La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/04/2012 | FRANCE | N°10/02811

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 17 avril 2012, 10/02811


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT DU 17 Avril 2012

ARRÊT N CLM/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02811.
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 20 Octobre 2010, enregistrée sous le no 09/ 00428

APPELANTE :
Madame Nicole X...... 72200 LA FLECHE
présente, assistée de Maître Philippe GRUNBERG, avocat au barreau du MANS

INTIMÉ :
Maître Frédéric Y..., ès-qualités de liquidateur amiable de la SARL CAREODIS... 49070 SAINT LAMBERT LA POTHERIE
représenté par Maître Nicolas LATOURNERIE, avocat au

barreau de LA ROCHE SUR YON

L'AGS-CGEA DE RENNES Immeuble Le Magister 4 cours Raphaël Binet 35069 RENNES C...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT DU 17 Avril 2012

ARRÊT N CLM/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02811.
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 20 Octobre 2010, enregistrée sous le no 09/ 00428

APPELANTE :
Madame Nicole X...... 72200 LA FLECHE
présente, assistée de Maître Philippe GRUNBERG, avocat au barreau du MANS

INTIMÉ :
Maître Frédéric Y..., ès-qualités de liquidateur amiable de la SARL CAREODIS... 49070 SAINT LAMBERT LA POTHERIE
représenté par Maître Nicolas LATOURNERIE, avocat au barreau de LA ROCHE SUR YON

L'AGS-CGEA DE RENNES Immeuble Le Magister 4 cours Raphaël Binet 35069 RENNES CEDEX
représentée par Maître Aurélien TOUZET, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 17 Avril 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCÉDURE :
Mme Nicole X... a été embauchée par la société Les Comptoirs Modernes à compter du 28 mai 1975 en qualité d'employée de libre-service. En dernier lieu, à la faveur de divers transferts de son contrat de travail en application des dispositions de l'ancien article L 122-12 du code du travail, elle était la salariée de la société CAREODIS qui avait repris, à compter du 6 novembre 2006, l'exploitation du fonds de commerce à l'enseigne SHOPI situé à La Flèche.
Le 9 janvier 2007, le magasin a été l'objet d'un braquage. Le lendemain, la société CAREODIS a souscrit une déclaration d'accident du travail pour Mme Nicole X... ainsi que pour quatre autres salariés présents sur les lieux avec elle, en mentionnant que cet événement avait eu pour conséquence des " lésions d'ordre psychologique/ émotionnel ". Le 31 janvier 2007, le Dr Catherine Z... a établi un certificat médical initial d'accident du travail sans arrêt de travail mais avec prescription de soins jusqu'au 31 mars 2007 pour " état anxieux et dépressif avec insomnie ". La CPAM de La Sarthe a pris cet accident en charge au titre de la législation professionnelle par décision du 5 février 2007.
Mme Nicole X... a été placée en arrêt de travail suivant certificat médical initial du 29 mars 2007, délivré au titre de l'assurance maladie, prescrit jusqu'au 15 avril suivant. Le 21 avril 2007, le médecin traitant a établi un nouvel arrêt de travail initial jusqu'au 20 mai suivant, lequel arrêt de travail a été prolongé jusqu'au 27 mai 2007.
Lors de la visite de reprise du 31 mai 2007, le médecin du travail a déclaré Mme Nicole X... " inapte à tous postes de l'entreprise en une seule visite (suivant procédure exceptionnelle de l'article 241-51-1 alinéa 2 du code du travail) ".
Après avoir été convoquée, par lettre du 4 juin 2007, à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 12 juin suivant, par courrier recommandé du 20 juin 2007, Mme Nicole X... s'est vue notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le 7 juillet 2009, Mme Nicole X... a saisi le conseil de prud'hommes pour contester cette mesure et obtenir le paiement d'une indemnité compensatrice et d'une indemnité spéciale de licenciement en application des dispositions de l'article L 1226-14 du code du travail, ainsi que celui de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour harcèlement moral.
Par jugement du 20 octobre 2010 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes du Mans a :- dit que l'origine professionnelle de l'inaptitude de Mme Nicole X... n'était pas établie ;- débouté cette dernière de l'ensemble de ses prétentions et la société CAREODIS de sa demande d'indemnité de procédure ;- condamné la salariée aux dépens.
Les deux parties ont reçu notification de ce jugement le 23 octobre 2010.
Entre temps, suivant procès-verbal du 30 septembre 2010 ayant donné lieu à avis dans un journal d'annonces légales du 22 octobre 2010, l'assemblée générale extraordinaire de la société CAREODIS a prononcé la dissolution anticipée de la société à effet du même jour, suivie de sa mise en liquidation, M. Frédéric Y... étant désigné en qualité de liquidateur amiable.
Mme Nicole X... a régulièrement relevé appel général du jugement susvisé par lettre recommandée postée le 10 novembre 2010, en dirigeant son appel tant à l'égard de la société CAREODIS, qu'à l'égard de M. Frédéric Y..., pris en qualité de liquidateur amiable.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 4 novembre 2011, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, Mme Nicole X... demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris ;- de juger que son inaptitude a bien, au moins pour partie, une origine professionnelle tenant en l'accident du travail dont elle a été victime le 9 janvier 2007 et de déclarer son licenciement nul pour inobservation des dispositions de l'article L 1226-10 du code du travail relatives à l'obligation de consulter les délégués du personnel ;- à tout le moins, de déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ¤ tout d'abord, pour manquement de l'employeur à son obligation de reclassement imposé par l'article L 1226-10, lequel reclassement devait être recherché, non seulement à l'intérieur de l'entreprise, mais aussi au sein des sociétés composant le groupe CARREFOUR ou qui se trouvaient, comme la société CAREODIS, sous contrat de franchise avec PRODIM ; ¤ en second lieu, pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat à son égard, lequel est, suite à l'accident du travail du 9 janvier 2007, à l'origine de la dégradation de son état de santé et de son inaptitude ;- en conséquence, de condamner la société CAREODIS à lui payer les sommes suivantes : ¤ 2 600 € d'indemnité compensatrice au titre l'article L 1226-14 du code du travail ou d'indemnité compensatrice de préavis, outre 260 € de congés payés afférents ; ¤ 8 381, 37 € d'indemnité spéciale de licenciement en application du même article L 1226-14 ; ¤ 25 191, 20 € de dommages et intérêts pour nullité du licenciement en vertu de l'article L 1226-10 du code du travail, ou pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ¤ 12 599, 10 € de dommages et intérêts " supplémentaires et distincts " en application des dispositions des articles 1134 et 1382 du code civil, et en réparation du préjudice résultant pour elle des faits de harcèlement moral dont elle a été victime dans le cadre de son travail de la part du gérant, M. Y..., et qui ont consisté à lui imposer des conditions de travail insupportables.

Aux termes de ses dernières écritures déposées au greffe le 15 décembre 2011, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la SARL CAREODIS " société en liquidation ", représentée par M. Frédéric Y..., son liquidateur amiable, demande à la cour d'écarter des débats les pièces adverses no 8 et 27, de débouter Mme Nicole X... de son appel, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de condamner l'appelante à lui payer la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
La société CAREODIS conteste que l'inaptitude de Mme X... à tous postes dans l'entreprise, objet de l'avis du 31 mai 2007, ait une origine professionnelle, soulignant que la salariée n'a pas souscrit de déclaration de maladie professionnelle, que l'accident du travail du 9 janvier 2007 n'a donné lieu à aucun arrêt de travail et, surtout, que le médecin du travail n'a établi aucun lien entre cet événement et l'état médical de la salariée ayant justifié l'avis d'inaptitude. Elle en conclut qu'elle n'avait donc pas l'obligation de consulter les délégués du personnel et elle fait valoir qu'elle n'appartenait pas à un groupe " au sens des dispositions relatives aux représentants du personnel ". Elle oppose donc que l'appelante ne peut pas prétendre au paiement de l'indemnité compensatrice et de l'indemnité spéciale de licenciement prévues à l'article L 1226-14 du code du travail.
L'employeur conteste tout autant avoir commis un manquement à son obligation de sécurité de résultat qui serait à l'origine de l'inaptitude de Mme X.... Il rappelle que, selon lui, cette inaptitude est exclusive d'une quelconque origine professionnelle et souligne que la salariée ne s'est jamais plainte auprès d'un médecin ou de l'inspecteur du travail de conséquences de l'accident du 9 janvier 2007 sur son état de santé ; qu'elle n'a pas plus contesté l'avis d'inaptitude. Il soutient avoir pris les mesures qui, après le braquage, s'imposaient pour garantir la sécurité et la santé de ses salariés, arguant de ce que les préconisations du médecin du travail ont été inexistantes.
Quant au manquement à l'obligation de reclassement, la société CAREODIS oppose que, compte tenu de l'avis d'inaptitude, elle ne pouvait pas proposer de poste en interne à Mme X..., les postes étant d'ailleurs tous identiques à celui qu'elle occupait ; qu'elle était indépendante, son gérant et la compagne de ce dernier détenant 74 % du capital social, et n'avait pas à procéder à des recherches de reclassement au sein d'un groupe en ce qu'elle n'appartenait pas à un groupe au sens de cette notion assise sur la possibilité de permuter du personnel avec d'autres entreprises ; qu'en tout état de cause, elle a procédé à des recherches de reclassement auprès de trois sociétés gérant des magasins à l'enseigne SHOPI, lesquelles ont répondu négativement, alors qu'il s'agissait des seuls magasins au sein desquels une permutabilité du personnel aurait été envisageable pour se situer à proximité géographique de son propre établissement.

Enfin, l'intimée conteste toute attitude de harcèlement moral, alléguant que les mesures de réorganisation qu'elle a mises en place étaient justifiées par un souci de rentabilité de l'entreprise et n'ont en rien porté atteinte aux salariés en général, et à Mme X... en particulier. Elle dénie avoir soumis cette dernière à des heures supplémentaires non payées, avoir réglé les salaires en retard, et que la reprise de la gestion de la caisse par son gérant puisse caractériser une attitude de harcèlement moral. Elle conclut que l'appelante n'établit aucun fait vérifiable permettant de caractériser un tel comportement de sa part.
Mise en cause, l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, intervenant par l'intermédiaire de son gestionnaire, le C. G. E. A de Rennes, demande à la cour aux termes de ses écritures déposées au greffe le 30 décembre 2011, reprises oralement à l'audience, expressément visées et auxquelles il est renvoyé, de lui donner acte de son intervention, mais de la mettre hors de cause puisqu'aucune procédure collective n'est ouverte à l'égard de la société CAREODIS, laquelle fait seulement l'objet d'une liquidation amiable, et qu'aucune demande n'est même formée contre elle.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande de rejet des débats des pièces no 8 et 27 de l'appelante :
Attendu que la pièce no 8 consiste en la photocopie d'un avis d'arrêt de travail délivré le 19 mai 2007 par le Dr Catherine Z..., au titre de l'assurance maladie, prescrivant à Mme Nicole X... un arrêt de travail jusqu'au 17 juin 2007, avec reprise à temps partiel pour raison médicale à partir du 21 mai 2007 et ce, pour état dépressif réactionnel ; Attendu que l'intimée en demande le rejet au motif que cet avis d'arrêt de travail ne " présente pas de valeur juridique " pour ne lui avoir jamais été transmis, pas plus qu'à la CPAM, l'arrêt de travail de Mme X... ayant pris fin le 27 mai 2007 et ayant cessé d'être indemnisé par l'organisme social à compter de cette date ;
Mais attendu que la société CAREODIS ne conteste pas que cette pièce, dont elle ne remet pas en cause l'authenticité, lui a été régulièrement communiquée en temps utile par son adversaire dans le cadre de la présente instance et qu'elle a été mise à même de la discuter ; qu'aucune circonstance tenant, notamment, à une atteinte au principe du contradictoire, ou à un manquement à l'obligation de loyauté dans les débats ne justifie en conséquence le rejet de cette pièce, une autre question étant celle de sa portée et de son intérêt au soutien des prétentions et moyens de Mme X... ;
Attendu que la pièce communiquée no 27 de l'appelante consiste dans le certificat médical initial d'accident du travail établi le 31 janvier 2007 par le Dr Catherine Z... du chef de l'accident du travail dont Mme X... a été victime le 9 janvier 2007 ; que ce certificat médical initial constate un " état anxieux et dépressif avec insomnie nécessitant traitement " et prescrit des soins jusqu'au 30 mars 2007 ;
Attendu que pour solliciter le rejet de cette pièce des débats, l'intimée fait valoir qu'elle est communiquée pour la première fois en cause d'appel, que ce certificat médical initial ne lui a jamais été transmis, qu'il est permis de douter de la date d'établissement de ce document dont elle considère qu'il a " manifestement été établi a posteriori pour les seuls besoins de la cause " ;
Mais attendu que Mme X... justifie de ce que, par lettre du 5 février 2007 établie par Mme Patricia B..., la CPAM de La Sarthe lui a indiqué avoir reçu le 12 janvier 2007 une déclaration d'accident du travail la concernant mais rester dans l'attente du certificat médical constatant ses lésions, document sans lequel, son accident ne pourrait donner lieu qu'à un refus de prise en charge, de sorte qu'il lui était demandé de transmettre ce document ou, le cas échéant, de faire connaître qu'elle n'avait pas consulté de médecin, ou encore d'ignorer le courrier dans l'hypothèse où le certificat aurait été transmis entre temps ; Attendu que, par courrier du même jour établi par Mme Jacqueline C..., la CPAM de La Sarthe a notifié à Mme Nicole X... sa décision de prise en charge de l'accident du 9 janvier 2007 au titre des risques professionnels, soulignant qu'elle était en possession des éléments lui permettant de reconnaître le caractère professionnel de cet accident ;
Attendu que la circonstance que Mme X... produise ce certificat médical initial pour la première fois en cause d'appel ne suffit pas à mettre en doute son authenticité et celle de la date de son établissement ; que la décision de prise en charge de la CPAM, intervenue le 5 février 2007, soit cinq jours après l'établissement de ce certificat médical initial, indispensable à une décision de reconnaissance, contredit les allégations de l'intimée ; que la communication de cette pièce pour la première fois en cause d'appel ne permet pas de caractériser un comportement contraire à la loyauté des débats ; que la société CAREODIS ne conteste pas que cette pièce lui a été communiqué en temps utile en cause d'appel et qu'elle a été mise à même d'en débattre contradictoirement ; qu'enfin, s'agissant d'un accident du travail exempt de réserves de la part de l'employeur et qui n'a donné lieu à aucune mesure d'instruction à l'initiative de la caisse, ce certificat initial n'avait pas à être porté à la connaissance de l'employeur ; que les critiques de la société CAREODIS sont donc mal fondées ;
Attendu que la demande de l'intimée tendant à voir écarter des débats les pièces no 8 et 27 de l'appelante sera dès lors rejetée ;

Sur le licenciement :
Attendu que la lettre de licenciement adressée à Mme Nicole X... le 20 juin 2007 et qui fixe les termes du litige est ainsi libellée : " Madame, A la suite de notre entretien du Mardi 12 juin 2007, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour le motif suivant :- Inaptitude définitive à votre poste de travail ainsi qu'à tous autres postes existants dans l'entreprise selon l'article R. 241-51-1 du Code du Travail constatée par le médecin du travail de LA FLECHE au cours de la visite du 31 MAI 2007 et à la suite de laquelle le reclassement s'est révélé impossible. L'état d'inaptitude au poste que vous occupiez rendant impossible l'exécution de votre préavis, votre licenciement prendra effet dès réception de la présente. " ;
Attendu qu'aux termes des articles L 1226-10 et suivants du code du travail, le salarié licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement bénéficie d'un régime de protection spécifique lorsque son inaptitude a pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle ;
Et attendu que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié ou les réserves affectant son aptitude, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; Attendu que l'application de l'article L 1226-10 du code du travail n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude ; que, même en présence d'une décision de la caisse, le juge prud'homal a le pouvoir d'apprécier le caractère professionnel de la maladie ou de l'accident, et qu'il lui appartient de rechercher le lien de causalité entre l'accident du travail ou la maladie professionnelle, et l'inaptitude du salarié ;
Attendu qu'en l'espèce, Mme Nicole X... a été victime le 9 janvier 2007 d'un accident du travail, qui a été déclaré le lendemain sans réserve par la société CAREODIS laquelle a indiqué, au titre des circonstances, qu'il s'agissait d'un " braquage à main armée " et, au titre des lésions subies par sa salariée : " lésions d'ordre psychologique/ émotionnel " ;
Attendu que les lésions ainsi décrites par l'employeur sur la déclaration d'accident du travail qu'il a renseignée sont corroborées par les constatations opérées le 31 janvier 2007 par le médecin qui a établi le certificat médical initial d'accident du travail ; qu'en effet, le Dr Z... a alors constaté : " un état anxieux et dépressif avec insomnie-nécessitant traitement " et a prescrit des soins jusqu'au 30 mars 2007 ; Qu'il convient de relever que Mme Annick D..., collègue de travail de l'appelante, a attesté que c'est à Mme X... que les braqueurs ont demandé d'ouvrir le coffre alors qu'elle n'en connaissait pas la combinaison ;
Attendu que les arrêts de travail prescrits à Mme X... du 29 mars au 15 avril 2007, puis du 27 avril au 20 mai 2007, avec prolongation jusqu'au 27 mai 2007 et qui ont conduit à l'avis d'inaptitude émis le 31 mai 2007, étaient, selon le courrier adressé par le Dr Catherine Z... au médecin du travail le 10 mai 2007, et selon l'attestation établie par ce médecin traitant le 23 mai 2008, justifiés par " un syndrome dépressif réactionnel à son environnement de travail. " ; attendu que ce médecin ajoute : " Ses symptômes ont commencé le 23 Mars 2007, cette patiente subissant au quotidien une pression morale avec des remontrances qu'elle ne tolère pas et apparemment non justifiées. " ;
Mais attendu que, nonobstant cette indication qui procède de la reprise des dires de la salariée, il résulte des éléments susvisés que Mme Nicole X... a été en proie à des troubles psychologiques constatés par son employeur lui-même dans les suites immédiates de l'accident du travail survenu le 9 janvier 2007 et qui, encore présents le 31 janvier suivant comme caractérisant un état anxieux et dépressif, justifiaient alors des soins pendant deux mois, tandis que c'est ce même état dépressif réactionnel à l'environnement de travail qui a nécessité, le 27 mars 2007, puis le 27 avril 2007 des arrêts de travail qui ont abouti à la déclaration d'inaptitude ; que, les troubles psychologiques à l'origine de l'inaptitude n'ayant pas cessé de se manifester depuis l'accident du travail, il s'ensuit que l'inaptitude de Mme Nicole X... a bien, au moins partiellement, pour origine l'accident du travail dont elle a été victime le 9 janvier 2007, peu important que cet accident n'ait pas donné lieu à un arrêt de travail, que les arrêts de travail prescrits l'aient été au titre de l'assurance maladie et que l'inaptitude ait été constatée à l'issue de ces arrêts de travail pour maladie ;
Attendu qu'au moment du licenciement, la société CAREODIS avait connaissance de l'origine professionnelle de l'accident dont Mme X... avait été victime le 9 janvier 2007 puisqu'elle avait elle-même déclaré cet accident sans réserve dès le lendemain à la caisse d'assurance maladie comme accident du travail et qu'en outre, elle n'a pas dû manquer d'être informée par cette dernière de la décision de prise en charge intervenue le 5 février 2007 ;
Attendu en conséquence, qu'ensuite de l'avis d'inaptitude pris le 31 mai 2007 par le médecin du travail, il incombait à la société CAREODIS de mettre en oeuvre le licenciement de Mme X... dans le respect des dispositions des articles L 1226-10 et suivants du code du travail ;
Attendu qu'en application de ce texte, il appartenait à l'employeur de satisfaire à son obligation de reclassement de Mme X... en lui proposant un autre emploi approprié à ses capacités, cette proposition devant prendre en compte, le cas échéant après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications formulées par ce dernier sur l'aptitude de la salariée à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise, l'emploi proposé devant être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagements du temps de travail ;
Attendu qu'il convient tout d'abord de préciser qu'aux termes de l'article L 1226-13 du code du travail, la nullité du licenciement n'est encourue qu'en cas de violation des dispositions des articles L 1226-9 et L 1226-18 du code du travail, c'est à dire lorsque la rupture intervient au cours des périodes de suspension du contrat de travail ; qu'elle ne l'est pas lorsque, comme en l'espèce, la rupture du contrat de travail intervient à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail (articles L 1226-10 à L 1226-12 du code du travail) ; Attendu que Mme Nicole X... est donc mal fondée à invoquer la nullité de son licenciement motif pris du défaut de consultation des délégués du personnel, étant observé qu'elle n'invoque, et de façon expresse, le harcèlement moral qu'à l'appui d'une demande de dommages et intérêts distincts, et non comme moyen de nullité de son licenciement ;
Attendu que l'avis d'inaptitude à tous postes dans l'entreprise délivré par le médecin du travail ne dispensait pas la société CAREODIS, quelle que soit la position prise alors par Mme X..., d'une part, de solliciter les propositions de reclassement du médecin du travail, ce à quoi elle devait procéder puisque le médecin n'en avait pas formulé, d'autre part, de rechercher, au sein de l'entreprise, les possibilités de reclassement, au besoin par mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagements du temps de travail ;
Or attendu que l'employeur ne justifie, ni n'allègue même, avoir sollicité les propositions de reclassement du médecin du travail après l'avis d'inaptitude ; et attendu qu'il indique lui-même dans le cadre de la présente instance que, compte tenu de la teneur de l'avis d'inaptitude s'étendant à tous postes de l'entreprise, il estimait qu'il ne pouvait pas proposer de poste en interne à Mme X... et n'a donc procédé à aucune recherche de reclassement au sein de l'entreprise ; qu'en tout état de cause, il ne justifie d'aucune recherche ou tentative de reclassement en interne ; Attendu que ces abstentions suffisent à caractériser le manquement de la société CAREODIS à son obligation de reclassement, sans qu'il soit besoin de rechercher si elle était tenue d'étendre ses recherches de reclassement en direction d'autres sociétés dépendant du groupe CARREFOUR ou de sociétés exploitant des points de vente à l'enseigne SHOPI dépendant de ce groupe ;
Et attendu que le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement justifie, par voie d'infirmation du jugement déféré, de déclarer le licenciement de Mme Nicole X... dépourvu de cause réelle et sérieuse sans qu'il y ait lieu à examen des moyens tirés du défaut de consultation des délégués du personnel et du comportement fautif de l'employeur qui serait à l'origine de l'inaptitude de la salariée ;
Attendu qu'en application des dispositions des articles L 1226-14 et L 1226-15 du code du travail, la rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions de l'article L 1226-10 ouvre droit pour Mme X... au paiement d'une indemnité compensatrice à caractère forfaitaire d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L 1234-5 du code du travail, d'une indemnité spéciale de licenciement et, en l'absence de réintégration, laquelle n'est pas sollicitée en l'espèce et s'avère en tout état de cause impossible puisque la société CAREODIS est dissoute et n'a plus d'activité, d'une indemnité dont le montant ne peut pas être inférieure à douze mois de salaire, le montant de ces indemnités étant, en application de l'article L 1226-16, calculé sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par le salarié au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail ;
Attendu, Mme X... comptant plus de 32 ans d'ancienneté au moment de son licenciement, que le montant de l'indemnité compensatrice à laquelle elle peut prétendre doit être calculée en considération d'un préavis légal de deux mois ; qu'au regard des bulletins de salaire versés aux débats, elle est donc fondée à solliciter de ce chef la somme de 2 600 €, étant souligné que cette indemnité forfaitaire n'ouvre pas droits aux congés payés afférents ; que la demande portant sur la somme de 260 € sera donc rejetée ;
Attendu que sa demande formée à hauteur de 8 381, 37 € au titre de l'indemnité spéciale de licenciement est également justifiée ; Attendu que Mme X... était âgée de 52 ans au moment de son licenciement et comptait 32 ans et trois semaines d'ancienneté ; qu'en considération de sa situation et, notamment, de sa capacité à retrouver un emploi, la cour trouve dans la cause les éléments nécessaires pour évaluer à 22 500 € l'indemnité à laquelle elle peut prétendre en application des dispositions de l'article L 1226-15 du code du travail, étant précisé que l'indemnité minimum prévue par ce texte ressort à la somme de 18 540 € ;

Sur le harcèlement moral :
Attendu qu'aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; Attendu qu'en application de l'article L 1154-1 du même code, lorsque le salarié établit la matérialité des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ;
Attendu que pour soutenir qu'elle a été victime de harcèlement moral dans le cadre de son travail au sein de la société CAREODIS, Mme Nicole X... invoque les faits suivants :- les conditions de travail " insupportables " que l'employeur imposait à son personnel en général et à elle-même en particulier, consistant, notamment, à la changer continuellement de poste de travail et ainsi à lui faire accomplir, à dessein de l'humilier, des tâches sans relation avec ses fonctions, ce qui caractérise une attitude inadmissible, méprisante et vexatoire ;- le retrait de ses responsabilités au niveau des caisses ;- les convocations fréquentes dans le bureau de M. Frédéric Y..., le gérant de la société CAREODIS, d'où elle revenait en pleurs ;- l'attitude de M. Y... consistant à la contredire sur tout, à la rabaisser sans cesse et à tenter de monter ses collègues de travail contre elle ;- une scène au cours de laquelle M. Y... a manifesté une colère hystérique à son égard au seul motif qu'elle avait ouvert les portes du magasin avant d'allumer les lumières ;
Qu'elle fait valoir que ces faits ont entraîné chez elle un syndrome dépressif réactionnel médicalement constaté ;
*** Attendu qu'à l'appui de cette demande, l'appelante verse aux débats :
- cinq attestations de collègues de travail (ses pièces no 19 à 23), à savoir Mmes Laétitia E..., Eliane F..., Carine G..., Sandrine K... et Annick D..., lesquelles en termes généraux, et sans jamais relater aucun fait concernant Mme Nicole X... en particulier, font part, de façon unanime, des heures supplémentaires non rémunérées que leur imposait l'employeur, des temps de pause non respectés, du paiement des salaires avec retard, et, pour certaines, des accusations relatives à des erreurs de caisse, des attitudes méprisantes de l'employeur ; que Mme E... indique que plusieurs salariées ont été arrêtées pour dépression nerveuse en raison des pressions et de l'attitude déplaisante manifestées par l'employeur ; que Mmes H... et G... précisent avoir démissionné pour ce motif, tandis que Mme D... indique avoir subi une dépression nerveuse du fait de l'attitude de l'employeur à son égard et des conditions de travail ;- une pétition établie à l'intention de M. Y..., signée par une soixantaine de clients du magasin SHOPI de La Flèche (pièce no 24) déclarant être témoins de la dégradation de l'ambiance de travail au sein du magasin, déplorant la disparition de la convivialité qui régnait avant l'arrivée de M. Y..., l'absence de chaleur et d'humanité ;
- la lettre du 28 avril 2007 portant transmission de cette pétition à l'inspecteur du travail, par les clients signataires, et faisant état de la dégradation des conditions de travail au sein du magasin, du constat d'une caissière insultée devant les clients et d'une autre " suspectée " devant une cliente, relatant le stress, la pression, le manque de confiance et de dialogue ressentis par les clients au sein du magasin, le manque d'amabilité du directeur, l'absence d'étonnement, mais l'inquiétude manifestés face à la situation de quatre employées en état de dépression nerveuse, les clients sollicitant in fine de l'inspecteur du travail qu'il se montre " attentif " à cette situation ;
- l'attestation de Mme Monique I..., une cliente, qui relate qu'alors que Mme X... était auparavant une salariée souriante, conviviale, appréciée et qui avait la confiance des anciens dirigeants du magasin, elle a pu constater, dans les trois mois qui ont suivi l'arrivée de M. Y... à la tête de l'entreprise, la dégradation de l'ambiance générale ainsi que la tristesse manifestée par Mme X... en particulier ; qu'elle indique avoir vu cette dernière pleurer après avoir été l'objet d'une " vive remarque " de la part de M. Y... devant des clients et l'avoir trouvée bien d'autres fois en pleurs à sa caisse ; qu'elle ajoute que les clients ont fait le constat de ce que les caissières, en particulier Mme X..., craquaient les unes après les autres et " s'enfonçaient " dans la dépression ;
- trois attestations (pièces no 9, 10 et 11) établies par Mmes Annick D..., Sandrine H... et Carine G... au sujet de faits concernant spécifiquement Mme X... ; Attendu qu'après avoir à nouveau relaté les comportements de l'employeur en général, Mme D... indique que Mme X... était, comme elle, reléguée à des tâches auparavant confiées à des apprenties ; Attendu que Mme Sandrine H... relate que M. Y... convoquait souvent Mme X... dans son bureau et qu'elle en redescendait en pleurant ; qu'il lui a imposé un dimanche d'arriver à six heures du matin, ce qui n'a jamais été demandé à aucune autre salariée ; qu'il lui a enlevé ses responsabilités au titre des caisses et que Mme X... ne cessait de pleurer ; Attendu que Mme Carine G... relate que M. Y... était sans cesse " sur le dos " de Mme X... et qu'il s'en prenait à elle à la première occasion en la rabaissant, qu'il a dénigré son travail et ses compétences auprès d'elle, a tout fait pour tenter de l'éloigner d'elle et de mettre Mme X... à l'écart, en indiquant qu'il lui fallait une équipe " jeune et dynamique " ; Attendu que Mme G... relate de façon circonstanciée un épisode au cours duquel, un matin avant l'ouverture du magasin, alors qu'elle comptait sa caisse et que Mme X... venait d'ouvrir les portes aux clients et d'allumer les allées centrales, M. Y... est arrivé " complètement hystérique " et s'en est pris à Mme X... " pendant plus de 5 mn " " la mâchoire serrée " et " le visage à quelques centimètres de celui de Mme X... " car elle avait allumé les lumières après avoir ouvert la porte d'entrée du magasin ;- le courrier qu'elle a adressé le 29 mai 2007 à l'inspecteur du travail, lui demandant " d'intervenir auprès de M. Y... pour empêcher ces pratiques barbares qui destabilisent ses employées aussi bien au niveau moral que physique " ;- le courrier du 20 janvier 2009 par lequel elle sollicitait certains éléments du médecin du travail et faisait état de l'attitude l'employeur consistant à avoir " joué avec la santé de ses employées ", à avoir provoqué des arrêts de maladie " en employant des méthodes d'esclavagisme modernes ", déclarant qu'elle était fragilisée par ces situations et le fait que personne ne réagisse ;
- la réponse du médecin du travail du 5 février 2002 de laquelle il ressort que les éléments recueillis au sujet de ses conditions de travail et de l'étude de son poste, et l'examen clinique auquel il avait procédé la concernant lui avaient permis de conclure qu'elle n'était plus capable de continuer à travailler dans cet établissement ;
- les avis d'arrêt de travail établis par le médecin traitant ; le courrier adressé par ce dernier le 10 mai 2007 au médecin du travail ainsi que l'attestation du médecin traitant en date du 23 mai 2008, ces deux documents faisant le constat chez Mme X... d'un " syndrome dépressif réactionnel à son environnement de travail ", la relation par la patiente d'une " pression morale au quotidien avec des remontrances qu'elle ne tolère pas et apparemment non justifiées " et mentionnant que cet état avait nécessité un traitement anti-dépresseur et anxiolytique ;
Attendu que Mme X... ne produit aucun élément, notamment aucun témoignage, à l'appui de son affirmation selon laquelle elle était continuellement changée de poste de travail ; attendu, s'agissant du comportement qui aurait consisté de la part de l'employeur à la reléguer à des tâches ne relevant pas de ses fonctions, qu'il n'est évoqué que par Mme Annick D... et ce, de façon lapidaire et par affirmation ; qu'un tel témoignage, isolé, imprécis, et non circonstancié, ne permet pas faire preuve, à lui seul, du fait ainsi allégué ;
Attendu, par contre que ces témoignage et pétition des clients, et témoignages des collègues de travail établissent :- non seulement une dégradation générale de l'ambiance de travail et des conditions de travail pour l'ensemble des salariés au sein du magasin SHOPI de La Flèche ensuite de la reprise de cet établissement par la société CAREODIS et en raison du comportement général de son dirigeant ;- mais aussi la réalité : ¤ d'une pression particulièrement soutenue exercée par l'employeur sur Mme X... au sujet de son travail, et ressentie, non seulement par les collègues de travail de l'intéressée, mais aussi par une cliente, pression se traduisant par des réprimandes, des critiques au sujet de son travail, du mépris, des convocations fréquentes dans le bureau du directeur d'où la salariée revenait en pleurs, une attitude de dénigrement auprès d'une autre salariée ; ¤ d'une vive remarque dont elle a été l'objet de la part du dirigeant en présence de clients ; ¤ de la scène relatée de façon circonstanciée par Mme G... et de la colère dont Mme X... a été victime de la part de son employeur pour avoir inversé l'ordre chronologique entre l'ouverture de la porte et l'éclairage du magasin, étant observé que la société CAREODIS reconnaît que son gérant a effectivement " réprimandé " la salariée ce jour là ;
Attendu, par ailleurs, que l'intimée reconnaît que son gérant a retiré à Mme X... la gestion des caisses et du coffre ;
Attendu qu'au regard de ces éléments, l'appelante établit la matérialité de faits précis et concordants qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral de la part de l'employeur à son égard ;
*** Attendu qu'outre une critique des attestations produites, la société CAREODIS explique que, lorsqu'elle a repris l'entreprise, elle a dû la réorganiser en raison de sa situation économique préoccupante, le chiffre d'affaires ne cessant de baisser au fil des années et les pertes de s'aggraver ; que, pour autant, il n'en est résulté, selon elle, aucune atteinte aux droits des salariés, notamment de Mme X... ; Que, s'agissant du retrait à cette dernière de la gestion des caisses et du coffre, sa décision était justifiée par les nombreuses et importantes erreurs de caisse qu'elle a commises ; que, pour les mêmes motifs, la même décision a d'ailleurs été prise à l'égard d'une autre salariée, Mme J... ; Attendu que la société CAREODIS verse aux débats des documents intitulés " rapports de caisse " concernant Mmes X..., D..., H..., G... et E... et rendant compte, pour chacune d'elles, de l'état de leur caisse à diverses dates précises des mois de mars, avril, mai et juin 2007, notamment d'erreurs de caisse ; Que, s'agissant de Mme X..., il en résulte que, sur sept jours du mois de mars 2007 (entre le 6 et le 26 mars) et sur deux jours du mois d'avril 2007 (les 22 et 27 avril), les erreurs de caisse commises par Mme X... auraient atteint un montant cumulé en négatif de 2 734, 49 €, étant soulignée une erreur de caisse de-1234, 61 € le 8 mars 2007 ; Attendu que les erreurs de caisse des 22 et 27 avril 2007 pour des montants respectifs de-236, 07 € et-1, 19 € n'apparaissent pas pouvoir être imputés à Mme X... puisqu'à ces dates, elle était en arrêt de travail ; Attendu que, même si les erreurs de caisse commises de façon successive en mars 2007 ont précédé de peu l'arrêt de travail de la salariée, leur caractère répété et l'importance de leurs montants (-103, 81 € le 6 mars,-1234, 61 € le 8 mars,-538, 72 € le 15 mars et-596 € le 19 mars) constituent des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement moral, qui justifient que l'employeur ait pris la décision de lui retirer la gestion des caisses et du coffre ;
Attendu, s'agissant de la scène relatée par Mme G... que, tout en la minimisant, l'intimée reconnaît que son dirigeant a, ce jour là, " réprimandé " Mme X... et argue de ce que cette réprimande était justifiée parce que cette dernière " ne respectait pas ses directives pourtant maintes fois rappelées " ; Mais attendu, outre que le témoignage de Mme G... rend bien compte de la violence de l'attitude manifestée par l'employeur à l'égard de l'appelante, de son caractère outrancier et de la disproportion entre la colère ainsi manifestée et le motif qui l'a suscitée, que l'employeur ne produit aucun justificatif à l'appui de ses allégations selon lesquelles Mme X... n'aurait pas respecté ses directives et consignes, ne produisant, notamment, aucun rappel à l'ordre écrit adressé à la salariée ; que la colère excessive manifestée à l'égard de Mme X... n'est donc justifiée par aucun élément objectif étranger à tout harcèlement moral ;
Attendu, s'agissant des pressions répétées ci-dessus décrites exercées à l'encontre de l'appelante, à type notamment de réprimandes, d'attitudes méprisantes, de convocations, et de la vive remarque dont elle a été l'objet en présence de clients, que l'employeur se contente de les dénier et de contester le caractère probant des témoignages produits en dépit de leur caractère concordant ; qu'il ne démontre donc pas que ces agissements aient pu être justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral ;
Attendu que ces pressions réitérées, la vive remarque faite devant les clients, la colère décrite par Mme G..., faits dont il est établi par les témoignages et les pièces médicales versées aux débats qu'ils ont provoqué une dégradation importante des conditions de travail de Mme X..., qu'ils ont gravement altéré sa santé psychologique, en provoquant chez elle un état dépressif et anxieux, et compromis son avenir professionnel, caractérisent de la part de l'employeur des agissements répétés de harcèlement moral ; que la cour trouve dans la cause les éléments nécessaires pour évaluer à 1 500 € le montant de l'indemnité propre à réparer le préjudice qui en est résulté pour Mme X... ;
Sur la mise hors de cause de L'A. G. S :
Attendu que les textes prévoyant que l'AGS doit être appelée à la cause dans le cadre des procédures prud'homales visent exclusivement les situations dans lesquelles est ouverte une procédure de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou de sauvegarde ; que tel n'est pas le cas en l'espèce s'agissant de la société CAREODIS, laquelle a seulement fait l'objet de la part de son assemblée générale extraordinaire d'une décision de dissolution et de liquidation amiable ; qu'il convient donc de mettre l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés hors de cause ;
Sur les dépens et frais irrépétibles :
Attendu, Mme Nicole X... prospérant en son recours, que la société CAREODIS " société en liquidation " sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et à payer à Mme Nicole X... la somme de 2 000 € au titre de l'ensemble de ses frais irrépétibles, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il a débouté l'intimée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Rejette la demande de la société CAREODIS tendant à voir écarter des débats les pièces no 8 et 27 communiquées par Mme Nicole X... ;
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société CAREODIS de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement déféré,
Dit que l'inaptitude de Mme Nicole X... est d'origine professionnelle ;
Déboute cette dernière de sa demande en nullité de son licenciement, mais dit son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société CAREODIS " société en liquidation " à lui payer les sommes suivantes :
-2 600 € (deux mille six cents euros) € à titre d'indemnité compensatrice,-8 381, 37 € (huit mille trois cent quatre-vingt un euros et trente-sept centimes) à titre d'indemnité spéciale de licenciement,-22 500 € (vingt-deux mille cinq cents euros) € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-1 500 € (mille cinq cents euros) de dommages et intérêts pour harcèlement moral,-2 000 € (deux mille euros) au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Déboute Mme X... de sa demande en paiement de la somme de 260 € pour congés payés afférents à l'indemnité compensatrice ;
Déboute la société CAREODIS " société en liquidation " de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Met l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés hors de cause ;
Condamne la société CAREODIS " société en liquidation " aux entiers dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02811
Date de la décision : 17/04/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-04-17;10.02811 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award