence, statué ultra petita,- sur les heures supplémentaires réclamées o sa demande au titre des heures supplémentaires est intégralement recevable en ce qu'il a valablement interrompu la prescription par son courrier recommandé avec accusé de réception du 30 juillet 2008 à l'intention de l'employeur, qui consiste bien en une demande de paiement d'heures supplémentaires puisqu'il réclamait les disques chronotachygraphes afin de pouvoir calculer les heures supplémentaires impayées, o il est indifférent qu'il n'ait pas sollicité le paiement de ses heures supplémentaires durant le temps d'exécution du contrat de travail, o l'employeur a l'obligation de fournir les disques chronotachygraphes destinés à justifier des horaires de travail effectivement réalisés par le salarié, et ce dans les limites de la prescription quinquennale ; s'il s'est finalement exécuté, ce n'est encore que partiellement puisque manquent un certain nombre de disques, o les disques produits démontrent qu'il a bien effectué un nombre important d'heures supplémentaires tout au long de son activité salariée, sa durée de travail étant, en moyenne de 55 heures hebdomadaires, avec des pics à 67 heures, alors que contractuellement sa durée hebdomadaire de travail était de 35 heures, o il y a lieu de retenir cette moyenne de 55 heures hebdomadaires lorsque l'employeur, par sa défaillance dans la production des disques, l'empêche de reconstituer les heures de travail réellement faites, o l'employeur se contente de procéder par voie d'affirmation péremptoire quand il soutient que les heures supplémentaires qu'il revendique seraient liées à une mauvaise utilisation du chronotachygraphe. s'il en avait été ainsi, alors que l'employeur était en possession de l'ensemble de ses disques qu'il transmettait régulièrement, celui-ci n'aurait pas manqué de lui en faire la remarque et de le sanctionner ; or, il n'en a rien fait,. de fait, le conseil de prud'hommes, alors que le dépassement de la durée du travail hebdomadaire contractualisée était établi, ne pouvait rejeter sa demande sans, au moins, ordonner la mesure d'expertise auquel il était invité,- sur l'indemnité pour travail dissimulé réclamée, la réalité des heures supplémentaires alléguées étant démontrée, la cour ne pourra qu'admettre que l'employeur s'est livré à du travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié.
* * * *
Par conclusions déposées le 6 janvier 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. Z..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Synergies logistiques transports venant aux droits de la société Transports Jollivet, sollicite :- au principal, la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté M. Régis X... de l'intégralité de ses demandes, sauf à ordonner la compensation judiciaire entre la créance de M. X... et celle de la société Transports Jollivet,- subsidiairement, si une expertise venait à être ordonnée, qu'il soit dit et jugé qu'il incombera au salarié demandeur de faire l'avance des frais d'expert,- en tout état de cause, que M. X... soit condamné à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre qu'il soit condamné aux entiers dépens.
Il réplique que :- sur la somme de 529, 98 euros réclamée o M. X... bien qu'il s'en défende désormais, le 13 juin 2008, soit son dernier jour de travail, alors qu'il n'a effectué que deux livraisons en Loire-Atlantique, s'est détourné de son itinéraire pour vaquer à ses occupations personnelles, o la société Transports Jollivet, s'en étant aperçue, l'a informé de ce qu'une somme correspondante avait été déduite de son solde de tout compte et qu'une facture lui serait adressée, o s'il est vrai que les règles d'utilisation des véhicules de l'entreprise par les salariés à des fins personnelles ne sont pas contenues dans un règlement intérieur, cela n'a strictement aucune incidence, les règles à respecter, via l'établissement d'un contrat de prêt dont un exemplaire est versé aux débats, étant parfaitement connues de M. X..., o d'ailleurs, qu'il existe ou non un formalisme en la matière au sein de l'entreprise, il est de principe que les outils mis à la disposition des salariés sont réservés à un usage professionnel, o une utilisation personnelle donne lieu à l'établissement d'une facture, comme cela a été le cas pour M. X... comme pour tout autre salarié de l'entreprise, et, en aucun cas, il ne s'agit d'une sanction pécuniaire prohibée, o si le conseil de prud'hommes a estimé à raison que la société Transports Jollivet ne pouvait d'elle-même procéder à une retenue sur le solde de tout compte de M. X..., considérant aussi que la somme en question était due par M. X..., il avait parfaitement la possibilité de trancher ainsi qu'il l'a fait, le juge pouvant ordonner une compensation entre deux créances,- sur les heures supplémentaires réclamées o la demande de M. X... au titre d'heures supplémentaires est en partie prescrite, celui-ci ne pouvant élever de prétentions que pour les cinq ans précédant la date de sa saisine du conseil de prud'hommes ; le courrier du 30 juillet 2008 auquel se réfère M. X... ne peut avoir interrompu la prescription. M. X... n'y revendiquait nullement le paiement d'heures supplémentaires, seulement la communication de ses disques chronotachygraphes,. de toute façon, l'envoi d'un courrier de réclamation n'interrompt jamais le cours d'une prescription, o M. X... a manipulé de manière incorrecte l'appareil contrôlographe permettant de déterminer le temps de travail effectif, de sorte que le décompte qu'il présente est radicalement inexact ; le contrat de travail de M. X... indiquait d'ailleurs expressément les obligations auxquelles il était tenu en la matière, distinguant les différents temps. il suffit d'examiner les disques pour constater cette manipulation déficiente ; ainsi M. X... n'arrêtait pas son disque quand il était en pause petit-déjeuner ou déjeuner contrairement aux termes de son contrat de travail,. conscient de cet état de fait, M. X... n'a jamais prétendu durant le temps d'exécution du contrat de travail au paiement d'heures supplémentaires non réglées, ce qui ne lui interdit pas certes une demande ultérieure, mais est néanmoins parfaitement révélateur du caractère infondé de ses réclamations, o si la société Transports Jollivet avait pu formuler une demande d'expertise en première instance, d'une part elle est actuellement en liquidation judiciaire, d'autre part une telle mesure est inutile en raison de la mauvaise manipulation incontestable de l'appareil contrôlographe par M. X..., o et si l'expertise devait être ordonnée, les frais en résultant devraient être supportés exclusivement par M. X... à l'origine de la mauvaise manipulation de l'appareil contrôlographe,- sur l'indemnité pour travail dissimulé réclamée o dès lors que la demande de M. X... au titre des heures supplémentaires est rejetée, celle relative au travail dissimulé qui en est l'accessoire doit nécessairement être écartée, o au demeurant, le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule absence des heures supplémentaires sur le bulletin de paie ; faute de rapporter l'intention coupable de l'employeur, la demande de M. X... à ce titre ne peut être que rejetée.
* * * *
Par conclusions déposées le 6 janvier 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, l'association pour la Gestion du régime de garantie des créances des salariés (l'AGS), agissant par le truchement du Centre de gestion et d'études (CGEA) de Rennes, sollicite la confirmation du jugement déféré, subsidiairement qu'il soit dit et jugé qu'elle ne sera tenue à garantie que dans les limites et plafonds légaux des articles L. 3253-8, L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, en tout état de cause que M. Régis X... soit condamné aux entiers dépens.
Elle s'associe aux observations présentées par le mandataire liquidateur de la société Synergies logistiques transports. Elle rappelle que, si une expertise venait à être diligentée, les frais résultant d'une telle mesure ne sont pas couverts par sa garantie, s'agissant d'une créance résultant d'une décision de justice et non du contrat de travail.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la somme de 529, 98 euros
Il est acquis aux débats que la société Transports Jollivet a déduit du solde de tout compte de M. Régis X... la somme de 529, 98 euros.
La société Transports Jollivet explique que cette somme correspond au temps d'utilisation par M. X... du camion de l'entreprise à des fins personnelles le 13 juin 2008, qui correspond aussi à son dernier jour de travail. M. X... le conteste.
Il n'en demeure pas moins qu'il ressort tant du listing des livraisons que de l'analyse du rapport de voyage et de sa traduction cartographique (localisation GPS) du camion que conduisait M. X... ce jour-là que, ce dernier a bien utilisé le véhicule à un autre usage que celui qu'impliquait les livraisons qu'il avait à accomplir.
M. X..., et il ne le nie pas, ne disposait d'aucune autorisation pour utiliser ce camion, véhicule professionnel, à titre privé, de plus sur son temps de travail. Dès lors, il est bien redevable envers la société Transports Jollivet du coût de cette utilisation qui revient à la somme de 529, 98 euros, détaillée par l'employeur sur la facture établie le 25 juillet 2008, dont M. X... ne critique pas le montant.
M. X... prétend que la déduction opérée est une sanction pécuniaire. Cependant, la réclamation au salarié d'une somme indûment perçue par celui-ci ne constitue pas une sanction pécuniaire. En vertu des articles 1235 et 1376 code civil, l'employeur qui l'a versée est en droit de réclamer son paiement au bénéficiaire.
En droit civil, conformément aux articles 1289 et 1290 du code civil, lorsque deux personnes se doivent réciproquement de l'argent, le remboursement de leurs dettes se fait, en général, par compensation. En droit du travail, l'article L. 3251-1 du code du travail interdit, en dehors de trois exceptions limitativement énumérées à l'article L. 3251-2, la compensation entre les salaires et les dettes contactées par le salarié auprès de l'employeur pour fournitures diverses. Il est donc possible de compenser le salaire avec toute créance autre qu'une créance de fourniture. Par ailleurs, si en application de l'article L. 3251-3 du code du travail, l'employeur qui verse au salarié des avances en espèces, auxquelles les prêts sont assimilés, ne peut se rembourser qu'au moyen de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles, cette limite ne s'étend pas au remboursement des autres créances. Le remboursement de ces dernières se fera, par voie de conséquence, dans les conditions générales applicables à n'importe quel créancier, soit ainsi qu'en dispose l'article 1293 du code civil à concurrence uniquement de la part saisissable du salaire et assimilés.
En l'espèce du fait du montant de la rémunération annuelle de M. X... (attestation Assedic), la société Transports Jollivet, avec la retenue d'une somme de 529, 98 euros sur le dernier salaire et assimilés, n'excédait pas cette part saisissable. Toutefois, M. X... contestant le principe de la créance, la société Transports Jollivet ne pouvait dans les faits procéder à cette retenue, la compensation légale n'étant possible qu'en présence de créances certaines, liquides et exigibles. Elle se devait de saisir le conseil de prud'hommes et de solliciter une compensation judiciaire, toujours possible.
Dans ces conditions, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il condamné la société Transports Jollivet à payer 529, 98 euros au titre de la restitution de la retenue de salaire faite sur le solde de tout compte de M. X... et dit que M. X... était redevable de 529, 98 euros à la société Transports Jollivet.
Sera, en outre, ordonnée une compensation entre les deux créances.
Sur les heures supplémentaires et les congés payés afférents
Le code du travail permet au salarié de réclamer ses salaires sur cinq ans en application de l'article L. 3245-1.
M. Régis X... prétend au paiement d'heures supplémentaires pour la période allant de juillet 2003 à juin 2008 inclus ; il excipe au soutien d'une lettre simple à son employeur en date du 30 juillet 2003, par laquelle il lui demandait " les photocopies des disques sur les trois dernières années " qui, selon lui, aurait interrompu le cours de la prescription.
Toutefois, et conformément aux articles 2244 et 2248 du code civil dans leur rédaction alors en vigueur, la prescription ne peut être interrompue que, d'une part par une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à celui que l'on veut empêcher de prescrire, d'autre part par la reconnaissance que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait. L'énumération que fait ses textes est donc limitative. Il n'est ni discutable, ni discuté, que la société Transports Jollivet ne s'est jamais reconnue créancière d'une quelconque heure supplémentaire impayée à M. X.... Par ailleurs, le courrier dont fait état M. X..., outre qu'il ne contient pas réclamation de sa part d'heures supplémentaires non réglées à la société Transports Jollivet, ne revêtant ni le caractère d'une citation de justice, ni celui d'un commandement ou d'une saisie signifiés à l'employeur, au sens de l'article 2244 évoqué ne saurait, de toute façon, emporter interruption de la prescription de ce chef. La saisine ultérieure par M. X... du conseil de prud'hommes, notamment pour heures supplémentaires impayées, au contraire, interrompt valablement la prescription du dit chef de demande.
Dès lors, toute réclamation de M. X... à l'égard, aujourd'hui, de la liquidation judiciaire de la société ex-Transports Jollivet, ne peut prospérer que pour la période allant du 4 novembre 2008, date à laquelle M. X... a effectivement saisi le conseil de prud'hommes d'Angers de son action en paiement d'heures supplémentaires, au 4 novembre 2003.
* * * *
L'acceptation sans protestation ni réserve du bulletin de paie ne vaut pas renonciation du salarié au droit de formuler une réclamation ou une demande en rappel de salaire. Cette acceptation ne vaut pas non plus compte arrêté et réglé, c'est à dire compte discuté et approuvé dans des conditions qui impliquent l'intention des parties de fixer définitivement leur situation respective (article L. 3243-3 du code du travail).
M. X... pouvait donc saisir le conseil de prud'hommes, et le mandataire liquidateur de la la société ex-Transports Jollivet ne le conteste pas, d'une demande au titre d'heures supplémentaires qui n'auraient pas été rémunérées durant le temps d'exécution du contrat de travail.
* * * *
L'article L. 3171-4 du code du travail dispose : " En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles... ".
La preuve des heures supplémentaires effectuées par le salarié est de fait partagée ; au salarié d'étayer préalablement sa demande de manière à ce que l'employeur puisse y répondre et à l'employeur alors d'apporter les justifications nécessaires.
* *
En l'espèce, M. X... se réfère aux copies des disques chronotachygraphes qu'il a pu obtenir de la société Transports Jollivet, à partir desquelles il a dressé un décompte, année après année, mois par mois et semaine après semaine, duquel il résulte que, bien que des disques soient manquants sur certains jours, semaines, ou mois entiers, il accomplissait quasi systématiquement des heures supplémentaires que l'employeur ne lui a pas payées (sa pièce 16 énumérant les disques absents et sa pièce 17 de décompte comportant neuf feuillets).
M. X... étaye, en conséquence, sa demande en paiement d'heures supplémentaires, le défaut de disques à divers moments ne pouvant lui être imputé à faute, mais à celle de l'employeur sur lequel repose l'obligation de les fournir, ce dans les limites de la prescription quinquennale.
* *
Le mandataire liquidateur de la société ex-Transports Jollivet répond que M. X... n'aboutit à ce résultat qu'en raison d'une manipulation de l'appareil chronotachygraphe incorrecte, en ce qu'il n'aurait pas distingué les différents temps spécifiés à son contrat de travail ; les heures comptabilisées n'auraient en conséquence pas le caractère d'heures supplémentaires rémunérables. Il veut aussi voir la preuve de cette manipulation inadaptée dans l'absence de réclamation de la part de M. X... tout le temps d'exécution de son contrat de travail.
Certes, l'article 3 du contrat de travail, intitulé " conditions d'activité ", stipule que : " MONSIEUR X... RÉGIS s'engage à respecter l'ensemble des dispositions légales et conventionnelles applicables. II déclare notamment avoir connaissance de la législation en vigueur relativement aux temps de service, travail et conduite maxima autorisés ainsi qu'aux temps minima de pauses et repos, ces règles étant appréciées en continu, à la journée ou à la semaine. Il s'engage à suivre, dans le respect des instructions données, l'ensemble de ces normes et à signaler, à l'exploitation, toute situation de nature à entraîner leur violation. MONSIEUR X... RÉGIS étant régi par l'accord professionnel du 23/ 11/ 1994 relatif aux conducteurs grands routiers, il déclare connaître l'importance de la manipulation de l'appareil de contrôlographe, laquelle détermine le nombre d'heures de travail effectuées et en corollaire, la rémunération. MONSIEUR X... RÉGIS s'engage, en conséquence, à activer, conformément aux règlements, le dispositif de commutation du chronotachygraphe permettant d'enregistrer distinctement les temps de conduite, les autres travaux, les temps à disposition et les temps libres. En tout état de cause, la Direction se réserve la possibilité de rectifier, après analyse contradictoire, les résultats résultant d'une manipulation incorrecte de l'appareil de contrôlographe, laquelle serait susceptible, par ailleurs, d'entraîner des poursuites disciplinaires.
... MONSIEUR X... RÉGIS s'engage à maintenir le ou les véhicules qui lui sont confiés en parfait état, tant de propreté que de fonctionnement, ce qui implique nettoyage, surveillance quotidienne des niveaux et permanente des voyants. Ainsi qu'une conduite correcte, dans le respect des vitesses autorisées, toute anomalie constatée devant être immédiatement signalée au supérieur hiérarchique, et en particulier toute défectuosité du limiteur de vitesse et du chronotachygraphe ".
Néanmoins, hormis de procéder par voie d'affirmation, le mandataire ne démontre pas en quoi, sur les copies de disques produits, la manipulation à laquelle a procédé M. X... serait incorrecte. Il lui était pourtant aisé, pour asseoir son accusation, d'apporter le commencement de preuve nécessaire consistant en l'avis, même concis, établi à partir de quelques disques seulement, d'un technicien. M. X... fait d'ailleurs remarquer qu'il est incompréhensible, si tel avait été le cas, que tout le temps où il a été au service de la société Transports Jollivet, il n'ait pas été sanctionné par son employeur de ce fait, ainsi que le prévoit son contrat de travail. Il n'y a donc pas lieu à mesure d'expertise. D'autre part, le mandataire ne justifie en rien des horaires effectivement réalisés par M. X..., alors que le code du travail impartit à l'employeur l'obligation d'établir les documents nécessaires au décompte du temps de travail de son salarié (articles L. 3171-1 et D. 3171-1, D. 3171-8 et D. 3171-9).
Le bien-fondé des heures supplémentaires accomplies est, en conséquence, établi. * *
M. X... sollicite 64 962, 04 euros à titre de rappel de salaire du fait des heures supplémentaires non payées accomplies au cours des cinq dernières années, et 6 496, 20 euros au titre des congés payés afférents. Il fait remonter cette demande au mois de juillet 2003, alors que cette période jusqu'au 4 novembre 2003 est prescrite. De plus, il parle en termes de somme globale, sans fournir sa méthode de calcul, hormis à renvoyer aux dispositions légales selon lesquelles, à compter de la 36ème et jusqu'à la 43éme heure hebdomadaire la majoration est de 25 % et au-delà de 50 % (article L. 3121-22 du code du travail). Cependant, il verse également ses bulletins de salaire au titre de la période considérée sur lesquelles apparaît le paiement par la société Transports Jollivet d'heures supplémentaires, tant à 25 % qu'à 50 %, et ce mois par mois et année après année. Il est impossible donc de déterminer si la somme de 64 962, 04 euros réclamée tient compte des heures supplémentaires d'ores et déjà rémunérées auxquelles M. X... ne fait aucune allusion ou, si elle correspond, comme cela peut se concevoir au vu du décompte produit, aux heures supplémentaires réalisées globalement, sans qu'aient été déduites celles déjà réglées.
Dans ces conditions, il conviendra d'ordonner la réouverture des débats sur ces deux points précis, à savoir que M. X... établisse un décompte chiffré et détaillé en euros de ses heures supplémentaires restées impayées et ce à compter du 4 novembre 2003, outre les congés payés afférents.
Sur l'indemnité pour travail dissimulé
Du fait de la réouverture des débats ordonnée au titre des heures supplémentaires, la demande d'indemnité pour travail dissimulé devra être réservée.
Sur la garantie de l'AGS
L'arrêt rendu sera déclaré commun et opposable à l'AGS.

Sur les frais et dépens
Les demandes d'indemnité de procédures fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, de même que le sort des dépens, devront être réservés.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en ce que il a dit que-M. Régis X... avait une créance de 529, 98 euros à l'encontre de la société Transports Jollivet,- la société Transports Jollivet avait une créance de 529, 98 euros à l'encontre de M. Régis X...,
Y ajoutant sur ce point,
Ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties,
Pour le surplus,
Ajoutant au jugement déféré, déclare prescrite la demande de M. Régis X... en paiement de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents pour la période antérieure au 4 novembre 2003,
Avant dire droit sur la demande de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, ordonne la réouverture des débats à l'audience du 14 JUIN 2012 à 14 heures, afin que M. X... produise un décompte chiffré en euros et détaillé semaine après semaine de ses heures supplémentaires restées impayées, et ce à compter du 4 novembre 2003, outre les congés payés afférents, Dit que le présent vaut convocation des parties et leur avocat à l'audience de réouverture,
Réserve l'ensemble des demandes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, de l'indemnité pour travail dissimulé, de l'indemnité de procédure de l'article 700 du code de procédure civile, de même que les dépens,
Déclare le présent arrêt commun et opposable à l'AGS.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02814
Date de la décision : 17/04/2012
Sens de l'arrêt : Réouverture des débats
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-04-17;10.02814 ?
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