COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02463.
Jugement Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LAVAL, du 21 Septembre 2010, enregistrée sous le no 15/ 08
ARRÊT DU 03 Avril 2012
APPELANTE :
SOCIETE CSF FRANCE sous l'enseigne CHAMPION Zone Industrielle Route de Paris 14120 MONDEVILLE
représentée par Maître Rachid ABDERREZAK substituant Maître Camille-Frédéric PRADEL (SCP), avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEES :
Madame Fatima Z......... 53000 LAVAL
représentée par Maître Lucie MAGE, avocat au barreau de LAVAL
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA MAYENNE (C. P. A. M) 37 Bd Montmorency 53084 LAVAL CEDEX 9
représentée par Madame Céline X..., munie d'un pouvoir
A LA CAUSE :
MISSION NATIONALE DE CONTROLE DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE Antenne de Rennes 4 avenue du Bois Labbé-CS 94323 35043 RENNES CEDEX
avisée, absente, sans observations écrites
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 03 Avril 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Madame Fatima Z..., employée comme hôtesse de caisse par la société CSF France, dont l'activité est la distribution de produits alimentaires sous l'enseigne Champion, a transmis à la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne un certificat médical initial du 20 juillet 2007, établi par le docteur A..., médecin généraliste, et faisant état d'une névralgie cervico brachiale aggravée.
La société CSF France a, le 23 juillet 2007, établi une déclaration d'accident du travail indiquant : " en poussant des caddies avec une autre collègue (Mme B...) a déclaré s'être fait mal à l'épaule gauche. "
La caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne, après instruction du dossier a notifié à Mme Z..., par courrier du 29 août 2007, son refus de reconnaître le caractère professionnel de la lésion déclarée et de la prendre en charge au titre des accidents du travail.
Mme Z... a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne qui, par décision du 7 janvier 2008, a rejeté sa demande de voir pris en charge l'accident au titre des accidents du travail.
Mme Z... a, le 29 janvier 2008, formé devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne un recours contre la décision de la commission de recours amiable et le tribunal, par jugement du 20 novembre 2008, a reconnu l'existence le 20 juillet 2007 d'un fait accidentel ayant le caractère d'un accident du travail, et a ordonné une expertise médicale en donnant mission à l'expert judiciaire, le docteur C..., de dire :
- si l'arrêt de travail de Mme Z... du 20 juillet 2007 était lié à son accident du travail du 20 juillet 2007 ou à une maladie antérieure,
- la durée des arrêts imputables à l'accident du travail du 20 juillet 2007.
Par jugement du 21 septembre 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne a :
- dit que Mme Z... a été victime d'un accident du travail le 20 juillet 2007,
- rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise du docteur C...,
- dit que l'arrêt de travail du 20 juillet 2007 au 28 juillet 2007 est imputable à l'accident du travail et doit être pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne au titre de la législation sur les accidents du travail,
- débouté Mme Z... de ses demandes relatives aux arrêts de travail du 21 janvier 2008 au 20 février 2009 et du 2 mars 2009 au 16 mars 2009 qui ne peuvent être imputés à l'accident du travail du 20 juillet 2007,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit le jugement opposable à la société CSF France,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La décision a été notifiée à Mme Z..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne et à la société CSF France le 24 septembre 2010.
La société CSF France a fait appel du jugement par lettre postée le 30 septembre 2010.
OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES
La société CSF France demande à la cour, par observations orales à l'audience, reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 11 janvier 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, d'infirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne du 21 septembre 2010 sauf en ce qu'il a débouté Mme Z... de ses demandes relatives aux arrêts de travail du 21 janvier 2008 au 20 février 2009 et du 2 mars 2009 au 16 mars 2009, et statuant à nouveau, de :
- constater que la preuve de la matérialité d'un fait accidentel au temps et au lieu du travail le 20 juillet 2007 à l'origine d'une lésion imputable au travail n'est pas, en l'espèce, rapportée,
- confirmer la décision de refus de prise en charge de la commission de recours amiable du 7 janvier 2008,
- constater l'absence de mise en oeuvre, par Mme Z..., d'un recours devant la commission de recours amiable en contestation du refus de prise en charge de la névralgie cervico-brachiale en date du 18 juillet 2007 au titre de la législation professionnelle,
- constater le caractère définitif du refus de prise en charge de la névralgie cervico-brachiale au titre de la législation professionnelle à compter du 19 septembre 2007,
- lui déclarer inopposable la décision ultérieure de prise en charge de " l'accident " en date du 21 septembre 2010.
La société CSF France en premier lieu, prenant acte d'un arrêt de la Cour de Cassation du 1er décembre 2011 jugeant qu'" un employeur n'est pas recevable à invoquer l'irrégularité de la procédure administrative d'instruction d'une demande de prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle menée par une caisse, lorsque la décision de prise en charge résulte d'une décision juridictionnelle rendue dans une procédure intentée par le salarié qui conteste la décision de refus opposée par la caisse, procédure dans laquelle l'employeur, qui y a été appelé, a pu faire valoir ses moyens de défense " ne soutient plus aux termes de ses dernières écritures, reprises oralement devant la cour, qu'il y ait eu absence à son égard du respect de l'obligation d'information et du principe du contradictoire " lors des phases d'instruction de la demande de reconnaissance de l'accident déclaré par Mme Z... ni que la décision de prise en charge du 21 septembre 2010 lui soit de ce fait inopposable ;
La société CSF France soutient :
¤ que la matérialité d'un fait accidentel le 20 juillet 2007 n'est pas établie :
Elle relève que le médecin traitant de Mme Z... a, dès le 18 avril 2007, diagnostiqué une névralgie cervico-brachiale, diagnostic confirmé par un certificat médical postérieur, et que le 4 juin 2007, Mme Z... a présenté une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour cette pathologie, reconnaissance qui lui a été refusée par courrier de la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne du 18 juillet 2007 ; que Mme Z... a ensuite invoqué la survenance d'un " fait accidentel " du vendredi 20 juillet 2007, 15 minutes après avoir pris son service à 8heures 45, en indiquant " qu'en poussant des caddies avec une autre collègue elle se serait fait mal à l'épaule gauche " ;
La société CSF France rappelle qu'ayant à la demande de Mme Z... régularisé le 23 juillet 2007 une déclaration " accident du travail ", elle a dès l'origine émis des réserves sur le caractère professionnel des lésions déclarées, en observant que dès 8H45 le 20 juillet 2007, la salariée avait signalé qu'elle avait rendez-vous le 24 juillet 2007 pour un scanner, prévu depuis plusieurs jours et concernant son problème de névralgie cervico-brachiale ; que la caisse, après instruction de la demande de Mme Z..., lui a notifié un refus motivé en ce " qu'il n'existe pas de preuve que l'accident invoqué se soit produit par le fait ou à l'occasion du travail, ni même de présomptions favorables, précises et concordantes en cette faveur " ; que l'enquêteur de la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne a relevé des contradictions entre les affirmations de la victime et les déclarations de ses collègues et que le médecin conseil de la caisse d'assurance maladie, sollicité, a donné pour avis que " le certificat médical initial ne fait pas mention de lésion de l'épaule mais d'une pathologie non traumatique " ;
La société CSF France conteste enfin les conclusions de l'expert judiciaire le docteur C..., qui a indiqué que Mme Z... présentait, outre la névralgie cervico-brachiale, une pathologie du canal carpien, mais actuellement pratiquement asymptomatique, et qu'il convenait donc d'écarter de l'examen des lésions éventuellement rattachables aux faits invoqués du 20 juillet 2007, et une tendinopathie calcifiante de la coiffe des rotateurs " révélée le 20 juillet 2007 " ; qu'il faut néanmoins observer que le certificat médical initial mentionne une névralgie cervico-brachiale, et non une tendinopathie calcifiante de la coiffe des rotateurs ; qu'en outre, la littérature médicale la plus récente énonce que la calcification des tendons de l'épaule est une pathologie sans rapport avec l'usure, une sollicitation excessive ou un traumatisme, mais résulte d'un mécanisme cellulaire qui serait un manque d'oxygène au niveau de l'attache du tendon ; que pas plus qu'une névralgie cervico-brachiale la tendinopathie calcifiante de la coiffe des rotateurs ne peut donc être la conséquence d'un accident du travail.
¤ que le refus de prise en charge notifié à Mme Z... le 18 juillet 2007 a un caractère définitif :
La société CSF France observe que le 18 avril 2007, le médecin traitant de Mme Z... a diagnostiqué une névralgie cervico-brachiale, et que la salariée a présenté le 16 mai 2007 à la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne une demande de reconnaissance en maladie professionnelle qui a fait l'objet d'un refus notifié le 18 juillet 2007, lequel refus n'a pas été contesté par Mme Z... devant la commission de recours amiable ; que ce refus de prise en charge de la névralgie cervico-brachiale au titre de la législation professionnelle est donc devenu définitif à compter du 19 septembre 2007, qu'il a acquis l'autorité de la chose décidée.
La société CSF France observe que Mme Z... a cependant demandé le 20 juillet 2007, soit deux jours après le refus de prise en charge au titre de la maladie professionnelle, la prise en charge de sa névralgie cervico-brachiale au titre de la législation sur les accidents du travail ; que la commission de recours amiable a fort logiquement rejeté le recours que Mme Z..., a ensuite formé sur la décision de refus de la caisse du 29 août 2007, puisque la seule voie de recours qui était ouverte à Mme Z... consistait à saisir la commission de recours amiable en contestation de la décision du 18 juillet 2007.
La société CSF France demande en conséquence à la cour de constater le caractère définitif du refus de prise en charge de la névralgie cervico-brachiale en date du 18 juillet 2007, et de déclarer que la décision de prise en charge ultérieure du 21 décembre 2010, résultant du jugement, lui est inopposable.
La caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne demande à la cour, par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 12 janvier 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de lui décerner acte de ce qu'elle s'en remet à son appréciation, s'agissant de la survenance d'un fait accidentel le 20 juillet 2007 au temps et lieu du travail.
- s'il n'est pas admis la survenance d'un fait accidentel à Mme Z... le 20 juillet 2007 au titre de la législation professionnelle, de constater que la caisse ne sera pas tenue à l'égard de Mme Z... de prendre en charge les conséquences liées au fait accidentel du 20 juillet 2007 au titre de la législation professionnelle.
- s'il est admis la survenance d'un fait accidentel à Mme Z... le 20 juillet 2007 devant être admis au titre de la législation professionnelle, de confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne du 21 septembre 2010 et de débouter la société CSF France de l'ensemble de ses demandes.
La caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne soutient que le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne est parfaitement motivé quant à l'existence d'un fait accidentel du 20 juillet 2007, et a répondu aux interrogations liées aux conséquences exactes de l'accident en ordonnant une mesure d'expertise ; qu'il y a lieu de confirmer également les dispositions du jugement selon lesquelles seul est imputable à l'accident du travail l'arrêt de travail prescrit du 20 au 28 juillet 2007, les autres arrêts de travail, soit les arrêts du 21 janvier 2008 au 20 février 2009 et du 2 au 16 mars 2009 ne l'étant pas.
Mme Z... demande à la cour, par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 10 juin 2011, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'accident du 20 juillet 2007 survenu au magasin Champion de Laval où elle travaillait revêt un caractère professionnel et doit donc être pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail ; de le réformer pour le surplus, et de dire que l'ensemble des arrêts consécutifs, à savoir ceux du 20 au 28 juillet 2007, du 21 janvier 2008 au 2 février 2009, et du 2 mars 2009 au 16 mars 2009, doivent être pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne au titre de la législation sur les accidents du travail ; de condamner La société CSF France à lui payer la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Mme Z... soutient :
- qu'on ne peut sérieusement déduire de l'indication portée par le médecin sur le certificat initial, en particulier de l'utilisation du mot " névralgie ", qu'il n'y aurait pas eu de traumatisme ; que ce médecin fait expressément référence à un accident du travail survenu au magasin Champion ; que l'enquêteur de la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne précise dans son rapport que la collègue de Mme Z..., Mme B..., a bien confirmé que Mme Z... lui avait dit qu'elle s'était fait mal ; que l'employeur de Mme Z... a sollicité l'intervention d'un médecin contrôleur pour vérifier la réalité de l'affection et que ce dernier après sa visite de contrôle du 27 juillet 2007 a conclu " l'arrêt de travail est médicalement justifié ce jour " ; qu'il y a donc bien accident du travail au sens de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale ;
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le fait accidentel du 20 juillet 2007
L'accident du travail est, aux termes de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, " quelle qu'en soit la cause ", " l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. La société CSF France soutient que la preuve de l'existence d'un fait accidentel le 20 juillet 2007 n'est pas rapportée par Mme Z... et que la motivation des jugements du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne des 20 novembre 2008 et 21 septembre 2010 est insuffisante sur ce point.
Il est acquis que Mme Z... travaillait le 20 juillet 2007 comme hôtesse de caisse au magasin supermarché Champion de Laval, établissement de la société CSF France, et qu'elle a pris son service à 8H 45mn de manière habituelle, celui-ci se terminant à 14H.
Il est encore certain que les hôtesses de caisse de ce magasin avaient pour consigne, lorsque la clientèle n'était pas nombreuse, de ranger les caddies laissés par les clients sur le parking, et que c'est pour l'accomplissement de cette tâche, à 9h, que Mme Z..., accompagnée d'une collègue, Mme B..., a poussé un ensemble de caddies.
Il résulte de l'ensemble des pièces versées aux débats que vers 9H, au cours de l'accomplissement de cette tâche de rangement de caddies, Mme Z... s'est plainte d'avoir ressenti une vive douleur à l'épaule gauche.
Mme D... a, pour le supermarché Champion, établi à la demande de Mme Z... une fiche " SST d'intervention " qui indique : " s'est fait mal à l'épaule gauche en ramenant des caddies dans le magasin ".
Cette fiche mentionne aussi que la salariée a pris " rendez-vous chez son médecin 16 H ce même jour " et qu'il y a un témoin de l'accident : " Mme B... ".
L'employeur a, le 23 juillet 2007, renseigné une déclaration d'accident du travail indiquant quant aux circonstances de l'accident : " Sur le parking ; En poussant avec une autre collègue (Mme B...) a déclaré s'être fait mal à l'épaule gauche ".
Le médecin traitant de Mme Z... a, pour sa part, le 20 juillet 2007 établi un certificat médical d'accident du travail en prescrivant un arrêt de travail du 20 au 28 juillet 2007.
Une enquête a été diligentée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne et l'enquêteur, M. E..., a entendu du 14 au 26 novembre 2007, Mme Z..., Mme D..., Mme B..., et l'employeur ; il énonce dans son rapport : " Des éléments recueillis, même s'il y a un fait précis, survenu au temps et au lieu du travail, étant à l'origine d'une lésion qui pourrait bénéficier de la présomption d'imputabilité, il existe cependant des contradictions entre les affirmations de la victime et les déclarations de ses collègues hôtesses de caisse ".
L'existence d'un fait accidentel apparaît donc comme ayant été retenue par l'enquêteur, le premier juge observant avec pertinence que les " contradictions " mentionnées par M. E... sont inopérantes quant à la réalité des faits puis qu'elles consistent à relever que Mme Z... dit avoir poussé un cri quand elle s'est fait mal, tandis que Mme B... indique qu'elle lui a dit " j'ai dû me faire mal à l'épaule ", cette différence dans la manifestation de la douleur ressentie par Mme Z... n'étant pas signifiante, et d'autre part, que Mme Z... était seule quand elle est venue prévenir Mme D... de l'accident, et non accompagnée de Mme B..., ce dont aucune déduction ne paraît non plus pouvoir être objectivement tirée.
Enfin, l'employeur a demandé un contrôle de l'arrêt de travail délivré à Mme Z... et celle-ci a donc été contrôlée le 27 juillet 2007 à son domicile par le docteur F..., médecin-contrôleur, qui a conclu dans ces termes : " l'arrêt de travail est médicalement justifié ce jour ".
Comme l'a relevé le premier juge dans le jugement du 20 novembre 2008, auquel renvoie le jugement du 21 septembre 2010, plusieurs éléments objectifs viennent par conséquent corroborer les déclarations de Mme Z... : le témoignage de Mme B... qui a constaté qu'elle se plaignait de la survenance soudaine d'une douleur à l'épaule gauche, alors qu'elles poussaient ensemble un ensemble de caddies ; le témoignage de Mme D..., qui a renseigné une fiche d'intervention ; la consultation le jour même par Mme Z... de son médecin traitant et l'établissement par celui-ci d'une déclaration d'accident du travail et d'un arrêt de travail ; les constatations du médecin-contrôleur, mandaté par l'employeur.
Au regard des éléments objectifs sus-décrits, la matérialité d'un fait précis survenu soudainement au cours ou à l'occasion du travail et qui est à l'origine d'une lésion corporelle est établie ; dès lors, la lésion subie le 20 juillet 2007 par Mme Z... au temps et au lieu du travail doit être considérée comme résultant d'un accident du travail, sauf s'il est rapporté la preuve que cette lésion a une origine totalement étrangère au travail.
La présomption d'imputabilité au travail, qui résulte des dispositions de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, est une présomption simple, susceptible de preuve contraire.
Il appartient à l'employeur, la société CSF France, qui la combat, de prouver la cause étrangère au travail, ce qu'il ne fait pas puisqu'il se contente de contester la matérialité de l'accident, dont on a vu qu'elle était cependant établie par des éléments objectifs corroborant les allégations de la victime.
Les documents de " littérature médicale " apportés par la société CSF France, qui consistent en un article du centre orthopédique Santy de Lyon, afférent à la " pathologie de la coiffe des rotateurs ", ne font pas la preuve de l'existence d'une cause étrangère au travail, et ne s'opposent pas non plus aux conclusions de l'expert judiciaire en ce qu'ils n'établissent pas l'impossibilité d'une origine traumatique de la tendinopathie calcifiante de la coiffe des rotateurs mais constituent seulement un avis médical parmi d'autres, au demeurant non affirmatif, puisqu'il est dit dans ce document que " la pathogénie de ces calcifications constituées d'apatite carbonatée reste méconnue ", que les formes de cette pathologie sont multiples et que les théories médicales existantes ne les expliquent pas toutes.
On ajoutera que l'expert judiciaire a en outre uniquement constaté l'existence d'une pathologie de la coiffe des rotateurs correspondant à une tendinopathie calcifiante de cette même coiffe qui s'est " révélée " le 20 juillet 2007 et qui est liée à cet accident et indépendante de son état antérieur.
Il y a lieu dans ces conditions de confirmer le jugement du 21 septembre 2010 en ce qu'il a dit que Mme Z... a été victime d'un accident du travail le 20 juillet 2007.
Sur les arrêts de travail
Il est établi que Mme Z... souffrait de son épaule gauche avant le 20 juillet 2007, puisqu'elle a, le 16 mai 2007, déclaré des névralgies cervico-brachiales, avec production d'un certificat médical de première constatation du 18 avril 2007, et avait dans ce cadre pris rendez-vous pour la réalisation d'un scanner du rachis cervical qui a été effectué le 24 juillet 2007.
La caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne lui a notifié le 18 juillet 2007 un refus de prise en charge de cette pathologie au titre de la maladie professionnelle.
Le premier juge a, dans ce contexte, considéré justement qu'un doute existait sur les conséquences exactes de l'accident du 20 juillet 2007 et a ordonné une expertise qui a été confiée au docteur C..., chirurgien orthopédiste au centre hospitalier de Laval, avec mission de dire :
- si l'arrêt de travail de Mme Z... en date du 20 juillet 2007 est lié à son accident du travail du 20 juillet 2007 ou à une maladie antérieure,
- la durée des arrêts imputables à l'accident du travail du 20 juillet 2007.
L'employeur ne soulève plus devant la cour la nullité du rapport déposé par le docteur C..., demande de nullité qui a été rejetée par le premier juge.
Après examen de la victime, au centre hospitalier de Laval, en présence du docteur H... médecin conseil de la société CSF France et connaissance prise de l'ensemble des pièces médicales produites par les parties, le docteur C... a conclu, de manière claire et précise, en ces termes :
" Madame Fatima Z... présente au niveau de son membre supérieur gauche trois pathologies distinctes :
1- une névralgie cervico-brachiale qui est apparue en avril 2007 2- une pathologie de la coiffe des rotateurs correspondant à une tendinopathie calcifiante de cette même coiffe qui s'est révélée le 20 juillet 2007 et qui est liée à cet accident et indépendante de son état antérieur, 3- un syndrome du canal carpien gauche actuellement pratiquement asymptomatique "
L'expert ajoute :
" Les arrêts de travail imputables à l'accident du travail du 20 juillet 2007 sont :- arrêt de travail du 20 juillet 2007 au 28 juillet 2007.
- arrêt de travail du 21 janvier 2008 au 2 février 2009 ainsi que celui du 2 mars 2009 au 16 mars 2009. Ces deux derniers arrêts de travail (du 21/ 01/ 2008 au 02/ 02/ 2009 et 02/ 03/ 2009 au 16/ 03/ 2009) invoqués par la victime mais qui n'a présenté aucun document pouvant faire la preuve, sont peut être en lien direct avec les conséquences de l'accident du 20. 07. 2007. il revient à la victime et à son médecin traitant d'en faire la preuve mais en l'absence de tout document, il est impossible de se prononcer avec certitude. "
L'arrêt de travail du 20 au 28 juillet 2007 doit par conséquent être retenu comme imputable à l'accident du travail du 20 juillet 2007, au regard des constats de l'expert et au regard également de l'avis du médecin-contrôleur, mandaté par l'employeur et qui a dit justifié, le 27 juillet 2007, l'arrêt de travail en cours depuis le 20 juillet 2007.
Mme Z... invoque également l'existence d'arrêts de travail du 21 janvier 2008 au 2 février 2009 et du 2 mars 2009 au 16 mars 2009 mais ne les a pas produit devant l'expert, qui n'a pu, dès lors, se prononcer sur leur imputabilité à l'accident du travail du 20 juillet 2007. Elle ne les produit pas devant la cour.
Faute de produire ces arrêts de travail, dont on ignore du chef de quelle pathologie ils ont été prescrits, Mme Z... ne peut pas prétendre bénéficier de la présomption d'imputabilité en ce qui les concerne.
Le seul certificat médical produit par Mme Z... devant la cour est un certificat médical de rechute établi par son médecin traitant, le docteur Sylvie I..., et prescrivant un arrêt de travail du 21 janvier 2008 au 5 février 2008 pour " traumatisme épaule gauche ". La rechute suppose que l'état de Mme Z... a été précédemment consolidé. Un tel arrêt de travail, lié à une rechute, ne peut pas bénéficier de la présomption d'imputabilité à l'accident du travail initial.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme Z... de ses demandes relatives aux arrêts de travail du 21 janvier 2008 au 2 février 2009 et du 2 mars 2009 au 16 mars 2009, qui ne peuvent être imputés à l'accident du travail du 20 juillet 2007.
Sur l'autorité de chose décidée du refus de la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne de prise en charge notifié le 18 juillet 2007
La société CSF France soutient que Mme Z..., qui avait reçu notification le 18 juillet 2007 d'un refus par la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne, de prise en charge de la pathologie déclarée le 16 mai 2007 au titre de la maladie professionnelle, et qui n'a pas saisi la commission de recours amiable d'une contestation de cette décision de refus, doit se voir opposer, quant à la demande de prise en charge de l'accident du travail du 20 juillet 2007, l'autorité de chose décidée par la caisse d'assurance maladie ; que la décision de refus du 18 juillet 2007 est devenue définitive à compter du 19 septembre 2007.
La société CSF France relève encore que la déclaration du 16 mai 2007 visait une névralgie cervico-brachiale, que le certificat médical initial établi le 20 juillet 2007 par le docteur A... mentionne également comme pathologie une " névralgie cervico brachiale aggravée ", qu'il s'agit donc d'une unique pathologie et d'une même demande à laquelle la caisse a répondu par un refus, devenu définitif le 19 septembre 2007 ; qu'en conséquence, à défaut d'avoir saisi la commission de recours amiable d'un recours après la notification du 18 juillet 2007, Mme Z... ne pouvait plus utilement renouveler une demande de prise en charge, que celle-ci a été justement rejetée par la commission de recours amiable dans sa décision du 29 août 2007 et que la décision de prise en charge du 21 septembre 2010, résultant de la décision judiciaire, doit être dite inopposable à l'employeur.
Il a néanmoins été relevé par la cour que la matérialité de l'accident du travail du 20 juillet 2007 est établie, ainsi que le premier juge l'avait pour sa part d'ores et déjà constaté.
La maladie professionnelle, qui ne procède pas d'un fait soudain, et ne répond pas à la même définition que l'accident du travail, ne peut pas être confondue avec celui-ci.
En outre, alors qu'elle avait reçu notification d'un refus pour sa déclaration de maladie professionnelle le 18 juillet 2007, Mme Z... a, le 20 juillet 2007, c'est-à-dire postérieurement à ce refus, fait état d'un accident du travail qui ne pouvait par conséquent pas avoir été inclus dans sa demande en reconnaissance du 16 mai 2007.
La reconnaissance de l'accident du travail de Mme Z... du 20 juillet 2007 résultant du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne du 21 septembre 2010, qui ne porte pas sur la demande de reconnaissance de maladie professionnelle formée par Mme Z... le 16 mai 2007, doit être dite opposable à la société CSF France.
Sur les frais non compris dans les dépens
Les dispositions du jugement à ce titre sont confirmées.
Il ne paraît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge des frais engagés dans l'instance d'appel.
Il est rappelé que la procédure est gratuite et sans frais.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne du 21 septembre 2010.
LAISSE à chaque partie la charge des frais engagés dans l'instance,
RAPPELLE que la procédure est gratuite et sans frais.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL